Labaronne expose à Pamiers, rue des Carmes

 

Fa calou. La rue est blanche. La galerie, encore fermée, baigne dans l’ombre, grise, verte. Labaronne m’attend. Nous entrons.

 

La monnaie du pape, les médocs, les superpositions, les petits tableaux, les plastiques, les superpositions. Lumière !

 

La galerie est profonde, l’espace traversant, pénétré de rayons via la porte vitrée qui donne en arrière-plan sur une cour rouge. La cour, ainsi cadrée, se réfléchit sur les vitrages de l’expo. Le dehors et le dedans ici se confondent. Les images s’affranchissent de leur support initial. J’aime quand les images s’évadent.

 

La galerie comprend plusieurs pièces, de taille et de forme diverses, entre lesquelles on circule de façon labyrinthique. A l’entrée de la pièce principale, visible de la rue, le berger de plastique blanc sous le signe duquel Labaronne a placé son exposition, est l’oeuvre de Manu Martinez, peintre et sculpteur 1Cf. La dormeuse blogue 2 : Manuel Martinez – Sculptures. qui vit et travaille au Carla-Bayle.

 

Labaronne expose dans la pièce principale une suite de photo-compositions inspirée par une trouvaille de hasard, une simple branche de monnaie du pape, déjà sèche, qui, une fois entrée dans l’univers plastique de l’artiste, y décline, à la façon d’une écriture inconnue, l’étrange fantaisie de ses pleins et de ses déliés.

 

 

 

 

Au fond de la pièce principale, dans un espace sans fenêtres, délimité par une cloison, Labaronne expose une suite de compositions dédiée aux médocs, dont elle récupère et détourne les plaquettes. Le jeu consiste ici à faire de ce matériau jetable l’objet de grands tableaux architecturés de façon rythmique qui font valoir de subtils effets de gradation colorée, ou encore de violentes fluorescences, – accès de rage ou visions de la fièvre, éclats de rire, on ne sait.

 

 

 

 

 

 

 

De l’autre côté de la paroi, une petite pièce abrite, façon chapelle ou reliquaire, ou bien boudoir de Marie-Antoinette, l’ensemble de minuscules compositions que Labaronne nomme ses « petits tableaux ». Labaronne a voulu ici une installation en archipel, pour l’effet océan, et la vague, et les murs qui redeviennent sable, forêt, montagne, rivage…

L’ensemble, vu de plus près, consiste en un kaléidoscope de vues de Mirepoix, dedans dehors, saisies dans le détail des choses de la vie comme elle va, le lit, la table, la chaise, l’armoire, la cuisinière, le bol, le plat, la fenêtre, le chat, la rue, la place, la rivière, les peupliers, l’été, l’hiver, etc. Les petits tableaux sont vernis. Le vernis donne la touche hollandaise, l’éclat de faïence de la bonne vie.

 

 

J’entre maintenant dans la cour rouge. La couleur des plastiques claque sur le lierre. Il y a des fleurs géantes, un rideau de lianes « surnaturelles » 2J’emprunte le terme à Labaronne, qui a exposé à Mirepoix, le 9 septembre 2012, ses Variations surlenaturelles. Cf. La dormeuse blogue 3 : A Mirepoix – Variations surlenaturelles signées Labaronne à la Galerie de la Porte d’Amont., comme chez Franquin dans Il y a un sorcier à Champignac.

 

 

 

Puis, au fond de la cour, j’entre dans une dernière pièce, éclairée seulement par un petit vasistas à l’intérieur duquel Labaronne a installé une chose verte, sorte de poche translucide dans laquelle bouffe ou flotte une compression de sachets de plastique. Le viride de la matière saturée étonne et réjouit le coeur. Aux murs, Labaronne expose des images en surimpression. Ici la nature l’emporte, entre dans la maison. Le vieux monde retourne à ses commencements. Inutile de courir. Les arbres poussent leurs branches par la porte, par la fenêtre, et jusque sur l’écran de la télévision. Giandomenico Tiepolo peignait en 1791 l’attente d’il Mondo nuovo ; il arrive, pas celui sans doute que Venise en 1791 attendait, mais celui que Giambattista Vico espérait sous le nom de ricorso, ou retour à un premier âge du monde.

 

 

 

 

 

Le sol, dans cette pièce, se trouve jonché de petits dessins et de citations empruntées aux livres que fréquente Labaronne, spécialement ceux de Paul Nizon. On a le droit de marcher sur les petits papiers, et, si l’on veut, d’en emporter.

 

 

 

A bientôt, Labaronne. A la prochaine vague !

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