Entre Vals et Mazerettes, sur le chemin de Saint Jacques

 

Rendez-vous à Vals ce matin pour une journée « rando-visite » sur le chemin de Saint Jacques, plus exactement sur la voie du Piémont, qui, après Carcassonne, passe en Ariège par Mirepoix et Vals, et se prolonge jusqu’au Portet d’Aspet. Marina Salby, guide-conférencière du Pays d’Art et d’Histoire de Mirepoix, et Serge Alary, président de l’association des Amis de Vals, nous attendent avec le café.

 

A 9h30, il pleut. Qu’importe. Nous montons un instant sur la terrasse de l’église afin de contempler l’invisible panorama des Pyrénées ariégeoises, avalé ce matin par les nuées.

 

 

Puis nous regagnons le niveau de l’abside, où Serge Alary présente l’église et les fresques du XIIe siècle à l’intention de ceux d’entre nous qui viennent ici pour la première fois. ((Pour en savoir plus sur Vals, l’église, les fresques, cf. La dormeuse blogue : Julien Durand à Vals ou les belles heures d’un abbé préhistorien ; Quand l’Association des Amis de Vals fête son cinquantenaire ; Les fresques de l’église rupestre de Vals ; Sous le regard de l’ange Pantasaron ; L’inconnu de Vals ; Autres images de l’inconnu de Vals ; Quand Pantasaron et Pantagruel sont dans un bateau ; Vals le 23 décembre ; A Vals, l’inauguration du bar-expo.))

Ci-dessus : détails de la Nativité ; Marie accouchée, sous sa belle couverture de style byzantin ; le bain de l’Enfant.

 

Nous voici maintenant quittant Vals et marchant dans la direction de Teilhet. Il pleut toujours. D’où les photos sombres et brumeuses.

 

 

Au pied de l’église de Teilhet, il ne pleut plus !

Marina et Serge nous montrent, là-haut sous la cloche, le fameux « cavalier ». On ne sait rien, remarquent-ils, de la signification propre à cette figure.

 

 

Surmonté de modillons retaillés au XIXe siècle, le portail de l’église comporte quatre voussures portant sur quatre colonnettes. Les chapiteaux qui assurent la transition entre les voussures et les colonnettes sont ornés de figures entrelacées. Celles-ci datent du XIVe siècle. On distingue des têtes humaines, des animaux fantastiques et des formes végétales. Le sens de telles figures demeure, là encore, inexpliqué.

 

Au sortir de Teilhet, nous prenons la direction de Mirepoix afin de gagner Manses.

 

Le chemin est tout en montée. Il traverse la forêt de Manses. l s’agit d’une forêt privée, qui recouvre une superficie de 200 hectares.

Nous nous élevons progressivement vers le plateau d’En Bergnie. En route, nous apercevons sur notre flanc droit le site de Tabariane, où les fouilles ont mis à jour un important cimetière mérovingien. Le village correspondant se situait jadis à l’emplacement des deux prés de forme rectangulaire, très nets, très verts, encadrés de haies, que l’on voit ci-dessus, sur la photo de droite, verticalement étagés sous la crête boisée.

 

 

 

Arrivés au plateau d’En Bergnie, toujours à travers la forêt, nous amorçons la descente vers Manses.

 

Simone Verdier, maire de Manses, nous réserve un accueil chaleureux. En arrière-plan sur l’image de droite, Gabrielle Cambus, en polo parme, se tient sous le platane. Présidente de l’association AREMA qui s’occupe de collecter les fonds nécessaires à la restauration de l’église du village, elle nous guidera tout à l’heure dans la visite de cette dernière.

 

Madame le Maire nous invite à pique-niquer derrière l’église, dans le pré nouvellement aménagé à cette intention. Ce pré s’étend au pied des anciennes écuries du marquis François Henri de Portes de Pardailhan, lequel fut à la fin du XIXe siècle le flamboyant héritier de la seigneurie de Manses et du marquisat institués en 1747 par Louis XV.

 

Nous voici dans le pré, entourés de l’infatigable sollicitude de Marina et de Serge. Gabrielle Cambus, après le pique-nique, nous offre le café.

 

 

Entrés dans l’église Saint Jean Baptiste, nous nous trouvons maintenant sous le grand vitrail sommital qui fait la célébrité de cette dernière. Le vitrail représente l’histoire du saint sous le patronage duquel l’église est placée, Jean dit « le Baptiste » parce qu’il baptisa le Christ dans l’eau du Jourdain, Jean dit le Baptiste, dont le roi Hérode fit couper la tête pour l’offrir à Salomé sur un plat d’argent. ((Cf. Matthieu, 14:3-11 ; Marc, 6:17-28.))

Fruit de la générosité du marquis de Portes, dédié par le marquis à la mémoire des siens, le grand vitrail sommital de la petite église de Manses a fait dernièrement l’objet d’une importante restauration. Longue et coûteuse, celle-ci a nécessité, outre l’engagement de l’association AREMA et de la municipalité de Manses, le soutien de divers mécènes. Naguère détérioré par le temps, et plus spécialement par la grêle de l’année 2000, ce chef-d’oeuvre des maîtres verriers de la fin du XIXe siècle a retrouvé l’éclat qui fut le sien au sortir du Carmel du Mans, où il fut fabriqué en 1894. ((Cf. La dormeuse blogue : A l’église de Manses, réinstallation du grand vitrail.))

 

Simone Verdier, maire de Manses, et Gabrielle Cambus, présidente de l’association AREMA, considèrent avec bonheur le résultat du travail accompli. On lit l’émoi du beau sur le visage de la visiteuse en rose.

 

Gabrielle Cambus nous invite à considérer ensuite, dons de la marquise de Portes, les autres vitraux de l’église. Ceux-ci reprennent divers épisodes de l’histoire de Saint Jean Baptiste. L’un de ces vitraux, comme le vitrail sommital, porte les armes – tour et trois merlettes – ainsi que la devise – per pla aire (pour plaire ?) – du marquis de Portes. Les mêmes armoiries figurent dans l’église sur les boiseries du banc réservé jadis à la famille seigneuriale.

 

 

Après la restauration du grand vitrail, puis celle du chevet et du mur sud de l’église, l’association AREMA et la municipalité de Manses ont entrepris une campagne de restauration des tableaux abrités par la dite église. La Crucifixion reproduite ci-dessus vient tout juste d’être restaurée. Oeuvre d’Henri Grenaud d’après Charles Le Brun, Le Christ mort sur les genoux de la Vierge, également reproduit ci-dessus, sera bientôt restauré à son tour. Reconnaissable à son bâton, à ses coquilles, et à son chien, le Saint Roch accroché dans la nef aura besoin lui aussi d’être nettoyé. Marina Salby signale l’intérêt du personnage, qui, outre sa fonction de patron des pestiférés, incarnait aux yeux des pèlerins un double plus modeste du grand Saint Jacques.

 

Gabrielle Cambus nous signale encore la beauté des motifs peints, non datés à ce jour, qui ornent le plafond des deux petites chapelles latérales. L’écu bleu et blanc serait, d’après la tradition, celui du premier prieur de Manses. Les autres peintures murales de l’église datent du XIXe siècle. Les décollements dont elles souffrent par endroits, ainsi que l’effet de transparence issu de leur pâlissement généralisé, montrent qu’elles recouvrent des peintures plus anciennes, dont on ne sait rien.

 

Après un dernier regard à la belle croix de ferronnerie, qui se dresse devant l’église sous un platane et qui date du XVIe siècle, nous redescendons vers Mazerettes.

 

 

En bas, dans la plaine, c’est Mirepoix.

 

La descente se fait de plus en plus rapide.

Mirepoix et son clocher, qu’on voit à 12 kilomètres à la ronde…

 

Nous nous trouvons soudain au pied du clocher-mur de l’église de Mazerettes. Celle-ci s’élève au milieu d’un petit cimetière. Serge Alary nous rappelle qu’en vertu de la communion des âmes, on devait jadis passer par le cimetière pour gagner le seuil de l’église.

 

L’église abrite un petit portrait de Saint Genest, représenté dans le style du XVIIe siècle naïf, et, derrière l’autel, un grand tableau de foule, sur lequel on distingue, dans un paysage étrange, un peuple en marche, une procession, des porteurs, des reliques ? l’arche d’alliance ? le siège de Jéricho ?

La surprise de cette église a été toutefois, il y a quelques années, lors de travaux nécessités par l’humidité des murs, la découverte de fresques, occultées par l’enduit posé au XIXe siècle. Ces fresques ont fait l’objet d’une restauration au cours des années 2000. La restauration toutefois n’a pas permis d’élucider la signification de l’ensemble. Elle n’a pas permis non plus d’établir une datation sûre.

 

 

Jésus traversait la ville de Jéricho. Or, il y avait un homme du nom de Zachée ; il était le chef des collecteurs d’impôts, et c’était quelqu’un de riche. Il cherchait à voir qui était Jésus, mais il n’y arrivait pas à cause de la foule, car il était de petite taille. Il courut donc en avant et grimpa sur un sycomore pour voir Jésus qui devait passer par là. Arrivé à cet endroit, Jésus leva les yeux et l’interpella : – Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison… ((Luc, 19:1_10.))

 

 

 

 

Les fresques, observe Marina Salby, sont distribuées en plusieurs panneaux qui représentent successivement, de gauche à droite : comme à Manses la décollation de Saint Jean Baptiste ; en-dessous, la rencontre du Christ avec Zachée à Jéricho, ou l’entrée du Christ à Jérusalem ; plus loin, la Crucifixion et la Mise au Tombeau ; enfin, la Résurrection ((Cf. Tentative de commentaire in La dormeuse blogue : Les fresques de l’église de Mazerettes.)). Elles recouvrent une litre, pâlie mais encore visible, qui court également sur le mur opposé.

 

 

La représentation du festin d’Hérode et de la décollation de Saint Jean Baptiste est particulièrement curieuse : dessinés, semble-t-il, de façon naïve, les personnages du festin, Hérode, Salomé, portent fraise et pourpoint, dans le style du XVIe siècle. Il en ressort un effet vaguement comique, qui contraste avec la majesté de la représentation propre à la scène de la Résurrection.

 

J’avais déjà vu les fresques une première fois, il y a deux ans. Je remarque cette fois, entre autres détails, le pittoresque orientaliste de la Jérusalem figurée dans la scène de la Crucifixion.

 

Je ne suis pas seule, on le voit, à considérer ces restes de fresques avec une vive curiosité.

 

Dernières images de cette visite à l’église de Mazerettes : dans la nef, les deux grands piliers en bois polychrome ; à gauche de l’autel, la douce Vierge à l’Enfant, qui veille sur nous et nous dispense sa miséricorde.

Notre randonnée sur le chemin de Saint-Jacques aujourd’hui se termine ici.

Merci à Marina Salby et à Serge Alary, nos deux guides, qui ont su rendre la balade à la fois passionnante et chaleureuse, comme il sied à une sortie entre amis marcheurs (c’est un pléonasme).

 

Pour prolonger le plaisir de cette balade, je suis rentrée à pied à Mirepoix en passant par le bord de l’Hers.

Les Z’Arts En Douc – A l’église de Vira

 

C’était hier, 20 août, la fête des Arts en Douc, ou l’Estivale en vallée du Douctouyre, et, dans le cadre du programme « Un jour, un village… », la fête à Vira. Nous sommes allés au concert qui se donnait en la petite église de Vira. Nous avons ainsi entendu, en première partie, le Rameau musical de Dun, et en seconde partie Yol Hikayesi, un groupe d’inspiration anatolienne, qui navigue entre tradition et jazz.

 

Voici, à gauche, reconnaissables à leurs mantes pourpres, les chanteurs du Rameau musical de Dun, dont j’évoque fréquemment les aventures sur ce blog ; à droite, le groupe Yol Hikayesi. Yol signifie en turc « l’histoire en chemin ». Né de la rencontre entre Raphaël Sibertin-Blanc – ici au violon, puis au kemençe – et Ümit Ceyhan -chanteur et instrumentiste (baglama, oud, duduk), le groupe se produit en Midi-Pyrénées.

 

Colette Autissier anime l’atelier-chant et dirige les concerts du Rameau musical de Dun. Ceux-ci sont essentiellement dédiés à des pièces courtes, choisies dans l’immense répertoire de la musique sacrée, et plus spécialement dans celui des maîtres de chapelle de l’âge baroque.

 

 

Le groupe Yol mèle à la mélancolie des mélodies anatoliennes, surgies des lointains comme du fond des temps, la ciselure d’un jazz qui brille comme un diamant. Pureté des lignes et fantaisie virtuose s’allient ici dans le cadre d’une proposition musicale qui, tout particulièrement devant l’autel de cette petite église, s’adresse à l’âme de façon pénétrante.

 

La plupart des pièces chantées par le Rameau musical de Dun sont accompagnées au piano électronique et/ou à l’accordéon classique. Gagnée ici par l’émotion collective, la pianiste s’est levée pour frapper le rythme du gospel final. C’est celui du célèbre Swing low, sweet chariot, créé par les Fisk Jubilee Singers dans les années 1870.

 

Le contrebassiste du groupe Yol a des doigts de mille-pattes qui grouillent de façon réjouissante sur le vermeil de son instrument. Le batteur, dans l’ombre rouge, fait naître des éclairs, des nuages, des tonnerres, montés des solitudes lointaines.

 

Nostalgie d’autres rives, alacrité de l’instant présent. Le baglama et le violon, comme deux oiseaux, font aile commune.

 

Voix de soprano, voix de mezzo, voix de ténor, voix de basse, toutes viennent du profond, mobilisent l’âme, soulèvent les corps.

 

Quand le frisson de la musique soulève les corps…

 

Quand naissent des éclairs, des nuages, des tonnerres, montés des solitudes lointaines…

 

 

Ovations prolongées. Nous avons partagé dans un lieu propice un moment de musique exceptionnel. Il y a un charme singulier à voir s’ouvrir toutes grandes les portes de la petite église de Vira pour accueillir tour à tour deux groupes de musiciens si différents par le style et cependant rendus si proches d’âme par la qualité d’inspiration, la sensibilité, la profondeur d’âme. Un moment de musique exceptionnel, disais-je.

 

Je n’ai pas pu assister plus tard dans la soirée aux autres concerts, qui se donnaient à la salle municipale. Mais je reviendrai l’an prochain aux Z’Arts en Douc de Vira, car cette manifestation est une petite merveille.

A écouter :
Yol Hikayesi sur MySpace Music

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