A Mirepoix – Le moulon de Caraman

 

Ci-dessus : vue du moulon de Caraman (numéros 12 à 23), délimité par la rue Coin de Paraulettes (aujourd’hui rue Astronome Vidal), la rue du Grand Faubourg Saint Jammes (aujourd’hui rue Victor Hugo), la rue Coin de la rue de Caramaing et de Paraulettes (aujourd’hui rue Caraman), la rue Paraulettes et Saint Amans (aujourd’hui, rue Frédéric Soulié).

Voici la liste des propriétaires des parcelles relevées sur le plan de 1766 :

12. Dominique Bailhade, fermier du château de Terride, et Marie Fabré, sa belle-soeur, veuve de François Bailhade ; indivision ; maison et jardin à la rue de Paraulettes
13. Jean Saint-Félix, brassier ; maison et jardin à la rue du Coin de Paraulettes
14. Antoine Salvi, dit Beziat ; maison à la rue du Coin de Paraulettes
15. Jean Baptiste Denat; maison et 1/2 aire à la rue du Coin de Paraulettes
16. François Carrière, brassier ; maison et jardin rue Coin de Paraulettes ; Pierre Camp, valet chez M. Rabinel Calzan ; indivision ; jardin à la rue du Coin de Paraulettes
17. Joseph Denat, dit Jousepou ; maison et jardin à la rue du Coin de Paraulettes
18. Jean Pierre Rivel, marchand ; maison, jardin, cour à la rue du Coin de Paraulettes
19. Antoine Bourges, charron ; maison à la rue du Grand Faubourg Saint Jammes
20. Marianne Rouquette, veuve de Philippe Estevé ; maison et jardin rue du Grand Faubourg Saint Jammes
21. Antoine Bourges, charron ; maison et jardin à la rue du Grand Faubourg Saint Jammes
22. Jean Mesplié, marchand tanneur ; maison et jardin à la rue du Grand Faubourg Saint Jammes
23. Louis Pons, bastier ((Bastier (Dictionnaire de l’Académie française, 1e édition, 1694) : artisan qui fait des basts (bâts). Acheter des basts de mulet chez le bastier.)) ; aire et jardin à la rue de Bragot ((Erreur du scribe ou autre appellation en usage à la date de la rédaction du compoix, l’intitulé « rue de Bragot » ne peut désigner ici que la section de la rue Coin de Caramaing et de Paraulettes qui qui va du coin de la rue de Paraulettes et Saint Amans au coin de la rue du Grand Faubourg Saint Jammes.)) joignant celle de Paraulettes et du Grand Faubourg Saint Jammes faisant coin.

La population qui vit et/ou travaille au sein du moulon de Caraman comprend en 1766 : 2 marchands, dont 1 marchand tanneur ; 1 charron ; 1 bastier ; le fermier de Terride ; 2 veuves ; 2 brassiers ; 3 autres, non précisés.

Ici encore ((Cf. La dormeuse blogue 2 : Moulons de Mirepoix)), à l’intérieur du moulon, les jardins et autres espaces découverts occupent de façon extensive la plus grande partie de l’espace. Jean-François Soulet dans La vie quotidienne dans les Pyrénées sous l’Ancien Régime observe le même phénomène dans l’ensemble des villes qui, comme Mirepoix, se situent à proximité des montagnes. « Tous ces bourgs », dit-il, vivaient de la montagne. Leur principal commerce se bornait à des échanges avec ses habitants ; leur petit artisanat se trouvait tout entier orienté vers le travail des cuirs et des laines. Ces « villes » restaient, en fait, étroitement pénétrées d’activités rurales, abandonnant de larges espaces aux vergers, aux jardins, aux vignobles et aux troupeaux. Seule, la présence fréquente des sièges des grands organes politiques (Etats provinciaux, sudélégations), judiciaires (sénéchaussées, maîtrises des Eaux et Forêts), religieux (évêchés, chapitres, couvents d’ordres mendiants), leur conférait une certaine supériorité qui n’allait pas cependant jusqu’à faire illusion aux voyageurs » ((Jean-François Soulet, La vie quotidienne dans les Pyrénées sous l’Ancien Régime, p. 169, Hachette, 1974.)). Arthur Young exprime en effet cette désillusion, lors de son passage à Mirepoix en août 1787 ((Cf. La dormeuse blogue : Arthur Young à Mirepoix.)).

Typique de l’ancrage rural évoqué ci-dessus, le moulon de Caraman, avec ses aires, ses jardins, ses terrains vagues, demeure voué aux activités de pleine terre, ou de ciel ouvert comme celle du tanneur, qui a besoin d’air, ou encore celle du charron, qui a besoin d’espace. Le front des maisons ne borde en 1766 que la tranquille rue du Coin de Paraulettes (aujourd’hui rue Astronome Vidal) et l’artère commerçante du Grand Faubourg Saint Jammes (aujourd’hui rue Victor Hugo). Les deux autres côtés du moulon, la rue Coin de la rue de Caramaing et de Paraulettes (aujourd’hui rue Caraman) et rue Paraulettes et Saint Amans (aujourd’hui, rue Frédéric Soulié) demeurent libres de toute construction.

Le moulon de Caraman présente par ailleurs aux yeux des marchands installés ici l’avantage de se trouver à la fois à proximité du pont sur l’Hers, voie de communication avec Carcassonne et Villefranche de Lauragais, et à proximité du canal du moulin, dit le Béal, dont l’eau est nécessaire aux activités du tanneur, et plus spécialement au remplissage des bassins d’adouvairie (immersion des cuirs).

Faisons ensemble un petit tour du moulon…

 

Nous voici rue Victor Hugo (ancienne rue du Grand Faubourg Saint Jammes). L’ancien Hôtel de Monségur, c’était en 1766 la maison de Jean Mesplié, marchand tanneur, et l’aire ainsi que le jardin de Louis Pons, bastier.

 

Passé la porte cochère de l’ancien hôtel Monségur, nous gagnons ici la rue rue Caraman. Celle-ci se termine par un cul-de-sac. Elle bute en effet sur un petit mur de soutènement, au-dessus duquel le cours du Rumat passe en surélévation, en raison de la captation du Béal qui vient du Bascou et traverse ici la route sous la chaussée.

 

La grande porte cochère et la maison correspondante n’existaient pas en 1766. Elles datent probablement du XIXe siècle.

 

Nous voici maintenant rue Frédéric Soulié (ancienne rue Paraulettes et Saint Amans). Iil n’y avait ici en 1766 aucun bâtiment qui borde la rue, mais seulement une suite de jardins ou de terrains vagues. La porte que l’on voit sur l’image, surmontée d’un cintre de style Louis XVI ou Directoire, est celle du Chêne vert, une résidence pour handicapés. Là encore, le bâtiment est postérieur à 1766. L’un des murs de la résidence comporte toutefois, côté jardin, une pierre datée de 1765. Il s’agit probablement d’une pierre de remploi.

 

Contournant le mur de la résidence, nous entrons dans la rue Astronome Vidal (ancienne rue Coin de Paraulettes). Nous longeons ici la façade principale de la résidence.

 

Plus loin, voici le jardin de la résidence. Ce jardin était en 1766 celui d’Antoine Salvi, dit Beziat. La maison correspondante a été détruite.

 

La maison à colombages était en 1766 probablement celle de François Carrière, brassier.

 

On devine derrière ce mur, cette petite porte, un beau jardin. Nous rejoignons ici la rue Victor Hugo (ancienne rue du Faubourg Saint Jammes.

 

La maison qui correspond à ce beau jardin donne sur la rue Victor Hugo. Ici vivait en 1766 Jean Pierre Rivel, marchand. Marchand de quoi ? Dommage, le compoix ne le dit pas.

Prochaine visite : le moulon du Saint-Sacrement. A bientôt.

A lire aussi : Moulons de Mirepoix

2 réponses sur “A Mirepoix – Le moulon de Caraman”

  1. Par petits bouts, je lis avec plaisir tes textes sur les moulons de Mirepoix et regarde avec autant de plaisir leurs photos.
    Parfois un peu désespérée du mauvais traitement fait à certains, d’autres ont eu plus de chance d’avoir été abandonnés. Soudain il me prend l’envie de suivre la visite avec un plan de la ville.
    Baisers
    martine

    NB. j’ai horriblement pensé à toi en trouvant à Palafrugell le nouveau massacre de grands arbres intouchés depuis plus de 30 ans, notamment des eucalyptus dont tu peux imaginer sans peine le désastre.

  2.  » Le traitement des cuirs
    La préparation des cuirs faisait l’objet de deux traitements consécutifs, le premier relevant des tanneurs, le second des corroyeurs.
    Le tannage exigeait cinq opérations successives :  » le lavage ou la trempe, l’écharnement ou l’écolage, le plamage à la chaux, la dépilation ou débourrement et la mise en fosse  » . (Constancio F.S., Encyclopédie du XIXe siècle, tome 43, article  » tannage  » .) Ce traitement durait au moins une année : il était suivi d’une dessication impérativement lente dans des séchoirs. Les planches de l’Encyclopédie de Diderot montrent une installation assez complexe supposant un investissement relativement lourd.
    Le tannage devait se faire près d’une rivière. Cette exigence et les hasards de l’Histoire déterminèrent les lieux de son implantation. Pour une au moins de ces raisons, le Lauragais ne fut pas une terre d’élection pour les tanneurs.
    […]  »
    Henry Ricalens, in  » Les gens de métier de la vie quotidienne du Lauragais sous l’Ancien Régime « , Presses de l’Institut d’Etudes Politiques de Toulouse, 2007, pages 218, 219.

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