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Etapes du processus de retournement, ou d'éversion, d'une sphère transparente

De bas en haut : 1 et 2 - Création des premier et deuxième doubles de la courbe ; 3 - Etat de la sphère, à mi-chemin du processus.

 

J'aime bien feuilleter d'anciens numéros de Pour la science. Un jour, par hasard, je suis tombée sur un article intitulé Le retournement de la sphère. L'article portait la signature de Bernard Morin et datait de janvier 1979. Je n'ai pas compris grand chose à la démonstration, mais j'ai reconnu là quelque chose de ce que l'expérience sensible nous représente oneiropoloumen, comme en rêve, quelque chose en quoi s'entretient, dans le secret de l'intime, le rapport du Moi au Non-Moi, i. e. le possible de notre rapport au monde. D'Héraclite à Merleau-Ponty, puis à René Thom, l'énigme de la chair et du chiasme constitue un point de fixation du thaumazein, de l'étonnement premier.

Héraclite, Fragments, 10 (Diels)

Sunapsies hola kai oukh hola, noeuds : touts et non-touts, dit Héraclite, qui nomme synapse, ou noeud, le phénomène à la faveur duquel touts et non-touts, ego et phusis, Moi et Non-Moi s'entretiennent abyssalement. Ce phénomène, c'est le retournement de la chair, de la phrên, i. e. le processus d'éversion phrénique. Il n'y a, en vertu d'un tel processus, pas de solution de continuité entre le dehors et le dedans, le clair et l'obscur, l'ouvert et le clos, ou, comme dit Heidegger, entre monde et terre.

Il faut, à l'origine de cet alogon, inconcevable miracle, un comment de la phrên qui, de façon sous-jacente à cette dernière, la détermine essentialiter en tant que process. Merleau-Ponty nomme ce comment du procès charnel, le chiasme. Empruntant ce vocable à la rhétorique, il désigne sous le nom de chiasme cette espèce de torsion monde-sujet en quoi se réserve le possible de l'éversion, d'où l'invisible réversibilité du touchant et du toucher, du visible et du voir, - figure essentielle de la vie.

La dite réversibilité, note René Thom, constitue le comment du devenir-forme, i. e. celui du processus sans pourquoi, qui, de façon indépendante du substrat et de la nature des forces agissantes, fait que toute singularité s'entretient à la fois conformément au modèle qu'elle produit en même temps qu'elle le déploie, et relativement à l'infinie diversité des modèles, produits et déployés par les singularités circonvoisines.

La stabilité d'une forme, ainsi que d'un tourbillon dans le flot héraclitéen de l'écoulement universel, repose en définitive sur une structure de caractère algébrico-géométrique [...] dotée de la propriété de stabilité structurelle vis-à-vis des perturbations incessantes qui l'affectent. C'est cette entité algébrico-topologique que nous proposons d'appeler - en souvenir d'Héraclite - le logos de la forme.

René Thom, Topologie et signification, 1968, in Modèles mathématiques de la Morphogenèse, 1980, pp. 175-176

Il y a, constate René Thom, une syntaxe des logoï, qui instruit, de façon cachée, les rapports entre le local et le global, - une singularité n'étant rien d'autre, remarque Krzysztof Pomian, qu'une sorte de concentré en un point de propriétés globales qu'il s'agit partant de déployer pour les mettre en évidence.

C'est cette syntaxe des logoï que déploie le mathématicien, lorsqu'il entreprend de montrer en quoi consiste le possible du retournement de la sphère et comment se présente la réalité d'un tel retournement.

Schéma en 3D du retournement de la sphère

Optiverse

L'aventure du retournement de la sphère se réclame des travaux précurseurs, initiés à l'Université de Princeton par le mathématicien français Bernard Morin. Celui-ci crée en 1980 un modèle d'éversion de la sphère, exploitant les propriétés de la surface dite "de Morin". Aujourd'hui connu sous le nom de half-way, ce modèle a fait l'objet d'une simulation sur ordinateur baptisée Optiverse. On peut admirer sur le Net les splendides images extraites du film réalisé à cette occasion par John Sullivan, George Francis, et Stuart Levy. Aveugle depuis son enfance, Bernard Morin n'a pas pu suivre les développements induits par le travail de visualisation de sa théorie. Il a en revanche suscité des tentatives de fabrication de sphères illustrant les propriétés de la polyhedral Morin Surface, d'abord fabriquées, à sa demande, en grillage à poules, puis réalisées en plâtre, en neige, etc., par des sculpteurs. Ci-dessous, une Snowball construite en 2004 par John Sullivan.

http://torus.math.uiuc.edu/jms/Snow/04/

La réalisation d'une sphère qui soit effectivement réversible, pose des problèmes de conception dignes du cercle carré. La simulation filmée John Sullivan, George Francis, et Stuart Levy, montre qu'il faut pouvoir déformer la sphère de départ par une série de transformations pour constituer une surface à deux feuillets, puis comme la surface peut s'autotraverser, intervertir les deux feuillets, et revenir en sens inverse en parcourant la première série de transformations à l'envers. Le revêtement à deux feuillets est une surface de Boy, du nom du mathématicien Werner Boy, qui l'a inventée en 1901, dans un autre contexte, et qui était un élève de Hilbert.

http://archives.arte-tv.com/hebdo/archimed/plus/archimede000919.htm

D'où la difficulté qui subsiste, concernant la mise au point du matériau adéquat.

Retourner une sphère, c'est imaginer une déformation permettant d'échanger sa face interne avec sa face externe sans trouer ni plier sa membrane ! On a beau appuyer de toutes les manières possibles sur un ballon, l'opération est impossible si on ne se donne pas de marge de manoeuvre supplémentaire.

http://publimath.irem.univ-mrs.fr/bibliocomp/IST99010.htm

L'éversion physique de la sphère reste pour le moment en chantier. L'extrême complexité de l'opération augmente toutefois le caractère attractif de cette dernière. Elle stimule l'imagination des topologues, a fortiori celle des rêveurs candides.

Il est permis de penser, remarque Krzysztof Pomian, que ce qu'un mathématicien fait de manière réfléchie et rigoureuse, en montrant que telle forme est la projection de telle dynamique, le cerveau humain le fait inconsciemment, en procédant à cette modélisation spontanée qui nous est commune avec les animaux et à laquelle se ramène une part importante de nos activités cognitives. Cette modélisation consiste donc en la reproduction cérébrale d'une dynamique extérieure à partir de la forme qui en est la projection et qu'appréhende le regard [ou l'imaginaire]. L'adéquation du modèle à ce qu'il modélise peut alors être définie comme une mise en résonance de deux dynamique, interne et externe.

Aristote disait déjà de la phantasia, l'imagination, que, tenant lieu de fond materialiter à l'activité de la psukhê, l'âme, elle entretient au sein de cette dernière la limitrophicité de l'aisthêsis et du noein, celle du sentir et du penser. A ce titre, elle constitue le lieu de l'éversion princeps.

Quant à l'âme dans son activité dianoétique, les phantasmata lui tiennent lieu de fonds, puisque, de façon plus originaire encore, ils tiennent lieu de fonds à la sensation.

Aristote, De l'âme, III, 7, 431 a

 

Vues du processus d'éversion, à mi-chemin

 

Références :

Héraclite, Fragments

Merleau-Ponty, L'entrelacs et le chiasme, in Le visible et l'invisible, 1979

René Thom, Topologie et signification, 1968, in Modèles mathématiques de la Morphogenèse, 1980

Krzysztof Pomian, La philosophie de René Thom, in Logos et théorie des catastrophes, Colloque de Cerisy, 1988

Aristote, De l'âme

Optiverse

Archimède

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2005