Siméon Olive – Sous la seigneurie de Roger Bernard de Lévis I, suite de désastres à Mirepoix à partir de 1360

 

Ci-dessus : vue du château de Mirepoix, dit plus tard « de Terride », depuis la rive gauche de la rivière de l’Hers.

Siméon Olive, extrait de Archives du château de Léran, Inventaire historique et généalogique des documents de la branche Lévis Mirepoix, tome III, Privat, Toulouse, 1909.

Lors de la guerre que Gaston Phoebus, comte de Foix, entreprit contre Jean Ier, comte d’Armagnac et Jean, comte de Poitiers [fils puiné de Jean le Bon et lieutenant du roi en Languedoc], le maréchal de Mirepoix [Jean de Lévis II], mal inspiré, prit le parti du comte de Foix ; son fils Roger Bernard s’unit avec le lieutenant du roi, qui le favorisa dans les démêlés qu’il eut avec son père. Offusqué de la défection du maréchal, le comte de Poitiers marcha contre lui en avril 1360 et arriva dans Mirepoix avec une troupe d’hommes d’armes sous le commandement de Nicolas de Lettes, son maître d’hôtel. Le 10 avril, par lettre datée de Mirepoix, il lui donna l’ordre d’aller à Montréal et de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la subsistance de ses hommes avec les ressources de la seigneurie. Quand le comte de Poitiers fut de retour à Mirepoix, le 4 mai, il chargea Aymeri de Félenz, son autre maître d’hôtel, de prendre possession de cette seigneurie au nom du roi, et lui ordonna de confier la garde des places à Roger Bernard de Lévis ; celui-ci fut investi du gouvernement le 15 mai, en donnant comme hommage une paire de gants. [1]Op. cité, p. 126.

Du mois de mai au mois de juillet 1360, Roger Bernard de Lévis Ier servit dans les guerres de Gascogne, sous le comte de Poitiers, avec trente écuyers et cinquante sergents ; en récompense des pertes et des dommages qu’il avait éprouvés, il fut indemnisé en recevant une somme de 6,000 florins. Cette même année, le traité de Brétigny fut imposé à la France par l’Anglais victorieux. Les caisses du royaume étant épuisées, des taxes nouvelles furent levées pour satisfaire aux exigences de l’administration du royaume pour payer à l’Angleterre la rançon du roi Jean. Le Languedoc fut fortement chargé ; le seigneur de Mirepoix fut un des principaux délégués pour le recouvrement des taxes, et comme ses seigneuries avaient été ruinées par le séjour prolongé des compagnies de routiers, elles furent exemptées de l’impôt.

Ces premiers désastres n’étaient que le prélude d’une ruine plus forte encore.

Après le traité de Brétigny, les rois de France et d’Angleterre ayant congédié leurs troupes, au lieu de rentrer dans leurs foyers, elles se débandèrent par groupes, ayant chacune un chef particulier, parcourant la France, vivant de pillage et de dévastation. Elles ne tardèrent pas à pénétrer en Languedoc. La baronnie de Mirepoix fut de nouveau envahie ; cette fois, les ravages furent si forts, pendant plus de deux années, qu’une grande partie des habitants abandonnèrent leurs biens et se réfugièrent en Catalogne.

Nous avons vu que Gaston Phoebus, comte de Foix, dans la guerre par lui soutenue contre les comtes de Poitiers et d’Armagnac, avait été secondé par Jean de Lévis II, seigneur de Mirepoix. Ce dernier avait chèrement payé cette participation par la perte de son château de Mirepoix que lui avait enlevé Jean de Poitiers, au grand avantage de son fils, allié des deux comtes. Gaston Phoebus s’était réconcilié avec Roger Bernard et avait promis, dans son traité de paix, du 7 juillet 1360, avec les Etats de Languedoc, que le seigneur de Mirepoix, et les autres qui avaient servi le roi et le comte de Poitiers, ne seraient pas troublés dans leurs personnes et leurs biens. Gaston de Foix prouva, en effet, deux ans après, qu’il n’avait plus de haine contre ses anciens adversaires. Se trouvant, en novembre 1362, à Pamiers et à Mazères, à la poursuite des grandes compagnies, il convint, avec une partie d’entre elles, qu’elles quitteraient la seigneurie de Mirepoix. L’autre partie y resta, continuant ses dévastations, s’emparant de plusieurs places et même de la ville de Mirepoix, où elles détruisirent le couvent de Beaulieu, fondé par Constance de Foix ; elles avaient fait leur centre de ravitaillement au château-fort des Pujols que Roger Bernard n’avait pu leur disputer.

Sur ces entrefaites, Arnould d’Audeneham, maréchal de France, lieutenant général en Languedoc, fatigué de voir ces pillards dans la contrée, se décida, le 4 septembre 1363, à les attaquer, et donna rendez-vous à Fanjeaux au contingent de la communauté de Narbonne pour entrer en campagne. Les troupes du maréchal reprirent aux routiers le château-fort des Pujols, qui fut remis au seigneur de Mirepoix, après qu’il eut chassé les bandes de la seigneurie, mais il fut contraint de payer une indemnité pour les frais de la guerre. On lui reprochait de n’avoir pas montré toute l’énergie nécessaire pour assurer la défense de ses terres.

Roger-Bernard de Lévis Ier resta plusieurs années sans effectuer le payement de la somme imposée. Louis, duc d’Anjou, frère du roi Charles V, gouverneur de Languedoc, se trouvant à Toulouse, la fit réclamer au débiteur ; le 29 août 1371, il écrivit au viguier de Limoux d’employer tous les moyens de droit pour forcer le seigneur de Mirepoix de restituer au trésor la somme de 3, 000 livres pour les dépenses faites lors de la reprise du château-fort des Pujols, perdu par sa faute et par la mauvaise garde de ses gens. En même temps, le seigneur devait être sommé de venir à Toulouse comparaître devant le conseil du duc, pour répondre de certaines informations, de plusieurs excès et délits à lui reprochés. Le 3 septembre, Roger Bernard de Lévis 1er n’ayant pas effectué le payement, le viguier était de nouveau chargé par le duc d’Anjou de faire exécuter ses lettres, malgré que tous les biens du défaillant fussent sous la main du roi. Le dépeuplement de la baronnie de Mirepoix avait été si considérable, et la ville avait été si éprouvée par les grandes compagnies que neuf années après leur départ de la contrée, en 1371, le duc d’Anjou permit aux habitants, le 15 octobre, d’établir une imposition sur le vin, pour rétablir leurs finances, affaiblies déjà par la guerre de 1359.

Le duc d’Anjou, qui s’était de nouveau rendu à Toulouse, au commencement de juin 1374, pour recueillir des subsides, partit ensuite pour la Bigorre avec ses troupes, accompagné du connétable Du Guesclin. Ses projets étaient d’avoir une entrevue avec le comte de Foix et le vicomte de Castelbon pour les forcer de se soumettre aux ordres et volontés du roi, et de reprendre aux Anglais les places dont ils s’étaient rendus maîtres dans cette province. Ayant obtenu la soumission du comte et du vicomte et ayant remporté quelques succès sur ses ennemis, le duc les obligea à une suspension d’armes qui lui permit de refaire son armée ; il rassembla à Toulouse un corps de troupes de 2.667 hommes d’armes, venus de diverses provinces ; les principaux chefs, qui le commandaient étaient : les comtes d’Armagnac, d’Astarac, de Montlezun, de Jourdain-de-1’Isle, les sires de la Barthe, de Mirepoix, d’Antin, de Tournon, de La Voulte, de Chalençon, le vicomte de Polignac. Avec cette troupe d’élite, le duc partit pour l’Agenais, fit le siège de La Réole, qui se soumit le 27 août, et, après avoir repris aux Anglais plusieurs autres villes, il rentra à Toulouse au commencement d’octobre. [2]Op. cité, p. 138 sqq.

Notes

1 Op. cité, p. 126.
2 Op. cité, p. 138 sqq.

2 réflexions sur « Siméon Olive – Sous la seigneurie de Roger Bernard de Lévis I, suite de désastres à Mirepoix à partir de 1360 »

  1. « Formées dans le courant du quatorzième siècle, les grandes compagnies persistèrent jusqu’à la fin de la Guerre de Cent ans. Le Languedoc ne fut pas épargné ; la terre de Mirepoix fut en proie aux ravages des brigands pendant les premières années qui suivirent le traité de Brétigny. Le Languedoc, comme le reste de la France, avait contribué au paiement de la rançon du roi jean et à d’autres dépenses de guerre. Il lui fallut, en outre, sur ses propres ressources, fournir les sommes promises aux grandes compagnies pour leur éloignement ; on les envoya en Espagne aider Henri de Transtamare à enlever à son frère, Pierre le Cruel, la couronne de Castille.
    [ … ]
    La terre de Mirepoix venait de ressentir le contrecoup des dissensions survenues dans la famille du seigneur, ce qui avait été une autre cause d’appauvrissement. Néanmoins, elle fut comprise dans la répartition des nouveaux impôts sans aucun allègement ; rien que pour les subsides à fournir au comte de Transtamare, sa quote – part fut portée à 2000 florins. Il ne suffisait pas de décréter la levée des subsides ; il importait d’en assurer la rentrée. Quand arriva le moment de l’échéance, il y eut mécompte. Le receveur, dans son exposé, ne manqua pas de faire observer que la circonscription n’avait rien payé, parce qu’elle était la proie des grandes compagnies. Installées à Mirepoix, elle avaient, en 1362, détruit le couvent de Notre – Dame de Beaulieu, fondé par Constance de Foix, femme de Jean I. La plus grande partie de la population s’était enfuie en Catalogne, d’où on espérât bientôt la faire revenir. Des mesures énergiques allaient être prises pour débarrasser le pays des pillards qui, après avoir reçu l’argent  » à eux avancé pour l’expédition d’Espagne », ne se pressaient pas de se mettre en route.
    En 1363, au mois de septembre, le maréchal Arnould d’Audehenam, lieutenant général du roi en Languedoc, prit le parti de les réduire par la force. Dans cette intention, il convoqua à Fanjeaux les milices locales et fit venir douze arbalétriers de Narbonne. (CF Emile Molinier, Etude sur la vie d’Arnold d’Audehenam, maréchal de France, Paris, 1879, p. 133)Un des résultats de la campagne fut la prise du château des Pujols qui servait de refuge aux routiers. La garde de la forteresse fut remise à Roger – Bernard, mais il fut contraint de payer une indemnité pour les frais de la guerre ; on lui reprochait la négligence dont il avait fait preuve dans la surveillance de la région, et on l’accusait d’avoir été la cause de l’occupation des Pujols. Pour ce seul fait, on lui réclamait 3000 livres, avancées par le trésor royal, afin de pourvoir aux frais de l’expédition. En 1371, la somme était encore due ; le duc d’Anjou, gouverneur du Languedoc, chargea le viguier de Carcassonne de faire payer le débiteur par la saisie de ses biens. »
    Félix Pasquier, Cartulaire de Mirepoix, tome premier, Toulouse, 1921, p. 71 & 72.

  2.  » La guerre entre le roi de France et les Anglais avait amené en Languedoc des bandes de brigands anglais et gascons appelés  » Routiers « , qui parcouraient le pays et y commettaient de continuels ravages. Une compagnie, ayant pour chef Jean Petit, s’était établie à Mirepoix et dans les environs. Elle y séjourna longtemps et y commit de telles vexations que la plupart des habitants furent obligés de se retirer en Catalogne. Gaston Phoebus, comte de Foix, ayant conclu un traité avec jean Petit, les Routiers quittèrent Mirepoix mais, avant leur départ, ils pillèrent la ville et mirent le feu à la partie méridionale. Les religieuses de Beaulieu furent obligées de prendre la fuite pour échapper au déshonneur et à la mort. Elles durent se réfugier dans les couvents du voisinage. Ce fut la fin de l’abbaye qui ne se releva plus et dont les biens furent réunis en partie à Boulbonne, en 1370.  »
    Abbé François Robert,  » L’abbaye de Notre – Dame de Beaulieu, ordre de Cîteaux, à Mirepoix (Ariège) « , Foix, Imprimerie Lafont de Sentenac, 1909, p. 9.

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