Christine Belcikowski

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À propos de Jean Antoine Cairol, dit Bailladet, de Mirepoix. Second épisode

Rédigé par Belcikowski Christine Aucun commentaire

On a vu dans le premier épisode de cette histoire que la carrière de Jean Antoine Cairol, officier d'artillerie, prend fin le 27 septembre 1783. Jean Antoine Cairol retourne alors à Mirepoix, dans sa maison familiale, au nº 148 du moulon 3.

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Porte ancienne dans la maison Cairol, au nº 148 du moulon 3.

Il se trouve que, le 25 novembre 1783, Antoine Cairol, son cousin germain, entre au Conseil municipal de Mirepoix. Lesdits cousins se prénomment tous les deux Antoine et ils sont tous deux anciens officiers d'artillerie. Distinguons-les maintenant.

II.1. Antoine Cairol, cousin germain de Jean Antoine Cairol

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Généalogie partielle et simplifiée de la famille Cairol de Mirepoix (Ariège).

Fils de Gaspard Cairol (1693-1754), docteur en droit, juge du marquisat de Mirepoix, et de Marie Thérèse Ferrusse, né le 15 mai 1730 à Mirepoix, troisième d'une fratrie de sept enfants, Antoine Cairol s'engage dans l'armée, à une date qu'on ne sait pas, mais qui correspond sans doute à la Guerre de Sept Ans (1756-1763). Il exerce pendant ses années de guerre la fonction de lieutenant d'artillerie dans l'Inde. Les Archives Nationales d'Outre-Mer ne conservent malheureusement aucun dossier à son nom. La Guerre de Sept Ans s'achève le 10 février 1763, avec la signature du traité de Paris qui laisse à la France la jouissance des cinq comptoirs de Pondichéry, Karikal, Yanaon, Mahé et Chandernagor, mais avec interdiction de les fortifier ou d’y stationner une armée. La fin de cette guerre signe, semble-t-il, la fin de la carrière militaire d'Antoine Cairol, puisque, le 15 février 1763, il épouse à Mirepoix Françoise de Montfaucon, fille de Pierre de Montfaucon et de Marianne Desguilhots. Il s'agit là d'un beau mariage qui assure à Antoine Cairol notoriété et fortune, avec, entre autres, la propriété de la riche métairie de Bedou, à Cazals-des-Bayles, village situé aux environs de Mirepoix. De Françoise de Montfaucon, Antoine Cairol a ou aura très rapidement une fille, Marie Anne Thérèse Cairol, dont on ignore la date et le lieu de naissance.

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15 février 1763. Mariage d'Antoine Cairol et de Françoise de Montfaucon. AD09. Mirepoix. Paroisse Saint Maurice. Baptêmes, mariages, sépultures. 1754-1767. Document 1NUM/3E125/2. Vue 181.

De l'Inde, outre observations et souvenirs divers, Antoine Cairol a ramené un enfant nommé Rama, dit Paya, originaire du royaume de Carnate (1). Baptisé le 31 mars 1766 au Pin (aujourd'hui Pin-Balma, Haute-Garonne, où Antoine Cairol aime à vivre dans ces années-là), âgé alors de 13 ans, Rama entre comme domestique, puis cuisinier, au service d'un frère d'Antoine Cairol, Pierre Cairol, dit Cairol-Caramaing, avocat, qui réside à Mirepoix rue Servant (aujourd'hui rue Vigarosy) ou à la métairie de Bedou.

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Rama, dit Paya. Du royaume de Carnate, dans l'Inde, à Mirepoix, Ariège.

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Section A nº 131 ou moulon 3 nº 50 avant la Révolution. Reprise de François Cairol, autre de ses frères, ancienne maison de Pierre Cairol à Mirepoix.

Devenu dans les années 1770 membre de l'Académie royale des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, Antoine Cairol s'occupe alors d'écrire et de publier. En 1773, il remet à l'Académie des Jeux floraux un « discours dont le sujet étoit Raymond VII, Comte de Toulouse, ayant pour devise Sic itur ad astra [Ainsi atteint-on aux étoiles] », et il obtient un prix. Son discours, malheureusement, ne se trouve pas reproduit dans le recueil correspondant.

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Recueil des ouvrages de poésie et d'éloquence présentés à l'Académie des Jeux floraux, Toulouse, chez J. Rayet, 1773.

En 1777 et en 1784, Antoine Cairol intervient par deux fois à l'Académie sur des sujets tirés de son expérience indienne.

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Incipit de la communication intitulée « Sur les veuves radjepoutes qu'on brûle sur le tombeau de leurs époux ».

« Jean Antoine Cairol entretint plus tard l'Académie [des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse] des choses qu'il avait vues, observées et étudiées, savoir : sur les mœurs, coutumes et lois des Indiens, principalement sur leurs croyances religieuses, leur culte et la doctrine des Brames. Il entrait dans des détails que n'avaient pas été à portée de connaître comme lui les écrivains qui avaient parlé de ce pays sans l'avoir vu ; et il réfutait souvent les Lettres édifiantes.

On a imprimé deux de ses Mémoires dans le Recueil de l'ancienne Académie : le premier, lu en 1777 ; le second, en 1784 :
1º Sur les veuves radjepoutes qu'on brûle sur le tombeau de leurs époux. T. 2, p. 71 ;
2º Sur les cérémonies, les temples et les ascétiques indiens appelés Pandarous. T. 2, part. 2, p. 197. » (2)

Le 11 octobre 1780, Marie Anne Thérèse Cairol, fille d'Antoine Cairol et de Françoise de Montfaucon, épouse à Mirepoix Maître Blaise Laurent Joseph Fauré, avocat en parlement, fils de feu Jean Joseph Fauré, avocat, habitant de la paroisse Saint-Étienne, à Toulouse. Le nouveau couple vivra par la suite à Toulouse et fera baptiser ses enfants dans la paroisse de la Daurade. Antoine Cairol et Françoise de Montfaucon vivent en 1780 encore une fois au Pin (Haute-Garonne).

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11 octobre 1780. Mariage de Blaise Laurent Joseph Fauré et de Marie Anne Thérèse Cairol. AD09. Mirepoix. Paroisse Saint Maurice. Baptêmes, mariages, sépultures. 1779-1787. Document 1NUM4/5MI665. Vue 88.

Antoine Cairol travaille alors à la rédaction d'un essai intitulé Réflexions historiques et politiques sur les révolutions qu'a effectuées l'agriculture sous différents gouvernements, principalement dans le Languedoc, sur son état actuel dans cette province, et sur les moyens de l'améliorer. La publication de cet essai se trouve signalée dans le Journal encyclopédique ou universel du 15 septembre 1787. Publié à Amsterdam, l'essai en question, malheureusement, ne se trouve pas à la Bibliothèque nationale ni à la Bibliothèque Tolosana.

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Journal encyclopédique ou universel, tome VI partie III, Paris, Bouillon, 15 septembre 1787, p. 533.

Il se peut en tout cas qu'Antoine Cairol, inspiré par sa métairie de Bedou, ait eu à cette date l'occasion confronter ses idées sur l'état de l'agriculture dans le Languedoc avec Antoine Fontanilhes (3) et Charles Fontanilhes, son fils, qui développent aux Pujols (4), à la même époque, une expérience d'agriculture et de ménagerie dans le style des Physiocrates, expérience dont ils feront un Manuel d’agriculture et de ménagerie, publié en l'an II (5). Antoine Cairol et les Fontanilhes, père et fils, partageaient en outre très probablement les mêmes opinions politiques.

Le 25 novembre 1783, Antoine Cairol est élu au conseil municipal, et, le 25 novembre 1785, élu premier consul. Il le restera jusqu'à la Révolution. Le 25 novembre 1787, Pierre Cairol Caramaing, l'un de ses frères, avocat, entre au conseil municipal à son tour.

Antoine Cairol succède dans la fonction de premier consul à noble Jean de Lasset (6), qui, le 24 anvier 1782, alors deuxième consul, a relayé au pied levé dans la fonction de premier consul Guillaume Malroc, son beau-frère (6), démissionnaire pour cause de nomination à la Cour des comptes, aides et finances de Montpellier, et qui a continué d'exercer ladite fonction de premier consul par simple reconduction, i.e. sans avoir été élu par le conseil municipal. Le 24 novembre 1785, lors de la réunion du conseil municipal en séance plénière, certains conseillers contestent la présidence illégitime de Jean de Lasset. Contre l'avis de ce dernier, on procède à l'élection de nouveaux consuls : Antoine Cairol est élu premier consul ; Paul Combes, notaire, deuxième consul.

En 1786, nonobstant les protestations, entre autres, de Jean Antoine Barthélémy Baillé (7) et de Jean François Dominique Bauzil, son beau-frère (7), Antoine Cairol fait voter la prolongation du mandat de Paul Combes, qui, détenteur de ce mandat depuis 1783, aurait dû le quitter au bout de trois ans. Les deux hommes font dès lors équipe jusqu'à la Révolution. Ils ont à prévenir les menées des partisans de Jean de Lasset, qui sont de plus en plus nombreux au conseil municipal.

À la fin du mois de mars 1787, on fête à Mirepoix la naissance de Charles Philibert Marie Léopold de Lévis, né le 5 mars 1787 à Paris, premier fils de Charles Philibert Marie Gaston de Lévis, fils lui-même du marquis Louis François Marie Gaston de Lévis, seigneur de Mirepoix. Feu d'artifice, illumination de la ville, défilé, grand'messe avec Te Deum, sont cause de dépenses critiquées par le parti de Jean de Lasset. La représentation de ce parti se trouve renforcée au sein du conseil municipal à la suite des élections du 25 novembre 1787. Parmi les élus de l'opposition à Antoine Cairol et à Paul Combes figure désormais Gabriel Clauzel, marchand drapier, proche de Jean Antoine Barthélémy Baillé.

Le 6 avril 1788, Paul Combes fait désigner plusieurs commissaires chargés de procéder à l'inventaire des archives municipales. Il s'agit de quatre membres du conseil municipal, Étienne de Montfaucon ((8), seigneur de Rogles, Engraviès, Sainte-Croix, capitaine des grenadiers ; Pierre Manent, négociant ; Jean Antoine Barthélémy Baillé ; Gabriel Clauzel. Le travail d'inventaire se poursuit jusqu'à la nuit du 8 au 9 juin 1788, nuit à l'issue de laquelle certains papiers, dont les titres concernant les privilèges de habitants de Mirepoix quant au droit d'usage dans certaines des forêts du marquis de Mirepoix, sont portés disparus. Il y a eu effraction, des meubles forcés. Jean de Lasset et les siens imputent cette effraction au parti d'Antoine Cairol. Trois semaines plus tard, les papiers disparus se retrouvent sur une table, sous d'autres documents. Un billet anonyme ((9) indique qu'ils ont été volés par des « patriotes pas dangereux, curieux de voir par leurs yeux les papiers des archives. »

Au conseil municipal, on somme Antoine Cairol, Étienne de Montfaucon et Pierre Manent de rendre les clés de l'armoire des archives, dont ils se trouvaient détenteurs depuis le 6 avril. Le 11 juin 1788, Antoine Cairol dépose plainte auprès de Jean Dominique Saurine, avocat, juge de la ville et du marquisat de Mirepoix. Les témoins assignés devant Jean Dominique Saurine ne parlent pas. De guerre lasse, celui-ci autorise Antoine Cairol à demander un monitoire à Monseigneur de Cambon. Mais ni l'enquête judiciaire ni le monitoire épiscopal ne parviennent à produire la manifestation de la vérité.

Du 19 août au 7 décembre 1788, Jean de Lasset, Gabriel Clauzel, et l'ensemble de l'opposition municipale tentent d'engager une procédure criminelle contre les « quidams » voleurs des papiers, et d'intenter une action en dommages et intérêts contre Antoine Cairol et autres détenteurs des clés des armoires d'archives fracturées. Antoine Cairol riposte en déposant une plainte en diffamation contre Jean Félix Deloun, avocat, conseiller municipal, qui l'accuse publiquement de complicité dans le fric-frac des archives. Condamné à une réparation publique, Jean Félix Deloun fait appel. Malgré l'entremise de l'Intendant du Languedoc, puis celle du subdélégué de Toulouse, toutes ces affaires resteront pendantes jusqu'aux élections du 31 janvier 1790. « On verra se poursuivre », dixit Joseph Laurent Olive, « l'affrontement entre les partisans des consuls en exercice, favorables en principe aux institutions en place, et les amis de Jean de Lasset et de Gabriel Clauzel, favorables, le second surtout, à une mutation de la société. » (10).

Le 5 janvier 1789, contrairement à ce que Antoine Cairol pouvait légitimement attendre, ce n'est pas lui que le conseil municipal choisit de déléguer aux États de la province, mais le notaire royal Étienne Rouger. Le 13 mars 1789, Gabriel Clauzel se trouve désigné à la fonction de rédacteur du cahier de doléances du tiers-état à la sénéchaussée de Limoux.

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Anonyme. Prise de la Bastille. Musée de la Révolution française

La nouvelle de la prise de la Bastille arrive à Mirepoix le 26 juillet. La « grande peur » s'installe dans la ville à partir du 4 août.

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Nuit du 4 au 5 août 1789 ou le délire patriotique. Collection De Vinck.

Le 4 août 1789, réuni en assemblée extraordinaire et en l'absence d'Antoine Cairol, qui se tient retiré dans sa métairie de Bedou, le conseil municipal décide la création d'une milice bourgeoise et assigne le commandement de cette milice, de façon politiquement panachée, à Jean Cyr Théodose de Simorre, capitaine du régiment de Vintimille, et à Jean de Lasset, ancien garde du corps du roi. Le lendemain, dans une nouvelle assemblée extrordinaire et toujours en l'absence d'Antoine Cairol, Jean de Lasset commande la livraison de 200 fusils avec baïonnette. Le 6 août, dans une troisième assemblée extraordinaire, convoquée cette fois-ci par ses soins, Antoine Cairol tente de minimiser les raisons de la grande peur et, faute de pouvoir convaincre des risques que comporte la mobilisation d'une milice, il propose d'assurer la distribution « à chaque patrouilleur d'un encheu de vin et d'une livre de pain ». Le peuple souffre en effet d'une grave pénurie de vivres en raison des mauvaises récoltes des années 1787-1788-1789 (11). Mais Jean Antoine Cairol n'est point entendu.

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Vue du Peyrat circa 1900.

Le 9 août 1789, Duran Cailhau, premier consul du Peyrat (Ariège), propose à son conseil municipal de former un pacte fédératif avec les villages voisins, et il invite Antoine Cairol, premier consul de Mirepoix, à presser son propre conseil municipal d'adhérer au pacte en question. Peu soucieux d'encourager le développement d'une force populaire, susceptible d'entraîner de nouveaux débordements, Antoine Cairol ne communique pas à son conseil municipal la proposition de son homologue.

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À droite sur l'image, la balustrade de l'ancien hôpital.

Le 14 août 1789 toutefois, réunis à l'hôpital dans une assemblée extraordinaire, les citoyens de Mirepoix, rejoints par ceux des communautés avoisinantes, acceptent dans l'enthousiasme de se joindre à la Confédération des Pyrénées, ainsi nouvellement créée. Jean Antoine Cairol Bailladet fait partie des commissaires nommés par cette assemblée. Celle-ci choisit de déléguer Jean de Lasset et Guillaume Malroc à la manifestation générale de la Confédération, prévue à Bélesta le 8 septembre 1789. La même assemblée profite en outre de la circonstance pour proclamer, au moins verbalement, la destitution des quatre consuls de Mirepoix. Antoine Cairol se tient dès lors renfermé, le plus souvent, dans sa métairie de Bedou. Le 8 septembre, dans le même temps, Joseph Belot de la Digne est nommé à Bélesta président de la Confédération des Pyrénées. Il jure de « maintenir jusqu'à la dernière goutte de son sang la nouvelle constitution et généralement toutes les lois émanant de l'Assemblée nationale » (12).

Au début du mois de novembre 1789, Antoine Cairol dénonce Jean de Lasset auprès de l'Assemblée nationale, au motif que celui-ci, nommé représentant de la Confédération des Pyrénées à Mirepoix, lui a refusé le concours de la milice face à de nouveaux troubles.

Jean de Lasset répond alors à cette dénonciation par un coup de force. Le 22 novembre 1789, en l'absence des consuls, appelés hors de la ville par des travaux d'adjudication, il convoque l'assemblée municipale, proclame la destitution des consuls en titre et, sous l'œil de Jean Antoine Cairol Bailladet et d'Étienne Rouger nommés tous deux scrutateurs, il fait procéder à l'élection de quatre nouveaux consuls : premier consul, Jean de Lasset ; deuxième consul, Gabriel Clauzel... Dans la foulée, il destitue Jean Cyr Théodose de Simorre de son poste de commandant de la milice et se fait élire à ce même poste. Le 24 novembre, toujours sous l'œil de Jean Antoine Cairol Bailladet et d'Étienne Rouger scrutateurs, il fait procéder à la nomination de nouveaux conseillers municipaux, parmi lesquels Jean Antoine Barthélémy Baillé et Guillaume Malroc de Lafage.

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À l'intérieur du palais épiscopal. Pour plus de discrétion, on peut entrer dans le palais par le côté sud, qui se trouve éloigné de la grand'place.

Antoine Cairol et son équipe tentent derechef de faire valoir l'autorité dont eux seuls jusque ici se trouvent encore légalement investis. Le 11 décembre 1789, le Parlement de Toulouse arrête le maintien de cette autorité jusqu'à l'application de la nouvelle loi municipale, application prévue le 31 janvier 1790. L'équipe d'Antoine Cairol se réunit discrètement dans une des salles du palais épiscopal. Là, à l'initiative d'Étienne de Montfaucon, elle crée une milice bourgeoise alternative, dite « légion de Saint Maurice ».

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Détail de la bannière de l’ancienne Oeuvre du secours mutuel de Saint Maurice, œuvre héritière de la corporation des teinturiers, mais aussi de la légion de Saint Maurice créée en 1789.

Le 31 jancier 1790, la nouvelle municipalité de Mirepoix, présidée par Jean de Lasset, assistée de Gabriel Clauzel, adjoint, et de Jean Soulié, procureur de la commune. est élue dans la chapelle des Pénitents bleus. Le Parlement de Toulouse invalide toutefois l'élection de Gabriel Clauzel. Jean de Lasset monte à Paris pour arracher à l'Assemblée nationale la validation de cette élection. Le 3 juin 1790, l'Assemblée nationale tranche enfin en faveur de la nouvelle municipalité de Mirepoix. Joseph Laurent Olive, dans La Révolution de 1789 à Mirepoix, Ariège, ne dit pas ce qu'il advient d'Antoine Cairol. On ne sait rien ensuite du lieu ni de la date de son décès.

II.2. Jean Antoine Cairol après 1789

En 1790, Jean Antoine Cairol Bailladet assiste en honnête homme, digne d'exercer la fonction de scrutateur, à l'installation de la nouvelle équipe municipale. Habitué de longue date aux requisits de la vie militaire, il souffre sans doute d'un certain désœuvrement. Quoique sympathisant des idées de la Révolution, il se garde toutefois de s'engager dans l'action politique, mais il songe déjà au moyen de reprendre du service. Au début de l'année 1791, comme on l'a vu dans le premier épisode de cet article, il s'occupe de faire aboutir sa demande d'obtention de la croix de l'ordre royal et militaire de Saint Louis. Il obtient cette croix le 2 mai 1791, grâce à l'appui de son ami Joseph Belot de la Digne, qui est alors conseiller du Roi et qui se trouve à Versailles chargé de valider, entre autres dossiers, celui dudit « Bailladet de Cairol ».

II.2.1. Joseph Belot de la Digne, soutien et ami de Jean Antoine Cairol

L'appui dont Jean Antoine Cairol bénéficie de la part de Joseph Belot de la Digne, procède à la fois de la participation des deux hommes à l'épisode de la création de la Confédération des Pyrénées et de la solidarité ariégeoise.

La famille de Belot est en effet originaire de Rieucros, village situé à 10 km de Mirepoix. Né à Rieucros le 15 juillet 1612, fils de Noël Belot, bourgeois, et d'Anne d'Audonet, descendante d'Abel Audonnet, baile de Rieucros, homme lige de Jean VI de Lévis, récompensé pour cela par le don de la riche métairie d'Enterraine, près de Rieucros ; Pierre Belot, qui teste le 6 décembre 1696, épouse le 28 août 1646 Claire Deloun, fille d'un homme de loi de Mirepoix, et il devient « peut-être co-seigneur de Lafage (Aude) » (13).

Né à Rieucros, fils de Pierre Belot, Joseph Belot I, bourgeois, épouse le 23 octobre 1687 à Mirepoix Marie Jalabert, née d'un maître boulanger installé à Viviès, village situé à 9 km de Mirepoix (14). Henriette Belot, fille de Pierre Belot, épouse François Castignolles, riche bourgeois de Rieucros. Claude Belot, fille de Pierre Belot, épouse François Rieux, maître chirurgien de Mirepoix. Madeline Belot, fille de Pierre Belot, épouse Philippe Barrière, praticien d'Arvigna. Marie Belot, autre fille de Pierre Belot encore, épouse Jean de Montfaucon, seigneur de Rogles, le 24 octobre 1690 à Rieucros (15).

Joseph Belot II, fils de Joseph Belot I et de Marie Jalabert, est baptisé le 24 avril 1701 à Rieucros (16). Devenu chirurgien, il épouse le 21 février 1732 à Bélesta (Ariège) Anne Alizet (17), sœur de Jean Baptiste Alizet, fermier et homme lige du baron de Bélesta. Il partage ensuite son activité de maître chirurgien entre Rieucros, La Bastide-sur-l'Hers et Bélesta, où il jouit de la protection du baron.

Fils de Joseph Belot II et d'Anne Alizet, Joseph Belot III naît à La Bastide-sur-l'Hers le 20 janvier 1738.

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20 janvier 1738. Baptême de Joseph Belot III. AD09. Bastide-sur-l'Hers (La). Baptêmes, mariages, sépultures. 1737-1762. Document 1NUM1/267EDT/GG6. Vue 11.

Joseph Belot III embrasse la carrière des armes. Volontaire en 1752 au régiment de Médoc, il est lieutenant en 1758, puis capitaine quatre ans plus tard. Il participe à la campagne d'Allemagne de 1759 à 1761. À la suite de sa brillante conduite dans la conquête de la Corse, il est nommé major de la Légion corse que l'on vient de créer en 1769, puis lieutenant-colonel en 1773. En 1776, il est fait chevalier de Saint-Louis.

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18 novembre 1777. Mariage de Joseph Belot de la Digne, « seigneur de la Digne, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint Louis, lieutenant colonel et major du régiment des dragons de Languedoc, habitant de Bélesta, diocèse de Mirepoix », et d'Éléonore Honorée de Laporterie. Archives municipales de Toulouse. Paroisse de la Daurade. 1775-1777. Cote : GG184. Vue 140.

Le 18 novembre 1777, Joseph Belot de la Digne, 39 ans, épouse à Toulouse Éléonore Honorée de Laporterie, dix-huit ans, fille de Raymond Balthazar de Laporterie, natif de Carcassonne, conseiller du roi au Conseil supérieur de Pondichéry, mort à l'Isle de France en 1759 (18), et de Perrine Jacquemine Françoise Duvelaër-Jouenne (19), parente de Pierre Duvelaër, qui fut à Pondichéry avant 1735 directeur de la Compagnie des Indes, et de Joseph Duvelaër, frère du précédent, qui fut capitaine, puis co-directeur de la Compagnie des Indes.

Les fortunes et infortunes de Raymond Balthazar de Laporterie méritent d'être rapportées ici. Elles se trouvent mentionnées dans un Mémoire pour les orphelins La Porterie, adressé par M. Chatelet le 23 septembre 1772 à Monseigneur le Ministre de la Marine, et conservé dans le dossier La Porterie des Archives nationales d'Outre-Mer.

« Ces orphelins sont fils d'un militaire qui a perdu une jambe d'un boulet de canon ou coup de feu dans l'Inde. Devenu ensuite conseiller à Pondichéry et employé en chef à la marine de Chandernagor en Bengale, il fut député en 1757 par la nation à Madras, où il négocia à son gré un traité de neutralité pour les établissements respectifs des deux nations dans l'Inde, [traité] de la foi duquel l'Angleterre se dégagea à l'arrivée de l'amiral Watson à la tête de dix vaisseaux de guerre. Il fut fait prisonnier contre la loi de la capitulation que la faiblesse du fort le força de signer avec le Conseil, et fut embarqué à la tête de 40 Français de l'état-major pour Madras sur le vaisseau anglais La Restitution, dont il s'empara en pleine mer et qu'il mena à Mazulipatan (20). Ce militaire vint mourir à l'Isle de France (plus tard île Maurice) en 1759 de ses blessures et de prison. » (21)

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Dunn, Lawson. Le Pitt, navire anglais (à gauche), attaquant le Saint-Louis, navire français (à droite), de l'escadre du comte d'Aché, le 29 septembre 1758, près de Pondichéry. National Maritime Museum. Greenwich, London.

Quoi qu'il en soit des infortunes de Raymond Balthazar de Laporterie, Éléonore Honorée de Laporterie, sa fille, apporte en 1777 à Joseph Belot de la Digne une dot de 40 OOO livres !

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Pierre Arches, « Une fédération locale. La Confédération des Pyrénées (1789-1791) », in Bulletin d'histoire économique et sociale de la Révolution française, Paris, Bibliothèque nationale, 1972, pp. 59-60.

En 1777, dans son acte de mariage, Joseph Belot III se trouve dit « Messire Joseph de Belot, seigneur de la Digne ». Le 11 juin 1788, soit une dizaine d'années plus tard, suite aux ordonnances du 25 mars 1776 qui actent la dissolution de la Légion corse et qui le laissent sans emploi, il monte à Paris pour y quérir certaines « protections » ad hoc, et il adresse à M. d'Hozier de Serigny, juge d'armes de la noblesse de France, une lettre dans laquelle il sollicite pour lui-même un nouveau poste et, « pour un de ses enfants, une place à l'école militaire ».

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BnF. Nouveau d'Hozier. Bellin-Bérard. Dossier 717. Belot de la Digne. Deux feuillets.

Joseph Belot de la Digne déclare à cette occasion que, le 24 octobre 1781, la Cour des Aides de Montpellier a ou aurait rendu « en faveur du chirurgien Joseph Belot II, son père, un arrêt de déclaration de noblesse ». Motif possiblement invoqué à l'appui de cette validation : la propriété de la seigneurie de La Digne que Justin Belot, autre fils de Joseph Belot II, tient de son mariage avec N. Bernard de la Boucherolle, fille d'un avocat des ordinaires de Chalabre, puis de Puivert, puis de Bélesta, sœur de noble Philippe de Bernard de la Boucherolle, chevalier de Saint-Louis, seigneur de Baziège et de Lastour.

Joseph Belot de la Digne joint à sa missive à M. D'Hozier, non point l'arrêt du 24 octobre 1781, mais la description du cachet « qu'il a toujours eu et dont on s'est toujours servy dans sa famille ». Je sais seulement », ajoute-t-il, que M. le marquis de Belot de Chevigné, qui réside en Franche-Comté [Ornans, Doubs] et que je ne connais pas, porte le même nom et les mêmes armes que moy, mais je ne puis pas prouver qu'il y ait le moindre degré de parenté entre eux et nous, et j'ai oui dire qu'ils n'ont rien de leur côté qui le prouve ». La lecture du dossier Belot de la Digne, tel que constitué chez M. d'Hozier de Sérigny, c'est-à-dire réduit à deux feuillets, donne à penser que la noblesse dont se flatte la famille Belot, est, en vertu de certaines « protections », tout bonnement usurpée.Il est qu'en 1788, l'affaire n'a au vrai plus grande importance, sinon aux yeux d'un Joseph Belot III qui souffre de n'être plus désormais qu'un lieutenant-colonel « de suite », autant dire oublié, d'autant que, certes bien noté, il sait avoir fait l'objet d'observations du genre suivant ; « trop familier avec les jeunes gens, ce qui l'empêche de pouvoir jamais être un sieur de distinction de l'État-major » (22).

Joseph Belot de la Digne n'obtiendra plus par la suite dans l'armée aucun nouveau poste. Le 15 janvier 1790, l'Assemblée nationale, sur le rapport du comité de Constitution, après avoir entendu les députés de toutes les provinces du royaume, décrète que la France est divisée en 83 départements, dont 7 départements en Languedoc. Avec la mise en place de ces nouvelles structures, la « grande peur » s'éteint, la Confédération des Pyrénées perd de son utilité, elle cesse rapidement d'exister. Après avoir été de 1791 à 1792 conseiller du Roi et député de l'Aude à l'Assemblée législative, Joseph Belot de la Digne devient maire de Bélesta. Il meurt à l'âge de le 29 octobre 1907 dans son château de La Digne-d'Amont.

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29 octobre 1807. Décès de « M. Joseph Belot, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint Louis, cy-devant seigneur de La Digne, dans son château ». AD11. La Digne-d'Amont. Naissances, mariages, décès. 1802-1812. Document 100NUM/5E119/4. Vue 134.

II.2.2. Jean Antoine Cairol à partir de 1791

Le 2 mai 1791, Jean Antoine de Cairol obtient, comme on sait, la croix de l'ordre royal et militaire de Saint Louis. Mais il s'agit là d'un titre honorifique, qui, depuis 1789, n'exempte même plus de la taille ses membres roturiers. Tel qu'établi par l'Assemblée et par les ministres du Roi, l'État nominatif des pensions sur le trésor royal, septième classe, en annexe de la séance du 21 avril 1790, comprend la pension de 500 livres attribuée à Bailladet de Cairol (Jean Antoine) au titre de sa retraite en qualité d'ancien lieutenant en premier d'artillerie à Saint-Domingue. Encore cette pension se trouve-t-elle soumise à la retenue d'un dixième.

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« État nominatif des pensions sur le trésor royal, septième classe, en annexe de la séance du 21 avril 1790 ». In Archives Parlementaires de 1787 à 1860, première série (1787-1799), tome XIV, du 21 avril 1790, Paris, Librairie Administrative P. Dupont, 1882, p. 378.

Après son ami Joseph Belot de la Digne en 1788, Jean Antoine Cairol, en 1791, s'inquiète à son tour de trouver un emploi militaire. Le 5 janvier 1792, âgé alors de 62 ans, il est nommé par Jean François Pomiès, commissaire des guerres, lieutenant-colonel en premier du premier bataillon de volontaires ariégeois formé à Foix. À noter que ce bataillon de 571 hommes comprend d'anciens membres de la garde nationale, des engagés de leur plein gré, et, de plus en plus nombreux jusqu'à la promulation de la loi Jourdan-Delbrel qui institue le 5 septembre 1798 la conscription universelle et obligatoire, des « volontaires désignés », souvent tentés par la désertion. Le commandement du lieutenant-colonel Cairol ne s'en trouve pas facilité.

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Vue de la citadelle de Montlouis circa 1900.

Affecté à l'armée du Midi, le 1er bataillon des volontaires ariégeois s'installe à Mont-Libre [Mont-Louis] du 7 au 29 juin 1792, avec détachement de trois compagnies à Villefranche-de-Conflent et d'une compagnie à Prades. Il se rend ensuite à Collioure et au fort de Bellegarde, au-dessus de la ville du Perthus. Envoyé en Ardèche le 1er juillet, il en repart le 25 juillet, et gagne Viviers, dans le Vivarais, par Narbonne et Pont-sur-Rhône [Pont-Saint-Esprit]. Arrivé à Viviers le 9 août, il en détache quatre compagnies à Aubenas. Joint ensuite à l'armée des Alpes, il gagne le département de l'Ain et, stationné à Bourg-en-Bresse le 29 novembre, il y passe le mois de décembre.

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Anonyme. Vue du siège de Lyon en 1793.

En janvier 1793, le 1er bataillon des volontaires ariégeois fait halte à Ferney-Voltaire. Le 11 janvier, il atteint Valence, puis, le 15 avril, Chambéry. Il comprend alors 981 hommes. Le 15 août, basé à Mâcon, il fournit en renforts, depuis le camp de Génie-le-Patriote [Saint-Génis-Laval] les troupes qui tentent alors de circonscrire l'insurrection lyonnaise. Il se trouve joint ensuite à l'armée des Pyrénées-Orientales, amalgamé le 27 mars 1794 à la division de droite du général Augereau, puis le 1er juillet 1795 à la 1ère demi-brigade provisoire autre, et, le 18 mars 1796 enfin, fondu dans la 25ème demi-brigade de ligne. (23)

Jean Antoine Cairol, quant à lui, quitte son commandement du 1er bataillon des volontaires ariégeois à la fin de l'année 1793, « pour cause d'infirmité à une jambe » (24). Il est nommé alors commandant d'armes à Boulogne-sur-Mer, i.e. en tant qu'officier le plus ancien dans le grade le plus élevé, chargé de diriger le service de la garnison.

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Ancien château comtal de Boulogne-sur-Mer. Édifié par Philippe Hurepel en 1231, ce château sert en 1794 de caserne et de prison. Il a été aujourd'hui transformé en musée.

Arrivé à Boulogne-sur-Mer au début de l'année 1794, Jean Antoine Cairol, 56 ans, y épouse, le 11 germinal an III (31 mars 1795), Anne Louise Fabre, 27 ans, baptisée le 27 juin 1768 à Paris, dans la paroisse de Saint Louis en l'Isle, fille de Jean Léon Fabre, officer d'infanterie, et de Marie Anne Noël. Sans surprise, les témoins de ce mariage, sont tous les deus militaires. Il s'agit de Pierre Petitsire, 58 ans, lieutenant de la compagnie de canonniers vétérans nationaux en station au Château de Boulogne-sur-Mer, et de Louis Julien Leconte, 27 ans, adjudant-capitaine de première classe à Boulogne-sur-Mer.

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11 germinal an III (31 mars 1795). Mariage de Jean Antoine Cairol et d'Anne Louise Fabre. AD62. Boulogne-sur-Mer. Mariages, 1793-an III, an V-a VII, an VII-an IX. Document 5 MIR 160/32. Vue 49.

Faute d'autres documents, ce sont les naissances des enfants du nouveau couple qui permettent de suivre les étapes suivantes de la carrière de Jean Antoine Cairol.

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Entrée de la citadelle de Perpignan circa 1900. Ce puissant ouvrage construit par Vauban a été largement démantelé à partir de 1904. Il demeure toutefois partiellement occupé aujourd'hui encore par une caserne militaire.

En 1797, Jean Antoine Cairol est commandant de la place de Perpignan. Il réside dans la « section Saint-Jacques, rue cy-devant Saint-Sauveur ». Le 18 floréal an V (7 mai 1797) à Perpignan, assisté de Louis Ferdinand Raibault, adjudant de la place, et de François Delage, aussi adjudant de la place, il déclare la naissance de Magdeleine Anne Claire Cairol, sa fille première-née, venue au monde la veille, 17 floréal an V (6 mai 1797).

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17 floréal an V (6 mai 1797). Naissance de Magdeline Claire Cairol. AD66. Perpignan. Naissances. An V. Document 9NUM2E2352 N. Vue 358.

Adélaide Petronille Louise Cairol naît le 22 fructidor an VII (8 septembre 1799) à Perpignan, dans les Pyrénées-Orientales. Jean Antoine Cairol est toujours commandant de la place de Perpignan. Il demeure au nº 2 de la rue du « cy-devant Temple ».

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22 fructidor an VII (8 septembre 1799). Naissance d'Adélaide Petronille Louise Cairol. AD66. Perpignan. Naissances. An VII. Document 9NUM2E2355 N. Vue 62.

Louise Pétronille Adélaïde Cairol naît le 21 prairial an IX (10 juin 1801) à Embrun, dans les Hautes-Alpes. Jean Antoine Cairol est alors commandant d'armes de la place d'Embrun.

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Vue du fort de Mont Dauphin, situé à proximité d'Embrun, construit également par Vauban. Jean Antoine Cairol a exercé là sa fonction de commandant d'armes.

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21 prairial an IX (10 juin 1801). Naissance d'Adélaide Petronille Louise Cairol. AD05. Embrun. Naissances, mariages, décés. 1800-1801. Document 2 E 50/10/3. Vue 33.

Jean Antoine Cairol, en 1801, date de la naissance de sa troisième fille, est âgé de 62 ans. On ne sait pas combien de temps il est resté en poste à Embrun. On ne lui connaît pas d'autre poste après celui d'Embrun. Le Bulletin des Lois indique qu'il a cessé son activité de commandant d'armes le 21 septembre 1814. Il avait alors 75 ans.

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Bulletin des Lois, 7e série, tome XVI, nos 579 à 614, Paris, Imprimerie Royale, Août 1823, p. 14.

On retrouve Jean Antoine Cairol à Mirepoix le 13 octobre 1817, date du mariage de Magdeleine Anne Claire Cairol, sa fille aînée. Magdeleine Anne Claire Cairol, 20 ans, épouse ce jour-là Jean Pierre Marie Thomas Barthès, 23 ans, propriétaire, domicilié à Cintegabelle, fils du Sieur Jean Baptiste Géraud Barthès, propriétaire, et de Dame Iphigénie Molinier.

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13 octobre 1817. Mariage de Jean Pierre Marie Thomas Barthès et de Magdeleine Claire Cairol. AD09. Mirepoix. Mariages. An XI-1818. Document 1NUM/4E2355. Vue 269.

On observera maintenant que Jean Antoine Cairol et Anne Louise Fabre ont donné à leurs deux filles puînées des prénoms en miroir : Adélaïde Pétronille Louise, puis Louise Pétronille Adélaïde.

Adélaïde Pétronille Louise serait-elle morte avant la naissance de Louise Pétronille Adélaïde ; auquel cas Louise Pétronille Adélaïde aurait été, en tant qu'enfant de remplacement, le double inversé d'Adélaïde Pétronille Louise, sa sœur aînée ? On ne trouve pas cependant que Adélaïde Pétronille Louise soit morte avant la naissance de Louise Pétronille Adélaïde Perpignan, sa sœur puînée, ni à Perpignan, ni à Embrun, ni alleurs pour autant qu'on puisse le savoir.

Au cas où Adélaïde Pétronille Louise aurait vécu, le choix des prénoms en miroir aurait eu quelque chose d'élégant, mais il eût comporté alors, en matière d'identité, des risques de confusion. On suppose que, dans la vie courante, la première née des deux filles, si elle avait vécu, aurait répondu au prénom d'Adélaïde, et la seconde, au prénom de Louise. Il se trouve en tout cas que Jean Antoine Cairol et Anne Louise Fabre n'ont pas eu d'autres enfants. Comme si le choix des prénoms en miroir avait signifié pour les époux le moment où, dans une sorte de clôture, leur famille touchait désormais à sa taille et à sa structure définitives.

Le 17 août 1818, Jean Antoine Cairol marie à Mirepoix Louise Pétronille Adélaïde, sa troisième fille. La lecture des bans puis de l'acte de ce mariage montre que le risque de confusion relatif à l'identité de la jeune femme, tel que relevé plus haut, a effectivement produit ladite confusion. La jeune femme se prénomme Adéle [sic] Pétronille Louise sur les bans de son mariage, puis Louise Pétronille Adélaïde sur l'acte de mariage même. Heureusement indiqués sur cet acte, son lieu de naissance ainsi que son âge à la date du mariage permettent toutefois de vérifier qu'il s'agit bien là de Louise Pétronille Adélaïde Cairol, troisième fille de Jean Antoine Cairol et d'Anne Louise Fabre.

Mais Louise Pétronille Adélaïde Cairol, au bas de son acte de mariage, signe « Adèle Cairol ». Ni tout à fait même ni tout à fait autre que le prénom Adélaïde, le nouveau prénom que la jeune femme a choisi de se donner, indique qu'Adélaïde Pétronille Louise Cairol est probablement morte, et qu'Adèle Cairol, sa sœur puînée, a choisi d'endosser, pour la relever à sa façon, une part de l'identité de sa sœur disparue.

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9 août 1818. Deuxième publication du mariage de Jean Paul Vincent Espert et de « Adèle Pétronille Louise Cairol ». Mirepoix. Publications des mariages. An XI-1822. Document 1NUM/4E2351. Vue 384.

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17 août 1818. Mariage de Jean Paul Vincent Espert et de Louise Pétronille Adélaïde Cairol, dite « Adèle Cairol ». AD09. Mirepoix. Mariages. An XI-1818. Document 1NUM/4E2355. Vue 486.

Le 17 août 1818 à Mirepoix, Adèle Cairol, 17 ans, née à Embrun dans le département des Hautes-Alpes, fille de Monsieur Jean Antoine Cairol, chef de bataillon, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint Louis, lieutenant du Roy de quatrième classe, et de Dame Anne Louise Fabre, fait un beau mariage.

En la personne de Jean Paul Vincent Espert, 26 ans, domicilié à Sibra, commune de Lagarde, né le 31 mars 1792 à Lavelanet, fils de Monsieur Jacques Espert, propriétaire, et de Dame Véronique Dupeyrou, demeurant tous deux à Sibra, Adèle Cairol épouse un militaire qui jouit, dans sa parentèle, des meilleures protections et, par suite, des meilleures espérances : initialement sous-lieutenant des grenadiers au 42e, il devient en 1811 capitaine-aide de camp du maréchal de camp baron Jean Baptiste Espert de La Tour ; le 6 août 1811, il est nommé chevalier de l'ordre royal de la Légion d'honneur ; depuis le décès de Jean Baptiste Espert de La Tour, mort le 13 octobre 1815 à Saint-Quentin-la-Tour (Ariège), il est aide de camp du maréchal de camp vicomte Pierre Espert de Sibra (25). En vertu du mariage qu'elle contracte avec Jean Paul Vincent Espert, Adèle Cairol vivra désormais au château de Sibra, acheté par la famille Espert après la Révolution à l'ancien seigneur de Saint-George.

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Vue du château de Sibra depuis le parc circa 1900.

Sur l'acte de mariage reproduit ci-dessus, on remarque que la signature de Jean Antoine Cairol est tremblée. L'homme, en 1818, est âgé de 79 ans. Il est probablement déjà malade. Mais il se dit sans doute qu'il peut mourir tranquille, car il a marié ses filles ! Il meurt le 9 juillet 1820 à Mirepoix, dans la maison où il était venu au monde, le 17 août 1739.

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Porte ancienne dans la maison Cairol, au nº 148 du moulon 3.

Anne Louise Fabre, veuve de Jean Antoine Cairol meurt à l'âge de 55 ans, le 17 juillet 1823, à la métaire de Biscounté (lieu-dit Biscountet, puis Biscomte), près d'Auterive (Haute-Garonne), métairie qui, après le nº 166 du moulon 3 de Mirepoix, a été sa dernière résidence.

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17 juillet 1723. Décès d'Anne Louise Fabre, veuve Cairol. AD31. Auterive. Naissances, mariages, décès (collection du greffe). 1822-1825. Document 4 E 99. Vue 169.

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Vue de l'ancienne métairie de Biscomte aujourd'hui.

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1. Le Carnate est une région de l'Inde du Sud située entre les ghats (chaîne de montagnes) orientaux et la côte de Coromandel, dans les États actuels du Tamil Nadu, le sud-est du Karnataka et le sud de l'Andhra Pradesh.

2. Histoire et mémoires de Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, huitimème série, tome II, Toulouse, Imprimerie Douladoure, 1880, p. 25.

3. Cf. Christine Belcikowski. Sur les chemins de Jean Dabail, d’autres « bandits royaux » – 2. Charles Fontanilhes. Voir le pavé biographique consacré dans cet article à Antoine Fontanilhes, père de Charles.

4. Les Pujols sont un petit village situé à 14 km de Mirepoix.

5. Cf. Christine Belcikowski. Aux Pujols, Charles Fontanilhes, auteur d’un Manuel d’agriculture et de ménagerie en l’an II.

6. Jean de Lasset, garde du corps du Roi, seigneur d'Escueillens, fils de Joseph de Lasset, seigneur de Gaja-la-Selve, a épousé le 16 septembre 1777 à Lafage (Aude) Anne Malroc, sœur de Guillaume Malroc et fille de Dominique Malroc, seigneur de Lafage.

7. Jean Antoine Barthélémy Baillé, notaire royal, puis avocat, fils de Géraud Baillé, notaire royal, premier consul de 1760 à 1761, a épousé le 16 avril 1781 Marianne Rosalie Bauzil, sœur de Jean François Dominique Bauzil. Rosalie Bauzil et Jean François Dominique Bauzil sont fille et fils de Thomas Bauzil, avocat en parlement, qui a été premier consul de Mirepoix de 1745 à 1756, de 1757 à 1758, de 1759 à 1760, et de 1761 à 1762.

8. À noter que Françoise de Monfaucon, nièce ou petite-fille d'Étienne de Montfaucon, est depuis 1763 l'épouse d'Antoine Cairol.

9. Joseph Laurent Olive reproduit une partie de ce billet dans La Révolution de 1789 à Mirepoix (Ariège), Saverdun, Imprimerie du Champ de Mars, 1981, p. 29.

10. Joseph Laurent Olive, La Révolution de 1789 à Mirepoix (Ariège), p. 35.

11. Cf. Christine Belcikowski. À propos de François Tristan de Cambon, dernier évêque de Mirepoix.

12. Déclaration citée par Joseph Laurent Olive in La Révolution de 1789 à Mirepoix (Ariège), p. 58.

13. Pierre Arches, « Une fédération locale. La Confédération des Pyrénées (1789-1791) », in Bulletin d'histoire économique et sociale de la Révolution française, Paris, Bibliothèque nationale, 1972, p. 58. Cf. aussi : 28 août 1646. Mariage de Pierre Belot et de Claire Deloun. Mirepoix. Paroisse Saint-Maurice. Baptêmes, mariages, décès. 1597-1658. Document 1NUM6/5MI662. Vue 250.

14. 2 novembre 1687. Mariage de Joseph Belot I et de Marie Jalabert. AD09. Mirepoix. Paroisse Saint Maurice. Baptêmes, mariages, sépultures. 1686-1691. Document 1NUM3/5MI663. Vue 62.

15. 24 avril 1701. Baptême de Joseph Belot II. AD09. Rieucros. Baptêmes, mariages, sépultures. 1604-1790. Document 1NUM2/303EDT/GG1. Vue 150.

16. 24 octobre 1690. Mariage de Jean de Montfaucon et de Marie Belot. AD09. Rieucros. Baptêmes, mariages, sépultures. 1604-1790. Document 1NUM2/303EDT/GG1. Vue 109.

17. 21 février 1732. Mariage de Joseph Belot II et d'Anne Alizet. AD09. Bélesta. Baptêmes, mariages, sépultures. 1714-1734. Document 1NUM/70EDT/GG6. Vue 199.

18. Cf. Archives nationales d'Outre-Mer. Raymond Balthazar de la Porterie, conseiller au Conseil supérieur de Pondichéry, succession et inventaire. FR ANOM COL E 255. « Frichot, Jean Martin, trésorier des Invalides et habitant de l'Ile de France, difficultés avec les héritiers de Raymond Balthazar de La Porterie conseiller au Conseil supérieur de Pondichéry. 1771/1782 », folio 53.

19. Raymond Balthazar de La Porterie épouse Jacquemine Françoise Duvelaër-Jouenne, âgée alors de 14 ans à Chandernagor le 15 juillet 1743. Archives nationales d'Outre-Mer. Inde. Chandernagor. 1742. Folio 5.

20. Masulipatan, ville très peuplée de l'Inde, près de Golconde, sur la côte de Coromandel, dans les Etats du Mogol.

21. Cf. Archives nationales d'Outre-Mer. Raymond Balthazar de la Porterie, conseiller au Conseil supérieur de Pondichéry, succession et inventaire. FR ANOM COL E 255. « Frichot, Jean Martin, trésorier des Invalides et habitant de l'Ile de France, difficultés avec les héritiers de Raymond Balthazar de La Porterie conseiller au Conseil supérieur de Pondichéry. 1771/1782 », folio 53.

22. Source : Archives de la Guerre. Xb 72. Cité par Pierre Arches in « Une fédération locale. La Confédération des Pyrénées (1789-1791) », in Bulletin d'histoire économique et sociale de la Révolution française, Paris, Bibliothèque nationale, 1972, p. 63.

23. Cf. passim : Capitaines Dessat et de l'Estoile, « Quelques notes sur les bataillons de volontaires d'après les Archives révolutionnaires du département de l'Ariège », in Bulletin de la Société ariégeoise des sciences, lettres et arts, treizième volume, nº 1, Foix. Société des études du Couserans, 1911, p. 110 sqq.

24. Commandant Dumont (G.), Études sur l'armée pendant la Révolution. 1e série, 1791. Bataillons de Volontaires nationaux. Cadres et historiques, Paris, Henri Charles-Lavauzelle, Éditeur militaire. 1914, p.379.

25. Renseignements tirés du dossier Espert (Jean Paul Vincent) de la base Léonore des Archives nationales. Cote : LH/906/28. N° de notice : L0906028.

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