Christine Belcikowski

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À propos de François Tristan de Cambon, dernier évêque de Mirepoix

Rédigé par Belcikowski Christine Aucun commentaire

J'ai pu consulter dans une collection privée la correspondance que François Tristan de Cambon, dernier évêque de Mirepoix, Ariège, a entretenue de 1787 à 1791, chaque fois qu'il séjournait dans sa famille à Toulouse, avec Pierre Paul Alard, son procureur fondé, par ailleurs receveur des décimes (1) du diocèse de Mirepoix. À cette correspondance s’ajoute celle qu’ont échangée dans le même temps Pierre Paul Alard et Antoine Darquier [de Pellepoix], receveur général du clergé de France pour la généralité de Toulouse, par ailleurs receveur des impositions de l'Élection de Lomagne. Cet ensemble de correspondances provient de la maison Lamarque, de Rieucros, Ariège (2). Pauline Alard, petit-fille de Pierre Paul Alard, a épousé Dominique Paul Lamarque, le 25 novembre 1856 à Pamiers. Le couple et sa descendance ont vécu ensuite à Rieucros.

La lecture de cette double correspondance fournit de précieux renseignements sur 1º la situation socio-économique dégradée dont souffre le diocèse civil de Mirepoix à la veille de la Révolution ; 2º l’administration vigoureuse que Monseigneur de Cambon a su exercer dans son diocèse religieux en des temps difficiles ; 3º la personnalité sans complexes qui a été celle de François Tristan de Cambon dans l’exercice de son épiscopat.

I. Situation du diocèse civil de Mirepoix à la veille de la Révolution

L’agriculture, dont le diocèse de Mirepoix tirait jusqu’alors l’essentiel de ses ressources, connaît comme tant d’autres une crise grave durant les années 1787-1788-1789.

« La première cause » de la crise économique et sociale, dit le 13 décembre 1788 Antoine Louis Séguier, avocat général au parlement de Paris et prieur de la confrérie des Pénitents blancs de Montpellier, « c’est le peu de produit de la récolte faite cette année. Elle a été si mauvaise que dans quelques cantons on n’a pas recueilli la moitié d’une année ordinaire en gerbes et en grains ; dans d’autres, on n’en a recueilli que très peu ou point du tout. Deuxième cause : les pluies et les inondations de 1787 ; la grêle et la sécheresse de 1788. Les pluies en 1787 ont empêché d’ensemencer une partie des terres ; la sécheresse de 1788 n’a pas permis la pleine croissance des blés » (3). Les plus pauvres, en conséquence, souffrent tout à la fois de la faim et du froid, car le prix du bois, qui est devenu rare, a augmenté de 91%.

Dès la fin de l'année 1787, la situation sociale se tend. En 1788, Monseigneur de Cambon évoque ça et là dans sa correspondance le risque des voleurs. Le 26 janvier 1788, il conseille ainsi à Pierre Paul Alard de se soucier de la sécurité de son étude, désertée pendant qu'il se rend à la noce de son beau-frère ; et, le 1er mars 1788, il requiert quant à lui la protection de « Mercadier l'aîné », Jacques Mercadier (4), son secrétaire, pour préserver des pillards son palais épiscopal de Mazerettes durant le temps que lui, se rend à Toulouse.

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« Je suppose que vous avez pris des mesures pour la sûreté des divers fonds dont vous êtes nanti. Votre absence pourrait donner l'éveil aux voleurs ». 26 janvier 1788. Lettre de François Tristan de Cambon à Pierre Paul Alard.

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« Il faut prier de ma part Mercadier l'aîné de me préserver des pillards. Cela lui sera aisé. Tous ceux que j'ai, viennent de la montagne. Il n'y en a pas ici ». Lettre de François Tristan de Cambon à Pierre Paul Alard. 1er mars 1788.

Largement avisé de la misère ambiante par les lettres que lui adressent les curés de son diocèse, Monseigneur de Cambon dispense d'abord quelques aides, de façon ciblée et strictement encadrée ; puis il met en œuvre un dispositif de secours plus large, qui inclut distribution de nourriture et distribution de bois. Il délègue à Pierre Paul Alard le contrôle de ces distributions.

Le 22 décembre 1787, Monseigneur de Cambon signale à M. Alard que, sur proposition du curé de Malegoude, il accorde son aide à une veuve, chargée de six enfants. Le curé de Malegoude fera l'avance de cette aide. M. Gout, mandataire de l'évêché, vérifiera la mise en œuvre de l'aide en question. Monseigneur de Cambon n'indique jamais le prénom dudit M. Gout. Il pourrait s'agir de Jean Jacques Gout, habitant de Mazères, initialement boulanger, devenu par la suite géomètre, et, en 1790, procureur fondé de Monseigneur de Cambon. Le 25 janvier 1789, dans une lettre adressée à Pierre Paul Alard, l'abbé Gaillard, curé de Gaudiès note que « le Sieur Gout pourra se charger de cet objet [la distribution de la mouture destinée à la fabrication du mistras pour les pauvres] en passant, c'est sa route de Mazères. »

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À la veille de Noël, en 1787, une veuve de Malegoude, chargée de six enfants... Lettre de François Tristan de Cambon à Pierre Paul Alard. 22 décembre 1787.

« J'ai reçu Monsieur dans le mois de novembre dernier une lettre du curé de Malegoude qui recommandait à ma charité une veuve de sa paroisse, chargée de six enfants. Je vous chargeai de fournir certains objets qu'on me demandait. Il en était un autre dont je chargeai M. le curé de Malegoude. Il me marquait que le torchis extérieur du côté du levant de la maison de cette veuve était tombé en partie depuis le toit jusqu'au plancher sur une largeur de six à sept pans. Je ne sais si cette réparation est faite. Il faut charger M. Gout de la vérifier et de rembourser M. le curé. Comme j'ai une mince confiance en lui, Gout vérifiera ce qui a été fait. Et si, sous le prétexte de cette réparation, M. le curé n'a pas imaginé d'abuser de ma confiance et étendu cette réparation bien au-delà de ce qu'elle devait se porter. Ce que j'ai souligné ci-dessus est copié dans la lettre du curé et fixe suffisamment en quoi consistait la réparation dont j'ai voulu me charger de faire les frais... »

Durant l'hiver 1787-1788, Monseigneur de Cambon s'inquiète pour la première fois de la disponiblité des grains, blé, orge, et plus spécialement millet (maïs), dans son diocèse. « Il ne suffit pas qu'on dépique le millet », écrit-il à Pierre Paul Alard le 22 décembre 1787 ; « il faut de plus qu'on en ait sur la place chaque jour de marché ». Le 2 janvier 1788, il signale au même Pierre Paul Alard que, disposant de grains à Belpech, il il les a fait porter à Mirepoix. En février de la même année, il mande à ses collaborateurs d'acheter d'autres grains encore, car les prix, à la fin de ce mois là, sont « au plus bas. »

À la fin de l'année 1788, Monseigneur de Cambon publie une lettre circulaire enjoignant aux curés des paroisses de son diocèse de faire préparer conformément à la recette prescrite par son équipe épiscopale et de distribuer aux pauvres du milhas (bouillie de maïs), ou du mistras (pain de maïs).

Monseigneur de Cambon se charge de financer l'achat des grains nécessaires à la préparation du milhas ou du mistras  — « ris » ou « riz » (maïs écorcé, qu’on met éventuellement à la soupe, ou variété de haricot à grain blanc très petit), et « millet » (maïs ordinaire) —, et de fournir ces grains aux curés qui en font la demande. Il attend toutefois des curés dont les réserves ou les revenus le permettent, qu'ils devancent la fourniture des grains.

Monseigneur de Cambon requiert par ailleurs des curés les plus démunis qu’ils précisent chaque fois dans leur demande le nombre des pauvres de leur paroisse nécessitant d'être secourus. Et il fait signer auxdits curés la promesse de ne point distribuer les grains directement, afin d'éviter que certains pauvres n'aient l'idée de les vendre à la sauvette et d'aller boire ensuite au cabaret le bénéfice de cette vente. Il rappelle également dans une lettre datée du 24 janvier 1789 que c'est aux propriétaires qu'il incombe de nourrir leurs métayers et maîtres valets.

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Lettre de François Tristan de Cambon à Pierre Paul Alard. 24 janvier 1789.

Au vu de la correspondance qui a été conservée, la distribution des grains débute au cœur de l'hiver 1788-1789. Elle se trouve prévue pour durer jusqu'à la Saint Jean. Quelques exemples...

1. Beauteville

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10 janvier 1789. Lettre de l'abbé Joteras, curé de Beauteville, à Pierre Paul Alard.

Le 10 janvier 1789, après avoir reçu la circulaire dans laquelle Monseigneur de Cambon expose « les raisons pour lesquelles, étant touché de l'état de disette générale qui est répandue dans tous les pauvres de son diocèse, il est dans le même dessein d'y pourvoir comme il l'a fait il y a quelques années [en 1781-1782, durant l'épidémie de suette miliaire] par le moyen du mélange du ris avec la farine du millet », l'abbé Joteras, curé de Beauteville, sollicite auprès de Pierre Paul Alard l'envoi de l'aide annoncée par son évêque.

2. Ribouisse

Le 14 janvier 1789, concenant la distibution du ris à Ribouisse, Monseigneur de Cambon signale à Pierre Paul Alard que « rien ne presse. le dégel permet de travailler. »

3. La Louvière et Zebel

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Lettre signée Bordes, curé de La Louvière et de Zebel, à Pierre Paul Alard. 15 janvier 1789.

« Il y a quelques jours que j'ai reçu une lettre de Monseigneur notre Évêque pour les aumônes qu'il se propose de faire dans ma paroisse. Le prélat exige de moi que je vous déclare que je me conformerai à son mémoire pour la fabrication et distribution du mistras, qu'il est dans l'intention de donner à la paroisse de La Louvière et de Zebel, son annexe. Je vous écris ces deux mots pour vous dire que je m'y conformerai le mieux qu'il me sera possible. Vous pouvez donc m'envoyer quand vous le jugerez à propos, le ris, [...], le sel et bois. Je ne commencerai que quand les besoins seront urgents. Je vous prie de faire attention que j'ai beaucoup de pauvres... ». Signé Bordes, curé de La Louvière. 15 janvier 1789.

4. Puivert

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Lettre signée Aymes, curé de Puivert, à Pierre Paul Alard. 16 janvier 1789.

« Je déclare et certifie à Monsieur Alard, receveur des décimes que je me conformerai exactement aux vues et intentions de Monseigneur l'Évêque pour la distribution du millet et du riz, et que je ferai faire du mistras suivant la recette que j'en ai reçue. En foi de ce, à Puivert, le 16 janvier 1789. Signé Aymes, curé.

5. Sainte-Camelle

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Lettre signée Tourtrol, curé de Sainte-Camelle, à Pierre Paul Alard. 16 janvier 1789.

« Sa Grandeur offre de faire toutes les dépenses. Ce qui est bien généreux, surtout dans cette année, puisque déjà je découvre dans mes paroissiens 86 bouches au moment de venir participer au mistras. » Signé Tourtrol, curé de Sainte-Camelle. 16 janvier 1789

6. Gaja-la-Selve

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Lettre d'Arnaud, curé de Gaja-la-Selve, à Pierre Paul Alard. 20 janvier 1789.

« Je recevrai avec Reconnaissance les secours qu'il plaira à Monseigneur l'Évêque d'accorder à mes paroissiens, dont la misère est extrême. Je déclare, en conséquence, que je me conformerai à ce qui est prescrit par sa recette ; et que, hors les cas rares où un malade aurait besoin d'un peu de riz pour faire de la tisane ou du potage, je ne délivrerai ni riz, ni farine de millet en nature... ». Signé Arnaud, curé de Gaja-la-Selve. 20 janvier 1789.

7. Pechluna

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Lettre de Marquier, curé de Pech-Luna, à Pierre Paul Alard. 22 janvier 1789.

« Je soussigné déclare à M. Alard, receveur des décimes, que je me conformerai de point en point à ce qui est prescrit par la recette que Monseigneur l'Évêque m'a envoyée pour ce qui concerne la fabrication du mistras qu'il veut que distribue aux pauvres de ma paroisse ; et que je ne délivrerai à personne ni ris ni farine de millet en nature... ». Signé Marquier, curé de Pech-Luna. 22 janvier 1789.

8. Léran

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Lettre de Roussel, curé de Léran, à Pierre Paul Alard. 23 janvier 1789.

« Je ne sais point si vous avez reçu le riz, mais je sais que le grand besoin qui se fait sentir depuis un mois n'a pas diminué. Je vous serai bien obligé de me faire dire dans quel temps je pourrai en prendre pour faire faire du mistral conformément aux intentions de Monseigneur l'Évêque. Quelque pénible que soit cette opération, je m'y porterai de grand cœur pour procurer aux pauvres de ma paroisse le soulagement que la charité du prélat leur destine...

9. Sans lieu indiqué

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Lettre signée Anoune, curé de... [lieu mangé par une souris], à Pierre Paul Alard. 1789.

« J'ai reçu de Monseigneur l'Évêque une lettre par laquelle il me dit de m'adresser à vous pour que vous ayez la bonté de m'envoyer du ris et du millet pour faire le millas qu'il veut donner aux pauvres de ma paroisse. Pour faire savoir sur quoi il s'est fixé pour la quantité qu'il veut donner, je vous apprendrai que ma paroisse est composée de cinq cents communiants et des enfants à proportion, et que les fruits qu'il [Monseigneur de Cambon] perçoit dans la paroisse sont affermés à environ douze cents livres : voyez à présent ce que vous pouvez faire... ».

10. Laroque d'Olmes, Esclagne, Tabre

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État des pauvres les plus nécessiteux de Laroque [d'Olmes], d'Esclagne et de Tabre. Adressé par l'abbé Jammes, curé de Laroque d'Olmes, à Pierre Paul Alard. Non signé. Sans date.

Le transport des grains se révèle lent et compliqué à organiser, car un peu partout charrettes et chevaux manquent, et rares sont les possibilités d'en louer, d'autant que la plupart des curés se trouvent trop pauvres eux-mêmes pour faire l'avance d'une telle location.

11. Gaudiès et Tresmèzes

La préparation du mistras ou du milhas se heurte ensuite au problème des locaux inadaptés et de la rareté de volontaires disponibles, de préférence honnêtes et point trop délabrés par la famine rampante. La cuisine de tel ou tel presbytère est trop petite et trop délabrée ; le curé, trop vieux et perclus pour s'adonner à une telle besogne, ou encore débordé par l'ensemble de ses tâches pastorales. Le 25 janvier 1789, dans lettre reproduite ci-dessous, M. Gaillard, curé de Gaudiès et de Tresmèzes, son annexe, résume ainsi les difficultés de la situation...

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Lettre de Gaillard, curé de Gaudiès et de Tresmèzes, à Pierre Paul Alard. 25 janvier 1789.

« Mon âge avancé, accompagné de diverses sénilités, et la petitesse de ma maison, m'empêchent de m'en charger moi-même. Ma cuisine n'a pas deux cannes de largeur sur dix-huit pans de largeur, j'y ai mon pot avec les embarras nécessaires pour préparer les deux repas par jour ; je n'y ai point d'autre pièce, ni cheminée pour y faire du feu, excepté ma chambre, que je ne puis donner à cet usage. Le prélat le sait, puisqu'il a vu lui-même ma petite maison en cours de visite des église ; mais cependant je'en ai l'avis de la confection dudit mistras, et à la distribution, je dresserai le catalogue des plus misérables, et compterai les têtes pour donner proportionnellement.
Je n'ai point de bois, il est rare, et cher, il en faut pour tout ; il faut un grand chaudron, je n'en ai point ; il faut du sel, il y en a à Mirepoix. M. l'Évêque se charge par sa lettre de pourvoir à tout, et de payer tout. Mes facultés ne me permettent point d'en faire les avances, je suis accablé des charges, fortes décimes, deux vicaires à payer, en tout environ 800 livres ; je partage quasi par moitié le revenu de ma cure avec elles.
Le Sieur Mimard, mon voisin, fermier du prélat, s'aboucha avec vous, Monsieur ; et vous conférez avec lui ; il m'a dit :
1º qu'il désire que vous fassiez porter à Gaudiès le ris, le millet, et le sel ; le Sieur Gout pourrait se charger de cet article ; quant à moi, je ne le puis, n'ayant ni valet, ni cheval, ni charrette à mon service.
2º Il faudrait savoir quand ledit mistras commencera à se faire ; il y a des familles, très pressées, qui n'ont pas du pain.
3º Combien des jours de la semaine se fera ledit milhas, la disette ira toujours croissant.
4º Je donnerai la déclaration de ce qu'on m'enverra ; il y a apparence que ça servira à plusieurs reprises, d'ici à la moisson prochaine.
Pour Tresmézes, annexe, trop loin de Gaudiès (5), pour prendre la distribution, le Sieur Gout pourra se charger de cet objet en passant, c'est sa route de Mazères, au sieur Jalabert, fort honnête homme qui se chargerait de cette opération, comme il fit par le passé. M. le vicaire n'y réside pas. J'ai l'honneur... » Signé Gaillard, curé de Gaudiès et de Tresmèzes. 25 janvier 1789.

On mesure ici la franchise, voire le tranchant qui, dans la relation avec Pierre Paul Alard, procureur fondé de Monseigneur de Cambon, distingue la parole de l'abbé Gaillard de celle de ses pairs, plus humbles et manifestement plus soumis.

Au pessimisme du pronostic formulé par l'abbé Gaillard — « Combien des jours de la semaine se fera ledit milhas, la disette ira toujours croissant » —, Monseigneur de Cambon oppose, dans une lettre du 24 janvier 1789, l'optimisme d'une perspective à court terme qui sera sous peu déjouée par l'Histoire : « Quant aux brassiers, lorsque les travaux publics seront ouverts, il faudra aussi avoir égard à cette ressource. »

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Lettre de François Tristan de Cambon à Pierre Paul Alard. 24 janvier 1789.

12. Fajac-La Relenque

Le 25 février 1789, Pierre Paul Alard reçoit encore une lettre de l'abbé Born, curé de Fajac-La Relenque, qui « comptant pour le moment présent, trente-six bouches qui sont sans nourriture » réclame une distribution « à l'exprès » et qui, concernant la livraison des moutures, observe qu'il serait « dangereux de livrer le ris à des voituriers étrangers dont on ne connaîtrait point la probité ».

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Lettre de l'abbé Born, curé de Fajac-La Relenque, à Pierre Paul Alard. 25 février 1789.

13. Molandier

Le même 25 février 1789, l'abbé Raynaud, curé de Molandier, annonce à Pierre Paul Alard qu'il « fera le milhas dans sa maison, du moment qu'il aura reçu le ris et autres choses que Monseigneur l'Évêque veut avoir la charité de fournir, jusqu'au 20 juillet de la présente année. Je dis 20 juillet », observe l'abbé, « parce que les pauvres commenceront alors à glaner à Fajac ». Et d'ajouter ce témoignage personnel : « Je suis dans l'usage de faire du mistras chaque jour ; parce que je trouve que, outre qu'il est meilleur, il porte plus de profit. »

14. Lapenne, Besset, Ribouisse

Le même 25 février 1789, Monseigneur de Cambon rappelle à Pierre Paul Alard que Lapenne, Besset et Ribouisse ont bénéficié d'ores et déjà de la distribution alimentaire prévue.

15. Molandier encore

Le 26 mars 1789, l'abbé Raynaud, curé de Molandier, réclame une seconde fois les secours proposés par Monseigneur de Cambon.

Le 1er mai 1789, débordé par les demandes d'aide qui vont croissant, retenu dans sa famille à Toulouse dans sa famille par une « incommodité » sur laquelle il passe, Monseigneur de Cambon délègue au chevalier de Cambon, l'un de ses frères, le soin de prévenir Pierre Paul Alard qu'il ait à vendre pour lui 450 quintaux de foin.

Le 23 mai 1789, les demandes de millet à cuire ont baissé. Monseigneur de Cambon indique à Pierre Paul Alard « il faut vendre ce millet au cours. Pour ce qui est du blé, je crois qu'il faut attendre. La diminution actuelle ne peut pas se soutenir jusqu'à la récolte. »

Le 25 mai 1789, les demandes de millet à semer succèdant maintenant aux demandes de millet à cuire, Monseigneur s'étonne du volume de ces nouvelles demandes. Toujours depuis Toulouse, il exhorte Pierre Paul Alard à « mettre des bornes à sa commisération ». Il le prie d'envoyer M. Gout dans les villages afin de vérifier quelles demandes « en valent la peine ». « Il faut donner avec poids et mesure, mais avec justice », observe-t-il. Il compte aussi sur M. Gout pour vendre encore « à la première occasion » ses grains à lui.

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Lettre de François de Cambon à Pierre Paul Alard. 25 mai 1789.

Il faut croire, Monsieur, que les gens de la campagne qui viennent demander du millet pour semer n'ont que de très petites possessions. La plupart cependant réclament des quantités de millet qui supposeraient qu'ils en ont de considérables. Voyez avec M. Gout de connaître le plus exactement que faire ? Ce pourra ce soin dont particulièrement Gout [sic ; Monseigneur de Cambon est malade], vos occupations vous retenant à Mirepoix. lui au contraire se rendra sur les lieux lorsque les demandes en vaudront la peine. Dans l'éloignement où je suis, je ne puis que m'en rapporter à vous, mais je vous exhorte à mettre des bornes à votre commisération. Il faut donner avec poids et mesure, mais [sic] avec justice.
Profitez avec Gout de la première occasion pour vendre mes grains ». Lettre de François Tristan de Cambon à Pierre Paul Alard. 25 mai 1789.

16. Gaja-la-Selve encore

Le 13 juin 1789, le curé de Gaja-la-Selve clame auprès de Monseigneur de Cambon, d'une manière que celui-ci ne semble pas apprécier, son besoin de secours. « Monsieur le curé de Gaja est sans contredit le curé de mon diocèse qui demande le plus souvent pour sa paroisse », observe Monseigneur de Cambon à l'intention de Pierre Paul Alard. [...] « Ce n'est pourtant pas la paroisse de mon diocèse dont les besoins sont les plus grands. Donnons-lui ce qu'il demande. »

  Le 17 juin 1789, Monseigneur de Cambon constate que « la dernière récolte n'a pas été abondante. »

17. Ribouisse encore

Le 15 octobre 1789, l'abbé Vidalat (6), curé de Ribouisse, signale à Pierre Paul Alard qu'il a assigné derechef « pour la distribution du mistras le mardi, le jeudi et le samedi de chaque semaine. »

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Lettre de l'abbé Vidalat, curé de Ribouisse, à Pierre Paul Alard. 15 octobre 1789.

« Par ce moyen, on contentera les plus pressés. Si cependant il se présentait une semaine où il fît des jours de mauvais temps, il faudrait alors en faire tous les jours. Nous sommes ici de quarante à quarante-cinq personnes dans le besoin. Il s'en était présenté quatre-vingt-trois ; vous voyez que j'ai déjà fait une bonne réduction.
Le bois est ici plus cher que vous ne pensez. Le bois de pile se vend 20 livres la pile, et les fagots 12 livres le cent... » Signé Vidalat, curé de Ribouisse. 15 octobre 1789.

L'événement du 14 juillet n'a rien changé à la misère qui règne dans les campagnes languedociennes. Anticipant sur la suppression de la dîme (7), qui sera tenue bientôt pour bien national, Monseigneur a vendu avant l'été 1789 la plus grande partie de ses grains. Il n'est plus en mesure désormais de prolonger la politique d'aide alimentaire mise en œuvre au début de l'année 1789. Le 17 mai 1790, une troupe marche sur sa maison de Mazerettes. Fuyant les troubles révolutionnaires, Monseigneur de Cambon quitte alors son diocèse pour n'y plus revenir. Il mourra à Toulouse le 20 novembre 1791.

À suivre : À propos de François Tristan de Cambon, dernier évêque de Mirepoix. II. Un administrateur vigoureux

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1. La dîme, ou décime, est 1º une contribution correspondant à une certaine part de la récolte, versée au diocèse par les habitants des paroisses ; la part varie d'un diocèse à l'autre, et même d'une paroisse à l'autre ; le taux est élevé dans le Sud-Ouest de la France, jusqu'au huitième. Le décime est 2º la taxe perçue par le roi sur les biens du clergé.

2. Le village de Rieucros se trouve situé à dix kilomètres de Mirepoix.

3. Archives départementales de l'Hérault, 115. K10. Archives de la confrérie des Pénitents blancs de Montpellier.

4. De façon implicite, Monseigneur de Cambon distingue ici, à l'intention de Pierre Paul Alard, « Jacques Mercadier l'aîné », son secrétaire particulier, et Jean Baptiste Mercadier le jeune, ingénieur du Languedoc, maître d'œuvre à Mirepoix de la construction du pont de pierre sur l'Hers, fils du précédent.

5. Tresmèzes se trouve situé à environ 5 km de Gaudiès.

6. L'abbé Vidalat deviendra par la suite sous le nom d'abbé Vidalat-Tornier un excellent historien de Mirepoix.

7. Dîme ou décime. Les deux mots sont équivalents.

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