Ci-dessus : prise d’une ville par les routiers dits Tard-Venus. In Jean Froissart (1337 ?-1410 ?). Loyset Liédet (1420 ?-1479), enlumineur. Manuscrit des Chroniques. Folio 135. Chez Louis de Bruges, libraire de Blois.
Cela fait plusieurs années déjà que je poursuis une sorte d’enquête archivistique concernant le dénommé Jean Petit, obscur capitaine de la bande de routiers qui a investi en novembre 1362 le château des Pujols et qui a occupé et saccagé Mirepoix de novembre 1362 au 8 septembre 1623. J’ai publié à ce sujet les articles suivants :
A propos de Jean Petit, chef de la bande de routiers qui saccagea Mirepoix en 1362-1363
A propos de Jean Petit, chef de la bande de routiers qui saccagea Mirepoix en 1362-1363 – Suite
Emile Molinier – En septembre 1363, le maréchal d’Audrehem mène une expédition contre les routiers qui occupent Mirepoix
L’histoire de Jean Petit revue par Elliott O’Donnell in Strange Disappearances en 1927
Eugène Bonnemère – Le sort des paysans à l’époque de la prise de Mirepoix par les routiers
De plusieurs façons de finir, de plusieurs façons de Jean Petit…
Le Jean Petit Cardaine de la Grande Jacquerie de 1358 est-il le Jean Petit du sac mirapicien de 1362-1363 ?
Jean Avezorgues, Alaman, dit Petit Mesqui, est-il le Jean Petit du saccage de Mirepoix en 1362-1363 ?
Après ce long temps d’enquête, la question reste pour moi entière de savoir d’où les chroniqueurs et autres historiens tiennent que le capitaine en question s’appelait Jean Petit. Il semble qu’ils le tiennent les uns des autres, sans qu’aucun d’entre eux ne se soit jamais enquis de la source, ou du moins jamais soucié de la mentionner. Et la source en question, quant à moi, malgré tous mes efforts je ne la trouve pas. Ce nom de Jean Petit pourrait-il nous venir seulement de la tradition orale ? Auquel cas, la mémoire collective se serait ici montrée bien longue, alors qu’elle s’est par la suite montrée bien courte concernant le nom de Guillaume Sibra, alias Jean Dabail, qui a terrorisé Mirepoix à partir de février 1797 et qui a fini guillotiné le 13 novembre 1801 sans que plus personne ne se souvienne du nom même ou du surnom de ce moderne brigand !
Faute de trouver la source que chroniqueurs et historiens ont omise, je me suis intéressée dans les archives du XIVe siècle à différents porteurs du nom Jean Petit, ou Jehan Petit, ou encore Johannes Parvus. Ces homonymes sont légion ; d’où la difficulté de l’enquête, qui nécessite de procéder par éliminations successives, compte tenu de la concordance possible des dates et du socio-type propre à l’homme recherché. Voici quelques-uns des Jean Petit que j’ai rencontrés, sachant que deux ou trois d’entre eux seulement pourraient avoir été le Jean Petit de Mirepoix.
1. Divers Jean Petit hors date
1.1. Jean Petit, chirurgien à Villefranche-de-Rouergue, est avec le maçon aubergiste Guillaume Bras, le chef de file de la révolte qui oppose en juin 1643, à propos de la taille et de la taxe sur le vin, les « croquants » ou « tard-avisés » du Bas-Rouergue à Jacques Charreton de la Terrière, Intendant de la généralité de Montauban. Capturés par les troupes royales, Jean Petit et Guillaume Bras seront roués vifs en place publique le 8 octobre 1643. Leur supplice aurait inspiré la célèbre chanson Jean Petit qui danse. D’aucuns tiennent toutefois les paroles de cette chanson pour lointainement référentes à la défaite du roi Jean II, suite à la bataille de Poitiers en 1356. l’air de Jean Petit qui danse présenterait au demeurant, d’après les musicologues, nombre de points communs avec les chansons populaires du XVe siècle.
1.2. Jean Petit (14..-1540), autrement appelé Johannes Parvus, ou Johannes Pusillus, imprimeur-libraire, fils et petit-fils de bouchers parisiens de la rue Saint-Jacques, est libraire juré de l’Université de Paris. Titulaire de succursales à Lyon et en Normandie, il travaille à partir de 1518 avec son fils Jean II Petit, mort en 1533. Son catalogue est riche de 1909 publications.
1.3. Jean Petit, en latin Johannes Parvus, né vers 1360 à Brachy dans le pays de Caux, mort le 15 juillet 1411 à Hesdin (aujourd’hui Vieil-Hesdin), est un théologien français, professeur de l’Université de Paris, rendu célèbre par son « apologie du tyrannicide », i.e. par la Justification qu’il y fait de l’assassinat de Louis d’Orléans (23 novembre 1407) par des hommes de main de son cousin, le duc de Bourgogne. Condamné en 1414 par l’Eglise, l’ouvrage sera réhabilité en 1418.
2. Divers Jean Petit francimans
2.1. Jehan Petit Tartorin, avec Regnier le Gatelier, obtient de Charles Dauphin, Régent, en février 1359, une lettre de rémission pour avoir en 1358 « bouté le feu à dix-sept villages autour de Paris, robé la ville de Chavenières sur Marne, pris dans l’église un calice de de trois marcs d’argent, pillé en plusieurs autres lieux et sur plusieurs personnes », etc., dans le contexte de la guerre de Cent Ans et à la faveur tout à la fois du mouvement insurrectionnel mené à Paris par Etienne Marcel, prévôt des marchands, contre le roi Jean le Bon, et de la Grande Jacquerie qui éclate à Saint-Leu-d’Esserent, dans l’Oise, autour du 28 mai de la même année 1358.
2.2. Jean Petit Cardaine, ou Jean Cardaine dit Petit, avec Jacques de Fransur, se trouve impliqué à Saint-Leu-d’Esserent dans la Grande Jacquerie de mai 1358. Il s’évapore « ès boys » cependant que, les 9 et 10 juin, Charles II, roi de Navarre, dit le Mauvais, écrase cette jacquerie près de Mello (Oise).
Ci-dessus : Massacre des Jacques à Meaux : les Jacques sont taillés en pièces et jetés dans la Marne. In Jean Froissart (1337 ?-1410 ?). Loyset Liédet (1420 ?-1479), enlumineur. Manuscrit des Chroniques. Folio 226v. Chez Louis de Bruges, libraire de Blois.
En juillet 1358, le même Jean Petit Cardaine obtient de Charles, Dauphin, Régent, une lettre de rémission pour avoir tué « Monsieur Guillaume de Picquigny, chevalier », venu parlementer avec les Jacques au nom de la noblesse du temps.
2.3. Jean de Saint-Leu, dit Petit, fait partie des trois cents personnes qui « ont tenu le parti du roi de Navarre pendant les troubles [du printemps 1358], et auxquelles, en conséquence du Traité conclu à Calais ((Egalement connu sous le nom de traité de Calais, le traité de Brétigny se trouve conclu entre Charles, fils de Jean le Bon, roi de France, et Edouard III, roi d’Angleterre, le 8 mai 1360 au château de Brétigny, près de Chartres, puis ratifié le 24 octobre 1360 à Calais. Outre qu’il permet une trêve de neuf ans dans la guerre de Cent Ans, il s’accompagne d’une rémission globale pour Charles II, roi de Navarre, et ses troupes, que celui-ci, après la sanglante répression de la Grande Jacquerie, a mises au service des Anglais ou du parti de ces derniers.)), doivent être données en 1360 des lettres de rémission ». Pourrait-il s’agir ici d’un avatar du Jean Petit Cardaine, signalé en 1358 à Saint-Leu-d’Esserent, qui a déjà obtenu cette année-là une première lettre de rémission, et qui, après avoir « fouy ès bois », se serait engagé dans les troupes du roi de Navarre ? ou pourrait-il s’agir encore d’un avatar du Jehan Petit Tartorin, signalé en 1358 à Chavenières sur Marne, qui a assassiné Monsieur de Picquigny, et qui a déjà obtenu une première lettre de rémission cette année-là ?
2.4. Jean Petit, dit Barjat ((Attesté en occitan, barjat signifie « bavard, qi parle beaucoup, qui a une grande gueule ».)), fournit dans Les Brigands (1904), ouvrage de l’historien Frantz Funck Brentano, savant chartiste, l’exemple, malheureusement sans date ni source, de l’un de ces « pauvres routiers » de la guerre de Cent Ans, auxquels, dixit Geoffroi de Paris ((Clerc à la chancellerie des rois de France, Geoffroi de Paris a vécu au tournant du XIIIe siècle et du XIVe siècle. Il meurt vers 1320, laissant une Chronique métrique des années 1300 à 1316, concentrée sur les faits touchant la royauté française, la papauté, la Flandre, puis l’Empire à partir de 1308 ; ainsi que divers autres poèmes historiques.)) circa 1310 déjà, « on fit droit » en les pendant, mais auxquels « on fit dommage » aussi, « car on ne tint pas compte de la situation où ils devaient se trouver, la paix conclue », savoir, « sans moyens d’existence ».
« Un de ces pauvres routiers obtint dans la suite des lettres de rémission en exposant naïvement l’histoire de sa vie. Il se nommait Jean Petit, et on l’appelait ordinairement Barjat. Il était de Pierrecouverte, dans la Manche.
« Dès mon jeune âge, dit Barjat en s’adressant au roi de France, j’ai servi en vos guerres, sous divers capitaines et hommes d’armes ; j’ai fait garnison en divers lieux et places fortes contre vos ennemis les Anglais et vos autres adversaires. Puis vint la paix : je n’eus aucune solde, ni gage, ni recompensation, ou du moins très peu. En sorte que j’ai été comme contraint de tenir champs, de vivre sur vos pays et vos sujets, de piller, détrousser, rançonner toutes manières de gens, fussent-ils d’Église, nobles, bourgeois, marchands. Je ne faisais guère attention à ce qui me tombait sous la main et je leur ôtais chevaux et montures, or, argent, joyaux, robes, denrées, marchandises et autres biens quelconques, qui étaient trouvés sur eux et en leur compagnie. Je vendais et butinais leurs dits chevaux et détrousses, et en prenais ma part. »
Barjat conte cela tranquillement, d’un ton serein et avec une conviction évidente.
« Puis, dit-il, je courais foires et marchés, je les pillais et les rançonnais ; je prenais et emmenais les bestiaux des bonnes gens, j’en mangeais partie ou faisais manger à un camarade, et l’autre partie je la rançonnais, vendais et butinais, et faisais ce que bon me semblait. »
Aucunes fois il allait, raconte-t-il encore, avec des gens d’armes assaillir les églises fortifiées et autres lieux et places fortes. Il prenait ceux qui étaient dedans, les battait, rançonnait et appâtissait et leur faisait d’autres grands maux, crimes et délits que les gens d’armes ont accoutumé de faire, « lesquels, dit-il, je ne pourrais, en ces présentes, dire ni exprimer ». Le détail en eût été sans doute un peu vif. Bref, Barjat obtint sa lettre de rémission : et, en effet, ainsi qu’il le disait au roi, n’avait-il pas été comme contraint à ces fredaines ? » ((Frantz Funck-Brentano. Les Brigands. Pages 45-46. Editions Tallandier. 1978.))
Quel dommage que Frantz Funck-Brentano n’ait pas indiqué la source d’où il tire en 1904 le texte de cette demande de rémission, ni donné la date exacte de cette dernière ! Les Jean Petit dit Barjat, Jean de Saint-Leu dit Petit, Jean Petit dit Cardaine (ou Jean Cardaine dit Petit ?), Jean Petit dit Tartorin, tous originaires de la même région, se ressemblent fort… Et s’il s’agissait là d’une seule et même personne ? Faute d’informations suffisantes, la question demeure à ce jour en l’état.
N.B. On ne trouve aucune preuve qu’aucun des Jean Petit du XIVe siècle mentionnés ci-dessus ait été présent en Languedoc en 1362, i.e. à l’époque de la prise de Mirepoix par le Jean Petit de la chronique méridionale. On trouve en revanche parmi les bénéficiaires des lettres de rémission obtenues en 1360 par Charles II de Navarre les noms de Baude Haneçoiz et de Jehennin de Han, qui ne laissent pas de consonner avec celui du capitaine de routiers qui suit.
3. Annesoige, ou Jean Hanezorgues, ou Johan Avezorgues, ou lo petit Mesqui Jonas Orgas de Alamanha
Annesoige ((In Chroniques de Froissart. Edition établie par M. le baron Kervyn de Lettenhove. Tome 20. Table analytique des noms historiques. Page 234. Editions Mathieu Closson et Cie. Bruxelles. 1875.)), ou Jean Hanezorgues, ou encore Johan Avezorgues ((In le Petit Thalamus de Montpellier, p. 361, Société archéologique de Montpellier, Jean Martel Aîné Imprimeur, 1840.)), alias lo petit Mesqui Jonas Orgas de Alamanha ((In Chroniques romanes des comtes de Foix, composées au XVe siècle par Arnaud Esquerrier et par Miégeville (cordelier de Morlaas), pp. 60-61 ; publiées pour la première fois, par Félix Pasquier et Henri Courteault, Gadrat Aîné Editeur, Foix ; A. Picard et Fils Editeurs, Paris ; 1895.)), est, au regard des hommes mentionnés ci-dessus, le seul dont on sache de façon sûre qu’après la victoire remportée par les siens contre l’armée royale le 6 avril 1362 à Brignais, il a fait partie des compagnies qui sont passées le 23 août 1362 à Montpellier ((Cf. Le Petit Thalamus de Montpellier : thalamus parvus / publié pour la première fois, d’après les manuscrits originaux, par la Société archéologique de Montpellier. Éditeur : J. Martel ainé. Montpellier. 1840.)), alors qu’elles se rendaient à Perpignan afin d’y rejoindre Henri de Trastamare, qui, en vertu du décret signé à Clermont le 22 juillet 1362, devait les déplacer en Espagne.
« En vertu de ce pacte, dix chefs de bandes promirent d’entrer au service du comte de Trastamare et de l’aider à détrôner son frère et son rival, Pierre le Cruel, roi de Castille. Ils devaient traverser le midi de la France dans le délai de six semaines, s’arrêter le moins possible, s’abstenir de tout excès, et, quand ils auraient franchi la frontière, ne jamais la repasser, sauf deux cas spéciaux, le cas déjà entrevu du renouvellement de la guerre avec les Anglais, et le cas imminent d’une guerre privée entre les comtes de Foix et d’Armagnac.
Trente-quatre otages, livrés par eux sur la désignation du comte de Trastamare, garantissaient la stricte exécution de leurs promesses, en échange desquelles ils avaient exigé la somme de cent mille florins, payables « à la septembresche (8 septembre) prochainement venant », et « à une journée près de l’issue du royaume ». Quelques jours plus tard, le 13 août 1362, un traité complémentaire du précédent intervint à Paris entre le roi Jean et le comte de Trastamare. Il avait pour objet de régler leur situation respective.
D’une part, le comte assumait l’obligation d’emmener et de retenir en Espagne les Compagnies comprises au traité de Clermont. Toutefois personne ne se dissimulait les difficultés de Tentreprise, et, quoi qu’il advint, quel que fût le résultat de ses efforts, Henri de Trastamare engageait au roi de France sa foi et son hommage, ainsi que la foi et l’hommage de son frère Don Sanche, celui de tous les barons ou chevaliers espagnols dont il était accompagné. D’autre part, le roi, ou plutôt les gens de son Conseil, fixent la nature et la quotité des sacrifices que la France est tenue de s’imposer, soit en faveur du comte de Trastamare et de sa famille, soit au profit des personnes de sa suite, tant à cause de l’expédition dont il s’agit qu’eu égard aux éventualités d’un insuccès probable.
En vertu de ce double arrangement, Espagnols et Français s’acheminent de conserve. [Fournis par le Petit Thalamus de Montpellier], des renseignements précis permettent de suivre leur marche régulière jusqu’à la sortie du royaume. Un instant on put se flatter d’être débarrassés d’eux : cette illusion ne dura guère… » ((Aimé Chérest. L’Archiprêtre : épisodes de la guerre de Cent Ans au XIVe siècle. Page 190 sqq. A. Claudin, Libraire. Paris. 1879.))
On sait du reste par divers chroniqueurs du temps que plusieurs compagnies de routiers étaient rentrées en France dès la fin de novembre 1362, et que d’autres n’avaient pas quitté le Languedoc, attendant, conformément au traité de Clermont, de pouvoir vendre leurs services au comte de Foix ou encore au comte d’Armagnac. ((Cf. Ibidem.))
Ci-dessus : Le Petit Thalamus de Montpellier : Thalamus parvus / publié pour la première fois, d’après les manuscrits originaux, par la Société archéologique de Montpellier. Éditeur : J. Martel aîné. Montpellier. 1840.
Ce sont ces compagnies-là qui migrent en septembre 1362 vers le Carcassès, le Razès, le Lauragais, et le pays de Mirepoix. Elles passent à Carcassonne le 21 septembre 1362 ((Camille Renaux. Mémoires de la Société des arts et des sciences de Carcassonne. L. Pomiés. Carcassonne. 1914.)). Celle de l’Allemand Jean Avezorgues, dit le Petit Mesqui, autrement dit Jean… Petit, s’empare en novembre du château des Pujols, puis s’attaque à Mirepoix, qu’elle occupe jusqu’en novembre 1363. Telle est en tout cas la conclusion à laquelle mon enquête aboutit, dernier carat !
Après avoir « fouy ès boys » [dans la forêt de Bellène] le 8 septembre 1623, comme avant lui Jean Petit Cardaine dans la forêt du Beauvaisis, Jean Avezorgues, dit Petit Mesqui, réapparaît le 7 mars 1368, parmi d’autres compagnies du comte de Foix, dans les comptes de la ville d’Albi :
A. Vidal. Le prix des choses à Albi en 1368-1369. Page 54. In Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale. Nº 37. Janvier 1898. Editions Edouard Privat. Toulouse.
Jean Avezorgues, dit Petit Mesqui, apparaît une fois encore le 4 février 1369, à Borja, dans l’hommage lige d’Olivier de Mauny au roi de Navarre, comme faisant partie des « basaillos et omnes liges del seynnor rey don Karlos » [Charles II de Navarre, dit Charles le Mauvais], et autres « cavaylleros et escuderos« , qui, tous, « prometieron lur fe e lealtad de servir al dicho seynnor de todo lar poder en sus guerras et aferres contra todas personas, salvo que algunos exceptan los reales de Anglaterra. »
Documents des archives de la Chambre des comptes de Navarre (1196-1384). Pages 169-171. Bibliothèque de l’Ecole des Hautes Etudes. Fascicule 84. Emile Bouillon Libraire-Editeur. Paris. 1890.
Les rois de Navarre, dit Auguste Brutails, savant archiviste de la Gironde, juge au tribunal supérieur d’Andorre, « achetaient les services des chefs de bandes au moyen de conventions spéciales qui avaient pour base une concession pécuniaire ; un grand nombre de capitaines de routiers, Espiote, Hanesorgues [Jean Avezorgues, dit lo petit Mesqui], Petit Machin [Helies, ou Elie Meschin, dit le petit Meschin] ((Le petit Meschin sera exécuté à Toulouse, noyé dans la Garonne, en mai 1369. Cf. Note de Félix Pasquier en marge des Chroniques romanes des comtes de Foix, p. 61.)) etc., se vendirent ainsi à Charles le Mauvais, pour 100, 200 livres par an » ((Documents des archives de la Chambre des comptes de Navarre (1196-1384). Page XXIX. Bibliothèque de l’Ecole des Hautes Etudes. Fascicule 84. Emile Bouillon Libraire-Editeur. Paris. 1890.)).
Après 1369, on perd définitivement toute trace de Annesoige, ou Jean Hanezorgues, ou Johan Avezorgues, ou lo petit Mesqui Jonas Orgas de Alamanha, dit à Mirepoix Jean Petit. En 1380, Gaston Fébus s’empare de la seigneurie de Mirepoix et la conserve jusqu’en 1387. Il n’est pas impossible que « Jean Petit », si toutefois il était encore vivant, lui qui connaissait si bien le terrain, ait contribué à cette prise. L’hypothèse demeure invérifiable, faute de preuves.
Conclusion
Lointainement venu d’Allemagne, Annesoige, ou Jean Hanezorgues, ou Johan Avezorgues, ou lo petit Mesqui Jonas Orgas de Alamanha, dit à Mirepoix Jean Petit, s’est trouvé classé par la suite parmi les « Gascons », i.e. parmi ceux des soudoyers ((Soudoyer : soldat engagé comme mercenaire.)) qui, dans la nébuleuse des Grandes Compagnies, se sont vendus en Languedoc et en Espagne indifféremment à Charles de Navarre, dit le Mauvais, à Gaston Fébus, comte de Foix, ou à Jean le Bossu, comte d’Armagnac. On ne sache pas qu’à la différence d’autres grands capitaines d’aventure tels Arnaud de Cervole (ca. 1300-1366), dit l’Archiprêtre, ou les Anglais Jean Chandos (ca. 1320-1370) et Robert Knolles (1325-1407), ou plus tard l’Espagnol Rodrigue de Villandrando (ca. 1378-1448), il y ait fait durablement fortune ni contracté un beau mariage qui lui eût permis de s’élever au-dessus de sa condition initiale, par là d’atteindre à une notoriété plus certaine. On ne sait s’il a laissé descendance. Ainsi sa mémoire tient-elle toute entière dans l’obscure homonymie de ce nom de Jean Petit que la chronique invoque à propos du sac de Mirepoix de 1362-1363 sans jamais le rapporter à une identité vérifiée.
Magnifique résultat, pour une recherche aussi difficile !
Merci, Jacques. Cette approbation me va droit au coeur.