Ci-dessus : 21 fructidor an XIII (8 septembre 1805). Naissance d'Auguste Joseph Belloc. Archives de la Haute-Garonne. Montrabé. Naissances, mariages, décès, an XI-1822. Vue 42.
Né le 21 fructidor an XIII (8 septembre 1805) à Montrabé (1), Auguste Joseph Belloc est le fils d'd'Étienne Belloc, homme de loi, habitant de Toulouse sur son domaine de Montrabé, et de Louise Cramaussel. Nous ne savons quasi rien de son enfance ni de sa jeunesse. De ses années de formation à Paris, au lycée Louis-le-Grand, la chronique retient qu'il y a été le condisciple de Louis Adolphe Humbert de Molard (1800-1874), dont il partageait déjà la curiosité pour les sciences et techniques, et avec qui il restera lié toute sa vie durant.
Après ses années de lycée, Auguste Belloc retourne chez ses parents. Bien qu'on ne sache pas s'il a fréquenté l'école des Beaux-Arts, il travaille alors à Toulouse comme miniaturiste et aquarelliste. Il a pu, dans ce contexte, croiser le chemin d'Alexandre Clausel (2), qui a vécu à Toulouse lui aussi jusqu'en 1825 et qui, faute de moyens pour continuer ses études aux Beaux-Arts, peignait des dessus de glace pour les miroitiers. En 1929, Auguste Belloc est, dit-on, l'auteur d'une première publication, aujourd'hui perdue. Le 21 mai 1844, « âgé alors de trente-huit ans, domicilié à Toulouse, allée Lafayette, fils de feu Étienne Belloc et de Louise Cramaussel, domiciliée à Toulouse avec son fils », il épouse à Toulouse Céleste Marie Leroux, « trente-deux ans, née à Angers, Maine-et-Loire, domiciliée à Toulouse, fille de Louis Leroux, économe à l'école vétérinaire de Toulouse, et de Céleste Marie Rabouin, domiciliée avec sadite fille. »
Ci-dessus : 21 mai 1844. Mariage d'Auguste Belloc et de Céleste Marie Leroux. Archives municipales de Toulouse.Cote : 1E353. État-civil. Mariages 1844. Vue 99.
Après ce mariage toulousain, qui restera, sembe-t-il, sans descendance, le couple monte à Paris. Auguste Belloc y retrouve son ami Louis Adolphe Humbert de Molard, qui, dès le début des années 1840, s'est intéressé aux techniques compliquées de la photographie naissante, et plus particulèrement à l'usage du collodion humide (3), sur des plaques de verre. Auguste s'instruit à son tour des technique en question, et en 1850, il ouvre un atelier situé au troisième étage du nº 5 du boulevard Montmartre, dans le IIe arrondissement. Il figure en 1852 dans L'Argus4 à la rubrique « Daguerréotype et Photographie. Portraits » : « Belloc, 5, bd Montmartre, spécialité, sans retouche, leçons ».
Ci-dessus : Auguste Belloc. Vue du boulevard Montmartre depuis la fenêtre de son atelier. Paris, ca. 1851. Épreuve sur papier salé. Cf. Photographie par les procédés anciens. Histoire et fabrication. « Les pionniers de la photographie ont donc d'abord utilisé le chlorure d'argent (nitrate d'argent + chlorure de sodium) comme sel sensible réagissant rapidement à la lumière par noircissement direct. Le papier salé n'est ni plus ni moins qu'un papier ordinaire enduit de sel de cuisine et de nitrate d'argent en excès servant à activer l'apparition de l'image en quelques minutes, voire quelques secondes sous l'action de la lumière. »
Ci-dessus : Auguste Belloc. Portrait d'un jeune homme. Daguerréotype, circa 1850.
Ci-dessus : Auguste Belloc, photographe, et Jean Julien Jacott, lithographe et dessinateur. Double autoportrait, 1855. Photolithographie. Cf. Wikipedia : « La photolithographie est le procédé mis au point au milieu du XIXe siècle qui permet le transfert d’une photographie sur une pierre calcaire recouverte d'une couche sensible. Cette pierre sert ensuite à l’impression lithographique. »
En rapport avec les recherches qu'il continue d'entretenir sur l'usage du collodion humide, Auguste Belloc, qui a eu l'occasion de rencontrer ou de retrouver au Salon de Paris de 1844 Alexande Clausel, désormais domicilié à Troyes, s'intéresse dans ces années-là à la technique de la peinture à l'encaustique que son ami a développée à partir de 1840 et à laquelle il a consacré en 1842 ses Leçons pratiques d’encaustique lustrée, ou Exposé des notions nécessaires pour pratiquer ce procédé de peinture.
L'usage du collodion humide donne de la richesse aux gris et beaucoup de finesse dans le rendu des images photographiques. Mais il exige une utilisation immédiate.
Le collodion est un nitrate de cellulose dissous dans un mélange d'alcool et d'éther que l'on étend sur une plaque de verre. Quand ce mélange sirupeux commence à se figer sur le verre, on plonge la plaque dans un bain de nitrate d'argent pour la sensibiliser, les sels contenus dans la pellicule sont ainsi transformés en halogénure d'argent sensible à la lumière. On égoutte alors la plaque et on la transfère dans un châssis étanche à la lumière. Toutes ces opérations se font en chambre noire. On peut alors faire une prise de vue avec la chambre photographique. La plaque doit ensuite être immédiatement développée en chambre éclairée en lumière rouge clair (le nitrate d'argent étant insensible à la lumière rouge) avec de l'acide gallique ou du sulfate de fer puis fixée au thiosulfate de sodium ou au cyanure de potassium.
Renonçant à l'usage trop contraignant du collodion humide, Gustave Le Gray expérimente dans les mêmes années la production de négatifs sur papier ciré sec. Ce procédé permet au photographe de préparer à l'avance des négatifs faciles à transporter et conservables pendant quinze jours. Bien qu'il entraîne des manipulations supplémentaires dans l'obtention de l'image, il rend possible les tirages multiples de la même photographie. (4)
Ci-dessus : le Crystal Palace en 1851.
Initié par Auguste Belloc aux diverses techniques de la photographie, Alexandre Clausel, spécialiste de la cire lustrée, joue à partir de 1850 un rôle important dans les recherches de son ami et mentor. En 1851, les deux amis partent ensemble à Londres présenter les leurs travaux à l'Exposition universelle organisée dans le cadre du Crystal Palace. Auguste Belloc explique là le principe du stéréoscope et celui de la production des vues stéréoscopiques ; Alexandre Clausel, l'usage de la cire lustrée. En 1855, dans Les quatre branches de la photographie, Auguste Belloc fait état de ce qu'il doit aux leçons de son ami Alexandre Clausel :
« M. Clausel de Troyes nous communiqua ses idées et nous en fîmes ensemble les essais. En juin 1854, nous publiâmes ce procédé, et, nous autorisant de deux années d'expériences comparatives, nous pûmes dire et nous pouvons répéter que l'encauutique , déjà connue et employée en France et en Angleterre, assure aux épreuves une durée indéfinie et une vigueur peu commune.
Dès 1852, plusieurs photographes eurent l'idée de détacher du verre la couche de collodion transformée en positif direct et de la rapporter sur papier ou sur toile ; les premiers beaux succès en ce genre ont été obtenus en 1853. » (5)
« L'épreuve positive vue clans l'eau a une bien belle apparence, et chacun a eu certainement le désir de lui conserver ce lustre humide qui lui donne tant d'éclat; mais en séchant, la transparence et la vigueur disparaissent, et avec elles les détails, les finesses et tout le charme de la couleur.
L'on a employé avec quelque succès les vernis et le laminoir ; et il faut bien le reconnaître, l'épreuve vernie ou satinée acquiert beaucoup plus d'éclat. Mais le vernis couvre l'épreuve d'une couche luisante, épaisse, pouvant jaunir avec le temps et faisant miroiter l'image d'une façon désagréable.
Le laminoir est préférable au vernis, et cependant il donne un aspect dur à l'épreuve, en écrasant trop le grain du papier ; de plus, le laminoir est une lourde machine, et le portraitiste voyageur a dû y renoncer.
Nous devons à l'obligeance de M. Clausel, peintre fort distingué, opérateur photographe des plus habiles, de pouvoir donner aux épreuves positives ce brillant si doux, si harmonieux, qu'elles ont perdu en séchant, de pouvoir leur assurer une durée indéfinie sans altération.
Trois ans d'expérience nous ont appris que, même au contact de centaines d'autres épreuves enfermées dans un carton, les épreuves encaustiquées n'ont contracté aucune tache , pendant que les autres ont été maculées en plusieurs endroits ou ont sensiblement perdu.
L'on a fait à l'encaustique de M. Clausel le reproche d'être un produit trop cher ; nous ne saurions partager cette opinion, puisqu'une épreuve encaustiquée ne revient guère qu'à 0,5 centimes. Du reste, nous ne croyons pas qu'en y employant des matières pures et en y apportant tous les soins qu'elle exige, la fabrication de l'encaustique puisse baisser beaucoup de prix. Tout opérateur peut se mettre à l'œuvre et préparer lui-même ce composé ; il sera toujours meilleur que celui des contre-facteurs. » (6)
Ci-dessus : nº 16 rue de Lancry, aujourd'hui.
En 1854, Auguste Belloc déménage son atelier au nº 16 de la rue de Lancry, dans le Xe arrondissement, où il installe une imprimerie photographique. Membre fondateur de la Société héliographique depuis 1851, il l'est aussi de la Société française de photographie créée en 1854. Il déploie rue de Lancry une activité intense. Portraitiste très couru, professeur de daguerréotypie et de photographie au collodion, savant chimiste, il dépose en 1856 un brevet de quinze ans pour une presse dite châssis Belloc, destinée à la production des épreuves positives (7), et il publie de nombreux ouvrages didactiques.
Ci-dessus : Institut national de la propriété industrielle. Belloc, Armand Pierre Joseph Auguste, 16, rue de Lancry, photographe. Dossier : 1BB27991.
Traité théorique et pratique de la photographie sur collodion : suivi d'éléments de chimie et d'optique appliqués à cet art. Chez l'Auteur. 1854. Les quatre branches de la photographie : traité complet théorique et pratique des procédés de Daguerre, Talbot, Niepce de Saint-Victor et Archer, précédé des annales de la photographie et suivi d'éléments de chimie et d'optique appliqués à cet art. Chez l'Auteur. 1855. Le Catéchisme de l'opérateur photographe, traité complet de photographie sur collodion, positifs sur verre et sur toile, transport du collodion sur papier, stéréoscopes, vitraux, etc., nouveaux procédés pour le tirage des épreuves positives, leur fixage et leur coloration, etc., éléments de chimie et d'optique appliqués à la photographie. Chez l'Auteur. 1855. Compendium des quatre branches de la photographie : traité complet théorique et pratique des procédés de Daguerre, Talbot, Niepce de Saint-Victor et Archer, applications diverses ; précédé des Annales de la photographie ; et suivi d'éléments de chimie et d'optique appliqués à cet art. Chez l'Auteur. 1858. Code de l'opérateur photographe. Chez l'Auteur. 1860. Le catéchisme de l'opérateur photographe : traité complet de photographie sur collodion, positifs sur verre et sur toile, transport du collodion sur papier, stéréoscopes, vitraux. Chez l'Auteur. 1860. Causeries photographiques. Chez l'Auteur. 1861. Photographie rationnelle : traité complet théorique et pratique, applications diverses ; précédé de l'Histoire de la photographie. Dentu Éditeur. 1862. Traité d'un nouveau système de couleurs pour colorier les épreuves albuminées : traité de photographie opératoire. Leiber Éditeur. 1866. Le retoucheur : traité complet de la photographie, de la retouche, du coloris des épreuves albuminées par les couleurs et le système. Chez l'Auteur. 1868. (8)
« M. Belloc est si sûr dans sa théorie, si heureux dans ses résultats, qu'il a vu s'écouler rapidement les nombreux traités dont il est l'auteur ». In Annuaire du Cosmos : manuel de la science. A. Tramblay; Leiber et Faraguet ; Bureau du Cosmos ; Germer-Baillière ; éditeurs. Paris. 1860.
Ci-dessus : palais de l'Industrie, siège de l'Exposition universelle de 1855.
En 1855 entre 1858, avec son ami Alexandre Clausel, Auguste Belloc participe en outre à de nombreux concours. En juin 1855, il obtient une médaille de bronze à la suite de l'exposition organisée par Société internationale d'industrie d'Amsterdam (9) ; la même année, une médaille de 2e classe à la suite de l'Exposition universelle de Paris (10). En 1856, lui et Alexandre Clausel obtiennent deux « mentions honorables » à la suite de l'Exposition des arts industriels organisée par la ville de Bruxelles (11). En 1858, il obtient une médaille de bronze à l'Exposition dédiée à Alençon aux artistes normands et aux industriels de l'arrondissement d'Argentan (12). En 1859, il reçoit une médaille d'honneur à l'Exposition des Beaux-Arts et de l'Industrie à Toulouse, assortie du commentaire suivant : « M. Belloc, photographe à Paris, 16, rue de Lancry, a exposé des épreuves photographiques qui ont une incontestable supériorité sur celles de ses concurrents. Les personnages sont tous parfaitement posés; les épreuves sont d'une netteté remarquable ; les impressions sont des plus heureuses. » (13)
À partir de 1851 et de son passage à l'Exposition universelle du Crystal Palace, dans le même temps qu'il développait son activité de professeur de photographie et d'auteur d'ouvrages didactiques, Auguste Belloc s'est lancé dans une production de plus en plus intense d'images stéréoscopiques. L'usage du stéréoscope connaît en effet dans les années 1850 un succès fulgurant.
« À partir de 1851 et la mise en œuvre d’une production industrielle de stéréoscopes, la photographie en relief rencontre des succès sans précédent. Le Crystal Palace est inauguré. La Reine Victoria, adepte des nouvelles technologies, se voit offrir un appareil. Son enthousiasme stimule l’engouement du grand public. De 1854 à 1856, deux millions de dispositifs sont vendus par la Société stéréoscopique de Londres (London stereoscopic Company). Les compagnies françaises et américaines ne sont pas en reste. À la fin du siècle, l’industrie photographique – notamment alimentée par ces stéréographes, leurs catalogues, les nouvelles lanternes magiques de projection – active une industrie occupant des dizaines de milliers de personnes. » (14)
Charles Baudelaire en 1859, dans ses Curiosités esthétiques, dénonce dans ce succès du stéréoscope le triomphe du goût de l'obscène.
« Peu de temps après [la mise en œuvre pionnière des techniques de la photographie au cours des des années 1840], des milliers d’yeux avides se penchaient sur les trous du stéréoscope comme sur les lucarnes de l’infini. L’amour de l’obscénité, qui est aussi vivace dans le cœur naturel de l’homme que l’amour de soi-même, ne laissa pas échapper une si belle occasion de se satisfaire. Et qu’on ne dise pas que les enfants qui reviennent de l’école prenaient seuls plaisir à ces sottises ; elles furent l’engouement du monde. J’ai entendu une belle dame, une dame du beau monde, non pas du mien, répondre à ceux qui lui cachaient discrètement de pareilles images, se chargeant ainsi d’avoir de la pudeur pour elle : « Donnez toujours ; il n’y a rien de trop fort pour moi. » Je jure que j’ai entendu cela ; mais qui me croira ? » (15)
Ci-dessus : Auguste Belloc. Le voyeur : femme au m&tier à tisser, seins nus, observée par un homme à la Fenêtre. Ca 1854. Daguerréotype stéréoscopique coloré.
Ci-dessus : Nu féminin debout, de dos, draperies. Photographie possiblement directe sur cuivre argenté : daguerréotype. Vue stéréoscopique. 1851-1855.
Ci-dessus : Auguste Belloc. Nu couché. 1858.
Auguste Belloc, qui, au moins à partir de 1851, a déja publié des photos de nus à des fins « académiques », développe par la suite cette activité de façon intensive, multipliant ainsi les positifs sur papier salé ciré et surtout les vues stéréoscopiques. Il dispose en outre d'employés chargés de colorer à la main les vues en question. Il s'agit là d'une activité particulièrement lucrative, qui lui vaut une clientèle grandissante, et aussi l'intérêt des peintres, ainsi dispensés d'avoir à recruter des modèles. Des nus « académiques » aux nus très crument pornographiques, Auguste Belloc n'a au demeurant pas tardé à privilégier les seconds.
« Gabriel Gélin, dans Les laideurs du beau Paris. Histoire morale, critique et philosophique des industries, des habitats et des monuments de la capitale, témoigne de l'étalage des photographies et stéréoscopies à la devanture des commerces parisiens : « Des carreaux somptueux aux plus humbles étalages, quel promeneur n’a pas vu, il y a un an à peine, la porte de certains imagiers couverte des épreuves de la photographie cynique montrant avec effronterie des détails insolents ! » Et puis encore : « On vend non seulement la photographie obscène… on fait mieux. — On vend encore, avec elle, la loupe au moyen de laquelle on fouille l’image dans ses détails microscopiques. Certains marchands donnaient au besoin l’adresse du modèle ! » (16)
En 1857, suite à une première dénonciation, Auguste Belloc est condamné à cent francs d'amende pour « publication de photographies non autorisées et offense à la morale publique ».
Le 1er décembre 1859, pour une raison qu'on ignore, Pierre Arnaud Joseph Auguste Belloc, et Céleste Marie Leroux, son épouse, contractent auprès du Crédit foncier de France un prêt conditionnel pour une somme de 12 000 francs, réalisée en cinquante obligations foncières de 500 francs et remboursables en quarante-six annuités comprenant un intérêt de 4% l'an plus les frais administratifs. Les contractants hypothèquent, pour sûreté de garantie, une grande propriété située 58, Grande-Rue à Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne). La réalisation du prêt de fait le 19 janvier 1860. (17)
En octobre 1860, suite à une seconde dénonciation, la police perquisitionne au nº 16 de la rue de Lancry. Elle tombe sur la "femme Ducellier" occupée à peindre dix-neuf clichés pornographiques qu'elle est en train de colorier. « Dans les coffres-forts, les secrétaires et mêmes les cuves de caoutchouc où certaines épreuves sont en cours de fabrication, plus de quatre mille photographies sont saisies, la plupart décrites comme obscènes. Alors qu'il exerce une activité honorable, professeur, membre fondateur de la Société française de photographie, auteur de manuels techniques, Auguste Belloc, écope de trois mois de prison et de trois cents francs d'amende ». (18)
Après 1860, Auguste Belloc publie encore trois ouvrages consacrés à la technique photographique. On ignore s'il a continué à produire sous le manteau des images pornographiques. En 1866, Gustave Courbet peint à la demande du diplomate turc Khalil-Bey le tableau intitulé L'Origine du monde, jamais exposé en public avant la fin du XXe siècle. « Le tableau représente le sexe et le torse d'une femme allongée nue sur un lit, les cuisses écartées, et cadré de sorte qu'on ne voit rien au-dessus des seins (en partie couverts d'un drap) ni en dessous des cuisses » (19). On dispute aujourd'hui de savoir si le modèle du peintre a pu être Constance Quéniaux, danseuse à l'Opéra à l'âge de quatorze ans, puis maîtresse de Khalil-Bey. Il semble toutefois probable que Gustave Courbet se soit inspiré de l'une ou l'autre des images produites par Auguste Belloc, dont il ne dédaignait pas le génie pornographique. Le cadrage, en tout cas, est identique chez Gustave Courbet à celui de nombre de vues d'Auguste Belloc.
Ci-dessus, de gauche à droite : Auguste Belloc, photographie obscène pour le stéréoscope, négatif verre au collodion, épreuve sur papier albuminé, coloriage, ca 1660, Réunion des musées nationaux, cote cliché 14-529948, n° d'inventaire : Ae 27 4° Réserve ; Gustave Courbet, L'Origine du monde, 1866.
Un mystère subsiste quant à la date du décès d'Auguste Belloc. La plupart de ses biographies le disent « mort en 1867 ». Mais il publie encore Le retoucheur : traité complet de la photographie, de la retouche, du coloris des épreuves albuminées par les couleurs et le système en 1868 ! D'autres biographes disent qu'il « disparaît en 1848 ». Mais quand exactement, et où ? L'acte de décès ne se trouve pas, ni à Paris, dans aucun des vingt arrondissements, ni à Nogent-sur-Marne, ni à Toulouse, ni à Montrabé...
Sur les plus de quatre mille tirages qui ont été saisis en 1860, moins de deux cents seulement se trouvent en 1868 déposés au Cabinet des estampes de la Bibliothèque impériale ; les autres ont été « mystérieusement égarés entre les services de Police et les bureaux de M. le Procureur impérial. » (20)
La même année 1868, le photographe et artiste peintre Gaudenzio Marconi reprend l'atelier d'Auguste Belloc, dans lequel, en complément des portraits, il revient à la production de nus strictement destinés aux écoles d'art, et qui ont inspiré Rodin. Il quitte la France en 1872 et poursuit dès lors sa carrière à Bruxelles.
Ci-dessus : modèle pour L'Âge d'airain de Rodin. 1877.
« Veuve de Monsieur de Belloc », Céleste Marie Leroux, dont on ne dit rien dans cette histoire — que pouvait-elle bien en penser ? —, meurt le 12 avril 1885 à Beaugency. L'acte de décès d'Auguste Belloc ne se trouve pas non plus à Beaugency.
Ci-dessus : 12 avril 1885. Décès de Céleste Marie Leroux. Archives dép. du Loiret. Beaugency. 1886. Vue 84.
1. Commune située dans l'aire urbaine de Toulouse.
4. Cf. Le Portail de la Photographie. Négatif sur papier ciré. Procédé : « Afin d'obtenir un négatif sur papier ciré sec, une feuille de papier est imprégnée de cire blanche fondue. Elle est ensuite immergée dans une solution d'iodure et de bromure de potassium, puis sensibilisée avec une solution de nitrate d'argent et d'acide acétique. Après insolation, le papier est développé par une solution d'acide gallique et de nitrate d'argent puis fixé avec du thiosulfate de sodium ». Les négatifs peuvent être préparés à l'avance et se conservent environ quinze jours. Ils nécessitent toutefois un temps de pose assez long.
7. Institut national de la propriété industrielle. Belloc, Armand Pierre Joseph Auguste, 16, rue de Lancry, photographe. Cote du dossier : 1BB27991. Numéro de dépôt : 27991. Date de dépôt : 5 juin 1856. Classe : 17.
15. Charles Baudelaire. Curiosités esthétiques. Salon de 1959.
16. « Gabriel Gélin. Les laideurs du beau Paris. Histoire morale, critique et philosophique des industries, des habitats et des monuments de la capitale. Lécrivain et Toubon Éditeurs. 1861. Cité par Monique Sicard in « Érogenèses photographiques », p. 197-198. Médium n°46-47. Éros. Éditions Gallimard. 2016.
17. Archives nationales. Minutes et répertoires du notaire Louis Marie Pascal. 19 septembre 1857 - 11 février 1875. Étude XCIV. Période : 1859-1859. Cote : MC/ET/XCIV/867 - MC/ET/XCIV/1334, MC/RE/XCIV/13/B - MC/RE/XCIV/18 - MC/ET/XCIV/897.
18. Alexandre Dupouy. La Photographe Érotique, p. 25. Parkstone International. 2016.
Ci-dessus : chapelle Saint Jérôme à Ax-les-Thermes circa 1900.
Édifiée à l'instigation de la confrérie des Pénitents bleus sous l'épiscopat de François de Caulet, évêque de Pamiers de 1644 à 1680, la chapelle Saint Jérôme date de 1670. Le maître autel et le retable qui le surmonte constituent un bel exemple du style baroque pyrénéen du XVIIe siècle. Placé contre le mur du chevet plat, le retable comprend, dans le cadre d'un triptyque rythmé par des pilastres en stuc imitant le marbre, un tableau représentant le Christ en croix, et, de part et d'autre de ce tableau, deux statues en bois doré, l'une représentant Saint Jérôme, et l'autre, Marie Madeleine.
Ci-dessus : vue du maître autel et du retable aujourd'hui.
Ci-dessus : armes de Pierre Marceillac, évêque de Pamiers de 1916 à 1947.
Ci-dessus : Marie Madeleine pénitente, inspirée des classiques du temps.
Ci-dessus : Tiziano Vecellio, dit le Titien. Madeleine repentante. Circa 1565.
Ci-dessus : Saint Jérôme au désert. Œuvre inspirée des classiques du temps.
Ci-dessus : Saint Jérôme au désert par Artus Wolffort (1581-1641). Lille. Musée des Beaux-Arts.
Ci-dessus : Christ, d'après le Christ sur la Croix de Pierre Paul Prud'hon (1758-1823). « Le tableau représente le Christ en croix avec à ses pieds, le serpent et un crâne humain. L'arrière-plan de la composition est occupé par un paysage boisé et la vue de la ville de Jérusalem avec le temple. » (1)
Ci-dessus : Pierre Paul Prud!hon. Le Christ sur la Croix. La Madeleine et la Vierge sont à ses pieds. 1822. Tableau commandé au peintre pour orner la cathédrale de Metz ; entré au Louvre en 1823 ; exposé au Salon de 1824.
« Ce tableau est l'une des œuvres religieuses les plus copiées au cours du XIXe siècle et ce, dès sa création : copie à l'église de Mâcon, saône-et-Loire ; copie commandée en 1842, exécutée par M. de Briges, don de Napoléon III à La Ferté-Alais, Essonne ; copie par Adèle Ferran, 1841, cathédrale de Toul, Meurthe-et-Moselle ; copies commandées vers 1847, église de Sancerre et église de Saint-Métréol-sous-Sancerre, Cher ; copie par Henner, 1854, église d’Altkirch, Haut-Rhin ; copie datée de 1855 par Frédéric Hierthès, tableau disparu, Le Roc, Lot ; copie donnée par Napoléon III vers 1860 à l'église Saint Génitour au Blanc, Indre ; copie par Astoin, 1861, église d’Orlu, Ariège ; copie sans date, cathédrale de Noyon, Oise ; copie par M. Auger, offerte par Napoléon III en 1866 à l'église du Mesnil Saint-Denis, Yvelines ; copie par Julian Rodolphe, offerte par Napoléon III en 1861 à l'église Saint-Martin-de-Seignanx, Landes, pour faire pendant à un tableau, aujourd'hui disparu, représentant saint Martin ; copie par Zoé Mouha, donnée par Napoléon III en 1853 à Saint-Rome de Tarn, Aveyron ; copie par Astoin à l'église de Camjac, Aveyron, 1862, œuvre disparue ; copie à l'église Saint Martin de Liorac-sur-Louyre, Dordogne ; copie à l'église Saint Priest de Vinon, Cher ; etc. » (2)
Sur la Base Palissy de l'Inventaire général du patrimoine, le tableau de la chapelle Saint Jérôme à Ax-les-Thermes se trouve attribué à Constantin Jean Marie Prévost (1796-1865), peintre de l'école toulousaine, exposant au Salon à partir de 1824 à 1845, professeur de dessin à l'Ecole des Beaux-Arts de Toulouse, et conservateur du Musée des Augustins de 1835 à 1860. Toujours d'après la base Palissy, le Christ de Constantin Jean Marie Prévost a été commandé à l'artiste en 1839 pour la somme de 1500 francs, achevé en 1841, puis donné à la commune d'Ax-les-Thermes par l'État en 1875.
La mairie de Noueilles, dans la Haute-Garonne, abrite un Christ en croix hérité de l'église paroissiale Saint Pierre. Ce Christ en croix présente une assez grande ressemblance avec celui de la chapelle Saint Jérôme d'Ax-les-Thermes.
Ci-dessus : Anonyme. Christ en croix, originaire de l'église paroissiale de Noueilles. « Au premier plan, sur un fond sombre, le Christ, déhanché vers la gauche, est cloué sur la croix. Du sang sort de ses blessures. Sa nudité est couverte par un périzonium. Souffrant, il lève la tête vers le ciel, mais paraît serein. Au pied de la croix, des amas rocheux évoquent la colline du Golgotha. L'arrière-plan gauche est occupé par une vue d'architecture qui semble être la ville de Jérusalem. Le ciel menaçant est transpercé par un éclair rouge. » (3)
« Cette œuvre est représentative des tableaux figurant le Christ en croix qui sont conservées dans les églises du canton de Montgiscard. D'autres compositions proches de celle-ci et provenant essentiellement de modèles issus de gravures, ont été recensées dans les églises Saint-André de Montgiscard, Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Donneville, Saint Saturnin d'Ayguesvives et dans Saint-Papoul de Odars. Réalisées à différentes époques (XVIIe-XVIIIe-XIXe siècle), ces œuvres, malgré quelques différences dans le traitement de la figure du Christ et dans celui de l'architecture, reprennent la même composition. » (4)
Christ en croix, dessiné à la mine de plomb. XVIIIe siècle. Œuvre du R. P. Rouve, prêtre et précenteur, curé de [illisible].
Ci-dessus : inscription portée au bas du Christ de la chapelle Saint Jérôme à Ax-les-Thermes. On lit clairement "d'après Prud'hon", "1875". Mais on peine à déchiffrer la ligne au-dessus... D'autant qu'en 1875, il ne peut s'agir là de la signature de Constantin Jean Marie Prévost, puisque celui-ci est mort en 1865... À moins que la date de "1875" n'ait été rajoutée au moment du don par l'État. Mais l'écriture semble la même... Que faut-il en déduire ? Je sèche.
Ci-dessus : vue de Jérusalem ; détail du Christ ci-dessus.
Ci-dessus : inscription au bas du Christ de la chapelle Saint Jérôme.
Ci-dessus : au dessus du grand Christ, dans les nuées d'où fusent des rayons, une grappe d'angelots.
Ci-dessus : dans les nuées, un oculus verse un rai de lumière sur la nef. Mort, où es ta victoire ?
Ci-dessus : marmo paesino, ou marbre à image ; Florence, XVIe siècle. « Tout se passe comme si l'esprit était ainsi fait qu'il ne puisse s'empêcher de chercher une image reconnaissable dans ce qui ne saurait rien représenter », dixit Roger Caillois in Obliques précédé de Images, images..., pp. 100-104, Gallimard, 1987.
Ci-dessus : buste d'un chevalier de Malte. Florence. XVIe siècle.
Ci-dessus : buste de Charlotte Corday. Atelier de Joseph Chinard (1756-1813). Début du XIXe siècle.
Ci-dessus : Joachim Patinir (ca. 1483-1524). Saint Jérôme, détail.
Ci-dessus : Lucas Cranach l'ancien (1472-1553). Hercule et Omphale.
Ci-dessus : Lucas Cranach l'ancien. Les amoureux.
Ci-dessus : Pietro Paolini (1603-1681). Portrait d'homme.
Ci-dessus : Francisco de Zurbarán. El Niño de la Espina en un paisaje ou L'Enfant Jésus se blessant avec la couronne d'épines dans un paysage ; détail. Circa 1645-1650.
Ci-dessus : Giambattista Tiepolo (1696-1770). Hommes luttant. Venise.
Ci-dessus : Georges Rouault (1871-1958). Fille ou Nu assis.
Ci-dessus : Pierre Bonnard (1867-1947). Autoportrait.
Ci-dessus : Pablo Picasso. Dessin daté de 1967.
Ci-dessus : Gyula Halász, dit Brassaï. Graffiti. 1960.
Ci-dessus : lustre vénitien.
Ci-dessus : à l'entrée de l'hôtel d'Assézat, siège de la Fondation Belberg.
Ci-dessus : au premier étage de l'hôtel d'Assézat...
Ci-dessus : vue de la banque Lippmann et Rosenthal & Co. (Liro-bank), Sarphatistraat 47-55 à Amsterdam, en mars 1944.
Dès le 24 juin 1940 aux Pays-Bas, tous les biens « ennemis », dont les biens juifs, sont placés sous contrôle allemand. À partir du 22 octobre 1940, les Nazis mettent en œuvre le recensement de tous les Juifs résidant sur le territoire néerlandais, et exigent d'eux la déclaration de tous leurs biens. À partir de l'été 1941, ils procèdent à la spoliation systématique des biens juifs. En mai 1941, ils créent à cet effet un établissement d'administration des biens et des rentes (la VVRA , Vermögensverwaltungs- und Renten Anstalt) issus du rachat ou de la confiscation des biens « ennemis ». Le 28 juillet 1941, ils fondent à cet effet la banque Lippmann, Rosenthal et Cie (dite Liro), dont le siège se trouve à Sarphatistraat, à Amsterdam. « Sa dénomination incitait à prendre cet établissement pour la filiale d'une banque du même nom, située dans la Nieuwe Spiegelstraat d'Amsterdam, laquelle était dirigée par deux Juifs et jouissait d'une excellente réputation dans les milieux juifs. En fait, cette prétendue filiale n'était qu'une institution de pillage nazie » (1).
Quand les autorités nazies saisissent des oeuvres d'art, celles-ci font l'objet d'une confiscation pure et simple, ou sont achetées à un prix dérisoire. « Les propriétaires d'objets d'art étaient soumis à des pressions menaces et intimidation dans le dessein de les convaincre d'aliéner leurs biens (même s'ils n'avaient aucune intention de les vendre). Il s'agissait donc de vente forcée ou, en jargon de droit international, de pillage technique, l'acheteur abusant de sa position de membre de la puissance d'occupation pour obliger un citoyen à vendre à un prix imposé. L'intimidation plus ou moins explicite pouvait prendre la forme de menaces d'incarcération ou de confiscation pure et simple » (2).
Les oeuvres d'art les plus prestigieuses vont rejoindre en Allemagne les collections personnelles du Führer et d'Hermann Göring, ou celles des firmes et des musées allemands. Les autres œuvres sont vendues par les soins de la banque Lippmann, Rosenthal et Cie-Sarphati à d'autres collectionneurs allemands, ou encore à la Banque des Pays-Bas, aux Archives municipales d'Amsterdam, à des commissaires priseurs et à de simples citoyens néerlandais. Il s'agit là d'un marché florissant. La fin de la guerre met un terme à l'activité de la banque Lippmann, Rosenthal et Cie-Sarphati ; elle inaugure le long processus de restitution des œuvres volées.
À partir de 1921, Léo Nardus [Leonardus Salomon jusqu'en 1911], juif néerlandais, marchand d'art richissime, collectionneur passionné, peintre lui-même, vit dans sa Villa rose de La Marsa, en Tunisie. Avant de quitter à Suresnes la Villa Léa, son dernier domicile français, laissant derrière lui sa collection de 155 tableaux de maîtres - Botticelli, Rembrandt, Goya, Turner, Velasquez, etc. -, il l'a confiée à ses amis de toujours, Arnold et Juliette Van Buuren, demeuré aux Pays-Bas.
Commentaire du Restitutions Committee néerlandais du 6 avril 2009 (3).
« From 1921, Nardus lived with his daughters in Tunisia, where he remained throughout the Second World War. He entrusted his collection to his good friend, Arnold van Buuren (hereafter referred to as: ‘Van Buuren’), who was of Jewish descent. In July 1928, Nardus and Van Buuren agreed to become joint owners of the collection of paintings and that both were authorised to sell works, the proceeds of which would be divided. »
« À partir de 1921, Nardus a vécu avec ses filles en Tunisie, où il est resté pendant la seconde guerre mondiale. Il a confié sa collection à son meilleur ami, Arnold van Buuren, qui était d'ascendance juive. En juillet 1928, Nardus et Van Buuren sont devenus par convention réciproque copropriétaires de la collection de peinture et habilités tous deux à vendre des œuvres, œuvres dont le produit serait partagé. »
En septembre 1945, Léo Nardus apprend des enfants d'Arnold et de Juliette Van Buuren que sa collection a été saisie par les Nazis en 1941 et qu'Arnold et Juliette Van Buuren ont été déportés, puis assassinés au camp de Sobibor en 1943. Âgé alors de 77 ans, Léo Nardus confie à sa fille cadette, Flory Nardus, le soin de rechercher et de réclamer les tableaux de sa collection disparue.
Née le 20 novembre 1908, Flory Nardus est en 1945 âgée de 37 ans. Montée à Paris après son enfance tunisienne, elle a fait partie de ce groupe de jolies femmes qui, dans les années 1920-1930,« se maintenaient toujours sur la brèche, suivant les migrations élégantes, l’hiver à Paris et à Saint-Moritz, l’été à Cannes ou à Deauville. Elles avaient pour noms Dorland, Flora Nardus, Charlotte Brighton, Arlette Ryan, Mado Taylor, etc. », dit Cyril Eder dans Les comtesses de la Gestapo. (4)
Ci-dessus : Flory Nardus chez Joséphine Baker, le 9 juin 1927. Source : courtoisie de Patrick Neslias, biographe de Léo Nardus dans Butin Nazi. Geste éditions. 2010.
Après avoir tenté des concours de vedette en 1927, fréquenté Montparnasse, et entretenu diverses liaisons avec de beaux jeunes gens, Flory Nardus aurait épousé, à une date qu'on ne sait pas, Joachim Philipp Francken, violoniste issu d'une famille de musiciens néerlandais honorablement connue. En 1937, alors qu'elle se trouve, dit-elle, en instance de divorce, Flory Nardus figure dans les journaux pour avoir volé à Mlle Gilberte Augustine Michel, dite comtesse de Merschoff, dans son petit hôtel particulier de la rue Pomereux, à Passy, un pendentif composé d'une émeraude entourée de diamants et de rubis.
Le Figaro : journal non politique, 2 juillet 1938. On appréciera le « Quant à M. Le Mallier, il a été acquitté, naturellement ». Maurice Le Mallier est fils d'André Jules Louis Le Mallier, ministre plénipotentiaire.
Le 19 sept 1938, Joachim Philipp Francken, ex-mari de Flory Nardus, embarque sur le Champlain, à destination de New York (5). Il émigre probablement. Restée en Allemagne, Betty Franken, née Schwabe, sa mère, sera déportée et mourra à Sobibor.
Le 3 décembre 1941, L'Ouest-Éclair annonce que l'émeraude de la défunte comtesse Merschoff, s'est vendue à Drouot. « La pierre, d'un vert légèrement rosé, dit le catalogue, a la dimension d'une boite d'allumettes. Elle vaut, au bas mot, deux millions. [...]. Eh bien, malgré la date toute proche des étrennes, l'émeraude n'a fait que 325.000 francs. »
Ci-dessus : Sessue Hayakawa et Erich von Stroheim dans Macao, l'enfer du jeu, en 1942.
En 1940, Flory Nardus noue une liaison avec Sessue Hayakawa, acteur japonais qui joue alors successivement dans Patrouille blanche (1942) de Christian Chamborant ; Macao, l'enfer du jeu (1942) de Jean Delannoy ; Malaria (1943 de Jean Gourguet ; Le Soleil de minuit (1943) de Bernard Roland. Quoi qu'en dise Patrick Modiano dans Un pedigree, il n'y a pas eu de mariage entre Flory Nardus et Sessue Hayakawa. Marié au Japon avec Tsuru Aoki, Sessue Hayakawa n'a toutefois rejoint son épouse qu'à la fin des années 1950 (5). De la fin de l'année 1940 à 1944, quand sa liaison avec Sessue Hayakawa s'effiloche ou finit, Flory Nardus jouit de l'amitié et de la protection de Dita Parlo.
Ci-dessus : Dita Parlo en 1934 dans L'Atalante de Jean Vigo.
Née Gerda Olga Justine Kornstädt en Allemagne, actrice de nationalité allemande, star de L'Atalante (1934) de Jean Vigo et de La Grande Illusion (1937) de Jean Renoir, Dita Parlo est brièvement internée au camp de Gurs en 1940, puis internée à nouveau en 1944-1945, sans qu'on sache si elle a été en 1940 victime de la suspicion des Nazis ou entre 1940 et 1944 une indicatrice de ces derniers. Accusée de collaboration à la Libération, elle bénéficie d'un non-lieu en 1949.
Voici comment, dans Un pedigree, Patrick Modiano évoque la Flory Nardus des années 1940 :
« Flory Francken, dite Nardus, que mon père appelait « Flo » était la fille d’un peintre hollandais et elle avait passé son enfance et son adolescence en Tunisie. Puis elle était venue à Paris et elle fréquentait Montparnasse. En 1938, elle avait été impliquée dans un fait divers qui lui valut de comparaître en correctionnelle et, en 1940, elle avait épousé l’acteur japonais Sessue Hayakawa. Pendant l’Occupation, elle était liée avec celle qui avait été l’héroïne de L’Atalante, Dita Parlo, et son amant le docteur Fuchs, l’un des dirigeants du service « Otto », le plus important des bureaux d’achats au marché noir, 6 rue Adolphe-Yvon (XVIe). » (6)
Voici maintenant, dans Livret de famille du même Patrick Modiano, la Flory Nardus du réveillon 1942 :
« Temps troubles. Rencontres inattendues. Par quel hasard mes parents passèrent-ils le réveillon 1942, au Baulieu, en compagnie de l'acteur Sessue Hayakawa et de sa femme, Flo Nardus ? Une photo traînait au fond du tiroir du secrétaire, où on les voyait assis à une table, tous les quatre, Sessue Hayakawa, le visage aussi impassible que dans Macao, l'Enfer du Jeu, Flo Nardus, si blonde que ses cheveux paraissaient blancs, ma mère et mon père, l'air de deux jeunes gens timides... [...].
« Depuis, Sessue Hayakawa a disparu. Que faisait, à Paris, sous l'Occupation, cette ancienne vedette japonaise d'Hollywood ? Lui et Flo Nardus habitaient 14 rue Chalgrin une petite maison au fond d'une cour, où venaient souvent mon père et ma mère. Tout près, rue Le Sueur – la première rue à droite –, le docteur Petiot brûlait les cadavres de ses victimes. Dans l'atelier du rez-de-chaussée, avec ses colonnes torses, ses boiseries sombres et ses cathèdres, Sessue Hayakawa recevait mes parents en kimono « de combat ». La blondeur de Flo Nardus était encore plus irréelle en présence de ce samouraï. Elle prenait soin des fleurs et des plantes compliquées qui, peu à peu, envahissaient l'atelier. Elle élevait aussi des lézards. Elle avait vécu son enfance et son adolescence en Tunisie, à La Marsa, dans une villa de marbre rose que possédait son père, un peintre hollandais... » (7)
C'est cette « irréelle » Flory Nardus, affligée après 1944 de la réputation incertaine qu'elle doit à son passé douteux, complètement désargentée mais toujours travaillée par le goût de la belle vie, qui entreprend en 1947 de retrouver la collection de son père, désormais ruiné.
À Amsterdam, les enfants d'Arnold et de Juliette Van Buuren disent que « les tableaux ont été détruits dans un incendie ». Mais Flory Nardus apprend de la bouche de ses avocats que la collection n'a pas été détruite ; que les toiles ont été vendues aux enchères, la plupart en 1943 ; qu'on dispose, telle qu'établie par les Nazis, de la liste des tableaux qui constituaient la collection de son père, ainsi que de la liste des acheteurs de ces tableaux, assortie des dates, des montants et des numéros d'achat desdits tableaux ; que deux des 155 toiles, « un Velasquez et un Israëls », ont déjà été restituées à Marcus Samuel, mari de la fille d'Arnold et de Juliette Van Buuren ». En vertu de cette dernière information, Flory Nardus annule la procuration signée jadis par son père en faveur des époux Van Buuren. Et Marcus Samuel, qui a déjà vendu le tableau de Joseph Israëls (1824-1911), restitue à Flory Nardus le tableau de Velasquez. (8)
Commentaire du Restitutions Committee néerlandais du 6 avril 2009.
« In 1947, Nardus and the legal successors to Van Buuren concluded an agreement to separate and divide the art collection, under which Nardus acquired all rights to the paintings, as well as existing or future right of action towards third parties, such as Lippmann, Rosenthal & Co (henceforth: LVVS), with regard to the collection. The Council for the Restoration of Rights acknowledged the agreement in a judgement from 1949. The Committee has concluded, therefore, that the rights to the currently claimed paintings have lain with Nardus or his heirs from 1947 onwards. »
« En 1947, Nardus et les successeurs légaux de van Buuren ont conclu un accord pour déterminer la propriété de la collection d'art, accord en vertu de laquelle Nardus a retrouvé tous les droits sur les peintures, ainsi que le droit d'action, existant ou futur, envers des tiers, tels que Lippmann, Rosenthal & Co (dorénavant: LVVS), en ce qui concerne la collection. Le Conseil pour le rétablissement des droits a reconnu l'accord dans un jugement de 1949. Le Comité a donc conclu que les droits sur les peintures actuellement revendiquées ont été attribués à Nardus ou à ses héritiers à partir de 1947. »
Comme l'argent lui fait défaut pour payer les avocats chargés de l'assister dans sa poursuite d'enquête, et aussi pour continuer à descendre dans les grands hôtels, Flory Nardus s'adresse à une société de crédit : « Un contrat d'emprunt fut réalisé pour un montant de quatre millions de francs avec pour garantie une caution de Flory Nardus en priorité de remboursement lors des premières restitutions » (9). Une part de ces quatre millions de francs va à Léo Nardus, resté en Tunisie, plus ruiné que jamais.
En 1948, comme ses recherches n'avancent pas, qu'elle manque à nouveau d'argent et que la société de crédit refuse de lui consentir un nouvel prêt, Flory Nardus prend contact avec Georges Schiff Giorgini, président de la Société générale foncière. (10)
Successivement marié à deux femmes brillantes, Georges Schiff Giorgini a cultivé le goût de l'ombre. On ne trouve aucune photo de lui . Patrick Neslias tient toutefois de Flory Nardus, qu'il a connue, cette description de l'homme, tel qu'il était en 1948 :
« Georges Schiff Giorgini était un homme replet. Son visage épais à la chevelure gominée était souligné par de grosses lunettes d'écaille et d'épaisses moustaches. Chaussé de derbys de cuir blanc, il portait un costume noir rayé et exhibait une énorme bague en or à la main droite. [...]. Il malaxait entre ses lèvres un énorme cigare. [...]. Il était évident qu'il ne s'agissait pas d'un homme à femmes, mais d'un homme de pouvoir. » (11)
Le 1er octobre 1948, Georges Schiff Giorgini propose à Flory Nardus de reprendre la dette de quatre millions de francs contractée en 1947 auprès d'une société de crédit, et de lui prêter en sus « neuf millions de francs pour intensifier ses recherches ». Il exige, pour ce faire, l'ouverture d'un compte-joint à la Société générale foncière, stipulant « qu'il aura une procuration sur ce compte ; que les toiles en cours de substitution serviront en priorité au remboursement de la dette ; que le surplus sera partagé à la hauteur de 75% pour la famille Nardus et de 25% pour lui-même. » (12). Flory Nardy, aux abois, signe.
Commentaire du Restitutions Committee néerlandais du 6 avril 2009.
« After the war, Nardus, who resided in Tunisia, authorised his daughter Flory Nardus to trace works of art from the collection that had been lost during the war. In 1948, Flory entered into an alliance with Georges Schiff-Giorgini (hereafter referred to as: ‘Giorgini’), a banker in Paris. This alliance led to a significant dispute between Giorgini and the Nardus family in later years and to uncertainty among those Dutch authorities responsible for the restoration of rights. »
« Après la guerre, Nardus, qui résidait en Tunisie, a autorisé sa fille, Flory Nardus, à rechercher les œuvres d'art de la collection qui avait été perdue pendant la guerre. En 1948, Flory a conclu une alliance avec Georges Schiff-Giorgini, un banquier de Paris. Cette alliance a conduit à un différend important entre Giorgini et la famille Nardus dans les années ultérieures et à l'incertitude des autorités néerlandaises responsables de la restauration des droits. »
Vingt-deux tableaux (Mantegna, Velasquez, Rembrandt, Vermeer, Turner, Constable, etc.) font alors l'objet d'une procédure de restitution, dont un Portrait d'homme et un Portrait de femme de l'école florentine, et L'Homme au turban de Rembrandt.
Ci-dessus : deux peintures florentines anonymes du dernier quart du XVe siècle, intitulées Portrait d'une femme et Portrait d'un homme.
Commentaire du Restitutions Committee néerlandais du 6 avril 2009
« During the war, the art collection was housed in Van Buuren’s residence in Haarlem. It can be concluded from a list of art works that Van Buuren was required to give to the occupying forces in 1940, entitled ‘Kollektion van Buuren/Nardus’ that the two currently claimed paintings were part of the collection at that time. Anti-Jewish measures forced Van Buuren to surrender these works to the German looting bank Lippmann, Rosenthal & Co., Sarphatistraat in Amsterdam. The two claimed works were included on a list of works surrendered to the bank. In 1943, the claimed works were sold to or by Mak van Waay auction house in Amsterdam, for the probable sum of 220 guilders for both pieces. »
Pendant la guerre, la collection a été conservée dans la résidence de Van Buuren à Haarlem. On peut conclure, à partir d'une liste d'œuvres d'art intitulée Collection Van Buuren/Nardus que Van Buuren était tenu de donner aux forces d'occupation en 1940, que les deux peintures actuellement revendiquées faisaient partie de la collection à ce moment-là. Des mesures anti-juives ont contraint Van Buuren à remettre ces œuvres à la banque allemande de pillage Lippmann, Rosenthal & Co., Sarphatistraat à Amsterdam. Les deux œuvres revendiquées figuraient sur la liste d'œuvres cédées à la Banque. En 1943, les œuvres revendiquées ont été vendues à ou par Mak Van Waay Auction House à Amsterdam, pour la somme probable de 220 florins pour les deux pièces. »
« Some time after the war, the currently claimed NK works came into Giorgini’s possession together with a third painting that also belonged to the Nardus/Van Buuren collection. How and when Giorgini took possession of the NK works is unknown. However, Giorgini returned both paintings to the Bureau for Restoration Payments [...]. In the deed of assignment that was drawn up for this transaction, Giorgini renounces his claims to the paintings. Giorgini’s motives for returning the paintings are unknown. »
« Quelque temps après la guerre, les œuvres NK actuellement revendiquées sont entrées dans la possession de Giorgini avec une troisième peinture qui appartenait aussi à la collection Nardus/Van Buuren. Comment et quand Giorgini a pris possession des œuvres NK, demeure sans réponse. Toutefois, Giorgini a retourné les deux tableaux au bureau des paiement des restitutions [...]. Dans l'acte de cession qui a été établi pour cette transaction, Giorgini a renoncé à ses revendications sur ces peintures. Les motifs de Giorgini pour retourner les tableaux sont inconnus. »
Le statut des onze toiles susdites se trouve bientôt débloqué. Celles-ci partent à l'expertise dans une banque suisse. Georges Schiff Giorgini cependant s'impatiente. Il réclame l'extension de ses pouvoirs « à l'ensemble de la collection Nardus et non plus seulement aux transactions en cours », car, issu de cette collection, un Portrait d'homme de Rembrandt vient d'être vendu à un antiquaire par le directeur du SNK (Nederlands Kunstbezit, Fondation des œuvres d'art des Pays-Bas, organisme chargé de la restitution des œuvres volées) lui-même !
Le 9 février 1951, après avoir pris une cession de créance sur la liquidation de la banque Lippmann et Rosenthal et obtenu dans cette affaire la signature de Flory Nardus, Georges schiff Giorgini menace cette dernière d'exiger le remboursement de tous ses prêts, et il la convainc ainsi d'accepter la création d'une « association en participation ». Flory Nardus signe alors la lettre suivante : « En vertus des pouvoirs qui m'ont été conférés par mon père, je vous cède en toute propriété les tableaux de la collection Nardus, je vous cède également mes droits sur les sommes bloquées à la banque Lippmann et Rosenthal en liquidation. Une association en participation dont nous avons arrêté les dispositions [remboursement de la mise de fonds, puis 75% pour la famille Nardus et 25% pour Georges Schiff Giorgini] ce jour fait corps avec la présente lettre... » (13)
Commentaire du Restitutions Committee néerlandais du 6 avril 2009.
« The documents refer to the establishment on 9 February 1951 of what was known as an ‘association en participation’, a partnership under French law, on the basis of which – as the Committee understands it – Giorgini was given representative authority and could act as the rightful claimant to the art collection with respect to third parties. Based on this, the Committee assumes that Giorgini was given certain (limited) rights with regard to the collection as security for a monetary claim. »
« Les documents se réfèrent à l'établissement, le 9 février 1951, de ce qui était connu sous le nom de «Association en participation», un partenariat de droit français, sur la base duquel, comme le Comité le comprend,Giorgini a reçu une autorité représentative et pouvait agir en tant que prestateur légitime de la collection d'œuvres d'art à l'égard de tierces parties. Sur cette base, le Comité considère que Giorgini a reçu certains droits (limités) en ce qui concerne la collection comme garantie d'une créance pécuniaire. »
À partir de 1851, Georges Schiff Giorgini encaisse seul les sommes issues de la vente des tableaux stockés en Suisse. Mais comme ces sommes demeurent sans commune mesure avec le montant des prêts accordés à Flory Nardus, et vu qu'en échange de la restitution d'un Paysage de Daubigny ainsi que d'un Portrait d'homme et d'un Portrait de femme de l'école florentine, il a obtenu un Rubens, un Rembrandt, un Matsys et un Snyders, il organise une vente à Drouot. Le 9 février 1953, il présente 73 œuvres, dont 11 dites issues de la collection Nardus. Largement sous-attribuées et sous-estimées par les spécialistes, qui s'inquiètent d'avoir à se prononcer en l'affaire, ces onze toiles sont vendues à un prix dérisoire compte tenu de leur valeur initiale, bien que Flory Nardus, spectaculairement habillée de vêtements haute couture, ait tenté de faire scandale dans la salle Drouot.
Commentaire du Restitutions Committee néerlandais du 6 avril 2009.
« The investigation has shown that, from 1951, Giorgini presented himself to the authorities as the owner of the collection. The file also contains a statement from Flory Nardus of 9 February 1951 in which she confirms that the ownership rights to the recovered works and to works yet to be recovered had been transferred to Giorgini. The Dutch lawyer representing Giorgini sent this statement to the authorities in reply to their questions regarding Giorgini’s position as rightful claimant. »
However, the Committee has also taken cognisance of a letter from Flory Nardus to a French judicial body on 18 April 1953, in which she argues that this statement was only formulated to provide Giorgini with more clout in negotiating with the authorities responsible for the restoration of rights : La déclaration ci-dessus n’ayant pas d’autre but, disait-il [Giorgini], que de lui donner plus d’autorité à l’égard des tiers. »
« L'enquête a montré qu'à partir de 1951, Giorgini se présentait aux autorités en tant que propriétaire de la collection. Le dossier contient également une déclaration de Flory Nardus du 9 février 1951, déclaration dans laquelle elle confirme que les droits de propriété sur les œuvres récupérées et sur les œuvres encore à récupérer ont été transférés à Giorgini. L'avocat néerlandais représentant Giorgini a envoyé cette déclaration aux autorités en réponse à leurs questions concernant la position de Giorgini comme prestataire légitime. »
« Toutefois, le Comité a également pris connaissance d'une lettre de Flory Nardus à un organe judiciaire français le 18 avril 1953, lettre dans laquelle elle fait valoir que cette déclaration n'a été formulée que pour fournir à Giorgini plus de poids dans la négociation avec les autorités responsables pour la restauration des droits : la déclaration ci-dessus n'ayant pas d'autre visée, disait Giorgini, que de lui donner plus d'autorité à l'égard des tiers. »
« On n'entendit jamais plus parler de Georges Schiff Giorgini dans la famille Nardus », dit Patrick Neslias dans Butin Nazi. « Georges Schiff Giorgini, malgré le contrat qui disait le contraire, ne versa pas un seul centime à la famille Nardus puisqu'il n'avait pas recouvré lors de la vente du 9 février 1953 les sommes investies dans le projet » (14).
Patrick Neslias observe toutefois que Georges Schiff Giorgini, qui avait encaissé le 2 février 1953 une bonne partie déjà des paiements résultant de la liquidation de la banque Lippmann et Rosenthal, bénéficiait alors d'un solde de + 16 839 francs sur sa créance, et que, compte tenu du produit de la vente du 8 février 1953 à Drouot, soit 1 456 003 francs, il se trouvait donc à cette date désormais remboursé du prêt consenti en 1948 à Flory Nardus. (15)
Patrick Neslias observe également que Georges Schiff Giorgini a vendu ailleurs, au prix fort cette fois, d'autres toiles provenant de la collection Nardus ; et aussi qu'il en a gardé quelques-unes, qui demeuraient à sa mort, le 15 décembre 1965, accrochées dans sa villa des Deux peupliers, 2, allée du marquis de Borès, à Neuilly.
La propriété du Portrait d'homme et du Portrait de femme de l'école florentine, entre autres tableaux ayant appartenu à Léo Nardus, ne sera effectivement reconnue aux héritiers de celui-ci que le 6 avril 2009.
1. Gerard Aalders. « Le pillage aux Pays-Bas et la restitution d'après-guerre ». In Spoliations et restitutions des biens juifs en Europe, p. 236 sqq. Éditions Autrement. 2007.