A Mirepoix – Le moulon du Saint-Sacrement

 

Intéressons-nous ici au moulon qui s’étend au bord du canal du moulin, aujourd’hui appelé le Béal, et qui se trouve bordé au sud par la rue Caramaing et de Paraulettes (aujourd’hui rue Caraman), et à l’ouest par la rue du Grand Faubourg Saint Jammes. Il comporte 9 parcelles, numérotées de 1 à 9 sur le plan 2 du compoix de 1766.

Deux petites maisons seulement s’y élèvent en 1766, tandis que le reste de l’espace demeure dédié à la vigne et aux jardins. Le moulon comprend également une aire, utile aux divers travaux agricoles.

1. Oeuvre du Saint-Sacrement ; jardin et vigne proches du canal du moulin
2. Oeuvre du Saint-Sacrement et Germain Gaignoulet, employé aux fermes du roi : maison proche du canal
3. François Rivel dit le Romain, teinturier ; maison à Lilo
4. Joseph Perpère maçon ; jardin al canal et proche la rue Paraulettes
5. François Rivel dit le Romain, teinturier, et Joseph Perpère, maçon : jardin al canal proche de la rue de Paraulettes
6. Oeuvre du Saint-Sacrement ; Joseph Perpère, maçon ; Jean Pierre Rivel ; Dominique Bailhade, fermier du château de Terride), Marie Fabré : aire de la rue du Coin de Paraulettes
7. Françoise Bonamic, veuve et héritière de Mathieu Bonnaure ; jardin à la rue du Coin de Paraulettes
8. Jeanne Labadie, veuve de Jean Ladieu ; jardin à la rue du Coin de Paraulettes
9. Oeuvre du Saint-Sacrement et noble Jean de Simorre : jardin à la rue du Coin de Paraulettes et la rue du Grand Faubourg Saint Jammes faisant coin.

L’indivison des parcelles n°2, 6, 9, et spécialement celle de l’aire (n°6), apparaît comme généreusement consentie au bénéfice de l’Oeuvre du Saint-Sacrement. Elle témoigne sans doute de l’engagement de Germain Gaignoulet, employé aux fermes du roi, de Joseph Perpère, maçon, de Jean Pierre Rivel, de Dominique Bailhade, fermier au château de Terride, de Marie Fabré, et de noble Jean de Simorre, auprès de l’oeuvre en question. Il se peut que, de façon restée informelle, Françoise Bonamic, veuve de Mathieu Bonnaure, et Jeanne Labadie, veuve de Jean Ladieu, concèdent elles aussi à l’Oeuvre l’usage de leurs jardins respectifs (n° 7 et 8).

L’oeuvre du Saint-Sacrement est celle d’une confrérie anonyme, dérivée de l’ancienne compagnie du Saint-Sacrement.

Fondée en 1627 par Henri de Levis (1596-1651), duc de Ventadour, lieutenant général du roi Louis XIII en Languedoc, puis chanoine de Notre-Dame de Paris après son entrée dans les ordres, la compagnie du Saint-Sacrement travaille au XVIIe siècle, avec le soutien des Jésuites, à « l’évangélisation » du royaume, à la lutte « contre l’impiété et le blasphème », i. e., dans l’esprit de la Contre-Réforme, à l’éradication du protestantisme, à la promotion du catholicisme romain et à l’éducation des « nouveaux catholiques ». Elle a pu connaître dans le Midi une inflexion janséniste. Monseigneur de Caulet, évêque de Pamiers de 1644 à 1680, connu pour sa foi ardente, aurait ainsi fait partie de la compagnie. La dite compagnie mène également combat contre les rites du compagnonnage, plus spécialement contre ceux des compagnons du Devoir, qui jurent « par leur foy, leur part de paradis, leur Dieu, leur cresme et leur baptesme » au moment de leur initiation. Elle déploie, d’autre part, en direction des pauvres de nombreuses actions charitables. Elle y emploie volontiers des dames, spécialement assignées à l’oeuvre dite « du bouillon », ou soupe des indigents. Elle récolte à cette fin autorisations et subsides par le truchement de mandataires, souvent nobles, qui ne se présentent jamais comme membres de la compagnie, mais comme des personnes privées, mues par les seuls impératifs de leur conscience propre.

Ci-dessus : Adoration du Très Saint-Sacrement ; Confrérie du Saint-Sacrement de la paroisse de Saint-Sulpice, 1643.

Constituée en société secrète ; forte du soutien des gens de robe et des professions libérales ; relayée dans de nombreuses villes de province, notamment à Toulouse ; fer de lance de la cabale des dévots qui obtint en 1664 l’interdiction du Tartuffe de Molière, puis en 1665 l’arrêt des représentations de Dom Juan, la compagnie du Saint-Sacrement suscite bientôt l’inquiétude de Mazarin. Elle est finalement interdite et dissoute en 1666.

Emule de l’ancienne compagnie du Saint-Sacrement, l’Oeuvre du Saint-Sacrement perpétue au XVIIIe siècle l’activité charitable de sa devancière. Elle occupe au demeurant un moulon immédiatement voisin de l’ancienne maladrerie de Mirepoix, qui accueille encore au XVIIIe siècle mendiants et pèlerins de Saint Jacques. Elle conserve également de sa devancière le même caractère de société secrète. Noble Jean de Simorre, qui partage avec l’Oeuvre du Saint-Sacrement la propriété de l’une des parcelles du moulon étudié ici, a pu être son mandataire désigné. Tous les autres propriétaires du moulon peuvent avoir été membres de l’Oeuvre. C’est, pour le moins, le cas de Germain Gaignoulet, employé aux fermes du roi, de Joseph Perpère, maçon, de Jean Pierre Rivel, de Dominique Bailhade, fermier du château de Terride), et Marie Fabré, qui tous partagent eux aussi une parcelle avec l’Oeuvre.

Ci-dessus : porte ancienne donnant, au bout de la rue Caramaing et de Paraulettes (aujourd’hui rue Caraman), sur ce qui fut jadis « le jardin et la vigne proches du canal du moulin », propriété de l’Oeuvre du Saint-Sacrement.

Découpé en forme de bande au bord du canal, tournant le dos à la ville, accessible seulement au sud par la rue Caramaing et de Paraulettes (aujourd’hui rue Caraman), et à l’ouest par la rue du Grand Faubourg Saint Jammes (aujourd’hui rue Victor Hugo), le moulon du Saint-Sacrement forme une sorte d’isolat difficile à pénétrer et aussi à photographier.

 

Ci-dessus, de gauche à droite : vue du moulon du Saint-Sacrement, depuis l’angle de la rue Caraman et de la rue Victor Hugo.

 

Ci-dessus, de gauche à droite : vue du moulon du Saint-Sacrement, depuis la rue Victor Hugo ; vue, au bout de la rue Victor Hugo, depuis le pont de Raillette ; vue depuis l’autre rive du canal, cours du Rumat.

 

Ci-dessus, de gauche à droite : vue du moulon du Saint-Sacrement, depuis le cours du Rumat, en remontant vers le cul-de-sac de la rue de Caraman ((Cf. A Mirepoix – Le moulon de Caraman.)) ; vue du canal qui court au bord du moulon ; vue du moulon à proximité immédiate du cul-de-sac de la rue de Caraman.

Toutes les constructions visibles ci-dessus sont postérieures à 1766, sauf probablement les deux maisons ci-dessous, qui correspondent aux numéros 2 et 3 du plan.

 

Prochaine visite : le quartier de Lilo. A bientôt !

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5 réponses sur “A Mirepoix – Le moulon du Saint-Sacrement”

  1. Message technique : c’est bizarre, sous Firefox 4.0.1, la 1ère image (« saintsacrement_moulon.jpg ») ne s’affiche pas dans l’en-tête de l’article, alors qu’elle s’affiche parfaitement dans Safari 5.0.5…
    Idem dans l’article précédent sur le moulon de Caraman, la 1ère image « caraman_moulon.jpg » ne s’affiche pas sous Firefox.
    Toutes les autres images des 2 articles s’affichent normalement dans les 2 navigateurs, ça ne semble concerner que la 1ère à chaque fois.
    En tout cas, oui très agréables reportages qui me donnent envie de partir en balade le nez au vent !

    1. Oups ! Je viens de vérifier ça sous Firefox 4.0.1. En effet. En plus, les images que l’on ne voit pas sont justement les plans associés au compoix, ou par exemple une belle sculpture de Nicolae Fleissig. Je suis mécontente. Et, pour le moment, je n’ai pas trouvé le moindre remède à ce bug de Firefox…

  2. AD Foix

    Le 28 juin 1661, Jean Vernhes, prêtre et chanoine de l’église cathédrale de Mirepoix et prieur de la confrérie du très Saint Sacrement, Jean Niort aussi prêtre et chanoine, François Lacombe chanoine, Estienne Jalabert, bourgeois conseiller de ladite confrérie, Jean Tornier et Bernard Campels aussi bourgeois et trésoriers et Jacques Nordier aussi prêtre prébendier de ladite église et greffier de ladite même confrérie ont convenu avec le sieur Pierre Chippault maître  » esculpteur  » et peintre de Carcassonne d’un bail à besogne selon lequel Pierre Chippault doit faire un tabernacle en bois de tilleul pour la chapelle du Saint Sacrement. Ce sera parfait, peint et doré et posé sur l’autel avant la prochaine fête de Saint Maurice [22 septembre] pour 450 livres. Acte passé chez Maître Vidalat, notaire.
    (Pour mémoire : un prêtre de campagne vit en ces années-là avec 120 livres annuelles.)

  3. AD09, dossier 1Q648 (vente des biens nationaux, biens ecclésiastiques)
    Le 2 brumaire an 3 de la République française une & indivisible, le sieur Jean François Vidalat fait une soumission de 352 livres pour le jardin de l’oeuvre du Saint Sacrement appelé jardin de Notre Dame, situé hors les arrières fauxbourgs de Mirepoix, confronte d’auta le bezal du moulin, cers le nommé masquenque, midi la rue, aquilon ledit bezal.

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