Au château de Bouisse, dans l'Aude
Rédigé par Belcikowski Christine Aucun commentaireMirepoix → Limoux → Saint-Polycarpe → Belcastel-et-Busc → Villardebelle → Bouisse ! Au bout de la route qui va toute en virages en épingle à cheveux ! au bout de la rue qui grimpe au flanc de la motte castrale, un pan du château de Bouisse apparaît. Acheté en 1951 par René Nelli, le grand cathariste, voici comment il se présentait circa 1900...
Ci-dessus : façade nord du château de Bouisse circa 1900. Celui-ci se trouve habité alors par diverses familles de paysans bouissois.
Et voici comment René Nelli a vu et photographié le château de Bouisse dans les années 1950...
Ci-dessus : photo René Nelli, empruntée à l'article Le village et le château de Bouisse dans les Hautes-Corbières. Hommage à René Nelli, seconde partie, de l'excellent site À la découverte de l'Aude et escapades en Ariège.
Ci-dessus : Ibidem.
Et voici comment nous avons vu le château de Bouisse hier soir...
Ci-dessus : aperçu de la façade nord du château de Bouisse en 2019.
Ci-dessus : devant la façade sud du château, un labyrinthe de buis.
Ci-dessus : cour d'honneur et façade sud du château.
Ci-dessus : vestige de cadran solaire, ruiné par le percement d'une fenêtre avant l'arrivée de René Nelli. Ce cadran solaire portait jadis la devise de Gilbert de Saint-Jean de Moussolens, dont la famille, après celle de Voisins, a possédé la seigneurie de Bouisse et a vécu au château de Bouisse de 1650 à 1792.
Le château de Bouisse abrite deux cheminées monumentales, ornées de décors peints, qui datent d'environ 1660. Philippe Ramon, propriétaire actuel du château, organisait hier une soirée au profit de la restauration de ces cheminées. Ci-dessus : détail de la voûte de la salle du rez-de-chaussée du donjon du XIIIe siècle. À la suite d'une conférence dans laquelle M. Ramon, en remplacement de M. Thierry Verdier, de l'université de Montpellier, qui, malade, n'a pas pu venir, a évoqué tour à tour l'histoire du château, celle de la famille Saint-Jean de Moussoulens et celle desdites cheminées, nous avons partagé dans la cour d'honneur et dans la salle du rez-de-chaussée du donjon du XIIIe siècle (tour Nord-Est) un excellent dîner-tapas fait maison, puis ri aux historiettes drôlatiques contées par Olivier de Robert. Le 26 juin 1633, Gérard de Saint-Jean de Moussoulens, fils de François de Saint-Jean, seigneur de Lagarde (Aude), et de Catherine de Voisins, épouse Catherine Dupont de Gaut, ou de Gout, sœur ou fille de noble Antoine Dupont († 1628), seigneur de Gaut, premier consul de Montpellier. « Sa sœur ou sa fille [d'Antoine de Gaut] fut cette spirituelle et vertueuse Catherine Gaut que le duc de Saint-Simon présenta au roi et à la reine en septembre 1632, alors qu'elle allait épouser M. de Moussoulens, gentilhomme de Toulouse, capitaine au régiment de Normandie. Non seulement leurs majestés la dotèrent de six mille écus, mais encore lui accordèrent la grâce de son frère, page de Montmorency, dont il avait suivi le parti. » (1) Capitaine au régiment de Normandie, remarqué pour sa bravoure en 1637 à la bataille de Leucate, Gérard de Saint-Jean de Moussoulens achète en 1650 le château de Bouisse, et il est nommé en 1652 gouverneur de Termes. Catherine Dupont de Gaut meurt vers 1645, après avoir mis au monde deux enfants :
Après une période de travaux dédiés au bâti de son château, Gérard de Saint-Paul de Moussoulens fait édifier en 1659-1660, dans une pièce d'apparat située au rez-de-chaussée, et dans une autre pièce d'apparat située au premier étage, les deux cheminées monumentales mentionnées ci dessus. Ces cheminées sont en pierre stuquée et peinte. Les baux à besogne jusqu'ici n'ont pas été retrouvés.
Ci-dessus : vue d'ensemble de la cheminée du rez-de-chaussée.
Ci-dessus : vu de face, panneau situé à gauche sur le manteau de la cheminée.
Ci-dessus : vu de face, panneau situé à droite sur le manteau de la cheminée.
Ci-dessus : panneau situé au centre du manteau de la même cheminée. Celui-ci est vide. Ce panneau abritait peut-être un blason ou un portrait.
Il se peut que Gérard de Saint-Jean de Moussoulens ait dédié les fleurs de la cheminée du rez-de-chaussée de son château au souvenir de son épouse disparue. Mais il se peut aussi que les fleurs, si nombreuses, contenues dans un vase au col si étroit, symbolisent les vertus seigneuriales dont se réclame Messire de Bouisse.
Nous n'avons pas vu la cheminée du première étage. Jadis cachée par un faux plafond, elle est si haute qu'il faut une échelle en approcher les détails. Elle se trouve dédiée aux vertus guerrières dont se faisait fort Gérard de Saint-Jean de Moussoulens. J'emprunte les images ci-dessous au site À la découverte de l'Aude et escapades en Ariège, dont l'auteur a rencontré plus tôt le propriétaire du château de Bouisse.
C)-dessus : figuration de Mars sur la cheminée du premier étage du château de Bouisse. Source : Le village et le château de Bouisse dans les Hautes-Corbières. Hommage à René Nelli.
Ci-dessus : figuration de Bellone, épouse ou sœeur de Mars, sur la cheminée du château de Bouisse au premier étage. Source : Le village et le château de Bouisse dans les Hautes-Corbières. Hommage à René Nelli. Militaire dans ses formes, le château de Bouisse témoigne de l'idéal moral qui a été celui de Gérard de Saint-Jean de Moussoulens, grand capitaine engagé dans la lutte pour les valeurs d'un royaume droitement catholique.
On attend beaucoup de la restauration de ces belles peintures, témoins de cet idéal de vie qu'a vécu noblement le reste de son âge, dans un décor campagnard, un gentilhomme du XVIIe siècle.
N.B. La Société scientifique de l'Aude a publié en 2011 un article de Colin Debuiche et de Sarah Munoz intitulé « Ambition et illusion fastueuses : Deux cheminées du XVIIème siècle au Château de Bouisse ». Tome CXL.
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1. Cf. Mémoires de la Société archéologique de Montpellier, p. 62. SER2, T1. 1899.