Les enfances ariégeoises de Frédéric Soulié

Dans les derniers jours de l’année 1800, à Mirepoix, le retour de Jeanne Marie Baillé avec ses deux enfants, Antoinette, un an, et Melchior Frédéric, quelques jours à peine, coïncide avec un deuil terrible. Marie Anne Adélaïde de Olin, épouse de Vincent Maurice Baillé, l’un des frères de Jeanne Marie Baillé, meurt le 15 janvier 1801, laissant derrière elle trois enfants : Etiennette Charry, dix ans, Antoinette Thérèse Dorothée Baillé, deux ans, et Norbert Hector Géraud Baillé, tout juste un an.

La maison, en janvier 1801, abrite douze personnes : quatre enfants en bas âge, Antoinette Thérèse Dorothée Baillé (deux ans) Norbert Hector Géraud Baillé (un an), Antoinette Françoise Fanny Soulié (un an), Melchior Frédéric Soulié (nouveau-né) ; une fillette, Etiennette Charry, qui sera reprise par la famille Charry au cours de l’année ; et sept adultes : les trois sœurs Baillé, Anne Thérèse Adélaïde Baillé, cinquante-deux ans, Agnès Pétronille Germaine Baillé, quarante-et-un ans, et Jeanne Marie Baillé, quarante ans ; Vincent Maurice Baillé, trente-quatre ans, un homme endeuillé ; Cécile Soulange Baillé, nièce, dix-sept ans, fille de Jean Antoine Barthélémy Baillé ; deux servantes, Elisabeth Alié, dix-huit ans, et Catherine, vingt-huit ans. Domicilié lui aussi rue Courlanel, Jean Antoine Norbert Baillé, frère des trois sœurs, militaire, trente-six ans, n’est pas là, car il a repris du service dans les armées napoléoniennes. Il n’en reviendra pas. Il meurt le 29 novembre 1810 d’une blessure reçue en Portugal, à la bataille de Santarem.

C’est dans ce triste environnement familial, encore endeuillé en février 1802 par la mort d’Anne Thérèse Adélaïde, l’aînée des trois sœurs Baillé, que le petit Melchior Frédéric va vivre ses quatre premières années. Jeanne Marie Baillé ne semble pas avoir été en mesure alors de s’occuper elle-même de ses deux enfants. Agnès Pétronille Germaine Baillé, sœur aînée de Jeanne Marie Baillé, âgée, elle, de quarante et un ans, restée célibataire, soucieuse avant tout d’assurer le difficile équilibre des comptes d’une maison dépourvue de revenus conséquents, ne semble pas non plus s’être occupée de l’enfant, ni même s’être intéressée véritablement à lui.

Quel souvenir l’écrivain garde-t-il de ce premier séjour ? On le sait par quelques phrases, glissées dans une nouvelle de style médiéval, dont l’action se situe au château de Terride, ancienne demeure des seigneurs de Mirepoix. A noter que l’écrivain raconte dans cette nouvelle l’horrible vengeance d’un mari qui se croit trompé. Mais revenons aux souvenirs d’enfance de l’homme Frédéric Soulié :

« Mirepoix, c’est ma ville d’enfance, la ville où j’ai bégayé et couru, à moitié nu, du haut en bas de la vieille maison maternelle, battant les portes de chêne et les marches de notre grand escalier d’un mail de buis à manche de houx. »

L’art de l’écrivain fait ici que l’univers de l’enfant ressurgit tout entier, au détour d’une seule phrase. Le charme de la phrase tient à sa puissance de suggestion, visuelle et sonore, et plus encore à l’énergie du mouvement qu’elle précipite « du haut en bas de la vieille maison ». La simple évocation du « mail », c’est-à-dire du maillet, ou marteau, dont s’amuse l’enfant, suffit à inspirer, par effet d’agrandissement, au-delà de la maison la vision des cours bordés d’ormeaux qui encadrent la bastide de Mirepoix et qui servent alors de lice au jeu du mail, comme aujourd’hui on joue aux boules en Provence.

De façon émouvante, l’enfant, croqué ici « à moitié nu » dans le naturel du simple bonheur de vivre, frappe joyeusement sur les « portes de chêne » et les « marches du grand escalier » à la façon d’un tambour qui annoncerait une victoire. Alors même qu’il « bégaie » encore, qu’il n’a pas encore les mots pour dire, il frappe sur le tambour de la vie, le fait sonner comme une promesse, qu’il tiendra et qu’il annonce glorieuse. Ignorant du sort que l’avenir lui réserve, l’enfant d’avant 1804 se croit roi.

L’éclat sonore de cette confidence suffit à nous représenter par ailleurs une maison peu gouvernée, un enfant qui s’amuse bien, mais qui a besoin de se signaler en faisant du bruit, et auquel personne, semble-t-il, ne se soucie d’imposer aucune loi. Personne en effet n’intervient pour le modérer. L’impression est celle d’un enfant livré à lui-même. L’écrivain ne se souvient, dirait-on, d’aucune manifestation de la tendresse maternelle. De façon plus inquiétante encore, il évoque souvent dans ses romans la condition de l’enfant mal aimé, délaissé au profit d’une sœur qu’on lui préfère, voire maltraité, comme dans son roman Le maître d’école 1Frédéric Soulié. Le Maître d’école. Edition Jamar. Bruxelles. 1839.. Impossible d’en savoir plus. Mais François Melchior vient chercher son fils à la fin de l’année 1804 et il l’emmène avec lui, sans qu’on sache où.

Il semble toutefois que l’enfant n’ait pas quitté la région avant 1808. Le petit Melchior Frédéric n’a probablement pas été confié à la garde de sa famille paternelle. L’écrivain en tout cas n’en dit mot.

Éparses dans l’œuvre de l’écrivain, diverses notations donnent à penser qu’il a pu séjourner, de façon épisodique, chez Pierre et Pauline Soulié, ses oncle prêtre et tante, installés rue du Coin de Loubet (aujourd’hui rue Bayle) à Mirepoix, non loin du pont sur l’Hers, ou encore chez les Clauzel, rue Courlanel (aujourd’hui rue Maréchal Clauzel), dans la maison attenante à celle des Baillé.

Chez Pierre et Pauline Soulié, l’enfant retrouvait Jeanne Montaud, « ma vieille Jeannette », qui servait à la fois dans la maison du prêtre et dans la maison Baillé et qui pouvait ainsi lui transmettre des nouvelles de sa mère et de sa sœur. C’est de la maison du prêtre sans doute qu’il se rendait, non loin de là, sur le pont de l’Hers afin de contempler, de l’autre côté de l’eau, le château de Terride.

 » Lorsque vous approcherez de ma cité par la route que je viens de vous dire, vous passerez sous une porte gothique où demeure encore parfaitement intacte la large coulisse par où descendait la herse qui fermait la rue de l’Hôpital ; puis, si vous continuez tout droit, et que vous dédaigniez de vous arrêter sous le Couvert, vieille place faite de maisons de bois, avec de larges porches pour abriter la promenade de nos compatriotes, vous arrivez à la rue du Pont, qui tourne à gauche. Si vous faites comme la rue, en quelques pas vous voici sur l’un des ponts les plus élégants de France, un pont plat, aussi plat que le pont d’Iéna, et plat bien longtemps avant le gros pont de Neuilly, à qui, dès ce jour, je ravis son droit d’aînesse pour l’offrir à ma chère ville, un peu collet monté peut être, un peu douairière sans doute, mais balayée assez souvent, et dotée de fontaines et de réverbères. […]. Une fois sur le pont admirable dont je vous ai parlé, levez les yeux, et tout en face de vous vous verrez, incrustée aux flancs de la colline, une immense et formidable ruine. Le Llers 2Le Llers, graphie ancienne : aujourd’hui, l’Hers., torrent qui borde la ville, coule aux pieds de cette colline, et devait servir autrefois de défense au château auquel appartenaient ces murs prodigieux et ces constructions indélébiles. C’est le château de Terrides. »

Très concrète, très physique, nourrie par le souvenir de la chose vue, et plus encore de la chose marchée, cette description dénote l’habitude d’un parcours chargé d’affect pour l’enfant des années 1804-1808, puisqu’en cheminant vers la rue du Coin de Loubet et la rue du Pont, le petit Frédéric chemine peut-être aussi vers un foyer substitutif d’affection. On notera qu’il ne dit mot de la rue Courlanel, où se tient la maison maternelle, mais qu’il parle de « ma cité » et de « ma chère ville » sur le ton de quelqu’un qui a conservé ici ou regagné des attaches. On notera aussi que jusque dans cette situation marquée par le sentiment d’appartenance retrouvée, l’enfant, puis l’homme demeure fasciné par la formidable ruine qui s’élève de l’autre côté de l’eau et qui continue de faire peser sur lui, comme sur Mirepoix tout entier, la commination du terrible seigneur, jaloux de son épouse. Le sentiment qui attache Frédéric Soulié à Mirepoix n’est jamais simple.

Outre la précision topographique du cheminement dans Mirepoix, ce qui donne à penser que Frédéric Soulié a pu séjourner après 1804 dans cette ville, c’est dans le roman intitulé La Maison n° 3 de la rue de Provence l’évocation du lien quasi maternel que Michel Meylan, alias Frédéric Soulié, a entretenu avec celle qu’il appelle sa « marraine », sa marraine de cœur, s’entend.

On sait par les registres de baptême de Lavelanet que Pauline Soulié a été la marraine de François Melchior Soulié, son frère à elle. Elle a pu étendre son marrainage au petit Melchior Frédéric Soulié. Mais, plus encore que Pauline Soulié, ce sont Blanche Castel, épouse de Gabriel Clauzel, et Anne Clauzel, dite Agnès, l’une de leurs filles, âgée d’une vingtaine d’années alors ; et Marie Henriette Adam surtout, jeune épouse de Bertrand Clauzel, qui ont pu servir de bonnes fées, de marraines de cœur au petit Frédéric, de même que Bertrand Clauzel, aussi, lui a notoirement servi « d’oncle ».

Née en 1786 à Saint Domingue, mariée une première fois à l’âge treize ans, veuve de ce premier époux qui a été victime d’un assassinat, Marie Antoine Adam épouse Bertrand Clauzel à New York le 4 janvier 1804, à l’âge de dix-sept ans, et elle arrive à Mirepoix en septembre 1804 pour y accoucher de Pierre Gabriel Anne Henri Clauzel, son fils premier-né. Elle partage dès lors la vie de la famille Clauzel, au n° 36 de la rue Courlanel, dans la maison attenante à celle de Jeanne Marie Baillé. Plus tard, lorsque Bertrand Clauzel achète le château de Secourieu, à proximité de Cintegabelle, dans la Haute-Garonne, elle vivra alternativement à Mirepoix et au Secourieu. Elle a bien connu le petit Melchior Frédéric Soulié, avant que celui-ci ne quitte sa région natale. Mère d’un nouveau-né, sensible aux émotions de la petite enfance, on imagine qu’elle a deviné quelque chose du drame qui menaçait sous ses yeux le bambin. Très jeune encore, complice des ris et des jeux, elle a sûrement aimé voir courir Frédéric, « à moitié nu, du haut en bas du grand escalier de la maison maternelle ». Dans un passage de La Maison n° 3 de la rue de Provence, l’écrivain se souvient de « la grave marraine de vingt-quatre ans 3Frédéric Soulié, La Maison n° 3 de la rue de Provence, pp. 5-6. Frédéric Soulié vieillit un peu ici la  » marraine « . On sait qu’il quitte la région Midi-Pyrénées en 1808. Née en 1786, Marie Henriette Adam n’a donc, avant ce départ, que vingt ans ou vingt et un ans. et du petit polisson qui lui volait son rouge pour peindre des soldats sur son cerf-volant ». Le « petit polisson » devait avoir alors six ou sept ans.

François Melchior Soulié respectait fort Bertrand Clauzel, dont il avait été l’aide de camp pendant la campagne d’Espagne. Il a pu en conséquence accepter de confier son fils de temps à autre à la jeune Madame Clauzel. Mais, homme raide, jaloux d’exercer pleinement son droit de père, il a craint, semble-t-il, d’avoir à rétrocéder une trop grande part de ce dernier à des mères de substitution ou « marraines ». Le geste de l’automne 1804, qui enlève le petit Melchior Frédéric à la maison maternelle, aux « marraines » d’alors et à la mère « infirme », le montre assez. On retrouve quelque chose de l’esprit de ce geste dans les souvenirs de la comtesse de L…, tels que rapportés dans La Maison n° 3 de la rue de Provence :

 » Votre père aimait trop le plaisir pour s’occuper convenablement de vous. […]. Je vous demandai à votre père qui me fit payer par un discours plein de sentences morales le service que je lui rendais…  » 4Frédéric Soulié, La Maison n° 3 de la rue de Provence, pp. 5-6.

Très pris par sa nouvelle fonction de directeur des contributions directes, ou par le plaisir, François Melchior Soulié, par la suite, confie son fils à des servantes stipendiées. Cette  » direction mercenaire  » lui pèse moins alors, semble-t-il, que l’intervention gracieuse des  » marraines « . La comtesse de L…, dans La Maison n° 3 de la rue de Provence encore, formule à propos d’une telle  » direction  » éducative une remarque désapprobatrice, probablement inspirée, là encore, par la mémoire de quelque expérience, propre à l’enfance de Melchior Frédéric Soulié :

« D’ailleurs les hommes ne comprennent ni les besoins de l’enfance, ni ses petites douleurs, ni ses caprices turbulents. Ils ne voient dans les petits enfants qu’une matière animée, bruyante et indocile, gênante et incapable de les comprendre ; en conséquence, ils livrent volontiers leurs fils à une direction mercenaire qui altère toujours la naïveté de leurs premières impressions, quand elle ne vicie pas leur nature. Ce n’est qu’au moment où les enfants atteignent l’âge des études qui séparent les hommes des femmes, que les pères pensent à leurs fils. » 5Ibid.

Dans la même période qui va de 1804 à 1808, l’enfant fait cependant avec son père quelques courses en montagne. La lecture de Deux séjours. Province, Paris, et celle du roman intitulé Le Château des Pyrénées, montre qu’il a vu aux environs de Lavelanet et de Laroque d’Olmes le gouffre de l’Entonnadou 6Aujourd’hui recouvert, l’Entonnadou est à Laroque d’Olmes un gouffre dans lequel s’engouffre une partie de la Lectouire, pour n’en sortir qu’à 8 kilomètres de distance. Cf. Frédéric Soulié, Deux séjours. Province, Paris, p. 206., les rochers de la Pierre Trouée 7Située dans la forêt de Pujols, au-dessus de Laroque d’Orles, dite la Peyro Trancado, ou la Pierre Trouée, grotte célèbre dans le pays. Cf. Frédéric Soulié, Deux séjours. Province, Paris, pp. 211-214., et divers sites pittoresques, tels que la Chaire du Diable et La Niche au loup, au-dessus de Montségur. En 1822-1824, dans la Mayenne ou en Normandie, père et fils aimeront encore à pratiquer ensemble de longues randonnées cavalières ou pédestres.

Extrêmement précise dans Le Château des Pyrénées, la description des sites de la Chaire du Diable et de la Niche au Loup fait la part belle aux observations de type déictique, indice de la fréquentation effective des deux sites, — « au moment dont nous parlons, éclairée par le soleil couchant, dont les rayons enfilaient directement la gorge du Llers… »

 » Au moment où la nuit commence à jeter dans le fond des vallées les ombres transparentes du crépuscule, pendant que le sommet des montagnes reste encore éclairé d’une lueur rose, Jean Couteau [alias François Melchior Soulié et son fils] était assis sur un rocher appelé la Chaire du Diable.

Imaginez-vous d’abord deux hautes collines parallèles, séparées par un torrent, courant parmi des roches monstrueuses à une profondeur de plus de trois cents pieds ; les flancs opposés de ces collines couverts de buis et de houx tellement pressés qu’aucun pas humain ne semblait pouvoir s’y frayer un passage, et, de loin en loin, interrompant l’uniformité de cette masse d’un vert noirâtre, quelques pointes de roche blanche, projetées horizontalement et sortant de ce sombre manteau de feuillage, dernières marques des terribles convulsions terrestres qui ont enfanté ces montagnes, et que la végétation n’a pu encore recouvrir.

La plus hardie de ces roches, partie du sommet de l’une de ces deux collines, atteignait presque le milieu du large intervalle qui la séparait de l’autre, et c’était de son extrémité seulement que l’on dominait l’abîme, comme un matelot, assis au bout d’une vergue horizontale, voit l’océan à ses pieds ; c’était de là seulement que l’on pouvait voir le torrent qui coulait au fond du ravin, car les arbres qui croissaient jusqu’au bord du Llers, et qui se penchaient sur son cours, le cachaient à ceux qui l’eussent regardé de l’un des deux sommets opposés.

C’était sur cette roche qu’était assis Jean Couteau, et son regard pouvait s’étendre, presque en ligne droite, jusqu’à l’endroit où les deux collines s’élançaient comme deux bastions formidables des flancs d’une haute montagne, pendant que les rochers qui tapissaient le lit du torrent gravissaient comme un escalier colossal la pente de cette montagne. Arrivés à peu près aux deux tiers de la hauteur des collines jumelles, ils s’arrêtaient tout à coup en un bloc monstrueux de roches bizarres, coiffé d’un bouquet de sapins et d’où s’échappait la source qui alimentait le Llers. 8L’Hers prend sa source près du col du Chioula en Ariège, dans les Pyrénées, à une altitude d’environ 1 500 mètres, et se nomme initialement Font de l’Hers ou encore Font du Drazet. A proximité de Fougax-et-Barrineuf, après avoir reçu les eaux du Lasset, il s’enfonce dans les gorges de la Frau. C’est, semble-t-il, depuis le Pas de l’Ours, situé au-dessus de ces gorges et donnant vue à la fois du côté sur le côté et Lavelanet et sur celui de Bélesta, que Jean Couteau regarde le paysage décrit ci-dessus.

Mais cette source était insuffisante à envelopper ces énormes anfractuosités couvertes de mousses et de lichens, et se glissait seulement entre les fentes profondes qu’elles laissaient entre elles. Il en résultait qu’au moment dont nous parlons, éclairée par le soleil couchant, dont les rayons enfilaient directement la gorge du Llers, elle offrait l’aspect d’un magnifique filet aux mailles d’or et d’argent, jeté sur une bande immense de velours vert, avec ses reflets, tantôt assombris jusqu’au noir, tantôt chatoyants jusqu’au blanc…

A quelques pieds au-dessus de l’endroit d’où s’échappait la source, un rocher formait une espèce de plateforme, abritée par un autre fragment de roc qui la dominait comme la voûte d’une niche. Là se trouvait une fissure considérable, qui pouvait s’arrêter à quelques toises, comme elle pouvait pénétrer dans les profondeurs de la montagne. Personne ne le savait, car ce trou, enveloppé de tous côtés de rochers en saillie, était resté inaccessible aux plus hardis chasseurs.

On l’appelait la Niche au Loup. Ce nom lui venait de ce que une fois (il y avait de cela plus de deux siècles), on y avait vu tout à coup apparaître un loup. Par où était-il arrivé ? C’est ce que personne ne savait. Seulement on l’avait vu plusieurs jours de suite rôder sur ce roc, en poussant des hurlements lamentables, jusqu’à ce qu’enfin, poussé par la faim et la soif, il eût tenté de descendre par les roches, et se fût précipité jusqu’en bas. […].

C’était sur le versant opposé de la montagne où était bâti le château de la Roque que se trouvait cet endroit pittoresque, et Jean Couteau, assis comme nous l’avons dit sur la roche qui pendait au milieu du ravin, calculait qu’il lui fallait encore parcourir la crête de la colline, puis gravir le sommet de la montagne et redescendre de l’autre côté avant d’arriver jusqu’au château. » 9Frédéric Soulié, Le Château des Pyrénées, édition Recoules, Paris, 1844, tome 2, pp. 65 72.

En 1808, lorsqu’il quitte l’Ariège, outre le goût de la montagne et de la randonnée, le petit François Melchior Soulié emporte celui des histoires que lui racontaient son oncle Jean Antoine Barthélémy Baillé, et, plus souvent encore, les servantes aux soins desquelles il s’est trouvé confié. Vraies ou fausses, il s’agit d’histoires tirées de la chronique locale, rendues hautement intéressantes par leur caractère violent, scandaleux ou grotesque.

C’est ainsi que l’enfant apprend de bonne heure l’histoire du triste Sire de Terrides, histoire qui a pour cadre le vieux château de Mirepoix, lequel était à l’époque des enfances de Frédéric Soulié, par suite de la vente des biens nationaux, propriété de son « oncle » Bertrand Clauzel :

« A Paris, où les souvenirs s’en vont si aisément emportés qu’excepté l’aristocratie pas une famille n’a une histoire de plus de cinquante ans ; à Paris, disons-nous, on fait peur aux enfants du très banal M. de Croquemitaine. Dans notre endroit, nous avons notre épouvantail à nous, notre menaçante superstition : c’est le sire de Terrides. Et ne pensez pas que le souvenir qui a traversé des siècles ne soit plus qu’un conte de nourrice : il est encore dans la terreur populaire. Ce fut une chose remarquable, lors des vengeances de la révolution, que ce nom, tout effacé qu’il était depuis longtemps de l’histoire, ameuta le peuple contre les châteaux plus activement peut-être que celui des seigneurs qui possédaient alors le diocèse. » 10Frédéric Soulié. « Le sire de Terrides ». In Le Port de Créteil. Page 47. Michel-Lévy frères. Paris. 1865.

C’est ainsi également que l’enfant apprend l’histoire du bandit Jean Dabail, qui avait établi dans l’Ariège, entre 1797 et 1800, une « dictature d’assassinats » et qui a fini guillotiné à Foix le 22 brumaire an X (13 novembre 1801). Jean Antoine Barthélémy Baillé, son oncle, se trouvait particulièrement bien placé pour en parler, puisqu’il avait été menacé de mort par Jean Dabail pour avoir acheté en 1792 au titre de la vente des biens nationaux l’ancienne maison seigneuriale sise à Mirepoix rue de la Porte d’Amont, et parce qu’il avait, en tant qu’avocat, tenté d’assurer la défense de Jean Dabail 11Archives nationales. Dossier Guillaume Sibra. Cote : F/7/7724., déféré en l’an VI devant le tribunal de Pamiers, évadé puis repris et renvoyé alors devant le tribunal criminel de Foix. Gageons que, dans ce contexte, il a entendu parler du sac de la maison Clauzel à laquelle il n’a pas assisté, puisqu’il n’était pas encore né, mais dont sa famille a été le témoin direct. C’était dans la nuit du dix-huit au dix-neuf germinal an V (7-8 avril 1797) vers les onze heures. Jean Dabail menait le sac. Le citoyen Baillé Joseph, dit La Fortouno, brassier, jouait du hautbois cette nuit-là « pour accompagner la carnavalade. »

C’est ainsi encore que l’enfant a eu connaissance des rumeurs affriolantes qui couraient sur le compte de Rose de Champflour, épouse de Jean Clément de Rouvairollis, et sur celui de Marie Henriette Adam, épouse de Bertrand Clauzel, originaires toutes deux des « Isles », vues en conséquence comme de beaux oiseaux sans morale, possiblement luxurieux. Rose de Champflour, qui résidait de temps à autre dans la tour de la Douairière, i.e. dans l’ancienne maison forte où Louise de Roquelaure avait jadis tenu garnison, était sa voisine d’en face. Il avait tous les jours sous les yeux « Veritas odium parit », l’orgueilleuse et menaçante devise qui orne la façade de cette maison forte. Marie Henriette Adam était sa voisine d’à côté. Il l’aimait et ne pouvait que se trouver libidinalement fort troublé par les bruits et autres calomnies qui lui revenaient à propos de cette dernière du côté des cuisines.

L’enfant Soulié a connu bis repetita dans le même temps l’histoire pittoresque du curé Em… 12M. Em… était, paraît-il, curé de La Bastide de Bousignac. qui, peu avant la Révolution, eut maille à partir avec l’évêque de Mirepoix.

A noter qu’inquiet du desinit un peu leste de l’anecdote en question, Frédéric Soulié, qui la rapporte plus tard dans ses Souvenirs de l’Arriège, choisit de la caviarder ensuite dans Deux Séjours. Province, Paris. Voici le texte princeps :

« Em… était, avant la révolution, curé d’un petit village aux environs de Mirepoix . Un jour l’évêque de cette petite ville commença une tournée pastorale, et fit prévenir notre curé qu’il irait souper chez lui. La pauvreté de M. Em… était extrême ; curé à la portion congrue, il avait en outre le malheur d’être fort gourmand, et la seule pièce qui fût passablement meublée chez lui était la cuisine ; cependant il fallait recevoir l’évêque d’une manière décente. Les paroissiens aimaient leur curé qui les faisait danser lui-même aux accords de son violon ; en conséquence, il se trouva bientôt chez lui une table convenable, des chaises, du linge blanc, de la vaisselle ; enfin tout ce qui pouvait annoncer un curé bien établi. L’évêque arrive, la tenue de la maison lui paraît satisfaisante ; tout est simple, mais convenable. Au jour tombant, on se prépare à se mettre à table, mais à ce moment on s’aperçoit que quelque chose d’important manque au souper : ce ne sont ni les mets, ni le vin, ni le linge, ni les gobelets ; ce sont les chandeliers. Les bouteilles vides qui en servaient d’ordinaire sur la table de M. Em… n’étaient pas présentables sur la table de M. l’évêque. On court chez les paysans les plus voisins, mais les paysans du Languedoc ont peu de chandeliers : la lampe à trois becs, l’antique calel, est le seul flambeau qu’ils possèdent ; le curé en eût trouvé cinquante à son service, mais on ne peut mettre un calel sur une table. Alors dans cet embarras, le génie de M. Em… vient à son aide ; il envoie chercher les enfants de chœur de sa pauvre église, il les revêt de la robe rouge et de l’aube blanche, il enlève au maître autel quatre cierges à peine entamés, les met dans les mains des enfants de chœur, et place ces quatre jeunes lucifers aux quatre angles de la table. Le souper se trouvant ainsi dignement éclairé, on introduit l’évêque ; celui-ci, après s’être assis, considère ce mode d’éclairage d’un œil assez mécontent, et finit par dire à M. Em…

– Parbleu ! curé, vous avez là de drôles de chandeliers.

– Ma foi ! monseigneur, répondit M. Em…, je suis bien aise que vous les ayez trouvés gentils.

– Pourquoi ça ?

– Parce que je les ai faits moi-même.

Vis-à-vis de tout autre que l’évêque en question, la réponse du curé, sur l’origine desdits chandeliers, eût pu être dangereuse ; mais elle rappelait à l’évêque une autre aventure qui lui était arrivée avec ce même M. Em…, et qui forçait l’évêque à être indulgent pour l’industrie qui avait donné naissance aux drôles de chandeliers.

Un matin que le curé avait à parler à son évêque pour une affaire où il était gravement compromis, la porte de l’évêché lui fut refusée, attendu que M. l’évêque n’était point encore levé. Dans l’espace d’une demi-heure, le curé se présenta sept à huit fois ; mais chaque fois en faisant un tel bruit, que l’évêque l’entendit de la chambre où il était censé reposer. Il sonna un de ses gens, et demanda ce qui se passait. On lui dit que c’était un de ses curés qui voulait lui parler. L’évêque ordonna de le faire revenir plus tard. Il est bon de faire remarquer que déjà, à cette époque, notre curé était accusé de se livrer avec excès à la fabrication de chandeliers. Il était menacé de destitution, et il avait un très grand intérêt à voir l’évêque avant que le chapitre, qui devait la prononcer, ne fût assemblé. Il ne tint donc compte de l’injonction de monseigneur, et se reprit à faire à la porte de l’évêché un tapage scandaleux. L’évêque, fatigué de tout ce bruit, et surtout fort mécontent d’entendre M. Em… crier à tue-tête : qu’il était impossible qu’un homme aussi rigide que monseigneur ne fût pas levé à dix heures du matin, l’évêque quitta son lit, en ferma les rideaux, s’enveloppa d’une robe de chambre, et donna l’ordre d’introduire le curé. A peine celui-ci parut-il sur le seuil de la chambre, que l’évêque, l’apostrophant avec colère, s’écria :

– Vous voilà donc, monsieur ! Ce n’est pas assez de scandaliser tous vos paroissiens par le libertinage de votre conduite, vous venez encore à ma porte faire des scènes de portefaix ! Que me voulez-vous ? Est-ce que vous venez encore me parler de votre maîtresse ?

– Précisément, monseigneur, répondit M. Em… en s’inclinant, elle m’a chargé de vous demander des nouvelles de la vôtre.

– De la mienne ! s’écria l’évêque en devenant rouge de colère : et il s’apprêtait à foudroyer le curé de reproches sanglants, lorsqu’une voix féminine, partie du fond du lit dont les rideaux étaient fermés, répondit à cette exclamation de l’évêque :

– Est-ce qu’elle me connaît ?

L’évêque demeura abasourdi, et le curé, s’approchant du lit, répondit gracieusement :

– Oui, madame ; elle désire avoir l’honneur de vous être présentée. » 13Frédéric Soulié, « Souvenirs d’Arriège », pp. 158-160, in Revue de Paris, tome 23, Paris, 1835.

L’enfant Soulié a entendu parler aussi du célèbre greffier poète, François Tribolet 14Né et mort à Foix, François Tribolet (1768-1844) a brûlé, dit-on, ses œuvres poétiques avant de mourir. Restent tout de même ses Œuvres patoises, publiées et préfacées en 1889 par Félix Pasquier chez la Vve Pomiès., dont les mauvaises farces ont laissé un grand souvenir aux rieurs de son temps. Né à Foix dans une famille de petits commerçants, formé au collège de Sorrèze, François Tribolet devient par la suite secrétaire greffier de la commune de Foix, puis greffier au tribunal civil fuxéen. Il finit peut-être cuisinier. Il était en tout cas connu en ville pour son amour de la bonne chère et pour son appêtit ogresque.

Emule de Pierre Goudouli, qui écrivait au XVIIe siècle dans la langue tolosaine, François Tribolet écrit à la fin du XVIIIe siècle dans la langue fuxéenne, celle qui en son temps court les rues, autant dire la langue bien pendue. Il met ainsi la faconde languedocienne au service des historiettes du Palais, ou encore des charivaris qui se donnent alors au village, dans le cadre de la « cour cornuelle », à l’intention des coyouls 15Coyouls, occitan : cocus..

Dans Deux séjours. Province, Paris, l’écrivain rapporte deux des mauvaises farces de François Tribolet, avec le recul critique que confère heureusement l’âge adulte et la sensibilité propre à l’âme romantique.

 » Saint-S… était un musicien de Foix, homme d’un génie tout spécial, ayant à côté de ce génie une profonde ignorance de ce qui ne touchait pas à son art, et une crédulité que les plus niais ne possèdent pas. Avec ses qualités, Saint-S… tomba dans les mains de Tri… Entre mille plaisanteries dont il fut l’objet, deux étaient restées dans le souvenir du peuple de Foix, et après avoir tourmenté la vie du père, elles avaient pour ainsi dire proscrit la vie du fils.

C’était à l’époque de la révolution, alors que tout se faisait nationalement. Saint-S…, à qui cette révolution avait enlevé la place d’organiste qui le faisait vivre, sollicitait sans cesse, près des autorités, quelque modeste emploi. Tri…, alors employé, s’amusait à le bercer de promesses et d’espérances toujours déçues, lorsqu’un matin où Saint-S… allait renouveler ses sollicitations, Tri… le reçoit d’un air rayonnant.

– Enfin, mon cher, lui dit-il, la Convention a reconnu vos droits à une fonction élevée. Et d’abord elle vient de décréter une institution magnifiquement philanthropique ; il va être établi dans chaque commune de France, et au milieu de la place publique, un poêle destiné à chauffer les habitants pauvres de chaque commune. Ce poêle s’appellera le poêle national, et vous avez été nommé directeur de tous ceux de notre district.

C’était assez pour que Saint-S… fût persuadé de ce qu’on lui annonçait, mais Tri… poussa la précaution jusqu’à lui montrer un ordre ministériel qu’il avait fabriqué et la commission qui nommait le pauvre musicien à cet emploi.

Saint-S…, ravi de sa nouvelle grandeur, courut aussitôt en faire part à tous ceux qu’il connaissait, et, soit que la mystification fût complètement préparée, soit cet esprit moqueur qui rend un Gascon complice de toute mauvaise plaisanterie qui se présente, Saint-S… ne trouva que des gens qui le confirmèrent dans sa croyance, et qui lui expliquèrent même l’organisation du fameux poêle national.

Un jour suffit pour informer toute notre petite ville de cette mystification, et le lendemain, tout le monde, sans s’être donné le mot, crut devoir y prendre part ; ainsi de tous côtés, les maçons et les serruriers se présentèrent pour soumissionner la construction du poêle national, les architectes pour en faire le plan, les marchands de bois pour l’alimenter ; dès que Saint-S… paraissait dans une rue, chacun le saluait avec respect, en l’appelant M. le directeur du poêle national ; il recevait des lettres adressées à M. le directeur du poêle national. Toute une ville conspirait pour prouver à un fou qu’il était directeur du poêle national au moment même où cette ville palpitait éperdue sous le menaçant régime de la terreur.

Le poêle national était une épigramme contre la Convention, et la ville de Foix la poussa si loin qu’un jour fut pris pour la pose de la première pierre de ce philanthropique monument.

Ce fut un véritable jour de fête ; toutes les croisées se pavoisèrent de drapeaux, tous les marchands s’endécadisèrent, ne pouvant plus s’endimancher ; les boutiques furent fermées, et une population toute entière s’associa à la représentation d’une farce, où, sous prétexte de rire d’un fou, on ridiculisait cette épithète de national attachée à toutes les institutions révolutionnaires. Le cortège fut magnifique ; on y parut habillé à la romaine ; tous les insignes de la république y furent portés dérisoirement ; il ne fut pas besoin de payer des maçons et des ouvriers pour y figurer, chacun s’empressa de s’attribuer son rôle, et enfin, le 21 janvier 1794, la première et la dernière pierre du poêle national fut posée sur la place publique. Il s’ensuivit une fête, des danses, des banquets, et le lendemain des arrestations, et le surlendemain des têtes coupées, et puis on n’en parla plus que pour poursuivre le malheureux Saint-S… de son titre de directeur du poêle national.

La plaisanterie du mélodior fut à peu près la même, si ce n’est qu’il s’agissait d’un immense instrument qui, placé dans le chef-lieu du département, devait par des conduits souterrains faire entendre son harmonie dans les deux cents communes qui composent l’Ariège. A une heure dite, et lorsque Saint-S… toucherait le mélodior, le son de ses accords, porté dans mille endroits différents, devait instantanément réjouir toute la population des chants patriotiques décrétés par la Convention ; Saint-S… avait cru au poêle national, il crut au mélodior. Il y eut fête, il y eut cortège ; on alla recevoir l’instrument à deux lieues de la ville ; on l’avait placé sur un immense chariot traîné par douze ou quinze paires de bœufs ; on avait élevé au sommet de la caisse, qui était censée renfermer le mélodior, un trône sur lequel était assis Saint-S… couronné de roses. Tout ce que la ville avait gardé de jeunesse était entassé sur le char, et chantait des hymnes en l’honneur de la circonstance ; l’entrée fut triomphale, et la plaisanterie se termina comme la précédente. […].

Tant que Saint-S… vécut, sa folie ne le sauva pas des quolibets, mais l’empêcha de les sentir. Il n’en fut pas de même de ses enfants : les spectacles, les rues, les promenades, leur furent interdits ; ils ne pouvaient paraître nulle part sans qu’un fâcheux refrain ne les y poursuivît ; bourgeois et gens du peuple, femmes, vieillards, enfants, tous savaient la fatale complainte où le nom de Saint-S… était livré au ridicule, et la malédiction publique contre un grand coupable ne se montra jamais si acharnée que cette moquerie contre un innocent.

Le fils de Saint-S… fut obligé de quitter sa ville natale ; et comme il ne s’en était éloigné que de quelques lieues, la plaisanterie l’y avait poursuivi. Je sus plus tard qu’il n’y avait échappé qu’en allant se cacher parmi les quarante mille habitants de la ville de Toulouse. Je compris alors l’effroi qu’inspirait ce terrible Tri… 16Frédéric Soulié. Deux séjours. Province, Paris. Pages 150-156. Hippolyte Souverain, Éditeur. Paris. 1837.

Frédéric Soulié se demandera plus tard si Tri… n’était pas « quelqu’un de ces hommes qui ont marqué dans nos diverses révolutions, et qui ont sur les mains le sang de leurs compatriotes », bref s’il ne faut pas voir en Tri… un suppôt du tristement célèbre Vadier.

De façon plus originaire encore, Frédéric Soulié retiendra à l’encontre de François Tribolet le concours que celui-ci prêtait à la pratique des charivaris en composant des vers ad hoc. Tri… répondait ainsi à la demande d’une population complice, par exemple celle de Varilhes, qui s’empressait, le cas échéant, de faire la fête à quelque mari cavaleur ou à quelque cocu. C’est là le genre de « carnavalade » dont Frédéric Soulié, en vertu du « drame inconnu » qui a marqué son enfance, dénoncera au fil de son œuvre la méchanceté gratuite.

Composante discrète ou criante du souvenir que l’écrivain garde de son pays natal, l’effroi sous-tisse presque partout d’un fil sombre la tapisserie d’une enfance ariégeoise que Frédéric Soulié a somme toute aimée.

References

References
1 Frédéric Soulié. Le Maître d’école. Edition Jamar. Bruxelles. 1839.
2 Le Llers, graphie ancienne : aujourd’hui, l’Hers.
3 Frédéric Soulié, La Maison n° 3 de la rue de Provence, pp. 5-6. Frédéric Soulié vieillit un peu ici la  » marraine « . On sait qu’il quitte la région Midi-Pyrénées en 1808. Née en 1786, Marie Henriette Adam n’a donc, avant ce départ, que vingt ans ou vingt et un ans.
4 Frédéric Soulié, La Maison n° 3 de la rue de Provence, pp. 5-6.
5 Ibid.
6 Aujourd’hui recouvert, l’Entonnadou est à Laroque d’Olmes un gouffre dans lequel s’engouffre une partie de la Lectouire, pour n’en sortir qu’à 8 kilomètres de distance. Cf. Frédéric Soulié, Deux séjours. Province, Paris, p. 206.
7 Située dans la forêt de Pujols, au-dessus de Laroque d’Orles, dite la Peyro Trancado, ou la Pierre Trouée, grotte célèbre dans le pays. Cf. Frédéric Soulié, Deux séjours. Province, Paris, pp. 211-214.
8 L’Hers prend sa source près du col du Chioula en Ariège, dans les Pyrénées, à une altitude d’environ 1 500 mètres, et se nomme initialement Font de l’Hers ou encore Font du Drazet. A proximité de Fougax-et-Barrineuf, après avoir reçu les eaux du Lasset, il s’enfonce dans les gorges de la Frau. C’est, semble-t-il, depuis le Pas de l’Ours, situé au-dessus de ces gorges et donnant vue à la fois du côté sur le côté et Lavelanet et sur celui de Bélesta, que Jean Couteau regarde le paysage décrit ci-dessus.
9 Frédéric Soulié, Le Château des Pyrénées, édition Recoules, Paris, 1844, tome 2, pp. 65 72.
10 Frédéric Soulié. « Le sire de Terrides ». In Le Port de Créteil. Page 47. Michel-Lévy frères. Paris. 1865.
11 Archives nationales. Dossier Guillaume Sibra. Cote : F/7/7724.
12 M. Em… était, paraît-il, curé de La Bastide de Bousignac.
13 Frédéric Soulié, « Souvenirs d’Arriège », pp. 158-160, in Revue de Paris, tome 23, Paris, 1835.
14 Né et mort à Foix, François Tribolet (1768-1844) a brûlé, dit-on, ses œuvres poétiques avant de mourir. Restent tout de même ses Œuvres patoises, publiées et préfacées en 1889 par Félix Pasquier chez la Vve Pomiès.
15 Coyouls, occitan : cocus.
16 Frédéric Soulié. Deux séjours. Province, Paris. Pages 150-156. Hippolyte Souverain, Éditeur. Paris. 1837.