De La dormeuse 2004 à La dormeuse 2013

 

Chers lecteurs,

Je clos ici La dormeuse blogue 3, dont les bases de données sont devenues trop lourdes, et je vous invite à me suivre sur La dormeuse, encore, qui constituera sous ce nom le quatrième saison du blog. J’ai choisi d’intituler cette quatrième saison La dormeuse, encore, parce que j’avais envie de renouer avec l’esprit de La dormeuse, site que j’ai créé en 2004 et qui marque, après quatre ans de collaboration à PDACool, site aujourd’hui disparu, le début de mon aventure personnelle sur le Web. Je boucle ici une période de presque dix ans, et j’assure ainsi la continuité de mon chemin initial.

J’ai pensé un moment revenir à un site statique, comme l’était La dormeuse, i. e. à un site qui ne comporte pas de bases de données et qui se trouve par là moins sujet à des problèmes de corruption ou d’instabilité. Mais ce genre de site n’assure pas la fonction Commentaires. Il permet seulement aux lecteurs d’écrire à l’auteur via le formulaire de contact. La dormeuse, encore sera donc un site dynamique, toujours composé sous WordPress, et les lecteurs qui le souhaitent pourront continuer à échanger des commentaires. Songez toutefois à enregistrer l’adresse de La dormeuse, encore dans vos signets.

De La dormeuse blogue 3 à La dormeuse, encore, rien ne change pour les abonnés à la newsletter. J’ai transféré sur le nouveau site la liste des abonnés actuels. Les lecteurs qui voudraient d’abonner par la suite trouveront un formulaire prévu à cet effet dans la sidebar, i. e. dans la colonne de droite du site, tout en bas.

L’interface de La dormeuse, encore, nécessite à ce jour des améliorations de détail. Ne soyez pas surpris d’observer ici ou là, dans les semaines qui viennent, quelques petits changements, en particulier de couleur et de taille des polices. Je travaille à améliorer la charte graphique. Je la voudrais tonique. J’espère que vous la trouverez plaisante. Rendez-vous en tout cas, dès aujourd’hui, sur La dormeuse, encore.

Avec les amitiés de la dormeuse.

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A Mirepoix – En automne, au pied du moulin d’embas

 

 

 

A Mirepoix, rue du Béal, 6 octobre 2013
Sans paroles.

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A Mirepoix – Histoire et archéologie de l’église de l’Immaculée Conception de Notre Dame et de Saint Michel

 

Je me suis rendue dimanche dernier à l’église de l’Immaculée Conception de Notre Dame et de Saint Michel afin d’assister à la conférence de Martine Rouche, annoncée par le bristol reproduit ci-contre. La date de 1662, que l’on voit sur l’image, se trouve mentionnée au-dessus de la petite baie, de forme ovale, qui s’ouvre sur la façade sud de l’église, à droite de la porte d’entrée. Les chiffres 1 et 6 et 6 et 2 se lisent là nettement de part et d’autre d’une fleur.

La grande inscription gravée sur la pierre de grès blond, dite pierre dédicatoire, qui surmonte la porte d’entrée de l’église, porte quant à elle la date de 1664. L’inscription dit en substance que cette église est dédiée à l’Immaculée Conception de Notre Dame et à Saint Michel, et que, bâtie à l’initiative de Demoiselle Anne d’Escale, veuve de Louis de La Balme, elle a pour fonction d’accueillir la prière pour les âmes du Purgatoire, partant, les obits, ou offices célébrés pour le salut de l’âme des défunts enterrés dans le cimetière environnant.

A la plus grande gloire de Dieu l’an de l’Incarnation de I.H.S. Christ, 1664. Cette eglise fust fondee, bastie et dediee a l’honneur de l’Immaculee Conception de N[ost]re Dame et de St Michel, par Dam[oise]lle Anne d’Escala vefve de feu M[essi]re Louis de la Balme ; con[seill]er du Roy, et receveur des tailles et decimes ez dioceses de Mirepoix et Pamiers. Priez Dieu pour les ames de Purgatoire.

 

 

 

L’église de l’Immaculée Conception de Notre Dame et de Saint Michel s’élève en effet au coeur d’un cimetière. Connu aujourd’hui sous le nom de « cimetière vieux » par opposition au nouveau cimetière, situé au carrefour de la Croix de Béon 1Cf. La dormeuse blogue 3 : A Mirepoix – Moulon du Capitoul, font del Bastié ou Bourdette et partie de la Croix del Bastié et encore partie de Ramondé., le dit « cimetière vieux » est en 1662 de création récente, puisque aménagé sur le plateau mirapicien suite à la crue de l’Hers du printemps 1653 qui a emporté à Saint Jean de l’Herm l’église Saint Michel et le cimetière plus ancien, sis à l’entour de cette dernière. Survenue sous l’épiscopat de Louis de Nogaret de La Valette, la catastrophe nécessite la création d’un nouveau cimetière, sur un terrain planté de vignes, situé au sud de la bastide, à la périphérie du moulon 1 2Cf. La dormeuse blogue 3 : A Mirepoix – Moulon du cimetière al Sautadou et quartier du faubourg d’Amont. Successeur de Louis Nogaret de La Valette en 1655, Louis Hercule de Lévis Ventadour se préoccupe de faire clôturer le nouveau cimetière, où, conformément aux habitudes d’un temps où l’on ne trouvait rien encore de sacrilège à coloniser le champ des morts, les enfants du quartier venaient jouer parmi les tombes.

 

1. Anne d’Escala, ou d’Escale (1600-1694)

Née probablement à Saint-Ybars, fief de son père Pierre d’Escala d’Aurignac, fille de Françoise de Donnaud, Anne d’Escala est par sa mère nièce de Pierre de Donnaud, évêque de Mirepoix de 1587 à 1630. Restée célibataire jusqu’en 1634, il semble qu’elle soit venue de bonne heure à Mirepoix soigner Pierre de Donnaud, son oncle, malade, ainsi que Pierre de Donnaud II, neveu et coadjuteur de ce dernier, malade également. Pierre de Donnaud II meurt le premier en 1621, et Pierre de Donnaud I en 1630. Le registre des baptêmes de la cathédrale Saint Maurice de Mirepoix indique qu’elle est le 29 janvier 1634, en tant qu’Anne d’Escala, marraine d’un petit Jean Cros ; le 24 juin 1634, marraine d’un petit garçon, « fils de incogniu du père sa mère Marie », et qui a pour parrain Pierre Pol Riquet, alors officier des gabelles à Mirepoix ; puis le 22 septembre 1634, en tant qu’épouse de Louis de La Balme, receveur des tailles et des décimes des diocèses de Mirepoix et de Pamiers, marraine de Jacques Gilbert Bousquer ; et le 5 décembre 1634, marraine de Jean Granier. On ne connaît ni le lieu ni la date exacte de son mariage. Anne d’Escala sera par la suite marraine de trente-trois autres enfants encore, dont Gaspar Cairol, dernier de cette longue suite, baptisé le 26 juin 1693, soit un an avant la mort de la Demoiselle alors nonagénaire.

Agée de 34 ans l’année de son mariage, Anne d’Escala épouse en la personne de Louis de La Balme un homme de 56 ans. Le couple n’aura pas d’enfants. Il se peut, observe Martine Rouche, qu’Anne d’Escale ait trouvé à compenser le deuil de la maternité en exerçant à la fois la fonction de marraine universelle et de nombreuses activités de charité. Il a dû lui être doux, tout au long de sa vie, de transmettre son prénom, conformément à la coutume, à la cohorte des petites filles qui ont été ses filleules, puis de s’informer du devenir de ces dernières, et, si nécessaire, d’aider à leur entrée dans le monde.

Louis de La Balme meurt en 1658, à l’âge de quatre-vingts ans. Il est enterré à la cathédrale de Mirepoix, à l’endroit, situé près du choeur, où il bénéficiait d’une chapelle à son nom. C’est alors que, devenue par son veuvage gestionnaire de plein droit de la fortune conjugale, Anne d’Escala entreprend de doter le nouveau cimetière d’une église financée par ses soins, afin qu’on puisse désormais célébrer des messes en ce lieu dédié au repos des âmes, dont celle de Madeleine d’Escala, sa nièce, enterrée ici depuis peu. Anne d’Escala obtient de Monseigneur de Lévis Ventadour, à cette fin, l’autorisation de remployer les matériaux issus de la ruine de l’ancienne église de Paychels et de la métairie capitulaire de Paraulettes, ainsi que, restées de la crue de 1653, trois grandes pierres d’autel de l’ancienne église Saint Michel, qui seront intégrées dans le pavement de la nouvelle église.

 

Elle mène ainsi à bien la construction d’une église de taille modeste, orientée à l’est comme veut la tradition chrétienne, éclairée par quatre grandes baies munies de vitraux, par une autre baie de taille moyenne, par une petite baie de forme ovale, et par deux oculi plus petits encore, placés de façon symétrique au sommet des murs est et ouest, sous le toit ourlé de quatre rangs de génoises. La niche, aujourd’hui vide, qui surmonte la porte de l’édifice, abritait initialement, dixit le chanoine Robert 3Abbé François Robert : Le cimetière de Mirepoix, p. 450-453. Monographie de la nécropole Mirapicienne et de son église de Saint-Michel, établies, après l’inondation de 1653, au midi de la ville, à l’emplacement qu’elles occupent encore de nos jours, in Annuaire de l’Ariège, 1913., une statue de Saint Michel en bois doré. Dit psychostase et psychopompe, i. e. peseur des âmes auprès du tribunal divin et passeur miséricordieux de ces dernières, Saint Michel était, avec Notre Dame, la figure propitiatoire du lieu.

Après avoir veillé à la construction de la dite église, Anne d’Esacala meurt en 1694, âgée de 94 ans. Elle a souhaité être enterrée auprès de son époux, dans la cathédrale de Mirepoix. Remettant mes honneurs funèbres à la discrétion de mes héritiers basnommés, pendant lesquels honneurs je veux, dit-elle dans son testament, que par mesdicts héritiers soit donné et distribué en aumones aux pauvres sur la porte de ma maison la somme de cent livres, veux aussi que dans ladicte chapelle ou mon corps sera inhumé soit célébré un annuel qui commencera le lendemain de mon décès, pour lequel sera donné au prestre qui dira les Messes la somme de cent livres ; veux que Mes héritiers basnommés fassent dire cinq cent messes basses de Requiem le plus tôt qu’il se pourra, immédiatement après mon décès et sera donné pour chaque messe six sols ; donne et lègue aux bassins couvans de ladicte cathédralle la somme de dix livres, et pareille somme de dix livres à l’oeuvre du St Sacrement de ladicte église, payables après mon décès une foy lan seulement.

2. L’église de l’Immaculée Conception de Notre Dame et de Saint Michel

L’église, telle qu’on la voit aujourd’hui, est surmontée d’un clocher-mur, dont on ne sait pas s’il faisait partie du plan initial. L’édification du dit clocher date peut-être des premières années du XVIIIe siècle, époque à laquelle le délabrement du toit, qui s’effondrait sur les dalles situées dans l’église au pied du mur ouest, a nécessité la complète réfection de la charpente et de la couverture d’origine.

 

 

A l’intérieur de l’église, fait d’une nef unique, on observe que les dalles de pierre sont couvertes d’épitaphes, témoins de ce que le sol de l’église a longtemps servi de nécropole. D’autres dalles, marquées d’une croix caractéristique, ont été installées ici à partir de la Révolution, suite à la fermeture et à la vente de l’ancien couvent des Trinitaires. Situées à l’aplomb de la cloison qui soutient la tribune, de nombreuses épitaphes se trouvent malheureusement occultées par la base de cette cloison. Il s’agit des épitaphes de la famille Rouger, du nom d’une lignée de notaires de Mirepoix, et de la famille Vidal, du nom de Dominique Vidal, médecin, dont tous les membres, au XVIIe siècle et au XVIIIe siècle, ont été enterrés ici. C’est par le livre de raison de la famille Rouger que nous avons connaissance de l’effondrement du toit de l’église au début du XVIIIe siècle.

 

 

A gauche de l’entrée, l’installation d’un escalier, donnant sur la tribune qui surplombe le fond de la nef, a entraîné la suppression de l’ancien bénitier 4Sans doute s’agit-il du bénitier actuellement installé sur le mur extérieur du cimetière, à l’angle de la rue Victor Hugo et du cours du Jeu du Mail. On jouit depuis cette tribune d’une belle vue sur l’ensemble de la nef. En bas, dans la nef, une balustrade en marbre rouge des Pyrénées délimite l’emplacement réservé à l’autel.

 

Ci-dessus : vue de la façade arrière du retable.

 

Ci-dessus : vue de l’intérieur de la baie ovale mentionnée plus haut.

 

 

Derrière l’autel, le mur est de l’église se trouve dissimulé par un imposant retable, derrière lequel subsiste un étroit espace, éclairé par une petite baie et équipé de deux placards rustiques ainsi que d’une niche. Cet espace a pu servir de sacristie. L’autel, qui ne semble pas d’origine, ne présente pas d’intérêt particulier. Le retable en revanche constitue le joyau de cette église.

3. Le retable de l’église de l’Immaculée Conception de Notre Dame et de Saint Michel

 

Faute de bail à besogne, on ne sait rien de l’auteur, ou des auteurs, ni de la date de création de ce retable. L’oeuvre semble, au vu de ses caractéristiques stylistiques, en particulier de sa théâtralité toute frontale, dater de la fin du XVIIe ou du XVIIIe siècle, i. e. du moment historique de la Contre-Réforme. Elle souffre aujourd’hui d’un manque d’entretien déplorable. Les encadrements sont vermoulus, les toiles branlent au moindre souffle d’air, et deux d’entre d’elles, jadis situées dans la partie inférieure du retable, ont disparu après avoir été découpées.

 

L’oeuvre toutefois en impose, jusque dans son état d’abandon actuel.

 

Le retable comprend aujourd’hui cinq toiles peintes, réparties deux par deux de part et d’autre d’une toile plus grande, installée au-dessus de l’autel. Dédiée à l’Immaculée Conception, la grande toile représente, au centre du retable, la Vierge posant le pied sur le Serpent, enroulé autour d’un croissant de lune ou d’une figure du globe terrestre.

 

Ci-dessus : Francisco de Zurbarán (1598–1664), Immaculada.

 

Ci-dessus : Bartolomé Esteban Murillo (1617-1682), Immaculada.

Il s’agit là d’un motif topique, cher aux Cordeliers, grands promoteurs du culte de l’Immaculée Conception, présents à Mirepoix avant la Révolution. Ce motif a été illustré de façon notoire par Zurbaran et par Murillo.

 

Ci-dessus : détail de l’Immaculada de Mirepoix.

 

Ci-dessus : détail de l’Immaculada de Mirepoix.

Les couleurs de la toile sont passées, voilées par un dépôt de poussière et de crasse, mais le traitement des détails, en particulier des éléments de paysage figurés au pied de la Vierge, rochers couronnés de bâtiments crénelés, arches d’un pont, bassin surmonté d’un jet d’eau, ajoutent au charme de la représentation, plus humaine et terrestre que chez les maîtres cités plus haut.

De part et d’autre de l’Immaculée Conception, quatre toiles de format plus étroit représentent respectivement, de gauche à droite, les Saints Cosme et Damien, Saint Marc, Saint Roch et Saint Hubert. A l’exception de Saint Marc, tous ont quelque chose à voir avec la maladie, la souffrance, la compassion due à tous les vivants, et la foi en la miséricorde divine.

 

Reconnaissables à leur bonnet carré et à leur robe rouge, tenue d’apparat des médecins de la fin du XVIIe et du XVIIIe siècle – détail permettant de situer dans le temps l’exécution de la toile -, Saint Cosme, chirurgien, et Saint Damien, pharmacien, tous deux originaires de Cilicie 5Cilicie : ancienne province romaine correspondant aujourd’hui à la province d’Adana, dite aussi « Petite Arménie », en Turquie., sont connus pour avoir exercé leur fonction de façon anargyre, i. e. sans demander d’argent, et pour avoir pratiqué, entre autres cures miraculeuses, la greffe d’une jambe de Maure afin de remplacer la jambe nécrosée d’un Chrétien. Cet épisode a fait l’objet de nombreuses représentations, restées célèbres dans l’histoire de la peinture.

 

Ci-dessus : Fra Angelico, Greffe d’une jambe par les saints Côme et Damien, 1438-1440.

Martyrisés en Cilicie sous Dioclétien, Saint Cosme et Saint Damien portent tous deux sur le tableau de Mirepoix la palme, symbole de ce martyre.

 

Né à Montpellier vers 1340, fils d’un notable, Saint Roch, dit Sant Ròc en occitan, est le patron des pèlerins, celui des chirurgiens, dermatologues, apothicaires, entre autres corporations, et aussi le protecteur des animaux. Médecin, habitué à manier la lancette pour soigner les bubons, il distribue un jour tous ses biens aux pauvres et part en pèlerinage à Rome. En chemin, puis durant son séjour romain, il se dévoue au chevet des malades atteints de la peste noire. Sur le chemin du retour, atteint lui-même par le mal, il se retire dans la forêt de Plaisance, en Emilie-Romagne, afin de protéger ses semblables de la contagion. Un chien seul vient le nourrir, quant il le peut, d’un pain dérobé à la table de son maître. Enfin secouru par un passant, puis visité par un Ange qui lui prescrit, pour guérir, de retourner dans sa patrie, Saint Roch reprend sa route tant que bien que mal. Mais, pris pour un espion dans une province en guerre et refusant de dire son nom, il est arrêté à Voghera et jeté en prison où il croupit cinq ans. Il meurt ensuite, misérable et méconnu, vers 1378. Reconnu après sa mort seulement, le Saint fait bientôt l’objet d’une vénération grandissante. D’abord enterré à Voghera, son corps, en 1485, est transféré à Venise. Quelques reliques du Saint ont été dispersées, dont un tibia et son bâton de pèlerin, donnés au XIXe siècle au sanctuaire Saint-Roch de Montpellier.

 

 

On reconnaît Saint Roch sur le tableau de Mirepoix à la coquille et au bourdon du pèlerin, ainsi qu’à l’Ange et au chien fidèle. Le peintre a doté son personnage toutefois d’un bourdon qui n’est pas celui du simple pèlerin, mais, plus stylé, celui du personnage vénérable que le dit pèlerin est devenu post mortem. Le peintre a ménagé par ailleurs, de façon touchante, et oh ! combien proche de l’expérience commune, une sorte d’air de ressemblance, jusque dans le traitement des pieds, entre le chien et le Saint, protecteur des animaux.

 

Seigneur libertin, né en Aquitaine au XVIe siècle, Saint Hubert a été dans sa jeunesse un passionné de chasse. Alors qu’un Vendredi Saint, ne pouvant résister à sa passion, il traquait un cerf, celui-ci, qui était blanc et portait une croix lumineuse sur le front entre ses bois, interrompt sa course et, se tournant vers lui, l’interroge sur le souci qu’il a oublié, du salut de son âme. Ebranlé par cette voix mystérieuse, le jeune homme se convertit pau après. Plus tard devenu évêque, il entre dans la voie de la sainteté. Ses restes ayant disparu, il n’existe pas de reliques de Saint Hubert. Devenu saint patron des chasseurs et des forestiers, Saint Hubert a été longtemps invoqué contre la rage.

 

Le cerf, sur le tableau de Mirepoix, n’est pas blanc, ni porteur d’une croix lumineuse, mais le Saint se trouve représenté dans l’état de sidération qui fait suite à la surprise de l’injonction divine. Là encore, l’artiste a voulu qu’une sorte d’air de ressemblance rapproche l’animal de l’homme, ou l’inverse. En Ariège, pays de chasseurs, Dieu, par la voix des animaux, parle aussi.

 

La présence de Saint Marc étonne dans la série de portraits de Saints évoquée ci-dessus. Ni médecin, ni pèlerin, ni chasseur, Saint Marc aurait été, avant la mort de Jésus Christ, le témoin du miracle de Cana. Il devient ensuite le proche collaborateur de l’apôtre Pierre, puis l’évangéliste qu’on sait, et le premier évêque de Cyrénaïque 6Cyrénaïque : ancienne province romaine, aujourd’hui partie de la Lybie.. Il serait mort en martyr en l’an 68, près d’Alexandrie. Saint Marc ayant fait naufrage à Venise dans la lagune, d’après la tradition, lors d’une campagne d’évangélisation, Venise a réclamé ses reliques, et celles-ci ont été partagées entre la cité des doges et l’Eglise copte orthodoxe.

 

Saint Marc se trouve représenté classiquement, sur le tableau de Mirepoix, en compagnie du lion qui constitue son symbole, suite aux premiers versets de son évangile, dans lequel, semblable à celle du lion, une voix crie dans le désert : « Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route » 7Evangile de Saint Marc, v. 3..

Il se peut que l’artiste, – ou les artistes, puisque qu’on ne sait pas si les tableaux sont tous de la même main -, ait voulu insister sur la place des animaux auprès de l’homme, dans le cadre du plan divin. Auquel cas, ce ne serait pas le portrait de Saint Marc qui ferait exception dans la suite de tableaux qui composent le retable, mais plutôt celui de Saint Cosme et Damien, auprès desquels ne figure aucun animal. Il se peut aussi que l’artiste ait été lié en quelque façon à Venise et à la tradition byzantine, auquel cas ce serait le portrait de Saint Hubert qui ferait à son tour exception. Il se peut encore que le prénom de Marc ait été celui d’un généreux donateur, qui aurait participé au financement du retable. Impossible à trancher, la question demeure en suspens. L’oeuvre, quoi qu’il ensuit, requiert fortement l’attention et mériterait de sortir de l’oubli auquel malheureusement, en raison de la fermeture permanente de l’église, elle se trouve aujourd’hui vouée.

4. Dans la nef, la dalle centrale

Au centre de la nef, une grande dalle, brisée en deux morceaux, porte dans sa partie supérieure l’épitaphe du chanoine Eychenne, mort en 1930, et dans sa partie inférieure, une inscription latine plus ancienne. Les recherches menées par Martine Rouche et par Claudine L’Hôte-Azéma ont permis de montrer que la partie supérieure a été arasée pour accueillir l’épitaphe de l’abbé Eychenne, tandis que la partie inférieure, demeurée intouchée, demeure dédiée à Jean-Baptiste de Champflour, évêque de Mirepoix de 1737 à 1768, dont on ignorait jusqu’alors qu’il eut été enterré ici. Prélat soucieux de modestie, Monseigneur de Champflour a préféré pour son dernier sommeil cette nef discrète aux échos plus vastes de la cathédrale.

 

Informé de cette découverte, l’abbé David, curé de Mirepoix, a bien voulu exposer ce dimanche, en l’église de l’Immaculée Conception de Notre Dame et de Saint Michel, le portrait de Monseigneur de Champflour, ordinairement conservé dans la sacristie de la cathédrale. J’ai longtemps travaillé sur l’histoire de Rose de Champflour 8Cf. La dormeuse blogue 3 : Frédéric Soulié – Le Magnétiseur – Aux sources d’un roman familial., nièce de l’évêque, et déploré qu’il ne subsiste aucun portrait de cette dernière. D’où mon émotion, lorsque j’ai vu paraître le portrait de Monseigneur de Champflour, sur lequel j’ai cherché à lire, au féminin, celui de mon héroïne, aux traits inconnus.

Au-delà de ces considérations personnelles, je tiens à souligner que toutes les informations rapportées ici sont issues des recherches menées conjointement, depuis longtemps, par Martine Rouche et Claudine L’Hôte-Azéma. Grâce leur soit rendue pour ce travail têtu, minutieux, passionné.

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