Christine Belcikowski

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15 mai 1562. Testament de François de Montesquieu, seigneur de Salles en Lauragais

Rédigé par Belcikowski Christine Aucun commentaire

Dans le reliquat des papiers de Pierre Paul Alard, issus de la maison Lamarque de Rieucros, Ariège, figure un extrait du testament de François de Montesquieu, seigneur de Salles en Lauragais (aujourd'hui Salles-sur-l'Hers). Ce testament date du 15 mai 1562. L'extrait semble relativement facile à lire, mais l'apparence ici est trompeuse, car, au fur et à mesure qu'on avance dans la lecture, on ne laisse pas de buter sur diverses difficultés, lettres mal formées, mots qui manquent, accords douteux, constructions de phrase improbables, répétitions qui confèrent au texte l'allure d'un discours bègue, etc. Cet extrait, quoi qu'il en soit, nous renseigne sur les problèmes d'hérédation de ladite seigneurie de Salles, problèmes qui vont durer jusqu'en 1612.

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1. François de Montesquieu

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Source : Bernard Chérin (1718-1785) et Abbé Jean Thècle de Vergès. Généalogie de la maison de Montesquiou-Fezensac, suivie de ses preuves, passim. Impr. de Valade. Paris. 1784.

Issu de la maison de Montesquieu Fesenzac, François de Montesquieu, seigneur de Salles, est fils de Manaud de Montesquieu, qui a formé la branche des seigneurs de Salles, d'Artagnan, etc., et de Jacquette ou Jaumette de Fontaines. Il tente de régler dans son testament une succession dont il sait qu'elle s'annonce compliquée.

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Source : Bernard Chérin (1718-1785) et Abbé Jean Thècle de Vergès. Généalogie de la maison de Montesquiou-Fezensac, suivie de ses preuves, passim.

Barthélémy de Montesquieu, seigneur de Marsan et de Salles, grand-père de François de Montesquieu, a eu trois fils, Bertrand, de ses premières noces avec Marguerite de Sarrey ; Manaud et Mathieu, de ses secondes noces avec Anne de Galard. À la mort de leur père, Bertrand et Manaud se trouvent faits co-seigneurs de Marsan et de Salles. Ils s'entendent ensuite pour s'entre-cèder leur part de seigneurie, de telle sorte que Bernard de Montesquieu devient à part entière seigneur de Marsan, et Manaud de Montesquieu à part entière seigneur de Salles. Les descendants de Mathieu, troisième fils de Barthélémy de Montesquieu, tenteront plus tard de requérir contre ce partage.

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Source : Bernard Chérin (1718-1785) et Abbé Jean Thècle de Vergès. Généalogie de la maison de Montesquiou-Fezensac, suivie de ses preuves, passim.

Après Jean de Montesquieu, son père, François de Montesquieu, petit-fils de Manaud de Montesquieu, hérite à son tour de la seigneurie de Salles. Le 19 mai 1557, il épouse par contrat Anne de Sadirac, veuve de son arrière-petit-cousin, Pierre de Montesquieu, seigneur de Marsan. Ce mariage reste malheureusement sans postérité.

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Ci-dessus : le château de Salles en 1905.

2. Testament de François de Montesquieu

2.1. Invariants de la forme testamentaire

« Le testament est […] une forme, aux composants aussi stables que repérables […]. Un cadre initial précise le nom, la date, la qualité du testateur. Le préambule qui suit développe des considérations sur la brièveté de la vie et la nécessité de tester […]. Puis, c’est la prière d’invocation comportant signe de croix, recommandation de l’âme à Dieu, au XVIIe siècle appel aux mérites de Jésus-Christ, demande de pardon et d’accès au Paradis pour l’âme pécheresse, appel aux saints intercesseurs. Viennent ensuite les clauses funéraires qui règlent le déroulement des obsèques et de la sépulture, et les demandes de messes. Enfin ce sont les dons, legs pies faits aux pauvres ou à l’Église, et legs civils faits à des particuliers ou à la famille. L’ensemble se conclut par des formules de validation juridique » (1).

2.2. 15 mai 1562. Testament de François de Montesquieu, seigneur de Salles

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15 mai 1562. Testament de François de Montesquieu, seigneur de Salles. Cadre initial : date, nom, qualité du testateur. Préambule : considérations sur la brièveté de la vie et la nécessité de tester.

« L'an mille cinq cent soixante-deux et le quinzième jour du mois de mai, régnant Charles IX, en présence de moi, notaire de Toulouse, dans la maison de M. Jacques de Virat, chaussatier dudit Toulouse, comme soit ainsi en ce monde mortel n'y avoir chose plus certaine que la mort et plus incertaine que heure d'icelle, et pour ce ne doivent différer les humains vivants en ce monde de disposer des biens que Dieu leur a donnés, afin qu'après leur décès, leurs héritiers et successeurs n'aient question de bal (2) ni différends en ce, afin qu'ils soient plus justes à prier Dieu pour l'âme des trépassés... »

« ... à cette cause personnellement établi, noble François de Montesquieu, seigneur de Salles en Lauragais, diocèse de Mirepoix, lequel de son bon gré et libérale volonté, étant à la salle haute de la maison du sieur de Virat, sain de son corps, entendement et mémoire, bien voyant et oyant, connaissant et parfaitement parlant, a fait son testament et dernière volonté comme s'en suit. »

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15 mai 1562. Testament de François de Montesquieu, seigneur de Salles. Prière d'invocation, demande de pardon et d’accès au Paradis, appel aux saints intercesseurs. Clauses funéraires. Dons et legs à l'Église.

« Premièrement, c'est muni du signe de la croix, disant In nomine Patri et Filii et Spiritus Sancti amen, [que icelui] a recommandé son âme à Dieu le Père et au Fils et au benoît Saint Esprit, à la glorieuse Vierge Marie et à toute la cour céleste de paradis, les priant de bon cœur que, quand Notre Seigneur aura fait son commandement, de lui veuille recevoir son âme et conduire à la gloire du paradis. »

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Ci-dessus : intérieur de l'église Saint Mathieu à Salles-sur-l'Hers circa 1900. Mentionnée au début du XIIIe siècle, l'église fait l'objet d'une reconstruction entre 1500 et 155O. L'édifice se compose d'une nef avec chapelles latérales, et d'un chevet pentagonal prolongé à l'est par une chapelle. Le sanctuaire, quatre travées de la nef et quatre chapelles datent du XVIe siècle ; la cinquième travée de la nef, le porche et le clocher, de la fin du XVIIe siècle.

« Ensuite veut ledit testateur, quand son âme sera séparée de corps, que son corps soit enseveli à l'église paroissiale dudit Salles et au devant le grand autel et au tombeau de ses prédécesseurs. Et si décèdera le testateur en Toulouse, veut que sondit corps soit porté audit Salles, en son château ; après, dudit château, qu'il soit porté à ladite église par quatre pauvres. Item veut ledit jour de son enterrement être sous trente torches de cire, de poids d'une livre chacune. Et veut aussi être la chapelle ardente, et ledit jour de son enterrement être célébrées cent messes, la messe haute avec diacre et sous-diacre sans qu'il y ait chantre. Et pour chacune des messes basses peut être donné un réal sans réfection du corporel. Et pour la grande messe, comme aux autres. Et veut aussi ledit jour être dites trois messes hautes, savoir l'une du Saint Esprit, l'autre de Notre Dame et l'autre des trépassés. Et veut le jour de ses honneurs et bout de l'an lui être dites autant de messes et faits les mêmes honneurs que le jour de son enterrement. »

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Ci-dessus : dans l'église Saint Mathieu de Salles, clé de voûte frappée aux armes de la maison de Montesquieu.

« Item légue à chaque bassin de ladite église et veut que soit donné, savoir au bassin de Notre Dame et Purgatoire de Notre Seigneur, à chacun d'eux un et un sol, et à chacun des autres bassins courants en l'église deux [sols] les tous. Item veut ledit testateur que dans deux ans, après que son héritier sera jouissant du bien dudit testateur, qu'il soit tenu d'acheter une chape processionnelle, chape pour célébrer messes avec diacre et sous-diacre, ... »

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15 mai 1562. Testament de François de Montesquieu, seigneur de Salles. Clauses funéraires.

« ... chape de velours violet teint sans grain, avec les offices d'or, qui serviront à ladite église de Salles, et qui seront gardés par les ouvriers de ladite église Saint Mathieu de Salles, à la charge que chaque commencement du mois, à perpétuité, les consuls et ouvriers de cette église seront tenus de faire célébrer une messe basse pour l'âme dudit testateur et de ses parents trépassés. »

N.B. À la présence des ouvriers, on observe ci-dessus qu'en 1562, les travaux de reconstruction de l'église Saint Mathieu de Salles ne sont pas terminés. Les funérailles de François de Montesquieu se feront en tout cas dans une église neuve.

« Ou s'ils ne voudraient le faire, ledit testateur a donné et donne lesdits accoutrements [chape et offices d'or] et veut que soit baillée au couvent des Carmes de Castelnaudary même charge ; et lègue ledit testateur au couvent desdits Carmes, frères mineurs, au couvent des Cordeliers de Mirepoix et aux Augustins de Mas-Sainte-Puelle, à chacun d'eux la somme de vingt-cinq livres ; et une fois payée par son héritier tant seulement à la charge auxdits quatre couvents ; et chacun d'eux sera tenu à perpétuité de dire une messe pour l'âme du testateur. Savoir lesdits Carmes [la messe] de Notre Dame ; les frères mineurs, [la messe] du Saint Esprit ; les Cordeliers, [la messe] du Corpus Christi ; lesdits Augustins de Mas-Sainte-Puelle, [la messe] du Requiem ; et c'est à tel jour que sera fait l'enterrement dudit testateur. »

« Item veut ledit testateur que dans quatre ans ledit héritier dudit testateur, qui sera possesseur du bien, soit tenu de faire bâtir une chapelle dans le cœur de l'église dudit Salles et au côté de la main gauche, où est le banc dudit seigneur testateur, [chapelle] de la grandeur de semblable édifice qui est celle des dernières [chapelles] qui ont été faites en ladite église. »

« Et si son héritier ne l'avait pas faite dans ledit temps, veut ledit testateur que les exécuteurs de son testament puissent prendre tout le revenu de son moulin à vent qu'il a à présent audit lieu de Salles et que soit employé tout le revenu d'icelui jusqu'à ce qu'elle sera faite et que cet accoutrement de velours sera acheté. »

« Item dit le testateur qu'il y a deux prêtres audit lieu de Salles qui sont obituaires dudit testateur, l'un comme Maître Bertrand Calvete dudit lieu de Beaufleur et Maître Jean Delpy, prêtre dudit lieu de Salles, ayant chacun neuf setiers de blé de pension. Veut être baillée ledit testateur semblable pension à Maître Pierre Gineste et à Maître Guillaume Bonnefoy, prêtres dudit lieu de Salles, à même charges qu'ont les autres de célébrer messes ; et leur donne même pension également aux autres, seulement jusqu'à ce qu'ils jouiront des fruits décimaux du décime de la métairie de Coupadels appartenant audit seigneur, dès lors que tous quatre jouiront comme dit desdits fruits décimaux ; à la charge de toujours continuer de faire ledit service chacun pour son respect, et outre ce, de célébrer à perpétuité chacun an à chacun jour, à tel jour [jour anniversaire du décès] que ledit... »

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15 mai 1562. Testament de François de Montesquieu, seigneur de Salles. Clauses funéraires (suite).

« ... ledit testateur sera enseveli, une grande messe avec diacre et sous-diacre en ladite église de Salles et chapelle qui y sera fondée et faite à perpétuité, tant par les susdits quatre prêtres que par leurs successeurs à l'avenir ; ou bien à la chapelle dudit château de Salles si les susdits prêtres mourront, ou l'un d'eux. »

« Veut ledit testateur que par son héritier dessous nommé et autres héritiers à l'avenir soient patients et qu'aient pouvoir et puissance de mettre advenant d'un bon pas lesdits obituaires, un autre ou autre, tel que bon leur semblera. »

« Item veut ledit testateur que, chacun an, à perpétuité, soit baillé à ladite église, veut ledit testateur, tant le jour de son enterrement et honneur que bout de l'an, que soient vêtus trente pauvres, tant enfants que filles, de drap gris aux dépens de son héritier, portant chacun d'eux lesdites trente torches, chacun une. »

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15 mai 1562. Testament de François de Montesquieu, seigneur de Salles. Dons et legs à la famille.

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Source : Bernard Chérin (1718-1785) et Abbé Jean Thècle de Vergès. Généalogie de la maison de Montesquiou-Fezensac, suivie de ses preuves, passim.

« Plus donne et lègue ledit testateur à Noble François de Gairaud, son neveu, fils à feue Marguerite de Montesquieu, sa sœur, la somme de mille cent sols, payable en dix ans, savoir en chacun an à chaque fête de Saint Michel de septembre, jusqu'à fin de paie, cent et un sols. Et avec ce, le fait son héritier particulier. Et que ne puisse rien plus demander sur ses biens. »

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Ci-dessus : vue de l'église et du château de Fendeille. François de Montesquieu est petit-fils de Jacquette de Fontaines et arrière-petit-fils de Guillaume de Fontaines, baron de Fendeille.

« En outre je donne et lègue audit François susdit, neveu, tout droit que lui peut appartenir sur le bien et maison de Fendeille, sans que sondit héritier, ni autres ses neveux, ni mère de la maison de Pontaud, ne lui puissent rien demander. Et si sondit héritier refuse à lui payer ladite somme de mille cent sols, ce qui troublerait audit droit de Fendeille, veut ledit testateur en ce cas que ledit de Garaud jouisse de tous droits seigneuriaux en toute justice haute, moyenne et basse de la paroisse de Saint-André, d'outre ensemble de la métairie noble de Gastoun et de toutes ses terres, prés vignes, garennes et taillis et profits d'icelle. »

« Item lègue à Noble Michel de Pontaud, Bertrand, Sébastien, Germaine, Andoulie, Jeanne, et Antoinette de Pontaud, ses neveux et nièces, à chacun d'eux la somme de dix livres tournois, payable d'une fois tant seulement par sondit héritier dessous nommé, dans quatre ans, après que sondit héritier sera jouissant de sondit bien. Et en ce, les a faits ses héritiers particuliers et tels qu'ils ne puissent rien plus demander sur ses biens. »

« Item veut ledit testateur que Demoiselle Anne de Séderat [de Sadirac], sa femme, fût Dame maîtresse et seigneuresse, et ait la moitié de tout, et chacun des fruits, profits, revenus et émoluments de la place de Salles, et tout le château pour son habitation tant qu'elle vivra viduellement et honnêtement. Et si voudra venir à co-marier, veut en ce cas qu'elle recouvre son douaire qui est de mille livres et son augment. Et si elle ne se voudra marier, veut qu'elle puisse tester, outre son dot, de la somme de cinq cents écus sols, comme bon lui semblera, du bien dudit testateur, tant pour son âme que autrement. Et, au cas où elle voudrait se marier comme cedit, veut en ce cas que sondit héritier soit tenu lui payer ladite somme de mille livres et l'augment dans trois ans après le décès dudit testateur, savoir chacune année la tierce partie jusque à fin de paie. Et pendant ledit temps veut que sadite femme jouisse desdits fruits, sauf que veut que, ainsi que ladite somme lui sera payée, elle soit diminuée desdits fruits la perception d'iceux. »

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15 mai 1562. Testament de François de Montesquieu, seigneur de Salles. Désignation de l'héritier général et universel de la seigneurie et organisation des substitutions éventuelles.

« Et, pour ce que tout fondement de tout testament est constitution d'héritier ou héritière, à cette cause ledit testateur en tout et chacun de ses autres biens, meubles et immeubles présents et à venir, veut nommer et actionner, en quelque part qu'ils soient présentement ou puissent être à l'avenir, a fait et institué son héritier général et universel, — et de sa propre bouche nommé le [illisible] ou la [illisible] que sa femme porte au cas où elle serait enceinte —, institué son héritier Noble Michel Bernard de Pontaud, fils à Demoiselle Gabrielle de Montesquieu, son neveu. »

« Et veut en ce cas que ladite de Montesquieu, mère dudit Bernard, jouisse de tous les fruits tant qu'elle vivra, et après son décès, que tant lesdits fruits et propriété reviennent audit Michel Bernard, vivant selon l'église catholique et romaine. »

N.B. En 1561, les prédicateurs catholiques soulèvent les foules contre les protestants. Les protestants s'arment, fortifient les villes qu'ls contrôlent et y interdisent le culte catholique. En novembre 1561, le synode de Sainte-Foy crée une organisation militaire protestante et désigne les chefs de guerre. La première guerre de religion commence le 1er mars 1562 par le massacre de Wassy (aujourd'hui dans la Haute-Marne).

« Et au cas où il décèderait sans enfant mâle de son mariage, veut que sondit bien vienne à Michel de Pontaud, sondit neveu, tenant vie catholique et romaine comme dit est. »

« Et au cas où il décèderait sans enfant mâle, en ce cas veut que sondit bien vienne à Bertrand de Pontaud, son neveu, vivant comme dessus, catholiquement. »

« Et au cas où il décèderait sans enfant, veut que sondit bien vienne à Sébastien de Pontaud, sondit neveu, aussi vivant catholiquement. »

« Et au cas où il décèderait sans enfant mâle, veut qu'il vienne audit François de Garaud, sondit neveu, ou à ses enfants mâles, à la charge que lesdits de Pontaud ou de Garaud substitués, ou leurs enfants, seront tenus de porter le nom et armes plénières dudit testateur de Montesquieu, sans rien pouvoir ajouter auxdites armes ni [illisible : coignon ? sceau ?]. Et au cas où les héritiers et substitués dessus nommés... »

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15 mai 1562. Testament de François de Montesquieu, seigneur de Salles. Exécuteurs testamentaires.

« Et au cas où lesdits héritiers et substitués dessus nommés ne vivraient pas selon l'église romaine et catholique, ou leurs enfants, ledit testateur veut que celui qui ne vivra pas ainsi, ou ses enfants, que sondit bien vienne à son substitué. Et au cas où sondit héritier, enfants ou substitués, ne vivront pas comme dit selon l'église romaine, veut que sondit bien vienne au plus prochain parent portant nom ci-dessus. »

« Et veut que ledit Bernard de Pontaut ni ses frères substitués ne puissent demander à la maison de Pontaud aucun droit de légitimation autrement, et non simplement leur succession, ni pareillement ses substitués. Et au cas où ils le feraient, ledit testateur les prive de la présente hérédité et substitution. »

« En ce cas, ledit testateur a nommé ses exécuteurs testamentaires Noble Corbeyran de Rigaud et Noble François de Roquefort, seigneur de Marquein, les instituant tuteurs et exécuteurs, cassant, révoquant et annulant tous autres testaments, donations et autres dispositions. Si point en aval fait par ci-devant, veut que n'aient vertu force et efficace ni valeur. Et veut que le présent demeure en son entier. »

« Et si ne vaut par droit de testament, veut qu'il vaille par droit de codicille ou donation faite en cause de mort ; et autrement en meilleure forme que de droit doit être valable, priant les témoins sous-nommés lui porter témoignage et à moi comme personne publique, lui en retenir acte et instrument. »

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Ci-dessus, de gauche à droite : vue du château de Marquein circa 1900 ; vue du château de Mézerville aujourd'hui.

« Ce que je fais en présence de Noble Corbeyran de Rigaud, seigneur de Mézerville, Sieur Jacques de Perac, marchand chaussatier, Me François de Peirone, chaussatier, Pierre Bessière, Jean Bellonat, marchand de Carcassonne, Antoine Domingou, marchand de Villerouge, avec lequel testateur se sont signés, sauf ledit de Perac... »

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15 mai 1562. Testament de François de Montesquieu, seigneur de Salles. Formules de validation juridique. Note.

« ... et [signé] de moi, Jean Castanet, notaire royal dudit Toulouse habitant, qui, requis de ce dessus, ai retenu instrument et moi soussigné Castanet notaire royal. Aussi a signé à la cède de Me Jean Castanet, notaire royal de Toulouse, de laquelle le présent expédié a été tiré et dûment collationné par moi, Jean Géraud, notaire royal apostolique de Toulouse, pourvu et réservé par Sa Majesté. Soussigné comme collationnaire des cèdes dudit Castanet, à Toulouse, le douzième mars mille six cent septante et un. Géraud signé à l'expédié d'où le présent extrait a été tiré par moi, Bernard Moubinou, notaire greffier du lieu de Gaja, audit expédié et dûment collationné à Molandier ce dix-huit octobre mille six cent quatre-vingt-seize. Moubinou, notaire greffier signé, contrôlé au registre de Belpech ce dix-huitième octobre mille six cent quatre-vingt-seize. Folio 67 Nº 1598. Doumenc Louis signé. »

« Notaire. On observe que si M. le Curé de Salles persiste à soutenir que [à propos de ] l'extrait du testament ci-dessus contenant la fondation de l'obit de Coupardels de Salles portée par ledit testament, et [à propos d'] un extrait tiré d'autre extrait ou expédié, la cède originale se trouvera à Toulouse et que le notaire qui en est le détenteur a demandé quinze louis pour une seconde expédition, dont M. l'Abbé de Justiniac fera l'avance. Si M. le Curé de Salles fait tant que de demander le rejet [renvoi] de l'extrait ci-dessus qui lui a été signifié, les frais de laquelle expédition il [le notaire] fera suppporter au curé de Salles, comme est de règle de justice. »

3. Vente de la seigneurie de Salles. Transactions et procès

François de Montesquieu, seigneur de Salles, enregistre son testament le 15 mai 1562. On ignore la date exacte de sa mort. Le registre paroissial de Salles ne commence qu'en 1693.

Institué héritier principal de la seigneurie de Salles, Michel Bernard de Pontaud de Montesquieu meurt le 24 juin 1569, sans postérité.

Institué à son tour héritier principal de la seigneurie de Salles, Michel de Pontaud, frère de Michel Bernard, n'accepte de relever cet héritage que sous bénéfice d'inventaire, au motif que François de Montesquieu, son oncle, aurait laissé courir des dettes importantes. Le 31 mai 1577, après avoir apuré avec Gabrielle de Montesquieu, sa mère, les dettes contractées par François de Montesquieu après de François de Gairaud, seigneur de Balbianes, Étienne de Gairaud, seigneur de Blazens, et autres créanciers, il vend la seigneurie de Salles à François de Roquefort, baron de Marquein. Cette vente est cause d'un différend familial qui ne trouvera son règlement qu'avec l'arrêt prononcé le 9 août 1611 par le Parlement de Toulouse et enregistré le 31 mai 1612.

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Extrait de l'arrêt du 9 août 1611. Source : Source : Bernard Chérin (1718-1785) et Abbé Jean Thècle de Vergès. Généalogie de la maison de Montesquiou-Fezensac, suivie de ses preuves.

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Source : Généalogie de la maison de Montesquiou-Fezensac, suivie de ses preuves.

Pour comprendre en quoi consistent les raisons de ce différend, il faut remonter à Arsieu ou Arsivet ou Essieu IV de Montesquieu, baron de Montesquieu et d'Angles, seigneur d'Estipouy, de Marsan et de Basian. Arsieu de Montesquieu épouse Gaillarde d'Espagne Montespan, Dame de Salles en Lauragais. Il devient par là seigneur de Salles. Le couple a cinq fils : Arsieu V, Bertrand, Roger, Barthélémy, et Jean.

Le 17 février 1426, Arsieu IV de Montesquieu lègue à ses cinq fils la seigneurie de Marsan et la seigneurie de Salles. Par la suite, moyennant compensation, Arsieu V et Bertrand cèdent à leur frère Barthélémy leurs droits sur la seigneurie de Marsan ; Jean cède à son même frère Barthélémy ses droits sur la seigneurie de Salles ; autre Jean, fils de Roger, cède à son oncle Barthélémy ses droits sur la terre de Salles. Barthélémy de Montesquieu se trouve ainsi doté de la jouissance pleine et entière de la seigneurie de Marsan et de la seigneurie de Salles.

Barthélémy de Montesquieu, seigneur de Marsan et de Salles, épouse en premières noces Marguerite de Sarrey, puis en secondes noces Anne de Galard. Il est père de quatre fils : Bertrand, fils de Marguerite de Sarray ; Manaud, Mathieu, et Jean le jeune, dit Gallardon, fils tous trois d'Anne de Galard.

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Source : Généalogie de la maison de Montesquiou-Fezensac, suivie de ses preuves.

Barthélémy de Montesquieu lègue à ses fils la seigneurie de Marsan et la seigneurie de Salles. Bertrand cède à Manaud ses droits sur la seigneurie de Salles ; Manaud cède à Bertrand ses droits sur la seigneurie de Marsan. Bertrand de Montesquieu se trouve ainsi doté de tous les droits sur la seigneurie de Marsan. Il n'en va pas de même pour Manaud de Montesquieu concernant la seigneurie de Salles, puisque Jean le jeune, dit Gallardon, ne cède pas ses droits sur la seigneurie de Salles à son frère Barthélémy, mais à son autre frère Mathieu..

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Source : Généalogie de la maison de Montesquiou-Fezensac, suivie de ses preuves, passim.

Manaud de Montesquieu, seigneur de Salles, épouse en 1478 Jacquette de Fontaines, dont il a deux fils : autre Jean, et Paul, dit Paulon. Il lègue à cet autre Jean la seigneurie de Salles. Paul, qui épouse en premières noces Jacquette d'Estaing, Dame d'Artagnan, hérite par suite de la seigneurie d'Artagnan et fonde ainsi la branche des Montesquieu d'Artagnan.

Jean de Montesquieu, seigneur de Salles, épouse en 1505 Miramonde d'Ornezan. Il est père de trois enfants : François, Gabrielle, et Marguerite.

François de Montesquieu, seigneur de Salles, épouse en 1557 Anne de Sadirac. Le couple demeure sans postérité. En 1562, François de Montesquieu lègue l'usufruit de la terre de Salles à Gabrielle de Montesquieu, sa sœur, et la propriété de la seigneurie à Michel Bernard de Pontaud, fils aîné de sa sœur.

Michel Bernard de Pontaud et de Montesquieu meurt le 24 juin 1569. Il se trouve alors substitué par Michel de Pontaud, son frère puîné. Le 31 mai 1577, Michel de Pontaud et de Montesquieu vend la seigneurie de Salles à François de Roquefort, seigneur de Marquein. En 1593, il épouse Catherine de Sarras, dont il hérite par mariage les seigneuries de Banne et de Cabanes.

Après la mort de Paul de Montesquieu en 1555, frère de Manaud de Montesquieu, Jean de Montesquieu, fils de Paul, requiert en vain auprès auprès de François de Montesquieu, son neveu, le paiement de la légitime de Paul, son père. Après la mort de François de Montesquieu en 1762, Jean de Montesquieu poursuit la même requête auprès de Bernard Michel de Pontaud et de Montesquieu, puis auprès de Michel de Pontaud et de Montesquieu.

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8 janvier 1577. Accord passé entre Jean de Montesquieu et Michel de Pontaud et de Montesquieu. Généalogie de la maison de Montesquiou-Fezensac, suivie de ses preuves.

Le 8 janvier 1577, en vertu d'un accord passé au terme du procès ouvert pour raison de la place et baronnie de Salles, Jean de Montesquieu, seigneur d'Artagnan ; fils de Paul de Montesquieu ; petit-fils de Manaud de Montesquieu et de Jacquette de Fontaines ; arrière-petit-fils de Barthélémy de Montesquieu, seigneur et baron de ladite baronnie de Salles ; cède à Michel de Pontaud et de Montesquieu ses droits sur ladite baronnie, moyennant la somme de 4000 livres. Après la mort de Jean de Montesquieu en 1608, Claude de Bazillac, sa veuve, fait appel au nom de ses fils de l'accord passé le 8 janvier 1577.

Après la mort de Mathieu de Montesquieu, son père, Arnoul de Montesquieu ; petit-fils de de Manaud de Montesquieu et de Jacquette de Fontaines ; arrière-petit-fils de Barthélémy de Montesquieu, seigneur et baron de la baronnie de Salles ; tente de faire valoir ses droits sur la seigneurie de Salles.

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27 août 1567. Arrêt satsfaisant à la requête d'Arnoul de Montesquieu. Source : Généalogie de la maison de Montesquiou-Fezensac.

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27 août 1567. Arrêt satsfaisant à la requête d'Arnoul de Montesquieu. Source : Généalogie de la maison de Montesquiou-Fezensac.

Le 27 avril 1567, en réponse à la plainte déposée pour raison de droits sur la place et baronnie de Salles, un arrêt du Parlement de Toulouse adjuge à Gabrielle de Montesquieu l'usufruit de la moitié de la terre de Salles, et à Arnoul de Montesquieu l'usufruit de l'autre moitié de ladite terre. Il reconnaît par ailleurs à Michel Bernard de Pontaud la propriété de la seigneurie.

Le 14 avril 1577, Simon Roger de Montesquieu, fils d'Arnoul de Montesquieu, cède à Michel de Pontaud et de Montesquieu, moyennant la somme de 10.00 livres « payables, trois mille livres par tout le mois de mai prochain venant, et les sept mille livres restantes pour fin de paie dans six mois lors et après en suivant », ses droits sur la seigneurie de Salles. C'est François de Roquefort, acquéreur de la terre et de la baronnie de Salles, qui paie ces 10.000 livres. Simon Roger de Montesquieu constitue immédiatement les susdites 10.000 livres en dot de Geoffrine d'Ax, son épouse.

Arnoul de Montesquieu, qui désapprouve la transaction effectuée par Simon Roger, son fils, relance alors la procédure pour son propre compte. Le 27 août 1577, un arrêt du Parlement de Toulouse maintient Arnoul de Montesquieu, fils de Mathieu de Montesquieu, dans la possession de la moitié de la baronnie de Salles ; Michel de Pontaud et de Montesquieu, fils de Gabrielle de Montesquieu, dans la possession de l'autre moitié ; et Gabrielle de Montesquieu dans l'usufruit de cette moitié. François de Roquefort, à qui Michel de Pontaud et de Montesquieu a vendu la seigneurie de Salles, ne se trouve plus là possesseur que de la moitié de ladite seigneurie.

Simon Roger de Montesquieu meurt en 1605, ayant à cette date aliéné toutes ses places et seigneuries (le Vernet, Saint-Léon, Caussidières et la Roque). Françoise de Montesquieu, vicomtesse de Sadirac, fille de Simon Roger de Montesquieu et de Geoffrine d'Ax, prétend alors à la moitié de la seigneurie de Salles, en vertu des droits d'Arnoul de Montesquieu, son grand-père, et de Mathieu de Montesquieu, son arrière-grand-père. Elle relance à cet effet une nouvelle procédure, dirigée à la fois contre Georges de Pontaud, fils et héritier de Michel de Pontaud et de Montesquieu, mort à cette date, et contre Jean Sébastien de Roquefort, héritier de François de Roquefort, son père, mort en 1596. Cette nouvelle procédure dure sept ans. Elle se termine le 31 mai 1612, au bénéfice de Jean Sébastien de Roquefort, qui obtient enfin la reconnaissance de ses droits pleins et entiers sur la terre et la seigneurie de Salles. Georges de Pontaud se trouve relevé, sans dépens, de la garantie anciennement requise par François de Roquefort. Françoise de Montesquieu, vicomtesse de Sadirac, se voit déboutée de toutes ses prétentions. Pour ceux qui auraient la curiosité d'en savoir plus, la substance de ce plaid, qui demeure fort complexe, se trouve recueillie dans la Généalogie de la maison de Montesquiou-Fezensac, suivie de ses preuves, aux pages 117-127.

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Extrait de l'arrêt du 9 août 1611. Source : Bernard Chérin (1718-1785) et Abbé Jean Thècle de Vergès. Généalogie de la maison de Montesquiou-Fezensac, suivie de ses preuves.

La seigneurie de Salles en Lauragais reste ensuite dans la famille de Roquefort jusqu'à la Révolution. Charles de Roquefort, dernier seigneur de Salles, meurt dans son château de Marquein le 25 nivôse an VI (14 janvier 1798).

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25 nivôse an VI (14 janvier 1798). Décès de Charles de Roquefort. AD11. Marquein. Actes de naissance, mariage, décès. 1792-1801. Document 100NUM/5E218/3. Vue 101.

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1. Pierre Servet et Marie-Hélène Servet. Testaments pour rire. Testaments facétieux et polémiques dans la littérature d’Ancien Régime. Tome 1. Introduction, pp. 19-20. Droz, coll. « Textes littéraires français ». Genève. 2013.

2. Bal, ou bail : procès.

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