Elle [la vie opiniâtre] avait changé le bleu en vert chanci, le vert en gris, et le jaune en un blanc fatigué et rance. Mais on la retrouvait aussi aux places restées plus fraîches… 1Rainer Maria Rilke, Les cahiers de Malte Laurids Brigge (1910), traduction Maurice Betz.
Place du Rumat, sur le site de l’ancien Bascou, là où ont vécu Etienne Durand dit Lauzet et François Dalbiès dit Dormé, proches compagnons de Guillaume Sibra dit Jean Dabail 2Cf. La dormeuse blogue 3 : La bande à Dabail., je continue à scruter les traces de « la vie opiniâtre » sur la maison qu’on vient de démolir 3Cf. La dormeuse blogue 3 : A propos d’une maison qui n’était plus là – La vie opiniâtre ; A Mirepoix – Vieux faubourgs et roc des souvenirs ; La vie opiniâtre – On la distinguait dans les couleurs que d’année en année elle avait changées…, « la maison qui n’est plus là », dont on sait par le compoix de 1766 qu’elle a appartenu à François Izard, voiturier, dit La Mort 4Compoix de 1766, plan 2, n°27. Cf. La dormeuse blogue 2 : A Mirepoix – Le quartier de Lilo – L’Isle et le Bascou..
Exposées aux pluies de juillet, aux soleils d’août, puis, et depuis quelques jours à des travaux de réaménagement de l’espace vide désormais au sol, ces traces ont évolué. Certaines d’entre elles ont disparu, d’autres ont pâli au point d’ombres limbiques. D’autres encore, suite au délitement du matériau qui les recouvrait, sont apparues. Je tente de fixer le souvenir de ce processus, qui les emporte. Je photographie. Il y a une beauté de la matière en transformation, une beauté pauvre de sens, riche justement de cette pauvreté-là, par assomption du fond d’indifférente matérialité à partir duquel, jour après de jour, de façon changeante, il y a quelque chose plutôt que rien.
Ce pochoir ressort aujourd’hui plus qu’hier.
Cet autre pochoir, que j’ai photographié le 13 juillet, ne se distingue aujourd’hui presque plus.
Cette grande pierre d’appareil, sous l’empreinte noire du conduit de fumée, présente sur sa base un relief sculpté. Le jeu du blanc et du noir souligne, par effet de contraste, le travail, tout en rondeur, qui confère à ce relief un bizarre semblant d’organicité.
Sous la pierre d’appareil, un reste de linteau sculpté marque, semble-t-il, l’emplacement d’une ancienne porte.
Ci-dessus, de gauche à droite : appareil de pierre au Bascou ; appareil de pierre rue Vigarozy.
L’appareil de pierre qui surmonte le vestige de porte inclus dans la maison récemment démolie au Bascou, rappelle celui que l’on peut voir rue Vigarozy sur la façade de la grande maison à gargouilles qui appartenait en 1766 à François Cairol 5Compoix de 1766, plan 3, n°50. Cf. La dormeuse blogue 3 : A Mirepoix – Moulon de… la porte d’Aval, rue Courlanel, le Grand Couvert, place Saint Maurice et grande place – n°47 à 53. et qui, incluse dans l’antique moulon seigneurial, était à l’origine propriété de la famille de Lévis Mirepoix. L’appareil de pierre que l’on remarque au Bascou pourrait-il provenir de la maison seigneuriale par remploi ? J’apprendrai par la suite qu’il s’agit plus probablement d’un appareil d’usage ordinaire, en l’occurrence d’une antique pierre de cheminée, « ainsi évidée à la base par éclatements successifs, dus à l’action du feu » 6Indication fournie par Serge Alary, président de l’association des Amis de Vals, familier de l’archéologie médiévale. Cf. D’antiques pierres de cheminée..
Et il y avait encore là bien des choses que les vents domestiques, ces souffles faibles et apprivoisés qui ne sortent pas de leur rue, avaient apportées, et bien des choses aussi dont on ne savait pas l’origine… 7Rainer Maria Rilke, Les cahiers de Malte Laurids Brigge (1910), traduction Maurice Betz.
A lire aussi :
A propos d’une maison qui n’était plus là – La vie opiniâtre
A Mirepoix – Vieux faubourgs et roc des souvenirs
La vie opiniâtre – On la distinguait dans les couleurs que d’année en année elle avait changées…
Moulons de Mirepoix 1
Moulons de Mirepoix 2
Nerval à sa fenêtre ou le paysage de l’impasse du Doyenné
Notes