La tâche de l'herméneutique dans le cas de l'art

 

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Bas-relief antique, marbre blanc

Hercule au jardin des Hespérides

 

Comment, dans le cas de l'art, la tâche de l'herméneutique se définit-elle ? Hans Georg Gadamer, dans Vérité et méthode, entreprend de répondre à cette question. Il développe au passage un intéressant parallèle entre Hegel et Schleiermacher.

1. Pour Schleiermacher, note Gadamer, la tâche de l'herméneutique, c'est d'expliciter la signification première d'une oeuvre d'art. L'oeuvre d'art, selon Schleiermacher, tire sa signification première de l'époque à laquelle elle appartient et relativement à laquelle elle a originairement destination ou sens. Elle perd la dite signification à partir du moment où, véhiculée par la tradition, elle se laisse emporter hors de son contexte. Elle est comme une chose que l'on a soustraite au feu et qui porte désormais la marque de ses brûlures. Il incombe par conséquent à l'herméneutique de reconstruire le contexte original de l'oeuvre d'art, - dans la mesure où celui-ci a été conservé par l'Histoire -, afin d'identifier le Anknüpfungspunkt, ou point d'ancrage, par où s'entretient, dans l'esprit de l'artiste, le possible de l'oeuvre comme figure d'un lieu, d'un moment, d'un monde. Hans-Georg Gadamer conteste toutefois que la tâche de l'herméneutique soit, dans le style du fac-simile, la reconstitution d'une signification première, qui au fil du temps se serait perdue. Ainsi archéologisée, l'herméneutique ne saurait produire que des curiosa, des significations momifiées, par là forcloses.

 

Jeunes filles, au jardin des Hespérides, se mirant dans l'eau

Edward Burne-Jones, The Mirror of Venus, 1898

 

2. Pour Hegel en revanche, observe plus loin Gadamer, la tâche de l'herméneutique dans le cas de l'art, c'est d'assurer au passé la possibilité d'une médiation avec le présent.

Il ne s'agit donc pas, selon Hegel, de replacer les oeuvres dans leur contexte afin de retrouver ce qu'elles ont pu signifier au regard de ce dernier, - pour quoi faire ? Ce que les oeuvres ont pu signifier au regard du temps qui fut le leur, ne se laisse de toute manière aucunement répéter, - sauf à prendre la représentation pour le là du moment présent -, car la dite signification ne se déploie transitairement qu'au regard de son temps propre et seulement au regard de celui-ci.

 

Céramique grecque

Le jardin des Hespérides

 

Le destin ne nous livre pas avec les oeuvres de cet art leur monde, le printemps et l'été de la vie éthique dans lesquels les oeuvres des Muses fleurissaient et mûrissaient, mais seulement le souvenir voilé ou la récollection intérieure de cette effectivité.

Il incombe en revanche à l'herméneutique d'aborder les oeuvres d'art dans la perspective du regard anticipateur sur ce qui vient, afin de mûrir en quelque façon le sens et le destin que celles-ci augurent. On sait que chez Hegel, le destin, c'est l'avénement de l'esprit conscient de soi-même comme esprit, i. e. l'absolue transparence de la theoria, en quoi se recueille la vérité de l'art elle-même. L'esprit du destin qui nous présente ces oeuvres d'art est plus que la vie éthique et l'effectivité de ce peuple, car il est la récollection et l'intériorisation de l'esprit d'autrefois dispersé et extériorisé encore en elles ; il est l'esprit du destin tragique qui recueille tous ces dieux individuels et tous ces attributs de la substance dans l'unique Panthéon, dans l'esprit conscient de soi-même comme esprit.

 

Muse, mosaïque romaine

 

La vérité de l'art n'est pas dans la signification que nous assignons aux oeuvres, mais, par effet de retournement, dans le sens qu'invisiblement celles-ci préviennent. Une oeuvre qui dort dans les réserves du musée, une oeuvre que nous ne verrons jamais plus, parce qu'elle a succombé aux outrages du temps ou à la folie des autodafés, une telle oeuvre vaut in absentia et dans la perspective du regard anticipateur sur ce qui vient, autant que l'oeuvre vue, revue, invue ? au mitan de la vitre blindée.

C'est vers l'intérieur, dit Novalis, que va le chemin mystérieux.

 

Bibliographie :

Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode
I. Dégagement de la question de la vérité. L'expérience de l'art, 2. d) La tâche herméneutique : reconstruction et intégration
Trad. Etienne Sacre, Seuil, 1965, pp. 94-99

Heidegger, Questions III et IV, Les séminaires du Thor, 1969
Gallimard, collection Idées, p. 455

Les citations de Hegel sont tirées de la Phénoménologie de l'esprit, trad. Jean Hyppolite, Aubier, p. 261

 

 

 

Septembre 2004