Christine Belcikowski

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Simon de Montfort et Guy de Lévis

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Ci-dessus, de gauche à droite : 1. Statue funéraire de Guy Ier de Lévis érigée en l'abbaye Notre Dame de la Roche, située près de Lévis-Saint-Nom, fief initial de la maison de Lévis dans les Yvelines ; 2. Buste de Simon IV de Monfort, signé Jean-Jacques Feuchère (1807-1852), conservé au château de Versailles.

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1. Simon de Monfort

Né entre 1164 et 1175, mort le 25 juin 1218 à Toulouse, Simon IV de Monfort est fils de Simon III de Montfort, seigneur baron de Monfort [aujourd'hui Monfort-l'Amaury], gruyer (1) royal de la forêt d'Yvelines, et d'Amicie de Leicester († 1215), fille elle-même de Robert de Beaumont et de Pétronille de Leicester.

Devenu après la mort de son père seigneur baron de Monfort à son tour, puis comte de Leicester en 1204, Simon IV de Monfort, en vertu de son ascendance anglo-normande, évite de se mêler au conflit qui oppose le roi de France au roi d'Angleterre et, par suite, de s'engager en 1190 dans la troisième croisade. Il épouse circa 1191 Alix de Montmorency († 1221).

En 1194, alors qu'après un traité de paix, la guerre reprend entre la France et l'Angleterre, Simon IV de Montfort embrasse le parti de Philippe II Auguste, roi de France, contre celui de Richard Cœur de Lion, roi d'Angleterre. En 1202, il s'engage dans la quatrième croisade, mais refusant de participer en Croatie à l'attaque de la ville catholique de Zara, il retourne en France avec ses troupes. Circa 1205, victime des représailles entraînées par la guerre entre le roi de France et le roi d'Angleterre, il perd son comté de Leicester.

2. Guy Ier de Lévis

Né avant 1190, peut-être en 1160, mort en 1233, Guy Ier de Lévis est le second fils de Philippe de Lévis et d'Élisabeth de Palaiseau.

2.1. Philippe de Lévis, père de Guy Ier de Lévis

Membre de l'entourage de Philippe II Auguste, Philippe de Lévis, seigneur de Lévis-Saint-Nom, exerce au nom du roi d'importantes fonctions judiciaires et civiles. De la fin de l'été 1190 à la fin de l'année 1191, dans le cadre de la troisième croisade, il accompagne le roi jusqu'à Saint-Jean-d'Acre. Son nom se trouve mentionné ensuite dans divers actes politiques, dont le traité de paix signé en 1200 par le roi de France et celui d'Angleterre. À sa mort (circa 1204), c'est Milon de Lévis, son fils aîné, qui lui succède à la tête de la seigneurie de Lévis.

2.2. Guy Ier de Lévis

« Gui ne fut jamais seigneur de Lévis ; il ne posséda que sa part héréditaire dans cette terre patrimoniale, dont lui, ses descendants et tout le reste de sa famille portèrent toujours le nom ; mais dont la seigneurie dominante était échue à Milon, son frère aîné, lequel devait la transmettre à Marguerite, sa fille unique, et à Jean de Nanteuil, son gendre, comme le prouvent plusieurs chartes du Cartulaire de l'abbaye de la Roche.

Gui possédait à divers titres quelques autres biens dans la paroisse de Lévis ; il était, comme son père et ses frères, vassal de la riche et puissante abbaye de Saint-Denis, à cause de sa portion dans ce grand triage de forêt qui conserve encore le nom de bois des Maréchaux, et tenait des terres en censive du même monastère.

Il possédait en outre des vignes à Marly et des dîmes importantes aux Loges, d'autres dîmes à Doinvilliers et à la Villeneuve, près de Chevreuse, qu'il tenait en fief de Matthieu de Marly ; enfin il était suzerain de Ferry de Macy, mais sa seigneurie ne nous paraît pas avoir dû jamais s'étendre jusqu'à Villeneuve-le-Roi, comme l'a pensé l'un de nos érudits les plus distingués. » (2)

En 1196, Gui Ier de Lévis devient le fondateur de l'abbaye Notre Dame de la Roche. « Il avait acheté de la famille Fer-d'Asnois une charrue de terre et les deux tiers d'une dîme que, dès l'an 1196, il donna, avec une certaine portion de bois, à Gui, curé de Maincourt, pour y fonder un établissement religieux qui devint l'abbaye de Notre-Dame de la Roche » (3). Circa 1201, il épouse Guiburge, dont on dit, de façon controversée, qu'il s'agit là d'une fille de Simon III de Monfort et d'Amicie de Leicester, donc d'une sœur de Simon IV de Monfort.

« Gui de Lévis Ier eut pour femme Guiburge, dont on ignore le nom de famille et qui n'est guère connue que par quelques chartes du Cartulaire de Notre-Dame de la Roche, dans lesquelles elle est mentionnée en 1201, 1209 et 1226, comme ayant consenti à plusieurs donations faites par son mari aux religieux de ce monastère. Une autre charte du même recueil, du mois de mai 1234, la désignant par le simple titre de maréchale de Lévis et d'Albigeois, nous apprend qu'elle était dame d'un fief situé à Voisins le Thuit et dont mouvait une dîme inféodée, dépendant de l'héritage de Philippe de Limours. Elle survécut à son mari, car au mois de novembre 1234, Gui II, son fils, confirma une transaction qu'elle venait de faire avec l'abbaye de Saint-Denis au sujet de cinquante-deux arpents de terre, prés, bois et haies, situés dans la paroisse de Lévis, tant à Girouard qu'aux Bordes et autres lieux. Gui de Lévis, son mari, maréchal d'Albigeois, tenait de cette abbaye ces biens pour lesquels il lui payait annuellement treize sous parisis de chef cens, et devait une corvée de charrue à trois jours différents de l'année.

Tels sont les seuls renseignements que l'on connaisse sur cette dame ; le P. Anselme, d'après du Bouchet qui ne cite aucune preuve à l'appui, et les auteurs de l'Art de vérifier les dates, sans doute d'après ces deux généalogistes, lui donnent cependant une très illustre origine et la font naître de Simon III de Montfort, comte d'Évreux, et d'Amicie de Beaumont, comtesse de Leicester. Elle eût donc été la sœur de Simon de Montfort, le chef de la croisade contre les Albigeois, qui serait ainsi devenu le beau-frère de Gui de Lévis, maréchal de son armée.

D'après l'autorité des trois ouvrages célèbres que nous venons de citer, nous avions nous-même adopté cette opinion ; mais nous avons été bientôt obligé de l'abandonner, parce qu'elle nous semblait erronée, et parce que nous avons cru que les généalogistes anciens avaient avancé de deux générations l'alliance de la famille de Lévis avec celle de Montfort. Simon III de Montfort et Amicie de Beaumont eurent peut-être une fille nommée Guiburge ; mais cette dame ne nous paraît avoir d'autre identité que celle de son nom avec la femme de Gui de Lévis. D. Vaissette, l'historien du Languedoc, dit que l'on ignore le nom de famille de Guiburge, et nous sommes porté à nous ranger de son avis.

Dans les chartes assez nombreuses émanées de lui-même ou de Simon de Montfort et dans lesquelles il est mentionné, Gui de Lévis ne prend et ne reçoit jamais la qualité de beau-frère de ce dernier, comme cela aurait pu arriver au moins quelquefois. Bien plus, dans une charte de notre Cartulaire, par laquelle il donne quatre mille livres parisis pour bâtir l'abbaye de Notre Dame de la Roche,il veut que cette somme soit déposée entre les mains d'Alexandre des Bordes, son cousin de l'abbé des Vaux de Cernay et d'Amaury de Montfort, qu'il appelle tout simplement ses amis : or, si Guiburge de Montfort eût été sa femme, il eût été lui-même l'oncle d'Amaury, et n'aurait certainement pas manqué, dans cette circonstance, de le nommer son neveu. Enfin nous ne voyons à Gui de Lévis aucune possession dans le comté de Montfort qui puisse lui provenir de la dot de sa femme, et faire présumer de l'illustre origine attribuée à cette dame ; mais de ce que Guiburge possédait, de son propre chef, un fief situé à Voisins-le-Thuit, nous croyons pouvoir présumer qu'elle était issue de quelque noble famille de cette localité ou des environs. » (4)

S'il n'est le beau-frère de Simon IV de Monfort, Guy Ier de Lévis est en tout cas son voisin immédiat, puisque leurs deux fiefs, en Île-de-France, se trouvent contigus.

3. Quand Guy Ier de Lévis devient lieutenant de Simon IV de Montfort

En 1209, convaincu par son autre ami et voisin en Île de France, Guy, abbé des Vaux-de-Cernay, qui se trouve appelé par le pape Innocent III à prêcher la nécessité d'une croisade contre les Albigeois en Languedoc, Simon IV de Montfort bat le rappel des seigneurs de sa contrée.

Comme Bouchard de Marly, Robert de Mauvoisin, et autres, Guy Ier de Lévis vend une partie de ses biens pour financer sa levée de troupes, et il s'enrôle dans les armées de Simon IV de Monfort, dont il deviendra par la suite l'un des maréchaux les plus fidèles. Les croisés se rassemblent à Lyon où Raymond VI, comte de Toulouse les rejoint, par souci de préserver ses états. Ils marchent alors vers le Sud, et ils prennent bientôt les villes de Béziers et de Carcassonne. On connaît la suite...

En décembre 1215, Simon IV de Monfort, anciennement déchu de son titre de comte de Leicester, est fait comte de Toulouse par le pape Innocent III.

Le 12 avril 1229, après bien des péripéties, Guy Ier de Lévis tient désormais des mains du roi Louis IX la « terre du Maréchal [de Lévis] », qui s'étend dans le nouveau diocèse de ce nom et dans celui de Pamiers, vers le Midi, et se trouve séparée de l'Espagne par les Pyrénées. »

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1. Gruyer : officier public, avec une juridiction, chargé à partir du XIIIe siècle de s'occuper des forêts domaniales pour le compte d'un seigneur haut justicier. Il met en réserve les domaines boisés ou hagis, contrôle les usages coutumiers et juge en première instance les délits commis dans les forêts et les rivières de sa circonscription ou gruerie, à commencer par les déprédations ou les mésusages paysans.

2. Cartulaire de l'abbaye de Notre Dame de la Roche, p. 335-336. Édition établie par Auguste Moutié. Henri Plon Imprimeur. Paris. 1862. « L'érudit les plus distingué » est Léopold Delisle, in Notice sur les baillis du Cotentin. Article « Milon ».

3. Ibidem, p. 333.

4. Ibid., pp. 355-357.

Classé dans : Histoire Mots clés : aucun

1 commentaire

#1  - Jean-Marc FEIXAS a dit :

Bonjour madame,
Je n'ai pas eu l'occasion de me présenter à vous et je me permets de prendre ma plume pour débattre sur votre blog magnifiquement construit. J'ai beaucoup apprécié la documentation solide et probante sur Simon de Montfort et Guy de Lévis que vous avez produite et qui représente une somme de travail colossale. Je souhaitais cependant revenir sur votre changement d'opinion sur les origines nobiliaires de Guiburge de Montfort. Je me propose d'élargir le débat dans une approche moins silotée sur les chartes mais plus systémique dans ce que les anglo-saxons appellent "the big picture". De mon point de vue, Guiburge de Levis est une Montfort.
Guiburge de Levis est la mère de Gui II de Lévis.
Seigneur de Lévis, Mirepoix et Montségur (1222), Florensac et Villeneuve, Maréchal de la Foi (1234), Maréchal d’Albigeois (1233/34), croisé avec Bouchard de Montmorency-Marly (cité dans la charte de son père de 05/1226 ; sceau : à trois chevrons, contre-sceau : lion à la queue fourchée (Montfort).
Le contre-sceau renvoie à la sémiologie graphique qui est « l’étude des signes graphiques, de leurs propriétés et de leurs rapports, avec les éléments d'information qu'ils expriment » (Jacques Bertin).
Le contre-sceau de Gui II est le lion rampant de la maison Montfort.
On retrouve aussi le sceau des Montfort sans la brisure des cadets sur les Provisions d’Oxford en 1258 alors que Simon VI de Montfort n’est pas l’aîné mais se considère comme tel. Il envoie un signe à sa famille et à la postérité, celui du petit dernier qui fait plus fort que son aîné dans la rivalité mimétique. (référence à René Girard, professeur à Standford). De son point de vue, il se considère comme le digne héritier de son père et par la même plus légitime que son frère aîné à incarner le prestige de la famille Montfort qui a défié Henri III et qui est resté dans l’histoire du "UK" comme le père du parlement anglais.
Par application de la sémiologie graphique, la présence du lion rampant sur le contre-sceau signifie que le fils de Guiburge de Levis se considère de la famille Montfort et il ne peut l’être que par sa mère.
Personne ne se permettrait d’utiliser des armoiries qui ne lui appartiennent pas en légitimité de descendance. Ce serait une usurpation d’identité familiale. Cela signifie aussi que l’affection du fils pour sa mère est forte et que Gui II assume pleinement la fierté d’être des deux maisons Levis par son père avec le sceau correspondant et Montfort par sa mère sur le contre-sceau.
L’utilisation d’armoiries qui ne vous appartiennent pas sur un sceau ou un contre-sceau aurait valu un procès à son auteur à cette époque comme l’usurpation d’identité aujourd’hui.
« Aux raisons pratiques, juridiques, rendant compte de l'origine du contre-sceau, Robert Viel trouve au contre-sceau un élément intime, explicatif des symboles du sceau qui sans lui resteraient incompréhensibles. » Ce principe me permet de démontrer que les maisons Levis et Montfort sont liés par un mariage pour sceller le destin de deux familles voisines des Yvelines et une alliance de loyauté qui se concrétise dans une croisade de frères d’armes comme soldats ou chevaliers de Dieu (miles Christi). Cette croisade dans le Sud de la France que nous a si bien expliqué Michel Roquebert déjà dans ses conférences de 1978 dont je me souviens encore et de tous ses livres depuis. Levis n’est rien sans Montfort. Le contre-sceau est la pièce du puzzle manquante qui donne du sens. La réponse n’est pas dans les chartes. Peut-être que des preuves écrites jusqu’alors oubliées et qui ont échappées aux feux de la Révolution apparaitront un jour. Pour reprendre les propos d’un passionné de généalogie, « c’est la lignée des aînés mâles qui est généralement la mieux documentée, puisque ça a longtemps été celle qui hérite, mais on trouve aussi beaucoup de documents signés par des femmes… pour renoncer à leur héritage au profit de leur frère. » Cela peut expliquer peut-être le peu de traces historiques laissées par Guiburge y compris en termes de dot. La dernière-née n’est pas forcément la mieux lotie. Son positionnement héréditaire en dernière ligne comme sur un départ de Grand prix de Formule 1 ne la rend pas moins légitime à faire la course comme une Montfort.
Autant de raisons de chercher ailleurs que dans l'écrit qui n'est qu'une projection de notre monde dans le vortex qui nous conduit au XIIIème siècle, une preuve de sémiologie graphique est un élément de plus. Je suis convaincu que Guiburge appartient à la maison Montfort par le choix du contre-sceau de son fils.
Avec toute mon attention et mon dévouement,
Jean-Marc FEIXAS
Consultant en Ressources Humaines
HEC EM02
Sources :
Bertin Jacques, Sémiologie graphique, Paris, Mouton/Gauthier-Villars, 1967
Bedos-Rezak Brigitte. L'emploi du contre-sceau au Moyen Age : l'exemple de la sigillographie urbaine. Bibliothèque de l'école des chartes. 1980, tome 138, livraison 2. pp. 161-178

Michel Roquebert. Simon de Montfort bourreau et martyr. Editions Perrin 2005

Etienne Pattou Maison de Levis. Dernière mise à jour : 12/12/2020 sur http://racineshistoire.free.fr/LGN

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