Christine Belcikowski. Publications
Christine Belcikowski. Publications 2
Christine Belcikowski. Publications 3
Christine Belcikowski. Publications 4
Adrien Goetz, Intrigue à Versailles
Quand Sacha Guitry parle de La Fontaine
Adrien Goetz et Karen Knorr, Le soliloque de l'empailleur
Philippe Batini, La sentinelle du Danube
Adrien Goetz, Le style Marie-Antoinette
Kenneth Grahame, Le Vent dans les Saules
Elisée Reclus, Histoire d'un ruisseau
Orhan Pamuk, Istanbul Souvenirs d'une ville
Emili Rosales, La Ville Invisible
Kant, la nuit et la loi morale
Adrien Goetz, Intrigue à l'anglaise
Gilbert Durand, Le retour du mythe (1)
Gilbert Durand, Le retour du mythe (2)
Gilbert Durand, Le retour du mythe (3)
Affamées : Séraphine Louis et Camille Claudel
Marguerite Abouet et Clément Oubrerie, Aya de Yopougon
Véronique Burnod, La Dormeuse disparue
Michel Nuridsany, Le secret de Watteau
Dimitri Merejkovski, Léonard de Vinci et le visage du Christ
Naguib Mahfouz et la trilogie du Caire
Philippe Batini, Images numériques
Joseph-Laurent Olive, Mirepoix An II
Heidegger et le principe de raison
Gérard de Nerval & la légende de Nicolas Flamel
Diogène Laërce, La vie des philosophes
Denis Guénoun, Hypothèses sur l'Europe
Quentin Meillassoux, Après la finitude
Israel Rosenfield, Image du corps et proprioception
Pierre Hadot, La philosophie comme manière de vivre
Alicia Dujovne Ortiz, Dora Maar photographe et peintre
François Jullien, Le Nu impossible
Maria Zambrano, Graines dans mes poches
Hermann Broch, Remarques sur la psychanalyse
Hans Lipps, Logique et herméneutique
Frédéric Soulié, Les Mémoires du diable
Raymond et Marie-Louise Escholier
Hermann Broch : Poésie et pensée, deux voies de la connaissance
Maison du docteur Blanche vs rue de la Vieille-Lanterne
Jean-Luc Seigle, Un souvenir de Jacques-Louis David
Sebastiano Vassali, La bibliothèque de Virgile
Léo Strauss, Nihilisme et politique
Hans-Georg Gadamer, La méthode de l'herméneutique
Adrien Goetz, Une petite Légende dorée (1)
Adrien Goetz, La Dormeuse de Naples
Hans-Georg Gadamer, La parole est comme la lumière
La tâche de l'herméneutique dans le cas de l'art
Interprétations phénoménologiques d'Aristote
Hella S. Haasse, Viser les cygnes
...
...
C’est donc la tolérance qui est la source de la paix et l’intolérance qui est la source de la confusion et du grabuge.
Voués par l'école au statut de jumeaux mnémotechniques, Bayle et Fontenelle figurent au ciel des Idées la lutte contre la superstition et l'intolérance, i. e. la naissance de l'esprit des Lumières. On les salue de loin, mais on ne les lit plus. L'occasion se présentant, j'ai eu la curiosité de visiter le village natal de Pierre Bayle.
Pierre Bayle, qui, persécuté pour ses idées, trouva refuge en Hollande, est né en 1647 au Carla, petit village fortifié, situé dans une vallée perdue, au coeur de l'Ariège.
Ces pays déserts et éloignez...
Lettre à Jacob Bayle, 29 septembre 1671
Voici le genre de paysage que l'on embrasse depuis les remparts du Carla. Il faut excepter votre pays des règles générales, écrit Pierre Bayle, le 23 mars 1674, à son frère Jacob, car pour y avoir des nouvelles de Thoulouze qui n'est qu'à cent pas, je me souviens qu'il fallait attendre la saison des cailles, que ceux qui les apportent à vendre y vont et en reviennent.
Jean Bayle, père de Pierre Bayle, exerçait au Carla la fonction de pasteur. Il prêchait de longs sermons à une population majoritairement analphabète, dont la totalité des femmes. Six sur douze des Anciens du Consistoire ne savaient pas signer.
Elizabeth Labrousse, dans les Actes du Colloque du Carla-Bayle, note que la vie au Carla, du temps de Bayle, était dure :
Le pasteur Bayle enterra cinq enfants en bas-âge, et Joseph, le cadet de Pierre, mourut de maladie dans sa vingt-sixième année. Cependant l'existence était rarement haletante hors du temps des récoltes à mettre d'urgence à l'abri. Il n'y avait probablement aucune horloge au Carla et, en tout cas, la cherté des bougies garantissait à la majorité des gens de longues nuits de repos en hiver.
Pierre Bayle est né dans la maison ci-dessous, aujourd'hui transformée en musée.
Après avoir fréquenté l'école du village, Pierre Bayle étudie le grec et le latin, d'abord sous la direction de son père, puis seul. Extraordinairement doué, il épuise rapidement la bibliothèque paternelle et fraie, ce faisant, un chemin de pensée qui lui est propre - chemin qu'il poursuivra, sans se laisser rebuter par aucun obstacle, toute sa vie durant.
Lecteur prodigieusement malin, Bayle, écrivain, exige de ses lecteurs le même niveau de malignité :
Il faut laisser deviner au lecteur la moitié de ce qu'on veut dire pour le moins, et il ne faut pas craindre qu'on ne nous comprenne pas ; la malignité du lecteur va souvent plus loin que nous, il faut s'en remettre à elle, c'est le plus sûr.
Pierre Bayle, Harangue du duc de Luxembourg
Il désigne sous le nom de malignité le discernement qu'il faut faire lorsqu'il s'agit de juger d'un livre où l'on oppose les idées d'un raisonnement exact et métaphysique aux opinions les plus communes.
Pierre Bayle, Dictionnaire historique et critique, Article "Charron"
Placée toute entière sous le signe de la dite malignité, l'oeuvre de Pierre Bayle entretient un rapport dialectique avec celle de ses contemporains et celle de ses devanciers, - corpus dont elle se nourrit en même temps qu'elle le déconstruit, afin de questionner les tenants et aboutissants de cette affaire toujours nouvelle que constitue la recherche de la vérité.
La Philosophie
Planche gravée, tirée
du Dictionnaire
historique et critique
Il y a de grands esprits, qui ne voient pas les conséquences de leurs principes, non pas même après dix ans de méditation, dit Pierre Bayle, visant ici Hobbes, Spinoza, Malebranche, ailleurs Zénon, Pyrrhon, Saint Basile :
Il [Saint Basile] s'imagine qu'il se tirera d'affaire en disculpant la Providence, pourvu qu'il assure que les vices ont leur origine dans l'âme de l'homme. Comment ne voyait-il pas que c'est fuir la difficulté, ou donner pour solution la chose même en quoi consiste la principale difficulté ? [...] Vous répondez qu'il [ le mal] est venu par l'homme ; mais comment cela, puisque, selon vous, l'homme est l'ouvrage d'un Etre infiniment sain et infiniment puissant ? L'ouvrage d'une telle cause ne doit-il pas être bon ? [...] N'est-il pas plus impossible que les ténèbres sortent de la lumière, qu'il n'est possible que la production d'un tel principe soit méchante ? C'est là où est la difficulté. Saint Basile ne pouvait pas l'ignorer ; pourquoi donc dit-il si froidement qu'il ne faut chercher le mal que dans l'intérieur de l'homme ? Mais qui est-ce qui l'y a mis ? L'homme même en abusant des grâces de son Créateur, qui étant la souveraine bonté l'avait produit dans un état d'innocence. Si vous répondez cela, vous donnez dans la pétition de principe.
Pierre Bayle, Dictionnaire historique et critique, Article" Pauliciens"
Ni dogmatique ni sceptique, mais radicalement malin, l'auteur du Dictionnaire historique et critique , des Pensées diverses sur la comète, prêche d'exemple en faveur du discernement, i. e. en faveur du libre-examen.
Même si de cent mille lecteurs, à peine y en a-t-il trois qui en soient capables.
Dictionnaire historique et critique, Article "Charron"
Pierre Bayle veut des lecteurs qui raisonnent, et qui prennent la peine de comparer exactement les objections avec les réponses.
Dictionnaire historique et critique, Article" Marcionites"
C'est là ce qu'il appelle interpréter selon la rigueur de l'expression.
Nouvelles de la République des Lettres, juillet 1685, article VIII
La Vérité
Planche gravée, tirée
du Dictionnaire historique et critique
Ainsi présentée, la démarche mise en oeuvre par Pierre Bayle s'inscrit volens nolens dans un champ de réflexion qui est celui de la logique contemporaine. Isabelle Delpla, dans les Actes du Colloque du Carla-Bayle, montre qu'une telle démarche se laisse déterminer, d'où finalement mieux comprendre, à la lumière du principe dit de charité.
Neil Wilson, en 1959, nomme principe de charité une contrainte de traduction visant à préserver par des aménagements verbaux la vérité d'un maximum de phrases dans un ensemble donné. Il s'agit en l'occurrence de respecter un principe logique, nullement d'observer un devoir moral.
Quine, dans une deuxième formulation, nomme principe de charité, en 1977, la contrainte d'interprétation qui veut qu'en vertu de l'universalité de la raison, là où il y a contradiction, i. e. apparence d'infraction aux normes logiques, l'on ne conclue jamais à une différence radicale de pensée, mais à une erreur de traduction, i. e. à une différence de langages.
La Prudence
Planche gravée, tirée
du Dictionnaire historique et critique
Ne serait-il pas à souhaiter, dit Pierre Bayle dans La Chambre des Assûrances de la République des Lettres, qu'il y eût au monde un Dictionnaire Critique auquel on pût avoir recours, pour être assûré si ce que l'on trouve dans les autres Dictionnaires, et dans toute sorte d'autres livres, est véritable ? Ce seroit la pierre de touche des autres livres.
J'ai dessein, précise-t-il dans son Projet d'un Dictionnaire critique, à Mr du Rondel, de composer un Dictionnaire, qui, outre les omissions considérables des autres, contiendra un recueil des faussetez qui concernent chaque article.
Pierre Bayle, Dictionnaire historique et critique, première édition, Rotterdam, 1697
Pierre Bayle, autrement dit, se donne pour tâche - ô combien vaste ! - dans son Dictionnaire historique et critique de corriger les erreurs des autres dictionnaires, - notamment celui de Moreri, remarque Isabelle Delpla.
Louis Moreri, savant biographe français,
né à Bargemont, Var, mort à Paris (1643-1680). Auteur d'un
Grand Dictionnaire historique (1674), dont la meilleure édition
est la vingtième, en dix volumes (1759).
Nouveau Larousse Universel, dictionnaire
encyclopédique en deux volumes sous la direction de Paul
Augé, 1949
Louis Moreri, Le Grand Dictionnaire historique ou le Mélange curieux de l'Histoire sacrée et profane...
Au Grand Dictionnaire historique de Moreri, Pierre Bayle oppose un Dictionnaire historique et critique. L'intention soulignée par le et critique exclut, dirait-on, tout recours au principe de charité :
Ce dictionnaire ne regardant point les erreurs de droit [...], on ne se propose que de recueillir les erreurs de faits.
Pierre Bayle, Projet d'un Dictionnaire critique, à Mr du Rondel
Il s'agit en l'occurrence de distinguer, quant aux faits rapportés dans les ouvrages des autres, discours historique et discours de fiction, réalité historique ou plausibilité empirique et affabulation.
La réalisation d'un tel projet semble exiger, du moins aujourd'hui, qu'en vertu d'une sorte d'anticipation du principe de charité, l'on exclue par avance, chez Moreri ou autres, le possible d'une erreur massive dans la détermination de ce qui constitue la réalité des faits. Faute de quoi, note Isabelle Delpla, un Recueil des Faussetez serait non pas un livre d'histoire, mais un livre du faux, autrement dit un livre sur rien.
Bouteille attrape-mouches
Le Carla, Musée Beyle
Or Bayle au vrai n'exclut nullement chez Moreri, ni autres, le possible d'une erreur massive. Il dénonce maintes fois la dite erreur, fable, roman, - récusant ainsi une question sournoise, que le principe de charité peine à circonvenir aujourd'hui encore, et qu'Isabelle Despla formule ainsi :
La possibilité d'une erreur massive à propos de la réalité historique doit-elle être éliminée par principe et a priori, ou être examinée empiriquement à la lumière d'une méthode critique ?
Demeurée à ce jour sans réponse ferme, la question a ceci de sournois qu'elle recouvre un doute concernant la possibilité de réfuter le scepticisme métaphysique. Or Pierre Bayle nie que le doute critique oblige au doute métaphysique, car il tient que la certitude historique n'est pas tributaire de celle de l'existence des objets de l'histoire hors de la représentation que nous nous faisons de cette dernière.
Ainsi un fait historique se trouve dans le plus haut degré de certitude qui lui doive convenir dès que l'on a pu prouver son existence apparente : car on ne demande que cela pour cette sorte de véritez et ce serait nier le principe commun des disputans et passer d'un genre de choses à un autre que de demander que l'on prouvât non seulement qu'il a paru à toute l'Europe qu'il se donna une sanglante bataille à Senef l'an 1674, mais aussi que les objets sont tels hors de notre esprit qu'ils nous paroissent.
Pierre Bayle, Projet d'un Dictionnaire critique, à Mr du Rondel
Qui ne voit cependant, note Isabelle Delpla, que même si le doute sceptique selon lequel le monde ne serait qu'illusion n'affecte pas la recherche historique qui ne s'intéresse qu'à l'ordre de la vérité apparente, l'activité même de correction des erreurs de Moreri implique que l'existence de César ne peut pas relever seulement d'une vérité apparente. Car si César était une simple modalité de l'âme de Moreri, jamais nous n'aurions accès au Jules César de Moreri, les modalités de l'âme des autres hommes nous étant impénétrables.
S'il n'existe pas ou s'il n'a pas existé un Jules César hors de l'esprit des historiens, l'idée même de corriger Moreri serait dépourvue de sens : il parlerait de son Jules César et Bayle du sien. Pouvoir contredire Moreri, c'est pouvoir le contredire sur un objet commun. Sinon Bayle ne pourrait pas confirmer ou contredire Moreri puisqu'ils ne parleraient pas de la même chose. Le discours historique porterait seulement sur les pensées de Moreri ou de Bayle.
Aussi combattre le pyrrhonisme historique par des corrections factuelles, c'est aussi réfuter le scepticisme métaphysique, sans quoi le seul critère de correction de Moreri serait un critère de cohérence interne de son discours portant sur ses représentations. L'histoire serait, comme les mathématiques, une science déductive pour un sujet pensant à la première personne avec pour seules règles celles de la rationalité.
Le projet mis en oeuvre dans le Dictionnaire historique et critique pose en somme le problème suivant :
Les conditions d'interprétation et de correction du discours de Moreri permettent-elles de conclure que toute réfutation du scepticisme historique vaut réfutation du scepticisme métaphysique ? Ou devons-nous maintenir, conformément à l'avis de Bayle, une séparation de droit entre ces deux types de scepticisme, sachant que, selon Bayle, le respect de la dite séparation requiert celui des règles publiques, qui, remarque Isbelle Delpla, s'imposent à l'écrivain en tant que réquisits du discours historique ?
Quand bien même le pyrrhonisme historique seroit aussi bien fondé que quelques-uns le prétendent, il ne seroit pas permis à un auteur d'avancer que Cicéron ou César ont dit, ont fait une telle chose qu'il inventeroit lui-même. [...] Un auteur ne doit point faire de règles particulières ; c'est à lui à se conformer aux règles publiques.
Pierre Bayle, Dictionnaire historique et critique, Article "Guevara"
Pierre Bayle, dans le cadre des dites règles publiques, use d'une typologie élastique concernant le mode de réalité, variable et gradué, auquel peuvent prétendre les divers personnages historiques présentés dans son Dictionnaire.
Le niveau de réalité prêté par Bayle aux personnages historiques, est d'un certain point de vue, relatif à l'intelligibilité du faisceau de faits rapporté par la tradition au sujet des dits personnages. Bayle exploite ici, de façon maximisante, le principe de la vérité de raison, dont se réclame par la suite le moderne principe de charité.
Le niveau de réalité prêté par Bayle aux personnages historiques est, d'un autre point de vue, relatif à la confirmation, fournie ou non par l'expérience empirique, quant à l'un ou l'autre des faits curieux et autres observations hétéroclites, semblablement rapportées à propos des personnages en question. Bayle exploite alors, de façon minimisante, le principe de la vérité de fait, i. e. celui du recours à l'expérience.
Le niveau de réalité auquel peuvent prétendre les personnages historiques présentés dans le Dictionnaire dépend finalement de la confrontation des deux principes, confrontation méthodiquement pratiquée par Pierre Bayle, à fin d'élimination des témoignages qui impliquent des contradictions, des invraisemblances, ou des projections fallacieuses par où l'historien peu regardant se donne la liberté de prêter aux gens les pensées qu'il aurait eues à leur place ou celles qui lui paraissent conformes à leurs intérêts
Dictionnaire historique et critique, Article" Héloïse"
Pourquoi Mr Moreri veut-il mieux savoir les motifs de ce mariage [avec Héloïse] qu'Abélard même ne les a sus ?
Pierre Bayle, Dictionnaire historique et critique, Article "Abélard"
Naviguant à l'envi entre vérité de raison et vérité de fait, Pierre Bayle semble finalement préférer la minimisation à la maximisation de la vérité, i. e. privilégier la lectio difficilior que constitue le résultat empirique de l'enquête entreprise a posteriori. Il réfute ainsi le raisonnement des théologiens, qui arguent du consensus relatif à l'existence de Dieu pour dire impossible l'existence de l'athée spéculatif. Or, même déclaré impossible a priori, l'athée spéculatif existe : force est de le constater a posteriori. Bayle fournit sans doute, tel qu'en lui-même, le superbe exemple d'un tel impossible.
Né protestant en 1647, converti au catholicisme en 1668, relaps en 1670, exilé à Genève (1670-1674), puis à Rotterdam (1681-1706), Pierre Bayle est accusé d'athéisme par le théologien Jurieu devant le consistoire de Rotterdam en 1701. Il publie alors Quatre éclaircissements à la suite de la deuxième édition du Dictionnaire.
Il faut nécessairement opter entre la philosophie et l'Evangile : si vous ne voulez croire que ce qui est évident et conforme aux notions communes, prenez la philosophie et quittez le christianisme ; si vous voulez croire les mystères incompréhensibles de la religion, prenez le christianisme et quittez la philosophie.
Pierre Bayle, dans la mesure où il se range du côté de l'athéisme spéculatif, opte moins entre la philosophie et l'Evangile qu'il ne se fie à la lumière naturelle, - lumière au regard de laquelle rien ne se trouve d'absurde dans ce que l'on propose comme révélé : car ce qui pourrait paraître d'ailleurs comme très certainement révélé, ne le paraît plus dès lors qu'il se trouve contraire à la règle matrice, primitive et universelle, de juger et de discerner le vrai et le faux, le bon et le mauvais.
Pierre Bayle, Commentaire philosophique
C'est en vertu d'une telle règle matrice, que, rendu inconsolable par la perte de son frère Jacob, mort en prison en juin 1685 pour la seule raison qu'il était le frère du philosophe et qu'il refusait d'abjurer, Pierre Bayle formule ce propos déchirant :
Quelle apparence que Dieu nous révèle d'un côté, par la lumière naturelle, qu'il ne faut point forcer la conscience, et de l'autre [...] qu'il faut tuer ceux qui n'ont pas un tel ou un tel sentiment en matière de Religion ?
Pierre Bayle, Commentaire philosophique, 1686
Le Musée Bayle installé au Carla reconstitue, à l'abri d'une vitrine, le cabinet du philosophe.
La scénographie est naïve. Elle montre cependant qu'aujourd'hui encore, le geste de Pierre Bayle conserve quelque chose de son éclat matriciel.
Bibliographie :
Pierre Bayle,Dictionnaire historique et critique, BNF, Gallica.
Pierre Bayle, Pensées sur l'athéisme, anthologie présentée, établie et annotée par Julie Bloch, ouvrage publié avec le concours du Centre National du Livre, éditions Desjonquères, 2004.
Tous les autres fragments cités ici sont tirés de l'ouvrage intitulé Pierre Bayle, citoyen du monde - De l'enfant du Carla à l'auteur du Dictionnaire - Actes du Colloque du Carla-Bayle (13-15 septembre 1996), réunis par Hubert Bost et Philippe de Robert, éditions Honoré Champion, 1999.
L'article ci-dessus doit beaucoup aux travaux d'Elizabeth Labrousse (Bayle et sa province natale) ; Isabelle Delpla (Le Projet d'un Dictionnaire : Bayle et le principe de charité) ; Gianluca Mori (Interpréter la philosophie de Bayle) - travaux réunis dans Pierre Bayle, citoyen du monde - De l'enfant du Carla à l'auteur du Dictionnaire - Actes du Colloque du Carla-Bayle (13-15 septembre 1996).
Iconographie :
Clichés personnels, réalisés au Musée Bayle et dans le village du Carla.
Frontispice du Grand Dictionnaire historique de Moreri
Juillet 2005