« Claude Gellée, dit Le Lorrain est connu pour avoir promené dans les paysages un "miroir noir". Ce miroir ovale, légèrement convexe, teinté au noir de fumée, était destiné à révéler à l’œil du peintre les compositions latentes dans les spectacles de la nature. » (1)
Déprends-toi du regard vison visu,
tourne le dos aux peupliers de la rive
au château qui tremble dans l’eau,
et vois dans le miroir
comme derrière toi l’horizon fuit
et comme s’ouvrent abracadabra
dans sa fuite
des bras de lumière,
des bras de lumière à foison !
Ainsi éclairé, ordo mundi ? ordo Dei ?
le paysage se tisse
et dans son armure,
nattée, reps ou cannelée,
le tableau se calcule,
un monde se fait. Ut pictura,
un poème aussi.
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Laurent Jenny. La Brûlure de l’image. Mimêsis. Sesto San Giovanni, Italie. 2019.
Il ne reste plus que six cansos, dont « Lanquan li jorn », de Jaufre Rudel, né entre 1110 et 1130 à Blaye, seigneur de Blaye, membre de la deuxième croisade (v. 1147-1149), mort vers 1170. La légende veut plutôt qu'il soit mort en 1148 dans les bras d'Hodierne de Tripoli, son amor de lonh.
Je tente ici une traduction au plus près du texte original de « Lanquan li jorn ». D'abord, l'original (attention ! le mot « amor » est féminin dans l'occitan médiéval) ; ensuite, la traduction. Ce poème a inspiré des textes contemporains.
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Lanquan li jorn son lonc en may
M’es belhs dous chans d’auzelhs de lonh,
E quan mi suy partitz de lay
Remembra·m d’un’amor de lonh :
Vau de talan embroncx e clis
Si que chans ni flors d’albespis
No·m platz plus que l’yverns gelatz.
Be tenc lo Senhor per veray
Per qu’ieu veirai l’amor de lonh ;
Mas per un ben que m’en eschay
N’ai dos mals, quar tan m’es de lonh.
Ai ! car me fos lai pelegrins,
Si que mos fustz e mos tapis
Fos pels sieus belhs huelhs remiratz !
Be·m parra joys quan li querray,
Per amor Dieu, l’alberc de lonh :
E, s’a lieys platz, alberguarai
Pres de lieys, si be·m suy de lonh :
Adoncs parra·l parlamens fis
Quan drutz lonhdas er tan vezis
Qu’ab bels digz jauzira solatz.
Iratz e gauzens m’en partray,
S’ieu ja la vey, l’amor de lonh :
Mas non sai quoras la veyrai,
Car trop son nostras terras lonh :
Assatz hi a pas e camis,
E per aisso no·n suy devis...
Mas tot sia cum a Dieu platz!
Ja mais d’amor no·m jauziray
Si no·m jau d’est’amor de lonh,
Que gensor ni melhor no·n sai
Ves nulha part, ni pres ni lonh ;
Tant es sos pretz verais e fis
Que lay el reng dels Sarrazis
Fos hieu per lieys chaitius clamatz !
Dieus que fetz tot quant ve ni vai
E formet sest’amor de lonh
Mi don poder, que cor ieu n’ai,
Qu’ieu veya sest’amor de lonh,
Verayamen, en tals aizis,
Si que la cambra e·l jardis
Mi resembles tos temps palatz !
Ver ditz qui m’apella lechay
Ni deziron d’amor de lonh,
Car nulhs autres joys tan no·m play
Cum jauzimens d’amor de lonh.
Mas so qu’ieu vuelh m’es atahis,
Qu’enaissi·m fadet mos pairis
Qu’ieu ames e nos fos amatz.
Mas so q’ieu vuoill m’es atahis.
Totz sia mauditz lo pairis
Qe·m fadet q’ieu non fos amatz !
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Quand les jours sont longs en mai
Me plaît le doux chant des oiseaux de loin
Et quand moi suis parti de là
Me souviens d’une amour de loin :
Vais de désir saisi et cloué
Si bien que ni chants ni fleurs d’aubépine
Ne me plaisent plus que les hivers gelés.
Bien tiens le Seigneur pour vrai
Par qui je verrai l’amour de loin ;
Mais pour un bien qui m’en échoit,
En ai deux maux, car tant elle m’est loin.
Ah ! me faire là-bas pèlerin,
Afin que mon bâton et ma cape
Soient par ses beaux yeux remarqués !
Bien me viendra joie quand lui querrai,
Pour l’amour de Dieu, l’auberge de loin :
Et s’il plaît à elle, logerai
Près d’elle, même si je suis de loin ;
Alors viendront les entretiens vrais
Quand l’amant lointain sera si voisin
Que de tels beaux dits tiendra joie !
Triste et joyeux m’en irai
Si je la vois jamais, l’amour de loin ;
Mais ne sais quand la verrai,
Car trop sont nos terres lointaines :
Beaucoup y a de voies et chemins,
Et, pour ce, ne suis pas devin...
Mais tout sera comme à Dieu plaît !
Jamais d’amour ne jouirai
Si ne jouis de cette amour de loin,
Car plus gente ni meilleure ne sais
Vue nulle part, ni près ni loin ;
Tant est son prix vrai et certain
Que, là-bas, en royaume des Sarrasins
Y voudrais, pour elle, me clamer captif.
Dieu qui fit tout ce qui vient et va
Et forma cette amour de loin,
Me donne pouvoir – car cœur je n’ai –
Que je voie cette amour de loin,
Véritablement, en tels lieux,
Que la chambre et le jardin
Me semblent en tous temps palais !
Vrai dit qui m’appelle friand
Et désireux d’amour de loin,
Car nulle autre joie autant ne me plaît
Que la jouissance d’amour de loin.
Mais ce que je veux m’est interdit,
Car ainsi m’a destiné mon parrain,
Que j’aime et non que sois aimé.
Mais ce que je veux m’est interdit.
Tout soit maudit le parrain
Qui m’a fait destin que je ne sois pas aimé !
En 1680, alarmé par la grande misère dans laquelle le poids des impôts dus aux guerres de Louis XIV et le coût de l’entretien des troupes de passage ont plongé ses paroissiens, Jean Baptiste Delaveyne, prêtre et moine bénédictin, curé de Saint-Saulge dans la Nièvre, fonde dans sa paroisse, avec le soutien et la participation de quelques jeunes femmes pieuses, la communauté dite des Sœurs de la Miséricorde, « pour servir et médicamenter les pauvres, enseigner et catéchiser les petites filles, orner les églises ». On surnommera un temps ces jeunes femmes « Sœurs de la Marmite ».
En 1683, les Sœurs de la Miséricorde ayant été appelées à « servir et médicamenter » à l’hôpital de Nevers, le siège de la communauté se trouve déplacé dans cette ville. Les Sœurs de la Miséricorde prennent en conséquence le nom de Sœurs de la Charité et de l’Instruction chrétienne de Nevers.
Dans les années 1710, jouissant de la recommandation d’André Hercule de Fleury — languedocien de naissance, futur cardinal et ministre, alors aumônier du roi —, qu’elles ont soigné et sauvé, dit-on, de l’amputation (1), elles essaiment en Languedoc, entre autres à Mirepoix et à Castelnaudary.
Catherine Clotilde de Brugelles, native de Castelnaudary, entre le 26 septembre 1803 dans la congrégation des Sœurs de la Charité et de l’Instruction chrétienne de Nevers.
Beaux enfans, vous perdez la plus
Belle rose de vo chapeau,
Mes clers apprenans comme glu ;
Se vous allez à Montpippeau
Ou à Ruel (1), gardez la peau :
Car, pour s’esbatre en ces deux lieux,
Cuydant que vaulsist le rappeau (2),
La perdit Colin de Cayeulx (3).
Ce n’est pas ung jeu de trois mailles (4),
Où va corps, et peut-estre l’ame :
S’on perd, rien n’y sont repentailles,
Qu’on ne meure à honte et diffame ;
Et qui gaigne, n’a pas à femme
Dido la royne de Cartage.
L’homme est donc bien fol et infame,
Qui, pour si peu, couche tel gage.
Qu’ung chascun encore m’escoute :
On dit, et il est verité,
Que charretée se boyt toute,
Au feu l’yver, au bois l’esté.
S’argent avez, il n’est enté ;
Mais le despendez tost et viste.
Qui en voyez-vous herité ?
Jamais mal acquest ne proffite.
1. Rapprochant ces noms de Ruel et de Montpipeau des termes de l'argot des Coquillards ou du jargon de Villon ruer et piper, le Dr. R. F. Guillon se demande « si aller à Ruel ou à Montpipeau ne sont pas des périphrases pour "ruer" [argot des Coquillards : desbouser les povres nyais, dépouiller les dupes] et "piper" [tricher], par un calembour analogue à celui qui plus tard fit dire "aller à Niort" pour nier ». Cf. M.R. « Pour le commentaire de Villon : Montpipeau et Rueil (Villon. Testament) ». In Romania. Tome 43. N° 169, pp. 102-105. 1914.
2. « Cuydant que vaulsist le rappeau » : se fiant à l'appeau (d'une femme perdue sans doute). Rappeau, rappiau : appeau. Cf. Nizier du Puitspelu. Clair Tisseur (1827-1895). Le Littré de la Grand'Côte, p. 291. Académie du Gourguillon et des Pierres plantées. Lyon. 1903.
3. Colin de Cayeux, complice de François Villon dans le vol au collège de Navarre, accusé de nombreux méfaits, pris à Saint-Leu-d'Esserent, Oise, condamné par le Parlement de Paris à être « pendu et estranglé » le 26 septembre 1460, bien qu'il ait réclamé son privilège de clerc.
4. Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500). Maille, dans « ung jeu de trois mailles » : pièce de monnaie (de cuivre) valant un demi-denier (monnaie de faible valeur).
31 janvier 18h30. Matthiew Hilton tient, à sa façon, le petit discours qu'on attend de l'artiste avant son vernissage. Il s'agit d'un discours à deux voix. L'artiste remercie pour son accueil l'Association d'Art Contemporain qui gère l'Espace des Carmes et il détaille, non sans malice, tout le bien qu'il pense de la ville de Pamiers. À côté de lui, un comédien,comme au piquet, se retourne de temps en temps vers le public pour dire divers extraits de De La Franqui à Ramonville, texte autobiographique signé Matthiew Hilton..