Christine Belcikowski

Publications 4

Les égarés

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Oh ! la voix des dieux
qui grésille dans les fils électriques,
oh ! la rumeur des rêves
qui planent sur les corps endormis,
oh ! le silence radio des insectes volants
qui meurent sur les lampadaires,
comme ailleurs celui des gens qui meurent sur les saisons !
Au hasard des oiseaux de nuit,
des chauves-souris,
nous, les égarés, cheminons, comme les autres,
sur la route obscure
qui vit un jour le philosophe
— c’était au IIIe siècle av. J.-C. sur la route de Mégare —
tomber dans un puits.
τοὕ μηδέν εἵυαι δυνατόν, ὃ οὔτ᾽ ἒστιν ἀληθἑϛ οὔτ᾽ ἒσται.
Rien n'est possible que ce qui est arrivé ou qui sera (1),
dit Épictète, qui rapporte ici la parole
du grand Diodore CRONOS (2).

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1. Épictète. Entretiens. Livre II, 19, 1, lignes 10-11 (p. 79). Traduction de la page 79 : même ouvrage, p. 78. Texte établi et traduit par Joseph Souilhé. Édition Les Belles-Lettres. Paris. 1969.

2. Diodore Cronos († ca 284 av. J.-C.), philosophe grec de l'école mégarique. Spécialement connu pour son κυριεύων λόγος (argument dominateur), qui porte sur le possible ou l'impossible des futurs contingents.

À Mirepoix. La cathédrale aux champs

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Au bord du chemin, une modeste pensée. « Pourquoi une pensée, un mot, une fleur, font-ils que vous vous arrêtez et que vous relevez la tête vers le triangle céleste ? » questionne Alfred de Musset, en 1836, dans La Confession d'un enfant du siècle (1).

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Cherchez dans l'image la cathédrale, le château, et la tour de la maison seigneuriale.

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Ci-dessus : vues de la cathédrale, de l'ancien château de Mirepoix et de la maison seigneuriale, par temps variable, depuis les hauteurs du Bastié.

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1. Alfred de Musset. La Confession d'un enfant du siècle. Première partie. Chapitre 1, p. 58. Édition F. Bonnaire. Paris. 1836.

La cène ordinaire

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Ma pensée, à la table du soir,
va vers les Invisibles qui affluent derrière nous,
anges, oiseaux,
grands navires qui reviennent pour l’heure au port de leurs années profondes
enflés du souvenir de notre vie d'antan,
quand nous mangions ensemble,
et qui s’étonnent de ne point reconnaître ici la salle à manger,
la table et le buffet de chêne,
hérités du passé,
« Lévitan est un meuble qui dure longtemps ».
Il n'y a plus de salles à manger !
On en voit seulement, de nos jours, dans la petite ville
quand on passe en été, le soir, au bord des fenêtres grandes ouvertes
par où viennent la nuit, les platanes, et l'odeur des étoiles.
Ailleurs, la cène est pauvre, le pain déjà tranché.
Les Invisibles affluent pourtant
et l'autre cène advient
sous leurs yeux sans visage.
Alors nos yeux à nous s'ouvrent,
et sans voir,
nous les reconnaissons,
mais ils disparaissent à nos regards.

11 juin 2020, Mirepoix

L'alchimiste

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J’ai ouvert grand
la fenêtre hauturière de la nuit sans étoiles,
baissé la lampe,
et, surgi droit du profond de l’Érèbe,
l’alchimiste est entré,
catephia alchymista,
avec l'afflux des ombres
et des souvenirs oubliés.
Il a deux yeux triangulaires
frappés sur le velours de son manteau charbon,
deux yeux blancs
qui ne regardent rien, mais qui te voient
sans te voir autrement que sous l’espèce de ces grands transparents,
que sont âmes sans corps, sive corps glorieux,
… αἱ δ᾽ ἀγέροντο
ψυχαὶ ὑπὲξ Ἐρέβευς νεκύων κατατεθνηώτων
... alors en foule
les âmes des morts s'échappent de l'Erèbe (1)

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Homère. Iliade. Chant XI, 36-37.

SOL ET VOLPES

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Tout soleil a son volp
son goupil, son renard,
comme la lumière a l’ombre,
comme le jour a la nuit,
la splendeur, sa ténèbre.
J’ai vu passer ce volp, du haut de mon balcon,
un soir d’hiver à Londres,
— les perruches, venues d’Indonésie,
piaillaient aux balcons des voisins —
il allait son chemin, tranquille,
balançant à plaisir sa lourde queue fourrée.
Je l’ai vu s’enfoncer dans l’impasse, là-bas,
où, loin des réverbères,
trônent les dieux-poubelles,
et se livrer bientôt, sous l'œil mou des moaï,
au tri précautionneux de sa galimafrée.
Messire Volp a la dent aiguisée,
Mister Fox a le goût délicat.
Il se fiche bien de savoir
que l'autre moaï, qui ouvre là-haut, dans le ciel,
de grands yeux jaunes qui disent l'heure,
c'est le château d'eau de l'ancien Park Fever Hospital
dont j'occupe, quant à moi,
ainsi postée à mon balcon,
un bâtiment revisité au point qu'il a perdu,
hélas, sa façon initiale, sa rêverie,
d'annonce lointainement néo-gothique.
J’ai vu passer ce volp, au pied de mon immeuble,
une autre fois encore, et c'était un matin,
vers cinq heures,
j'attendais un taxi
qui me mène à Gatwick pour l'avion du matin,
le taxi tardait à venir,
je scrutais l'horizon, j'avais froid,
— ô retourner en France !
ô revoir le soleil de mon cher Mirepoix ! —
quand le volp est passé devant moi
et humpf ! il s'est changé, dirait-on, en taxi,
je me suis envolée dans le sens du soleil,
merci le volp !
Tout soleil a son volp,
disais-je plus haut,
en tapinois,
ou, si l'on veut, en mon parler narquois.

Malicieusement inspiré par des heures de recherche généalogique sur le très ancien patronyme languedocien Soleilhavolp. Cf. À propos de Marie de Soleilhavolp, épouse de Pierre de Lévis Ajac ; À propos de Marie de Soleilhavolp, épouse de Pierre de Lévis Ajac. Addendum.

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