Christine Belcikowski

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À propos de François Tristan de Cambon, dernier évêque de Mirepoix. III. Un exercice décomplexé de l'épiscopat

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Dans la situation socio-économique dégradée dont souffre le diocèse de Mirepoix à la veille de la Révolution, François Tristan de Cambon, dernier évêque de Mirepoix, s'illustre par une action charitable d'envergure (1). Cette action se trouve rendue possible par le versement optimal de la dîme. Monseigneur de Cambon se montre à telle fin un administrateur vigoureux, refusant malgré les pressions tout délai de paiement et requérant sans états d'âme poursuite et emprisonnement des mauvais payeurs (2). L'homme se montre par ailleurs libre de ses goûts et de son style de vie. Il constitue de la sorte, au moins au regard de Jean Baptiste de Champflour, son prédécesseur immédiat, « le plus pieux, le plus charitable des évêques de France mais aussi le plus négligé dans les affaires temporelles de son diocèse » (3), la figure nouvelle et en quelque sorte moderne d'un épiscopat que nous savons, nous, à court terme condamné.

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Ci-dessus : portrait de Monseigneur de Cambon. Source : Académie des Jeux Floraux. Les Mainteneurs ecclésiastiques sous la Révolution.

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Arnaud de Mareuil. Amor de lonh, amor de prop. Insomnie et rêve

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Après un premier extrait du Salut d'Arnaud Mareuil intitulé Dona, genser qu'ieu no sai dir.., en voici un second, dans lequel le trobador développe un bel exemple de l'érotique courtoise. À l'adresse, dit-on, de la comtesse Azalaïs de Toulouse, fille de Raymond V, épouse de Roger II Trencavel, il évoque ici tour à tour les tourments d'amour dont il souffre durant ses insomnies, puis les jouissances qui lui viennent en rêve.

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Ci-dessus : à Burlats, pavillon, dit d'Azalaïs, ou d'Adélaïde. Azalaïs de Toulouse en avait fait sa résidence d'agrément et elle y entretenait une troupe de troubadours, dont Arnaud de Mareuil.

Comme chaque fois, après la reproduction du texte original, la traduction se veut la plus proche possible de l'original en question.

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Arnaud de Mareuil. Extrait de Dona, genser qe no sai dir. Vers 109 à 152. In Les saluts d'amour du troubadour Arnaud de Mareuil. Textes publiés par Pierre Bec. Édouard Privat, éditeur. Toulouse. 1961.

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Tout le jour je souffre cette bataille,
Mais la nuit j'endure un pire tourment :
Quand suis allé me coucher
Et que cuide quelque plaisir avoir,
Alors me tourne et me retourne et vire,
Pense et repense et puis soupire.
Et puis me lève sur mon séant,
Après m'en retourne m'étendre,
Et me couche sur le bras droit,
Et puis me tourne à senestre,
Me découvre soudainement
Puis me recouvre lentement.
Et quand me suis assez tourmenté,
Je mets dehors mes deux bras
Et tiens le cœur et les yeux, humblement baissés,
Mains jointes, vers le pays,
Où je sais, Dame, que vous êtes.
Je fais alors ce discours qu'ouïr vous pouvez :

Ah ! bonne Dame de belle essence,
Pourvu qu'il arrive que [moi] votre fidèle fin amans (1),
De son vivant, le jour ou le soir,
Ou en secret ou à loisir,
Puisse votre gentil corps gracieux et de belle prestance
Entre mes bras admirer, et baiser
Vos yeux et bouche si doucement
Qu'à lui seul un baiser m'en fasse pour cent
Et que puisse, moi, blêmir de joie par vous !

Là, j'ai [déjà] trop dit, mais ne puis dire plus
Car en une fois seulement j'ai parlé,
Alors que dans le cœur depuis longtemps j'y ai pensé.
Même si j'ai ici en cela trop dit, ne puis plus en dire.

Mes yeux fermant, je fais un soupir,
Et en soupirant, je vais m'endormant ;
Alors s'en vont mes esprits
Tout droitement, Dame, vers vous
Que de voir je suis languissant.
Tout ainsi comme je vous désire
La nuit et le jour, chaque fois que j'y songe,
De sa faim de vous il [le fin amans] vous fait hommage,
Embrasse et baise et maniotte.
Pour que dure ainsi ce que j'en ressens,
Ne voudrais être seigneur de Reims.
Plus voudrait jouir en dormant
Que veillant, de désir languir.

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1. Fin amans : adepte de la fin amor, i.e. de l'amour courtois, façon d'aimer sa ou son partenaire avec respect et fidélité, dans le but commun d'atteindre la jǫi (joie) et le bonheur.

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À propos de François Tristan de Cambon, dernier évêque de Mirepoix. II. Un administrateur vigoureux

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Le 16 février 1790, puis le 5 juin 1790, en vertu du décret de l'Assemblée nationale du 13 novembre 1789, Pierre Paul Alard, receveur des décimes, fournit à l'administration révolutionnaire le détail des revenus et charges de François Tristan de Cambon, évêque de Mirepoix. Il s'agit là des revenus et charges imputables à l'évêché de Mirepoix pour l'année 1789. La liste desdits revenus et charges se trouve affichée ensuite à la porte de la cathédrale de Mirepoix, ainsi qu'à celle de chacune des églises concernées — Mazerettes, Tourtrol, Besset, Malegoude, Lafage, Cazazils, Ribouisse, Plavilla, etc.

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À propos de François Tristan de Cambon, dernier évêque de Mirepoix

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J'ai pu consulter dans une collection privée la correspondance que François Tristan de Cambon, dernier évêque de Mirepoix, Ariège, a entretenue de 1787 à 1791, chaque fois qu'il séjournait dans sa famille à Toulouse, avec Pierre Paul Alard, son procureur fondé, par ailleurs receveur des décimes (1) du diocèse de Mirepoix. À cette correspondance s’ajoute celle qu’ont échangée dans le même temps Pierre Paul Alard et Antoine Darquier [de Pellepoix], receveur général du clergé de France pour la généralité de Toulouse, par ailleurs receveur des impositions de l'Élection de Lomagne. Cet ensemble de correspondances provient de la maison Lamarque, de Rieucros, Ariège (2). Pauline Alard, petit-fille de Pierre Paul Alard, a épousé Dominique Paul Lamarque, le 25 novembre 1856 à Pamiers. Le couple et sa descendance ont vécu ensuite à Rieucros.

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D'autres et d'autres eaux

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Ποταμοῖσι τοῖσιν αὐτοῖσιν ἐμϐαίνουσιν ἕτερα καὶ ἕτερα ὕδατα ἐπιρρεῖ· Καὶ ψυχαὶ δὲ ἀπὸ τῶν ὑγρῶν ἀναθυμιῶνται·

Dans les fleuves toujours mêmes au sein desquels nous entrons, d'autres et d'autres eaux s’écoulent. Et nos âmes, comme l'eau, s’exhalent en vapeurs.

Dans les fleuves (ποταμοῖσι) toujours mêmes (αὐτοῖσιν) au sein desquels nous entrons (ἐμϐαίνουσιν), d'autres et d'autres (ἕτερα καὶ ἕτερα) eaux (ὕδατα) s’écoulent (ἐπιρρεῖ). Et nos âmes (ψυχαὶ), comme l'eau (ὑγρῶν), s’exhalent en vapeurs (ἀναθυμιῶνται).
Héraclite. Fragments. Diels-Kranz B 12.

Fleuves, rivières, et autres riquets
dieux amis des rives sauvages,
cousins du Tibre latin,
du Loir gaulois et du petit Liré,
on vous dit impassibles,
toujours mêmes,
indifférents au pas de nos jours.
Or comme ailleurs le chandelier a sept branches,
le pont ici a sept arches,
car passible de tours et détours,
de crues et décrues,
la rivière, d'âge en âge, n'est pas toujours même.
Celle qui coulait hier sous sept arches
coule aujourd'hui sous une seule des sept arches ;
et ses rives, qui hier soir encore en verdure foisonnaient,
sont de sable ce matin,
sur lequel une main de tempête a semé,
sœur des dents du dragon,
l’engeance des cailloux.
De ces fleuves, rivières et autres rus,
qu'on dit toujours mêmes,
souviens-toi qu'en vertu du décret de la terre et des cieux,
du hasard ou de la nécessité de leur cours méandreux,
il en est aussi qui changent de nom,
tels l'Ister, qui, né de la Brigach et de la Breg,
se nomme ensuite
Donau, Dunaj, Duna, Dunav, Дунав, Dunărea, Дунай, Danube, ou Tuna,
et dont Höderlin dit que Was aber jener thuet der Strom,
Weis niemand
.
« Ce qu’il fait, lui, le fleuve,
nul ne sait. »
Nul ne sait ici davantage
pourquoi le Riquet se nomme Countirou
ou pourquoi le Countirou se nomme Riquet.
Si tu descends, l'été,
dans l'eau qui coule sous le pont au sept arches
tu sauras comment ton âme
s'exhale, elle aussi, en vapeurs changeantes.
Dormantes ou courantes, nos âmes
— issue de la théologie médiévale, la traduction de ψυχή par âme sonne hélas trop catholique pour dire le vif de nos corps ! —
sont, d'un instant l'autre comme l'eau,
autres et toujours autres,
et, d'un instant l'autre, il ne reste rien
du froid que le vif endure,
du délassement qui vient à la suite,
du froid qui revient encore,
bref des émotions de la vie qui passe.
Àmes, à l'impermanence livrées !
Quoi, l'identité ?
C'est le Vif allé avec le Mort qui le saisit sans cesse.

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