Estampes, et autres, de Matt Hilton à la Grange de Mercus

Du 6 au 27 mai 2018, Matt Hilton expose un choix d’estampes et autres pièces, 24, rue Gabriel Péri, à la Grange de Mercus (09400). Pour prendre rendez-vous : info@themercusbarn.com.

Ci-dessous, un aperçu des pièces exposées dans la simple blancheur de la Grange.

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Printmaker, i.e. faiseur d’estampes, Matt Hilton est aussi écrivain. Cf. Christine Belcikowski : A propos de Matt Hilton printmaker ; Une visite à l’atelier de Matt Hilton. Sur la table ci-dessous, images et textes voisinent et s’allient.

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Sur la table, le coffret rouge est celui du livre d’artiste My way of loving beasts (Comment j’ai débusqué les bêtes).

Avant de venir en France, rompant ainsi avec sa vie et son oeuvre passées, Matt Hilton publie Flagships for new reaches, journal d’autres années dédiées en 1989-1991 à d’autres voyages.

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Page de Flagships for new reaches.

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Page extraite du carnet-brouillon de Flagships for new reaches.

Installé ensuite en Ariège, Matt Hilton crée au cours de l’hiver 2009-2010, avec Philippe Parage, artiste lithographe qui a son atelier à la Guinguette, à Rieucros), My way of loving beasts (Comment j’ai débusqué les bêtes. Un scrapbook de rencontres érotiques), un livre d’artiste, présenté sous coffret de carton comprenant 12 lithographies, tirées sur Vélin d’Arches 200 gr au format 25/32,5 cm et accompagnées chacune de textes originaux, toujours de Matt Hilton. Ce livre a fait l’objet d’une belle exposition en décembre 2011 à la librairie Ombres blanches (Toulouse). Cf. Christine Belcikowski. Matt Hilton. Comment j’ai débusqué les bêtes ; Matt Hilton expose à la librairie Ombres Blanches. Comment j’ai débusqué les bêtes.

Traduit par Alexandra Salmon-Lefranc, le texte de Comment j’ai débusqué les bêtes est d’une poésie étonnante. On peut le lire et le télécharger en cliquant sur le lien suivant : Comment j’ai débusqué les bêtes. J’ai moi-même rédigé le texte de présentation de l’œuvre pour l’exposition de 2011 à la librairie Ombres blanches. Dans un style un peu déjanté of course, afin de jouer un peu avec celui de l’auteur. Je reproduis ici ce texte de présentation :

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Comment j’ai débusqué les bêtes… Il pourrait s’agir d’une autre version d’Alice au pays des merveilles, j’imagine celle du Lapin blanc, s’il racontait pourquoi il a si peur d’être en retard au rendez-vous de l’horloge sans aiguilles, et s’il disait ce que les bêtes convenables ne disent pas, ou, mieux encore, s’il avait trouvé le moyen de dire ce qui demeure proprement indicible et que pour cette raison il faut taire.

 

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Estampe comprise dans Comment j’ai débusqué les bêtes.

Qui cherche trouve. Il y faut l’œil et la patience de celui qui parle dans Comment j’ai débusqué les bêtes, non point le Lapin Blanc mais le Serpent Combattant. L’œil et la patience, ce « serpent » les a, et il en use pour débusquer la vérité des bêtes, comme Aristote en use pour « débusquer la vérité » tout court. Y a-t-il une différence entre la vérité ?

« mais alors (dit le serpent combattant et la voix grave en solo)« 

Le dit Serpent, qui a lu Yeats et autres animaux d’engeance pareille, s’étonne tout comme eux d’avoir à se tenir, une fois que « l’échelle a été tirée », « là où commencent toutes les échelles / dans le fétide magasin de chiffons et d’os », ou encore dans le « charriot de chiffons et d’os » qui fait « clic-clac » ailleurs en roulant sur « la plus au nord la plus caillouteuse route », vers les « fours ».

« car de luxe
ressorts d’acier sautant

lèvres secousses
cheminées des fours
« 

Chiffons et os brûlent dans les cheminées comme lèvres amoureuses dans le car de luxe. Ou l’inverse. Il y a de la transgression, et du memento mori, – « des limaces désespérant / frottant leurs linceuls » -, dans les mots du sexe au bord des cheminées. Il y a du sauve-qui-peut aussi. Après l’amour, on mange, dans Comment j’ai débusqué les bêtes. « – Du saumon ? À mon plus grand bonheur, elle répondit : – Comment ? Frais ou fumé ? »

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Disant le moins pour dire le vrai, le Serpent serre jusqu’à l’étrange l’observation de la récurrente activité à quoi s’emploient sexuellement les bêtes, i.e. les animaux-machines. Raccordement de la tuyauterie, « cric-crac crocodilique/dactyle tactile » de la machine en action, puis mise au repos des pièces mécaniques : « Alors, fier du travail accompli, je remontais habilement mon/ pantalon sur l’outil ». L’étrangeté se confond ici avec le divers de la sensation, l’indifférente proximité du bon et du nauséabond, du boire et du manger, du goût de « ta gnôle or » et du goût des « macaronis au gratin ».

 

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Quand le Serpent desserre un peu la foudroyante nominalité de ses notations, il s’offre en passant le plaisir louche d’une métaphore façon Schéhérazade, mais parodiée et subvertie :

« Une dame ouvrit son manteau

C’était dans les Jardins
de derrière
« 

Ou bien il ménage la surprise d’une scène à la Buster Keaton, dans laquelle, tandis que s’ouvre « la PORTE », celle du « Paradis »,

« Marion la mère de Smiffy
« c’est quoi tout ce boucan
en chemise de nuit transparente…
« 

ou encore

« elle avoua qu’elle n’aimait pas ma façon d’embrasser…« 

La part du cœur fou qui robinsonne, dans Comment j’ai débusqué les bêtes, ne s’explicite pas. Elle tremble toutefois dans l’humour désespéré de celui qui commençait à « porter deux chapeaux sur la tête » et qui disait que « c’était la même chose que de porter des chaussures à semelles compensées ». Elle tremble aussi dans le souvenir des « lumières vertes, rouges des avions militaires, virevoltant telles d’étranges pierres précieuses » dans la nuit étoilée, puis dans l’évocation de « la fumée  qui flotte au-dessus de nous », après l’étreinte ; ou encore dans le rappel des « placards de sa cuisine », possiblement remplis de « mets prodigieux », que l’on peut partager.

Des souvenirs qu’il rassemble dans Comment j’ai débusqué les bêtes, le Serpent tire une sorte de patience de la vérité. Ses mots toutefois rendent compte d’une vérité nouée. Il y a simultanément la vérité des « belles choses » ou de celles « qui méritent l’approbation », et la vérité de « la queue du poisson, frétillante, frétillante » et aussi

« les talons des vaches
piétinant la foule

nature des choses
lucidité
« 

D’où pas de différence entre la vérité.

 

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Autre estampe comprise dans Comment j’ai débusqué les bêtes.

Terme provisoire de la « dérive » endurée dans le but de « fendre en deux le monde / – acceptable inacceptable », le très beau texte, brûlant, secret, de Comment j’ai débusqué les bêtes est de Matt Hilton, écrivain et peintre.

 

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En mars 2012, Matt Hilton crée et expose à Pamiers, salle Espalioux, De La Franqui à Ramonville. Di di didley di, un « divertissement » inspiré par l’errance et le statut « d’expat » et qui marie là encore écriture et invention plastique. Cf. Christine Belcikowski. De La Franqui à Ramonville. Di di didley di, un divertissement de Matt Hilton.

 

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Pour lire et télécharger le livret de De La Franqui à Ramonville. Di di didley di, cliquez sur le lien suivant :De La Franqui à Ramonville. Di di didley di.

En février 2013, Matt Hilton expose à la Galerie Inspiré, sise à Azille, dans l’Aude, un ensemble de « fabrications » (cartons découpés, techniques diverses) qu’il intitule D’un coin l’autre. Son expérience d’expat le travaille toujours. « Soudain, il me semblait que tout ce qui me tombait sous la main – jouets cassés, ballons en papier de riz, de la boue jaune – participait d’un mouvement en avant » 1Extrait du livret de l’exposition De La Franqui à Ramonville. Di di didley di.. Cf. Christine Belcikowski. D’un coin l’autre. Matt Hilton expose à la galerie Inspiré.

À partir de 2015, Matt Hilton se consacre surtout à l’écriture. Il a publié depuis lors les ouvrages suivants :

Heavy Waters. « High politics and underground warfare from 1940, the fall of France to 1956, the Suez crisis. Historical reconstruction with fictional extension ». 2015.

Roger Hilton Artist Letters From Prison Camp 1942-1944. « Roger Hilton (père de Matt Hilton) was a Commando and was captured at Dieppe in 1942. He became a leading British exponent of modern art, representing his country at the Venice Biennale and being made CBE. Beneath the cheeriness the letters show how an out of the common man wrestles with the common misfortune of being a prisoner of war ». 2016.

Tap Once If Human. « Earthy fiction with a scientific flavor ». 2016.

Success = True. An American Fiction. Volume One 1952-1963. « An imagined America 1952-1963. Time is there so that everything doesn’t happen all at once, so things have room to move out of each other’s way. But it does happen all at once – or at least enough of it does doesn’t it? Coincidence often beats time to the punch. You think it’s a plot? Well maybe it is – but it’s the only one we got ». 2018.

Matt Hilton espère maintenant que l’opéra dont il a écrit le livret, sera monté en Angleterre à l’automne prochain.

References

References
1 Extrait du livret de l’exposition De La Franqui à Ramonville. Di di didley di.

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