Christine Belcikowski

Publications 4

Vieux papier peint

Rédigé par Belcikowski Christine 2 commentaires

Dans la maison, restée close en juillet
il y a des moutons, des mouches mortes,
et des fourmis volantes installées sous le papier peint,
un papier peint d’avant guerre
— laquelle ? —
qui se décolle un peu plus chaque année
et dont les rayures n’en finissent pas de passer
dans la glace de l’armoire
et dans le miroir qu’ombragent le crucifix et un vieux flacon d’eau de Lourdes
sur la cheminée.
Je trouve à ce papier fané un air de famille
— lequel ? —
avec celui qui a vu passer Rousseau
dans la maison des Charmettes,
et que j'ai vu à mon tour,
par une belle matinée de printemps,
il y a longtemps déjà.
Maman souriait à Jean Jacques
blonde et rose, de l’autre côté du miroir.
Elle s'appelait Françoise Louise de la Tour,
on l'appelait Madame de Warens.
Jean Jacques avait coûté la vie à sa mère,
et sa naissance avait été le premier de ses malheurs à venir.
L'avenir advient, comme on sait, jour après jour,
sans s'annoncer, à sa fin initiale.
— Laquelle ? —
Le papier peint se décolle un peu plus chaque année.
Les fourmis volantes demeurent ignorantes des années.

Rejoindre les morts...

Rédigé par Belcikowski Christine 2 commentaires

Virginia Woolf, dans Les Vagues, parle de « rejoindre les morts ». « Rejoindre les morts... », ces mots passent et repassent dans sa pensée, dit-elle, comme une nageoire, celle que l’on aperçoit parfois depuis la plage par un jour d’été, ou celle que l’on croit voir monter dans la profondeur sombre quand on nage autour du rocher qui pointe, là-bas, à la sortie de la baie.

Rejoindre les morts ?

Arrivée à l’âge où je nage moins souvent qu’autrefois parce que je trouve l’eau de plus en plus froide, je songe de mon côté à Orphée, Énée, Dante, et autres nageurs de première force, qui ont osé se risquer dans le sillage de la nageoire et atteindre de la sorte, enfer ou autre, aux bords mystérieux. Point toutefois pour y rejoindre les morts, mais pour les visiter, là-bas, au-delà du rocher qui pointe à la sortie de la baie ; et pour ensuite les quitter, revenir. Il y faut des vertus que le nageur du dimanche n'a pas.

Revenir ? Qu’est-ce que revenir ? Revient-on jamais ?

D’un bord l’autre, je détesterais d’avoir à quitter des vivants ou à quitter des morts. N'y perdrait-on pas chaque fois une part de soi ? Mais j’aime à flâner dans l’entre-deux-mondes du vieux cimetière de notre petite ville. Je n’ai dans ce lieu paisible personne à rejoindre ni à quitter. J’y circule l’âme légère. Les noms qu’on voit sur les tombes ne sont pas ceux des miens. Je connais ces noms seulement pour les avoir rencontrés lors de longues recherches dans les registres paroissiaux. Ils me font signe de loin. Nous partageons là une sorte d’amitié secrète. Dans le même temps, mes petites filles jouent à cache-cache entre les tombes. Sur la place, à deux pas du vieux cimetière, d’autres gens espèrent, comme dit le comique, le retour du bal et de la grand'bande, à savoir, deux musettes, et parfois Fagotin et les marionnettes. « Ils ne savent ni lire ni nager », disait déjà Platon de la fête ordinaire. Moi, je n’espère rien, sinon de conserver, avant le retour de la nageoire, la liberté de tutoyer, d'un monde l'autre, le silence des ombres.

Comme un navire va au fond

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L’été sent l’automne,
la saison s’enveloppe déjà du secret
de sa fin.
Le secret s’entretient dans l’odeur des platanes
et dans la friture des feuilles
tombées
qu’on froisse du pied
en passant.
Il fait si chaud qu’on aspire au retour
des petits matins aigres,
où le gel point.
On va à la rivière
pour s’abandonner à l’eau des montagnes,
comme un navire va au fond.
Quel fond ?

Pourquoi au bord de la mer ?

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Le vent se souvient des plaines immenses
de la mer,
et du pas des sentiers qui cheminent suspendus
au-dessus de leurs bords écumeux.
L’air du large gonfle les voiles des navires
et le sein des lessives que les mères étendent
au front des jardins.
Le vent se souvient du petit peuple
des maisons,
tapies dans le secret de leurs portes
qui claquent
au fond d’un couloir endormi.
Le vent se souvient des journaux-catastrophe
qu’il effeuille
sans remords, comme la marguerite,
sur la table des bars.
Le vent se souvient des jupes qu'il soulève
d’aventure, oh ! la bonne aventure !
au coin des ruelles.
Le vent se souvient des chevelures, brunes ou blondes,
qu’il vaporise, pfft !
d’un souffle-rayogramme,
dans le bleu du ciel.
Et il va semant là, au passage des heures brèves
sa mémoire plus ancienne
du rire de la mer et des dieux,
sa rumeur des lointains légendaires,
sa passion d’outre-temps.

Souvenir d'une journée à Pasaia, ou Pasajes en castillan, dans la comarque basque de San Sebastián.

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