Christine Belcikowski

Publications 4

Peur du loup

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Le ciel est de suie ;
les oiseaux sont noirs.
Ils font des pendants de jais
aux gueules de loup
du clocher qu'on voit
partout à la ronde.
Prends garde aux yeux noirs
du loup, leou, leou
on dit par chez nous
qu'ils sont partout,
garou ! garou !
Il y a toujours, l'hiver,
une petite fille
qui a peur du loup.
Il vient !
Cache-toi chez toi,
au bord du cantou
ou bien sous la couette !
Mais non !
Foin des mauvais rêves !
Sors, va,
libre de ton aile,
libre de ton pas !
Et n'oublie pas, fillette :
il y a du loup en toi,
étrange animal,
vrai, en toi aussi.

Le tram file vague vogue

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Le tram file vague vogue
au bord du fleuve
dans la direction d'un bord du monde
qui touche, loin, le soir,
là-bas, tu verras,
aux parages des constellations.

En attendant le soir,
salut aux mouettes et aux goélands,
qui peuplent les piles des ponts,
aux ombres qui courent sur les flots,
et au fantôme du temple romain
qui berce le souvenir de sa redevance
sous les eaux.

La chambre que tu visites là-bas
est blanche et froide,
les fenêtres ne s'ouvrent pas,
la clim impose son règne.
Aux potences pendent des poches de perfusion.
Foin du minotaure qui se réserve
dans le labyrinthe.

Quand tu rentres à pied
de ces quartiers lointains,
la ville flambe comme un pudding.
Il y a des petits Père Noël
et des rennes électriques
qui patinent dans les vitrines,
et partout, qui dansent,
les chaussures de Cendrillon.

Mais toi, le vent d'autan te bat froid.
Arrête-toi au pied de la colonne
et partage avec les griffons de la place
un verre d'oblivion.

Dans la ville moche

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Dans la ville moche,
latrine des chiens,
le diable en rit encore,
on lui a piqué son idée :
bassin et stratégie de bassin !
Point le bassin des pauvres,
celui dont se chargeait jadis l'humble confrérie de la Miséricorde,
mais le Bassin Versant Visuel,
comme disent les urbanistes, qui ont la bouche en cul de poule,
— Saint Bassin Versant Visuel, priez pour nous ! —
le bassin qu’on a meublé, de mille et une façons,
façons d'aménagement qui en jette, façon de kitsch post-moderne,
— la Nature a horreur du Vide —
encombré, impedimenté,
de poubelles à n’importe quoi et à crottes de chien,
de panneaux de signalisation qui vous TRUMPent les photos,
de places marquées au sol, templa d’annonce nouvelle,
d’enseignes et de néons, de chaises, de tables, de lampions,
de pots de fleurs qui se balancent, remplis de pétunias,
de jardinières en rondins, façon Canada,
de plaques en lave émaillée, montées sur échasses,
qui fournissent, dit-on, à l'Interprétation
du Patrimoine Local ! — oh ! la bouche en cul de poule ! —
et maintenant que Noël approche,
d'un sapin en fer qui ressemble à un squelette, le jour, quand il est éteint,
de guirlandes de leds entortillées autour de ce qui reste du corps martyrisé des arbres
— des troncs, de tristes troncs —
auxquels on a coupé tous les bras !
Et vous, comment vous porteriez-vous
si l'on vous coupait les bras tous les ans ?

Heureusement il y a eu encore cet automne
des grillons qui rentraient dans nos maisons
— j'en ai eu trois, qui chantaient toutes les nuits dans la cuisine endormie
et qui venaient manger de la salade dans une assiette
pieusement laissée à leur intention.
Et il y a encore des feuilles mortes qui rient et chantent sous nos pas
et qui courent comme des petites folles quand le vent se lève.
Et il y a aussi, partout, l'antique odeur du feu de bois.
Dieu merci, sous ses airs de cagole marcandière,
la petite ville n'a point perdu de son charme
d'antan,
ni la cathédrale, du mystère
de son Minotaure invisible.
Non vulganda concilia prudens...

De la nostalgie comme d'une soie qui luit

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Maintes fois, à l’heure des amis,
nous avons parlé de la nostalgie
comme d’une soie qui luit
quand on la déplie,
et qui crie ! criiie !
quand d’aventure,
pourquoi ? pourquoi ?
quelqu’un la déchire.

Qui a dit, méchant médicastre 1,
que la nostalgie est travers de l’âme,
qu’elle se mire dans un puits sans fond,
qu'elle risque d'y choir
et de finir là,
pourrissante comme feuille morte ?

Foin des médicastres !
Nostalgie n’est pas maladie.
Vois comme la soie luit
quand on la déplie.
Vois sur cette soie,
à l'heure des amis,
comme le passé brille
et comme il éclaire
le vif de l'heure qui vient
au regard des heures qui ont fui.
Un vaste et tendre apaisement.
C'est l'heure exquise...

Foin des médicastres !
D'où venons-nous ?
Où allons-nous ?
Nostalgie, ô déroulé d'une soie
dont la moire illustre, à l'heure des amis,
le vif d'un commencement qui demeure sans retour,
et qui se découvre,
aujourd'hui comme hier,
chaque fois commençant...

1. On doit au médecin alsacien Johannes Hofer, dans sa thèse secondaire intitulée Dissertatio curiosa medica, de nostalgia, vulgo : Heimwehe oder Heimsehnsucht, en 1688, la création du mot « nostalgie », à partir de deux mots grecs : νοστος , retour, et αλγος, algie. Johannes forge ce mot, dans une perspective strictement physio-pathologique, à propos du « mal du pays » dont souffrent les mercenaires suisses qui ont quitté leurs alpages pour servir en France ou en Italie.

Le vent d'autan

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Le vent d’autan
qui chauffe le sang
fait ouvrir
grand sur la rue
portes et fenêtres.
Dans l’ombre d’une pièce
qui baille au nord,
table, chaises, bahut,
canapé, poste de TV,
se souviennent du temps,
just married,
la fièvre les tenait
du maintenant, c’est pour toujours !
Je passais au bord de la fenêtre,
et je les entendais s'animer
d'un frisson de feuilles mortes.
L'automne vient.
Un grillon se tient
à la porte de la maison.

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