Christine Belcikowski

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Pierre Sidoine. Jules Ier de Crapot Peujaud

Rédigé par Belcikowski Christine Aucun commentaire

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Ci-dessus : Pierre Sidoine. Jules Ier de Crapot Peujaud. 2019.

À Odysseus 2357 et Mishima 133K, Pierre Sidoine sculpteur ajoute désormais un nouvel opus intitulé Jules Ier de Crapot Peujaud. Via cette suite de casques, l’artiste remet, semble-t-il, ses pas dans ceux de Diogène qui, ayant allumé une lanterne en plein jour, s’en allait criant : Ἄνθρωπον ζητῶ, « Je cherche un homme. » (1)

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Ci-dessus : Jusepe de Ribera. Diogène, détail. 1637. Staatliche Kunstsammlungen, Gemäldegalerie Alte Meister. Dresde.

L'universelle analogie veut par effet de concordia discordans que, chez Pierre Sidoine, le casque soit formaliter relativement au vide qu'il recèle, dans le même rapport que, chez Diogène, la lanterne relativement au feu qu'elle fait paraître en plein jour.

Mais l'universelle analogie veut aussi par effet de discordia concordans que, là où la lanterne allumée figure l'homme tel qu'il devrait être selon Diogène, le casque vide donne à voir ce qu'il en est de l'homme selon Pierre Sidoine. L'œuvre du sculpteur objective ainsi en la radicalisant la leçon du philosophe cynique.

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Le journal de la création du Jules Ier de Crapot Peujaud montre que celui-ci a été créé à partir d'une carcasse métallique, analogue à celle d'une lanterne ou d'une cage, sur laquelle le sculpteur a appliqué et façonné des feuilles de métal de manière à figurer un casque médiéval de type « crapaud », reconnaissable à ses surfaces fuyantes et à la forme amphibienne de sa visière, qui permet au porteur du casque de voir lorsqu'il penche le buste en avant, mais point à l'arme de son adversaire de pénétrer dans le casque dès lors qu'il relève le buste.

Muni d'un tel casque, qui le rend, tel Gygès, capable de voir sans être vu, Jules Ier s'érige là en figure de l'Invincibilité, apanage des dieux ou des héros du grand debat dont furent faictes grosses guerres (2). Il se tient debout, sans visage ni corps, sur une très parlante feuille de boucher. Ce qu'il en est de l'homme...

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Adjointe au métal sur la face arrière du casque, une feuille de fibre de verre supporte une riche décoration, faite de puces électroniques traitées de façon mosaïquée, et incrustée, pour l'effet d'anachronie, de diverses pièces remployées d'anciennes machines mécaniques, dont une plaque/notice de machine à coudre qui indique quelle aiguille employer par rapport à l’épaisseur du fil de coton. Le sommet du casque se trouve surmonté d'un emblème automobile de marque Peugeot, modèle 1950.

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Beau comme la rencontre de... l'art et de l'industrie sur l'écran des rêves de Pierre Sidoine.

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En 1847, Jules Peugeot, diplômé de l'École centrale de Paris, et Émile Peugeot, patrons des Établissements Peugeot Frères, font appel à Justin Blazer, orfèvre et graveur de Montbéliard, afin de créer leur emblème. Ils choisissent le Lion, aux qualités analogues à celles des lames de scies qu'ils produisent : résistance, souplesse et rapidité. Déposé en 1858 au Conservatoire impérial des Arts et Métiers, le Lion est apposé sur les outillages, les cycles et les motos, puis en 1905 sur les automobiles.

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Allié à la passion de l'Antiquité et du Moyen Âge, il y a du futurisme dans l'œuvre de Pierre Sidoine. D'une rive à l'autre, rare dans la sculpture, sarcastique, point ennemi des beautés explosantes-fixes (3), coââ-coââ, l'humour fait pont.

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Pierre Sidoine. Mishima 133K
Odysseus 2357

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1. Diogène Laërce. Vie et doctrine des philosophes. Livre VI. Chapitre II. DIOGÈNE. ΔΙΟΓΕΝΗΣ. §41.

2. Rabelais. Gargantua. Chapitre XXIII.

3. Cf. André Breton. L'Amour fou (1937) : « La beauté convulsive sera érotique-voilée, explosante-fixe, magique-circonstancielle, ou ne sera pas. »

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