Emile Molinier – En septembre 1363, le maréchal d’Audrehem mène une expédition contre les routiers qui occupent Mirepoix

 

Ci-dessus : blason d’Arnoul d’Audrehem.

Emile Molinier [1]Cf. INHA, Dictionnaire critique des historiens de l’art : Emile Molinier. (1857-1906), extrait de Etude sur la vie d’Arnoul d’Audrehem, maréchal de France, 130?-1370 (thèse soutenue en 1879 à l’Ecole des Chartes), in Mémoires présentés par divers savants à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Deuxième Série, VI, p. 118 sqq., Imprimerie Nationale, Paris, 1883.

Arnoul d’Audrehem, ou d’Audeneham, ou encore d’Oudeneham, nommé maréchal de France en 1351, a été chargé par le roi de France de mettre fin aux désordres causés en Languedoc par les Grandes Compagnies. Le 23 juillet 1361, à Clermont, il a négocié un accord avec Henri de Trastamare, fils bâtard d’Alphonse XI de Castille, accord stipulant que ledit comte de Trastamre entraînerait les routiers en Espagne afin d’y combattre son demi-frère, Pierre Ier de Castille, dit le Cruel.

Il paraît qu’à ce moment [septembre 1362] les compagnies, qui attendaient toujours le payement de la somme qui leur avait été promise [par le traité de Clermont, daté du 23 juillet 1361], eurent quelques velléités de rompre le traité ; Arnoul pria le comte de Foix de les engager de nouveau à sortir du royaume, et celui-ci se rendit à Mazères et à Pamiers, où le gros de l’armée était campé, et parvint sans doute à leur faire abandonner leur projet ; pour le récompenser de ses peines, Arnoul lui fit donner 4,000 florins dont il donna quittance le 14 novembre. Le maréchal se rendit lui-même à Pamiers, où il était dès le 10, et respectueux des anciens privilèges des nobles de la sénéchaussée de Beaucaire et de Nîmes, il les exempta des subsides ordonnés pour l’expulsion des compagnies.

Cependant on était parvenu à grand-peine à réunir la somme promise aux routiers ; on y employa l’argent de la rançon du roi, qui, du reste, avait ordonné d’en agir ainsi en attendant que le subside ordonné spécialement pour l’expulsion des compagnies pût être levé. Les routiers durent être payés à Pamiers vers le 15 novembre [1362], et le trésorier de France, Pierre Scatisse, qui apporta les 100,000 florins, eut soin de se faire accompagner par le sénéchal de Carcassonne et soixante hommes d’armes. La somme fut remise en deux fois, comme nous l’avons dit plus haut, à Garciot de Castell qui venait d’embrasser le parti du comte d’Armagnac en même temps qu’un autre chef de routiers, Bérart d’Albret.

Le 16 novembre [1362], Arnoul était de retour à Toulouse […] ; le 18, il était à Carcassonne, le 26, à Béziers, d’où il dut se rendre directement à Avignon où le roi Jean venait d’arriver. Après plus de six mois d’actives négociations, il croyait sans doute avoir enfin délivré le Midi du fléau des grandes compagnies ; il se trompait, et routiers et Espagnols n’allaient pas tarder à fondre une seconde fois sur une province déjà épuisée et où la fatalité semblait toujours les ramener.

Les compagnies avaient reçu la somme qui leur avait été promise, on pouvait donc espérer que tout était fini avec elles. Cependant dès la fin d’octobre, avant par conséquent le payement des 100,000 florins, une partie des routiers remontait vers le nord. Avant le 28 octobre, jour où à Nîmes on était enfin parvenu à réunir les 500 florins qui formaient la part due par la ville pour l’expulsion des compagnies, les routiers étaient de retour dans la sénéchaussée de Beaucaire, et à leur tête étaient Le Bour de Breteuil et Berluquin.

Deux causes avaient produit ce mouvement en arrière : d’abord le retard apporté au payement de la somme promise ; ensuite la guerre entre le comte de Foix et le comte d’Armagnac. Beaucoup de chefs de routiers avaient trouvé là une occasion de recommencer leur vie de pillage et de rapine, et parmi eux, ceux qui avaient le plus d’influence sur leurs compagnons, Garciot de Castell, celui-là même qui fut pour ainsi dire le trésorier des compagnies, et Bérart d’Albert ; tous deux, prirent, avec beaucoup d’autres sans doute, le parti du comte d’Armagnac. A la suite de ce démembrement de la grande compagnie, il devint impossible au comte de Trastamare d’entreprendre avec quelques chances de succès son expédition contre le roi de Castille. D’ailleurs les routiers étaient dans leur droit, puisque le traité stipulait qu’ils pourraient rentrer en France si la guerre éclatait entre les comtes de Foix et d’Armagnac, clause maladroitement introduite et qui en annulait tous les effets. Quelques-uns des routiers allèrent à la vérité en Espagne offrir leurs services au roi d’Aragon, mais la majeure partie demeura en France et se remit à piller pendant que les Espagnols d’Henri de Trastamare, qui eux aussi attendaient le prix de leur départ, devenaient de plus en plus exigeants.

Le combat de Launac (5 décembre 1362), où le comte de Foix battit et fit prisonnier le comte d’Armagnac, et où plusieurs capitaines des compagnies furent mis à rançon, et la paix qui suivit (14 avril 1363) durent faire encore des loisirs aux routiers ; et ceux qui furent obligés de payer des sommes énormes pour sortir des mains du comte de Foix se promirent sans doute de retourner en Languedoc pour se refaire un pécule.

Son expédition ayant échoué, le comte de Trastamare aurait dû se retirer dons le territoire que lui avait concédé le roi de France et qui, estimation faite, ne se trouva valoir que 6,300 livres de revenus ; les 3,700 livres complétant sa pension de 10,000 livres lui furent payées comptant. Mais cela ne suffisait pas ; et puisque ce n’était pas sa faute s’il n’avait pas débarrassé la France de sa présence, il lui fallait encore 53,000 florins, somme convenue pour son départ. Les Espagnols s’étaient établis dans les sénéchaussées de Beaucaire et de Carcassonne ; on eut beau leur envoyer ambassadeur sur ambassadeur, le châtelain d’Amposta, Jean de la Cour, juge de Lauragais, Oth Ebrard, seigneur de Tonnac, Guiraud Roger, procureur des encours d’hérésie de la sénéchaussée de Carcassonne, rien n’y fit ; il fallut tout payer, même les chevaux morts pendant l’expédition. Arnoul ne fut pas, on le voit, très heureux dans ses négociations ; peut-être l’aurait-il été davantage s’il les avait conduites lui-même, peut-être n’aurait-il pas hésité à frapper un grand coup et à faire comprendre à ce bâtard espagnol que celui qui avait arrêté un roi de Navarre pourrait bien mettre à la raison un prétendant au trône de Castille. Mais retenu à Villeneuve-lès-Avignon auprès de Jean II, il fut obligé d’employer des intermédiaires, moyen fort coûteux qui ne donna aucun résultat, bien qu’il ne négligeât rien pour adoucir les exigences des Espagnols ; c’est ainsi qu’en octobre 1362 il fit un don de 2,000 florins à Don Tello, frère d’Henri de Trastamare, don qu’il fit sur sa propre bourse. Vu l’impossibilité de réunir à temps la somme demandée, on employa encore comme on l’avait fait pour l’expulsion des compagnies l’argent destiné à la rançon du roi Jean. Les négociations se poursuivirent à Perpignan, après que les Espagnols eurent quitté la sénéchaussée de Carcassonne. Nous ne savons point au juste quand le payement fut terminé ; il ne l’était pas encore le 17 mars 1363. A cette date, Henri n’avait encore reçu que 39,000 florins ; ce ne fut que postérieurement, à une date que nous n’avons pu déterminer exactement, mais sans doute avant le 28 avril, qu’il reçut le reste, 14,000 florins.

On dut avoir la plus grande peine à rassembler cet argent; d’ailleurs toute une partie du Languedoc ne paya pas parce qu’elle ne put pas payer ou qu’on ne put l’y forcer ; dans la terre de Mirepoix, la plupart des habitants s’étaient enfuis en Catalogne ; aussi fut-on obligé d’accorder des délais pour payer à ceux qui étaient restés dans le pays, tant les compagnies avaient fait de mal ; dans les terres du comte de Foix, on refuse net de payer, et personne ne veut se charger d’aller réclamer de l’argent ; aucun commissaire, aucun sergent n’ose y entrer, il faut se contenter d’enregistrer le refus ; quant à forcer le comte de Foix à payer, il n’y faut pas songer ; bien plus, celui-ci prétend que les communautés de la Langue d’Oc lui doivent 100,000 florins qu’il réclame depuis plusieurs années déjà. Le 9 juillet 1360, à Pamiers, après la paix qu’il avait conclue avec le comte d’Armagnac, paix qui, comme nous l’avons vu, n’avait pas duré, un traité avait été conclu entre le comte de Foix et les communes de la Langue d’Oc. Par ce traité le comte s’engageait à être à l’avenir fidèle sujet du roi et à faire sortir de la province tous les aventuriers qu’il y avait amenés ; moyennant l’exécution de cet accord, les communes s’engagèrent à payer à Gaston Phoebus 200,000 florins d’or. Il reçut d’abord 100,000 florins, mais la seconde moitié de la somme convenue fut longue à venir. Au surplus, le comte de Foix n’avait point tenu ses engagements, puisqu’il avait recommencé la guerre contre le comte d’Armagnac. En octobre 1862, les communautés lui devaient encore 100,000 florins, et ce ne fut que beaucoup plus tard qu’il fut payé ; du reste il fit lui-même au roi un don de 20,000 florins, sans doute pour que celui-ci forçât les sénéchaussées à tenir un engagement qu’il avait été le premier à rompre.

Tel était l’état du Languedoc quand Jean II y arriva ; les ravages des compagnies allaient recommencer avec autant de violence que jamais, et en attendant les Espagnols s’efforçaient d’en faire revivre les traditions. […].

Pendant les premiers mois de l’année 1363, la constante préoccupation de tous ceux auxquels l’administration du Languedoc était confiée fut l’expulsion des Espagnols et des grandes compagnies ; il fallait payer les uns, il fallait faire la guerre aux autres. Pendant tout le mois de janvier on négocia l’établissement d’une imposition d’un quart de florin par feu pour l’entretien de gens d’armes, en particulier pour combattre un chef de routiers, Perrin Boias, qui s’était emparé du monastère de Saint-Chaffre en Vélay, d’où il faisait des courses dans tout le pays. […].

Au mois de janvier [1763], Arnoul chargea Gui d’Azai, sénéchal de Toulouse, de parcourir la sénéchaussée et de procéder à la réformation des feux. Lui-même visita les places fortes, mettant des garnisons là où le besoin s’en faisait sentir, expulsant les routiers autant que cela était en son pouvoir.

Arnoul séjourna quelque temps à Carcassonne, où nous le trouvons le 5 et le 10 ; le 14 il était à Narbonne ; le 19, à Montpellier ; le 24, à Villeneuve-lès-Avignon ; du 27 au 29, à Nîmes. Ce fut donc à Villeneuve-lès-Avignon que fut conclu l’accord par lequel les terres de Cessenon, Servian, Thézan et autres furent concédées à Henri de Trastamare.

Le 30 janvier, à Villeneuve-lès-Avignon, Jean II confirma un traité fait au mois de novembre précédent entre les ducs d’Orléans, d’Anjou, de Berri et de Bourbonnais, otages du roi de France, et les évêques de Winchester et d’Ely. Un article de cet accord spécifiait que les pensions qui avaient été assignées au prince de Galles, à Chandos et à Arnoul seraient payées sans attendre les termes fixés pour le payement de la rançon du roi. Ces lettres furent vidimées et confirmées au mois de février suivant par le duc de Normandie, et le 28 du même mois, un extrait spécial de cet article fut envoyé aux trésoriers royaux, lesquels durent payer à Arnoul les termes échus de sa pension. Cette somme n’était guère à dédaigner au moment où le maréchal allait de nouveau se mettre en campagne à la poursuite des compagnies.

Les 7, 9 et 11 février, Arnoul fut à Nîmes ; le 10, à Villeneuve-lès-Avignon ; le 15, à Montpellier. Le 16, continuant sa visite de la province, il se rendit à Narbonne et à Béziers ; le 2 mars, il était à Carcassonne ; le 6, il était de retour à Villeneuve-lès-Avignon. Ce fut ce jour même qu’un chef de routiers, Louis Roubaud de Nice, fit prisonniers près de Montpellier, à la Croix des Aniers, les ambassadeurs du roi d’Aragon qui venaient traiter avec Arnoul sans doute au sujet d’Henri de Trastamare ; il les emmena immédiatement dans les montagnes où il était très difficile de le poursuivre, à Nébian. Nous ignorons quelles furent les suites de cet événement, mais ce ne fut qu’au mois de septembre suivant que l’enquête qui avait été ordonnée fut terminée. Il est fort probable que les ambassadeurs furent contraints de financer pour recouvrer leur liberté.

Ce fait, du reste, ne semble pas avoir été isolé. Les compagnies tendaient à se reformer. Les routiers, auxquels la paix conclue entre les comtes de Foix et d’Armagnac faisait des loisirs, remontaient vers le nord. Arnoul écrivit alors aux villes de se tenir sur leurs gardes et de se mettre en état de défense. Dès le 10 mars, les compagnies approchaient de Montpellier, et les consuls en avertissaient par lettre les habitants de Nîmes.

En même temps, un nommé Sobrossa s’emparait de Florac et en livrait la plus grande partie aux flammes.

Arnoul nomma un commissaire pour s’entendre avec les communautés de Languedoc sur les mesures à prendre pour la défense du pays. Cette mission fut confiée à un professeur de droit, Jean de Saint-Sernin, qui avait déjà eu des rapports avec le maréchal. La situation était assez grave ; le sénéchal de Beaucaire, Pierre Raimond de Rabastens, venait, il est vrai, de s’emparer de l’abbaye de Saint-Chaffre en Vélay ; mais pour une place que l’on enlevait aux compagnies, elles en saccageaient dix. Le sénéchal, qui s’était conduit très honorablement dans cette occasion, obtint de nouveau le mois suivant, après la réunion des états, le commandement des troupes de la sénéchaussée de Beaucaire. Arnoul, retenu auprès du roi à Villeneuve-lès-Avignon, n’avait pas le loisir de se mettre en campagne.

Jean II était venu à Avignon pour faire visite au nouveau pape et tâcher de mener à bonne fin son projet de mariage avec Jeanne de Naples, comtesse de Provence. Mais cette princesse, deux fois veuve déjà, s’unit à un tout jeune homme, Jacme, roi de Majorque. L’espoir de partir pour une croisade contre les Turcs dut consoler le roi de France de l’insuccès de ses tentatives matrimoniales.

Pierre 1er, roi de Chypre, arriva à Avignon le 29 mars 1363. Il se proposait de parcourir toute l’Europe pour demander des secours. Il fut sans doute très aise de trouver à Avignon un prince aussi aventureux que Jean et sur lequel des propositions de croisade, qui auraient pu être accueillies froidement par un souverain meilleur politique, devaient faire le plus grand effet. D’ailleurs le roi de France voyait là une occasion de se débarrasser des compagnies « qui pilloient et destruisoient sans nul titre de raison son royaume, et pour sauver leurs âmes. » C’était un motif très charitable assurément, mais les routiers se seraient volontiers passés de cette attention.

Le vendredi saint (31 mars), à la suite d’un sermon d’Urbain V, Jean prit la croix en même temps que le roi de Danemark, Waldemar III, qui se trouvait alors à Avignon. Il promit de partir dans les deux ans. En même temps que lui, un grand nombre de seigneurs français se croisèrent, et parmi eux Arnoul.

Après les fêtes de Pâques, le roi de France et le roi de Chypre quittèrent Avignon. Jean passa quelque temps à Villeneuve où se tinrent les états de la sénéchaussée de Beaucaire et de Nîmes.[…].

Le 23 avril, Jean II était encore à Villeneuve. Vers ce même temps, Henri de Trastamare y vint et toucha enfin !e reliquat de tout ce qui lui était dû. En attendant le payement des 53,000 florins, il avait fait des dépenses que le châtelain d’Amposta, Arnoul et Pierre Scatisse s’étaient engagés à lui faire rembourser. Ces dépenses montaient à 9,000 florins, et ces trois personnages s’obligèrent chacun pour le tiers de cette somme, dont Henri donna enfin quittance le 28 avril. Du reste, il fallait encore ménager les Espagnols, sinon pour combattre les compagnies, au moins pour s’assurer leur neutralité. Il semble même qu’on ait accepté leurs services peu de temps auparavant dans l’expédition contre Saint-Chaffre, et au moment où l’on venait d’apprendre que les routiers menaçaient Mende, leur appui n’était pas à dédaigner.

Le roi de France ne quitta le Languedoc que vers le milieu du mois de mai. Le 22, à Romans, il manda aux trésoriers des aides pour sa délivrance de payer à Arnoul 3, 000 royaux d’or pour les termes échus de la pension que lui faisait Edouard, mais que celui-ci faisait payer par le roi de France en déduction de sa rançon. Ce ne fut que le 24 juillet suivant qu’Arnoul toucha cette somme.

Le 4 et le 15 mai, Arnoul était à Villeneuve-lès-Avignon. Pendant tout le mois de juin, nous perdons ses traces et nous ne le retrouvons que le 17 juillet, à Toulouse, où il accorda des lettres de sauvegarde à deux habitants de Lattes. Le 20 juillet, il était à Béziers. C’est de ce côté qu’à ce moment semblent s’être portés les routiers, mais pour un instant seulement. Car, avant le 20 juillet, le sénéchal de Beaucaire avait ordonné à tous les habitants de Nîmes en état de porter les armes, de vingt à soixante ans, de se rassembler pour marcher du côté de Carcassonne à la poursuite des compagnies ; le 20, le sénéchal révoqua cet ordre. Cependant, à la fin du même mois, le 28, Louis Roubaud s’empara de Lignan.

Le 20 juillet, nous retrouvons Arnoul à Toulouse, d’où il manda au sénéchal de faire contribuer toutes les villes de son gouvernement aux dépenses des otages envoyés en Angleterre par la sénéchaussée. Le 27 et le 28, il était à Béziers ; le 15 août, à Carcassonne ; le 19, à Alzonne. Dans ce voyage à travers le Languedoc, le maréchal put s’assurer que les routiers parcouraient le pays avec autant d’audace qu’auparavant, ils manifestaient même l’intention de s’emparer de Lattes, par où passaient tous les approvisionnements de Montpellier, afin de faire acheter chèrement leur retraite. Le bruit courait que déjà les bois et les taillis qui entouraient le château leur servaient d’abri pendant la nuit. Par mesure de précaution, le 26 août, à Carcassonne, Arnoul ordonna au châtelain de Lattes de détruire tous les arbres, même les arbres à fruits, qui empêchaient de surveiller facilement les abords de la place. Le 27 et le 28, le maréchal était encore à Carcassonne.

Au mois de septembre, il fit une expédition contre les routiers qui occupaient Mirepoix. Le 4, il manda aux consuls de Narbonne de lui envoyer, en toute hâte, à Fanjeaux, où il se trouvait, douze de leurs meilleurs archers. Nous ne connaissons point l’issue de cette expédition contre Mirepoix ; en tout cas, il était de retour à Carcassonne dès le 9, jour où il licencia les hommes d’armes de la suite du sénéchal de Beaucaire, et supprima leurs gages. La petite armée que les états de la sénéchaussée avaient mise sur pied devenait à la vérité inutile puisque les places que les routiers tenaient, dans le Gévaudan surtout, venaient d’être évacuées et que la sénéchaussée se trouvait pour le moment complètement délivrée.

Le 26 septemhre, le maréchal était à Montpellier, il dut arriver le 27 à Nîmes, ou peut-être même dès le 26 au soir ; les consuls allèrent au-devant de lui avec des torches, pour lui témoigner leur reconnaissance de tout ce qu’il avait fait pour la défense du pays. […].

Le 4 octobre, le maréchal était auprès du pape à Avignon, sans doute pour le consulter sur les affaires de la province.

Le 5 octobre, il revint en Languedoc, à Villeneuve-lès-Avignon, où l’accompagna son neveu, Jean de Neuville ; il y était encore le 8 octobre, date à laquelle il accorda aux Juifs un privilège important. Ceux-ci s’étaient plaints à lui du nombre énorme de lettres de répit que lui ou le roi avait accordées ; les chrétiens, dont ils étaient les créanciers, ne les payaient plus, et il leur devenait de jour en jour plus difficile de payer les impôts et même de vivre. Arnoul décida qu’à l’avenir les lettres de répit n’auraient plus aucune valeur, que Juifs et Juives seraient en droit de se faire payer, et qu’ils pourraient au besoin requérir les officiers royaux pour opérer sur leurs débiteurs une salutaire pression…