Dans la main des mots,
ô magie sans chapeau,
il y a des oiseaux,
et aussi des silences
entre les oiseaux,
des silences comme en rêve
de ceux qui président là-bas,
dans la chambre des feuilles,
à la cérémonie du pourpoint qui brûle,
ou ici, dans la glace de l’armoire,
à l’apparition désirable du loup,
Entends comme sonne
entre les oiseaux,
le fa du cor d’Obéron !
Entends comme grince
la charnière de la porte
qui donne sur l’autre côté
du miroir,
de la maison,
du jour.
Dans le silence des mots,
entre les oiseaux,
vois, entends !
À la lisière des mots,
ondoyant et divers,
sans trilles ni trémolos,
s’ouvre l'opéra fabuleux.

Devant la librairie, sous le Grand Couvert.

Devant la brocante, sous le Petit Couvert.

Cependant hauturières, à l'instar d’astronome,
vigies
observent la région des catastrophes,
où paradoxes annoncent,
imminentes,
réversion de l’espace,
réversibilité du temps.
C.B., « Cariatides », in Au bord du fleuve, Mirepoix, Imprimerie de l'Hers, 2018.
Le solide, l’obscur,
le seul, l’unique,
a sa propriété
qu’on ne voit pas,
comme l’homme qui marche vers Monsou
ne voit pas le sol noir
au milieu de l’embrun aveuglant des ténèbres
et comme on ne voit pas les mains
que cet homme a glissées dans ses poches
des mains gourdes que les lanières du vent d’est faisaient saigner.
La propriété est ici
d’une épaisseur d’encre (1)
elle mûrit dans la chair et l’os
comme l’encre au fond de l’encrier,
comme le geste dans la main,
comme les mots dans la bouche,
et elle y fait fruit sans rien qu’on en sache
autrement qu’impromptu
dans l’eau du miroir
où l’on voit paraître, le matin,
un visage inconnu,
ou encore dans l’afflux du dire
d’où vient ce mot qu’on regrette
et qui vous fait honte.
Ich hab' Mein Sach' auf Nichts gestellt (2),
J’ai fondé ma cause sur rien,
dit le poète,
et le philosophe après lui.
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1. Émile Zola, L'Assommoir, chapitre I.
2. Goethe, in Vanitas! Vanitatum Vanitas!.
Mickey ! Oh, Tourniquet !
Le coucou s’est envolé.
Il n’y a plus d’heure qui sonne à l’horloge.
Il faut le rattraper, l’oiseau,
et faire en sorte d’arriver à temps,
avec le cadeau,
à l’anniversaire de Daisy.
Daisy ! Oh, Daisy !
la belle de nos rêves !
Elle est dans le Rhinocéros de Ionesco.
Après tout, les rhinocéros sont des créatures comme nous.
Aujourd’hui, je suis allée à la porte d’un restaurant
pour prendre livraison des plats d’un dimanche
ressurgi du fond de l’eau
des jours qui passent
sans passer.
Oh ! la fête
quand le soleil tombe sur la table de l’automne
quand les mots sont d’ailleurs,
de souvenirs de voyages,
d’enfances partagées !
La mémoire me revient alors de cette odelette de Nerval...
Et souvent, le dimanche... on va se promener...
Et l’on sent en rentrant, avec grand appétit,
Du bas de l’escalier, – le dindon qui rôtit.
Choses volantes
balayées par l’autan,
s’agit-il de mains coupées
de feuilles mortes
ou de gants dont les coutures ont lâché ?
Mais qui porte encore des gants aujourd’hui ?
Quel rapport entre ces choses volantes
et le marchand de hamburgers qui déclare
FRITES À VOLONTÉ
au coin de la rue ?
Mais il faudrait changer l’huile plus souvent.
Choses qui s’emportent dans le tourbillon
de la vie…
Mais ne s’agit-il pas plutôt du tourbillon
de la mort ?
Mais, bouteille vide, bouteille pleine,
l’un dans l’autre,
c’est pareil ! pareil !
Mon pas sonne sec sur le pavé de la rue,
clic ! clac ! un cheval !
Suis-je, sans le savoir, un cheval ?
Mais, d’un cheval l’autre,
y a-t-il autre chose que la différence du même,
que le simple tourniquet du vif et du mort ?