Christine Belcikowski

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Vive la Science ! La musique mécanique

Rédigé par Belcikowski Christine 1 commentaire

Le 15 novembre dernier, Gérard Letraublon, ingénieur, passionné d'histoire des technologies, président de l'association Vive la Science !, a donné, avec le concours de Jean Jacques Trinques, facteur de pianos, une superbe conférence dédiée à la musique mécanique. Je m'efforce de rapporter ci-dessous un peu de cette communication, riche et variée.

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Ci-dessus : page d'accueil du site Vive la Science !

 

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Du plus simple au plus complexe, tous les instruments de musique mécanique tirent leur énergie du souffle ou d'un ressort ou d'une manivelle, ou encore de la combinaison des deux énergies.

Fourni lors de la conférence par une charmante instrumentiste, l'exemple de la flûte traversière montre en quoi consiste l'effet du souffle lorsque celui-ci s'exerce dans un tuyau.

La flûte est un instrument de musique à vent dont le son est créé par l'oscillation d'un jet d’air autour d'un biseau droit, en encoche ou en anneau. Ce souffle peut être dirigé par les lèvres de l'instrumentiste ou par une soufflerie mécanique. La flûte peut être formée d'un ou de plusieurs tuyaux, avec ou sans trous, ou posséder une coulisse.

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Ci-dessus, de haut en bas : appeau chouette ; appeau coucou ; appeau mésange charbonnière.

L'instrumentiste émet un filet d'air qu'il dirige sur le biseau du trou de l'embouchure. La mise en vibration de la colonne d'air contenue dans le tuyau de la flûte produit le son. La fréquence de ces vibrations, et donc la hauteur de la note émise, dépend de la longueur acoustique de tuyau mise en vibration. Cette longueur peut être modifiée par la combinaison d'ouverture et de fermeture des trous (les doigtés). Le flûtiste produit alors les notes du registre grave de l'instrument. Pour jouer dans les registres medium et aigu, le musicien modifie l'angle d'attaque et la pression de l'air sur l'embouchure. Le son ainsi obtenu correspond aux harmoniques du son fondamental. La pression et la vitesse de l'air influent également sur le timbre du son et la justesse des notes.

Quand la flûtiste n'est pas là, il faut recourir à la flûte mécanique. On goûtait jadis la musique tout autant qu'aujourd'hui. Mais celle-ci demeurait d'accès rare, apanage d'une minorité de priviligiés, capables de réunir et de payer des instrumentistes, lesquels n'étaient point, eux-mêmes, toujours à disposition. L'invention de divers instruments mécaniques est venue au fil du temps remédier à cet état de fait.

À la fin du XVIIIe siècle, quelques grands inventeurs, tels Jacques de Vaucanson, ont créé des automates musiciens, de facture très élaborée. Les automates de Vaucanson sont perdus, mais le musée des Arts et Métiers de Paris conserve la Joueuse de tympanon conçue par l'horloger allemand Peter Kinzing et l'ébéniste David Roentgen. Marie-Antoinette a acheté cet automate en 1780.

La Joueuse de tympanon. N.d.R. Recharger la page si la vidéo ne s'affiche pas.

L'automate est de petite taille, entre dix-huit et vingt pouces, et se trouve assis devant une belle table en bois sur laquelle est posé un tympanon. Celui-ci est commandé par un cylindre en laiton entrainé par un remontoir à ressort, le mécanisme est situé dans le corps de la joueuse et dans la table. En tournant, le cylindre actionne des cames contrôlant le mouvement des bras et de la tête. La joueuse joue réellement : ce sont effectivement les mailloches tenues par ses mains qui font vibrer les cordes de l'instrument en les percutant.

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Ci-dessus : orgue miniature, de type serinette.

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Ci-dessus : orgue limonaire. Jouée sur l'orgue Gavioli du Lekkerkerker, la valse Amour et Printemps d'Émile Waldteufel a fourni de 1971 à 1994 l'indicatif de l'émission du Ciné-Club sur Antenne 2.

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Ci-dessous : coucou traditionnel. Inventée en Allemagne, dans la Forêt Noire, l'horloge à coucou fait appel à un mécanisme mu par des poids. En dehors du mouvement d'horlogerie classique, on trouve des automates : coucou et autres personnages. Les heures et demi-heures sont « sonnées » par le coucou. Deux tuyaux d'orgue, alimentés chacun par un mini-soufflet, permettent d'obtenir les deux tons nécessaires. Les danseurs s'animent, quant à eux, sur le rythme d'un mécanisme à peigne musical.

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Ci-dessus : un ressort, des rouages démultiplicateurs, un frein à air, un peigne, un cylindre et un socle ou bâti, et vous avez de quoi assembler une boîte à musique. Cf. Le musée de la Boite à musique et des Automates. Sainte-Croix.

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Ci-dessus : boîtes à musique ; l'une, ancienne, les autres, plus récentes.

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Autoleon, piano mécanique créé à Londres dans les années 1920.

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Ci-dessus : Melodica, harmonica mécanique.

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Ci-dessus : Playsax Roll, saxophone mécanique.

Toutes sortes d'instruments de musique mécanique, du plus petit au plus grand, ont fleuri au XIXe siècle. Le modèle le plus connu est celui de l'orgue de Barbarie, actionné par une manivelle, ou encore celui de la serinette. Les manèges ou les foires recourent à des orgues limonaires, de grande taille. En famille, on aime à disposer de coucous ou de boîtes à musique. Le piano mécanique apparaît à la fin du siècle ; puis, circa 1928, dans la famille des instruments mécaniques à vent, l'harmonica mécanique, et le Playsax, saxophone mécanique.

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Ci-dessus : exemple de cylindre piqué ou noté.

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Ci-dessus : exemple de carton perforé.

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Ci-dessus : exemple de disque perforé.

Les divers instruments mécaniques mentionnés ci-dessus produisent de la musique à partir des supports suivants : cylindre comportant des picots (serinette, boîte à musique, cartel, carillon, piano mécanique) ; bande de papier ou de carton perforé (orgue de Barbarie, orgue limonaire) ; disque embossé, perforé, pressé (Polyphon, Gramophone).

On actionne un ressort, une manivelle, ou encore un système de soufflets afin de mettre en œuvre l'énergie nécessaire à la production du son. Il faut au moins deux soufflets pour assurer, de façon alternative, la réserve de souffle dont l'orgue de Barbarie ou l'orgue limonaire a besoin pour conserver au son qu'il émet une continuité satisfaisante. Ce système de soufflets est au demeurant celui dont on use dans le grand orgue.

Le piano mécanique, Orchestrion (1840), Pianista (1863), Pianola (1895), Pleyela et Melodia (ca 1914), etc., a connu une fortune remarquable dans les bars ou les saloons, spécialement aux premiers temps du jazz, jusqu'à l'invention du phonographe électrique, puis du juke-box, puis du piano numérique.

Tout comme l'orgue de Barbarie ou l'orgue limonaire, le piano mécanique « lit » automatiquement un rouleau de musique perforé. Dans le cas du piano mécanique, le papier perforé glisse sur une sorte de maître cylindre à air, comportant lui-même un trou par note. Lorsqu'un trou du papier passe sur un trou du cylindre l'air passe dans un circuit qui transmet la pression sur un marteau. Plus le trou du papier est allongé, plus la note dure longtemps.

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Ci-dessus : les touches du piano fonctionnent toutes seules !

Les touches du piano mécanique peuvent être actionnées par un système mécanique, pneumatique, ou, plus tardivement, électrique. Dans le cas du système pneumatique, le plus courant pendant longtemps, elles le sont par l'intermédiaire de pédales commandées avec le pied. Le spectacle des touches de piano qui semblent alors fonctionner toutes seules demeure étonnant.

Ci-dessus : exemple de Triomph Autopiano Autoleon en action. N.d.R. Recharger la page si la vidéo ne s'affiche pas.

Le pianiste se trouve remplacé par le rouleau perforé. Celui-ci est percé de trous qui laissent passer l’air dans le système de lecture pneumatique. Quand un trou se libère, il s'en suit une dépression d’air. L’air est aspiré. Cette aspiration a pour effet de refermer les soufflets des touches. Sachant qu'il y a un soufflet par touche de piano, quand le soufflet se referme, en vertu de l’aspiration d’air, il vient actionner la mécanique du piano à la place du doigt du pianiste. Il agit ainsi directement sur la mécanique des marteaux. Pour obtenir un effet de clavier magique, comme si le musicien était invisible, on retire le plomb situé à l’extremité de la touche du clavier. Quand le soufflet actionne la mécanique des marteaux, la touche se trouve en déséquilibre, il n’y a plus de poids pour la retenir, ce qui la fait basculer. L’effet produit est celui d'un clavier qui joue tout seul, mais il ne s'agit là que d'une illusion. Cet effet magique résulte tout simplement du déséquilibre de la touche qui n’a plus son poids de plomb à son extrémité.

En vertu de ce type de commande au pied, le pianoliste conserve, en matière de vitesse et de nuances (du piano au forte), un certain contrôle sur l'interprétation désirée. Certaines interprétations de Debussy, de Rachmaninov, ou encore de Scott Joplin, au pianola ont été enregistrées sur cire. Ces cires ont ensuite été repiquées. On peut se faire ainsi une idée de la personnalité de leur jeu.

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Ci-dessus : piano player Steinway Welte. 1919.

Tandis que le piano mécanique demeurait proche du piano standard, dans le mesure où il bénéficiait de cordes frappées par des marteaux, actionnés de façon automatique, le piano électronique, qui apparaît à partir de 1984, ne doit plus rien au piano standard, car il produit le son grâce à un synthétiseur et à une amplification. Les touches du clavier actionnent des interrupteurs déclenchant la lecture de l'échantillon ou la génération électronique de la note. L'informatique est venue fournir par la suite un son de plus en plus réaliste.

La partie mécanique reste cependant primordiale pour imiter le toucher d'un véritable clavier de piano, et aussi pour la précision de déclenchement et de vélocité (interrupteurs et capteurs de plus en plus sophistiqués). Les modèles haut de gamme ont une mécanique presque complète de piano. Il existe même des pianos mixtes, acoustique (cordes) et numérique.

Avec l'invention des claviers portables de moins de 15 kg, on dispose aujourd'hui d'instruments aussi pratiques que la serinette, mais incomparablement plus performants. Eh oui ! Vive la science !

Je ne l'ai pas dit plus haut de peur de distraire du sujet le lecteur du présent sujet ; mais, organisée en deux partie, la conférence évoquée ci-dessus, comportait un délicieux interlude buffet, moment des plus plaisants, bien sûr, pour un auditoire un peu grisé parfois par tant de science 😀

Et Gérard Letraublon a profité de l'occasion pour inviter les plus ingénieux d'entre nous à créer leur propre orgue de Barbarie. Il tient le plan de montage à la disposition de ces audacieux 😈

Classé dans : Histoire Mots clés : aucun

1 commentaire

#1  - Gironce jacques. a dit :

Dommage que soient passés sous silence le grand orgue mécanique de Montaut (Ariège), pièce unique en son genre, classé parmi les M.H. De même, "la leçon de chant", de Robert Houdin, au musée Paul-Dupuy de Toulouse, vraie merveille d'horlogerie de distraction... Mais on ne peut pas tout dire...

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