Christine Belcikowski

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Pierre Sidoine. Odysseus 2357

Rédigé par Belcikowski Christine Aucun commentaire

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Ci-dessus : Pierre Sidoine. Odysseus 2357. Ferronnerie, puces électroniques, matériaux de récupération. 2018.

Le casque est sans hoplite, autant dire sans raison. On se souviendra là du « casque fatal » que le prince Manfred trouve, tombé du ciel, dans la cour de son château d'Otrante, et qu'il considère d'un œil fixe, non sans souhaiter en vain de « le pouvoir regarder comme un songe. » 1

Du casque du château d'Otrante, avec « sa touffe de plumes noires, aussi haute qu'une montagne », au casque de Pierre Sidoine, avec son cimier de métal cruellement découpé, n'y a-t-il pas une sorte de lien abyssal entre l'imaginaire de l'écrivain « frénétique » et celui d'un sculpteur contemporain qui dit devoir à sa culture initiale - il est belge - le goût des masques à la Ensor et celui du surréel façon Magritte ou Delvaux, ou encore à sa fréquentation des vieux livres une curiosité des mythes et légendes comparable à celle de l'italien Giorgio de Chirico dans le domaine de la peinture ? La légende est ici celle d’Odysseus 2357 ; le mythe, celui du héros, ou plutôt de l’errant, voué par la fatalité à l’horreur du devenir fantôme. Masque mortuaire ou crâne vide, le casque créé par Pierre Sidoine ne pourrait-il être vu comme figure macabre du Destin des hommes, vérité des héros, vérité des Grandes Guerres qu’ils entretiennent, et vérité de la Mort victrix ?

Mais le vide du crâne et l’ajout d’un cadran téléphonique, de roues dentées et de puces électroniques sur le casque, augurent peut-être là encore la figure néo-futuriste de l’homme-machine, non point celui dont Julien Offray de La Mettrie disait en 1748 que son esprit « doit être considéré comme une suite de l’organisation sophistiquée de la matière dans le cerveau humain », mais celui dont le transhumanisme fait le Terminator, chargé d'exterminer l'humanité pour éviter d'être débranché par ses créateurs. Une variante cybernétique du Golem ? Ou encore, par effet d’ironie tragique, un sombre successeur d’Artaud le Momo, après les électrochocs ?

Il faut toutefois prendre garde à la pointe oniro-critique dont fait montre l’artiste ferronnier dans la construction de sa figure-machine. En associant des matériaux de récupération, chinés un peu partout dans des brocantes, en les combinant sur le mode du pastiche, en revêtant le tout d’une mosaïque de puces électroniques invalides mais dont le vert atteint à l’éclat des émaux, l’artiste renvoie au domaine de la catharsis, autrement dit à celui de la poésie – ut sculptura poesis -, la figure de cauchemar qui hante l’histoire des hommes depuis le commencement grec, et dont il signifie ainsi, humour oblige, qu’il y loin du Terrible à la nue beauté des travaux et des jours.

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1. Horace Walpole (1717-1797). Le Château d'Otrante, p. 5. À Amsterdam, et se trouve à Paris, chez Prault le jeune, libraire, quai de Conty, à la Charité. 1767.).

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