En 1820. Deuxième retour de Frédéric Soulié en Ariège. Le futur écrivain joue au boston avec quelques notables

Le jeune homme qui fait fonction de narrateur dans La Chambrière 1Cf. En 1820. Deuxième retour de Frédéric Soulié en Ariège. brosse quatre portraits charge représentatifs des notables en question. Il s’agit des portraits de M. Dival, négociant, de Jean Guillier, meunier du canal, de M. Canotte, marguillier de la paroisse et chef de la fabrique, et de M. d’Ennevers, comte ou marquis, relique de l’ancienne aristocratie. Du marquis d’Ennevers, de Jean Guillier, et de M. Canotte, M. Brisard dit que « ce sont les trois têtes des trois partis qui veulent me faire destituer » 2Frédéric Soulié, La Chambrière, p. 16. A. Jamar, Libraire-Editeur, Bruxelles, 1839., le parti royaliste, le parti des anciens jacobins ou plutôt des anciens acheteurs de biens nationaux, et le parti des dévots.

Soucieux de partir la tête haute, M. Brisard tente de prévenir les menées de ces trois partis. Afin de gagner du temps, il conçoit en septembre 1820, jour de l’annonce de la naissance du duc de Bordeaux, un projet aussi machiavélique qu’impromptu.

« La nouvelle était arrivée le matin à sept heures, à midi des lettres d’invitation étaient distribuées dans la ville et aux environs pour un bal splendide donné à la sous-préfecture le soir même, pour la naissance du duc de Bordeaux. Le coup était foudroyant ; la noblesse ne pouvait pas se tenir trop à l’écart, c’eût été trop mentir à ses affections ; la bourgeoisie libérale n’avait pas le temps de trouver des prétextes pour refuser ; car malgré ses opinions elle n’eût osé faire un acte aussi formel d’opposition : le bal menaçait donc d’être au grand complet des invités. » 3Ibidem, p. 12.

L’exécution du plan conçu par M. Brisard requiert, oh, surprise ! la participation active d’un « jeune Parisien », ami du sous-préfet, provisoirement hébergé par ce dernier. Il s’agit pour le jeune homme en question de « faire pendant le bal le quatrième au boston ». Celui qui a été ce jeune homme tient dans La Chambrière le rôle du narrateur, non nommé. Il se souvient et témoigne :

« J’eus avec M. Brisard l’entretien suivant : Écoute, me dit-il, j’ai besoin de toi.

— Pour danser avec madame Dival ou quelque autre de même force ?

— Non, mais pour faire le quatrième à une partie de boston.

— Moi ! m’écriai-je.

— Mon cher enfant, me dit-il, tu es destiné à avoir de grands succès en province ; d’abord tu sais tous les jeux du monde, depuis la bête ombrée jusqu’au trictrac et aux échecs ; tu commences toujours à faire la cour aux demoiselles par leurs mamans, et tu chantes passablement la romance  » Portrait charmant, portrait de mon amie « . Depuis un mois que tu habites cette ville, tu es reçu partout, ce qui est peu de chose, car ici on ne sait pas fermer sa porte ; mais tu es invité partout, ce qui est rare, parce qu’on ne l’ouvre guère aux étrangers ; tu es bien avec M. Dival, et cela ne m’étonne pas, puisque tu es arrivé avec une lettre de crédit d’un banquier du côté gauche de la chambre.

— C’est vrai, M. Dival m’invite à dîner… » 4Ibid., pp. 12-13.

Mu par le démon de la curiosité, le narrateur accepte de faire le quatrième au boston, par là de contribuer à la réussite du projet de M. Brisard.

« Écoute-moi bien ; ils ont fait une coalition […] : cette coalition est d’autant plus redoutable que les coalisés ne se voient jamais : c’est leur seul moyen de s’entendre. Ils seront tous ici ce soir. J’ai résolu de les mettre en présence, et toi seul peux m’en fournir les moyens. Tous trois te connaissent, tu leur as été recommandé à divers titres ; et bien que tu sois un très jeune homme, ta qualité de Parisien suffit pour qu’ils craignent de refuser une partie que tu leur proposeras. L’idée que tu pourras mal parler d’eux dans un salon de Paris les épouvante. Ils s’imaginent chacun à part soi que le monde bondirait d’étonnement si on disait que MM. Dival, d’Ennevers ou Canotte ont manqué de courtoisie envers un étranger ; offre-leur à chacun en particulier une partie de boston, et amène-les à la table de jeu. Cela fait, je suis sûr de mon affaire. Cède le jeu à ces messieurs, perds ton argent, laisse-les se faire toutes les niches que comporte le boston sans t’en mêler, et une heure après ils se seront dit assez d’injures, renvoyé assez de brocards pour que ma paix soit assurée pour six mois au moins, par la guerre intestine qui va se déclarer dans la ville. Six mois ! le temps d’atteindre le terme marqué à mes droits à une retraite : sois prudent, avisé, et tu m’auras sauvé. »

« Je ne comprenais pas grand’chose à la savante combinaison de M. Brisard, observe le narrateur ; mais je promis de la seconder, et j’attendis avec résignation l’heure du bal. » 5Frédéric Soulié, La Chambrière, pp. 16-17.

Le jeune homme se rend dès sept heures à la préfecture, qui « resplendit déjà de quelques quinquets ». M. Brisard a préféré les quinquets aux bougies, parce que celles-ci sont chères, et parce qu’après l’affaire du parquet, il n’entend pas se voir accuser, une fois encore, de « dépenses exagérées », voire même de « concussion ». De peur de prêter le flanc à d’autres calomnies, il s’est gardé par ailleurs d’emprunter un supplément de quinquets au café du Commerce, connu pour être le quartier général des libéraux, ni au café Saint Pierre, connu, lui, pour être le fief des royalistes. Il se soucie en revanche de remployer pour la naissance du duc de Bordeaux quelques vers écrits de sa main, quelques années plus tôt, pour la naissance du Roi de Rome. Voyant que M. Brisard peine à trouver la rime, le narrateur lui vient efficacement en aide.

Il s’agit là d’une scène en forme de clin d’œil, faite pour plaire au lecteur averti. On aura reconnu en la personne du narrateur, nègre de M. Brisard, le Frédéric Soulié de 1820, qui rêvait d’être André Chénier, Millevoye, ou rien, et qui publiera en 1824 le recueil d’élégies intitulé Amours françaises :

« Et moi je m’écriai : Allez, autans fougueux ! volez, noires tempêtes ! »

On aura reconnu également en la personne de M. Brisard, rimeur poussif, le protoype de l’administrateur poète que serra plus tard, de belle façon cette fois, Antoine Benoît Vigarosy, chef du parti libéral mirapicien, maire de Mirepoix de 1830 à 1847, puis de 1849 à 1857, auteur, entre autres, d’un superbe recueil de Fables, publié en 1832 ; et le prototype aussi du vieux François Melchior Soulié, auteur de Quelques vers sérieux en 1840.

Entré dans les salons de la sous-préfecture, le narrateur s’enquiert d’abord de M. d’Ennevers. Il sait la folle histoire du chien du vicomte. M. Brisard la lui a racontée en ces termes :

« Jean Guillier, le meunier du canal, est possesseur du moulin qui appartenait autrefois à M. d’Ennevers. Ce Jean Guillier est un excellent chasseur, et il passe pour avoir les meilleurs chiens du pays. Il y a donc entre lui et M. d’Ennevers une haine de propriétaire dépouillé à possesseur qu’il regarde comme illégal, haine assaisonnée d’une rivalité de chasseur, rivalité insupportable à M. d’Ennevers, mais qui les met quelquefois en rapport.

On était en 1815, à une époque où l’on ne savait pas où la réaction contre-révolutionnaire s’arrêterait. Quel fut donc l’étonnement de Jean Guillier en voyant M. d’Ennevers le venir inviter, comme du temps de l’Empire, à une partie de chasse. Il accepta, et à vingt pas de la maison, une perdrix s’étant levée, Jean Guillier l’abattit, et le chien de M. d’Ennevers alla la chercher. Aussitôt celui-ci rappela son chien, et lui tint très sérieusement ce discours : « Ecoute, Jupiter, tu es le chien d’un gentilhomme, et non pas d’un voleur ; tu ne dois pas plus prendre le gibier d’autrui que le voleur n’a le droit de prendre le bien d’autrui. Or, comme tu dépens d’un homme qui a conservé les saines idées du juste et de l’injuste, et qui respecte les lois que la révolution a détruites, mais qui revivront bientôt, je l’espère, moi, vicomte d’Ennevers, qui possède par ces lois le droit de haute et basse justice sur tous les individus pris en flagrant délit sur mes terres, je te condamne pour vol à la peine de mort. »

Et sans ajouter un mot il cassa la tête à son chien d’un coup de fusil, puis il se retourna vers Jean Guillier en lui disant : N’est-ce pas que c’est justice de traiter ainsi ceux qui volent le bien des autres ? Et que ce sera un bon temps que celui où les hommes seront traités comme les chiens ! Ça ne peut pas tarder.

Jean Guillier, qui n’avait pas la conscience très rassurée sur l’acquisition qu’il avait faite des propriétés de M. d’Ennevers, se mit à trembler, et le lendemain il y avait entre le meunier et le gentilhomme une transaction qui ratifiait cette acquisition et qui donnait quarante mille francs à M. d’Ennevers sans qu’il les eût demandés, et en se laissant solliciter pour les accepter. […].

C’est comme cela que tout s’est passé, mais Guillier ne s’en est pas vanté ni M. d’Ennevers non plus, et il passe tout bonnement pour un fou qui a tué son chien après lui avoir fait un discours. » 6Frédéric Soulié, La Chambrière, pp. 15-16.

Concernant la ou les personne(s) qui ont pu inspirer à Frédéric Soulié le personnage de M. d’Ennevers, le texte fournit ici une indication importante : « Jean Guillier, le meunier du canal, est possesseur du moulin qui appartenait autrefois à M. d’Ennevers. […]. Il y a donc entre lui et M. d’Ennevers une haine de propriétaire dépouillé à possesseur qu’il regarde comme illégal ». Frédéric Soulié fait ici probablement allusion à la saisie des biens du marquis de Lévis et à la vente des moulins de Mirepoix, le 7 brumaire an III (28 octobre 1794), pour la somme de 161.000 livres, à François Delpoy, meunier, de la commune de Rieucros 7F. Galabert et E. Pélissier,  » Simple erreur (Moulins de Besset et de Mirepoix) « , pp. 201 202, in Bulletin de la Société ariégeoise des sciences, lettres et arts, 1909 (vol12)-1911.. Mais Louis François Marie Gaston de Lévis Mirepoix, le vieux marquis, qui a émigré, est mort à Venise en février 1800, et Charles Philibert Marie Gaston, son fils, a été guillotiné en mai 1794. C’est Guy Casimir (1769-1817), comte de Lévis Mirepoix, frère de Charles Philibert Marie Gaston, qui, faute de pouvoir restaurer le château de Lagarde, presque totalement détruit, rachète le château et les terres de Léran. Il se peut que Frédéric Soulié ait songé à Guy Casimir de Lévis Mirepoix lorsqu’il compose le personnage de M. d’Ennevers.

« C’était un homme de soixante ans, dit le narrateur à propos de M. d’Ennevers, auquel trente ans de séjour en province n’avaient pas ôté cette aisance de tenue et de parole que possédaient autrefois tous ces hommes de grande noblesse et de cour, qui avaient la conscience qu’ils valaient quelque chose par leur nom ou par leur fortune. »

Il demeure improbable toutefois que, comme M. d’Ennevers, le comte de Lévis Mirepoix ait cumulé « trente ans de séjour en province ». Frédéric Soulié a pu donc associer à la figure des Lévis Mirepoix d’autres figures plus authentiquement provinciales, comme celles des Montfaucon de Rogles, Desguilhots de Labatut, Rouvairollis de Rigaud, et autres seigneurs languedociens, qui ont compté pour certains des émigrés dans leurs rangs, et qui se flattaient d’être, comme dit des Lévis Mirepoix, de « sang royaliste, pur et viril » 8Cf. Georges Martin, Histoire et généalogie de la maison de Lévis, p. 103, La Ricamarie, 2007.. « Dans ce temps-là, aime à raconter M. d’Ennevers, nous batifolions avec les chambrières de ces dames ». On ne manquera pas de rapprocher ce propos de celui de Diane de L’Etang dans Le Magnétiseur, autre roman de Frédéric Soulié, qui invoque le duc d’Avarenne, son époux, « si libertin ! », dit-elle.

Quant au nom d’Ennevers, qui sert de couverture à l’illustre patronyme des Lévis Mirepoix ou encore à un bouquet de figures nobles, son choix intrigue d’autant plus qu’on y entend, outre, par effet de paronymie, un écho du nom d’Avarenne, quelque chose comme d’envers, ou de Nevers.

Madame de Créquy, dans ses Souvenirs, éclaire d’un jour singulier le lien que le patronyme d’Ennevers pourrait entretenir avec le toponyme Nevers. Elle rapporte en effet qu’au dire de son temps, Guy de Lévis descendrait de Miles d’Auxerre, seigneur de Lévis en Auxerrois en l’an 1043, et fils de Guillaume Ier de Nevers, comte de Nevers et d’Auxerre :

« On pense avec raison que Miles d’Auxerre était l’aïeul paternel de Guy, Sire de Levis, qui milita si puissamment contre les Albigeois, et qui a transmis à ses descendants avec la suzeraineté des ville et pays de Mirepoix, la dignité de maréchal de la Foi qu’ils ont toujours conservée depuis le XIIe siècle. Voilà tout ce qu’il y a de plus assuré sur l’origine et l’extraction de ces glorieulx et religieux Barons de Levis ou Levq, Maréchaux héréditaires des armées de la Foy, et contemporains des premiers temps de nostre monarchie. » 9Renée Caroline de Froulay (1714-1803), marquise de Créquy, Souvenirs de la marquise de Créquy de 1710 à 1803, tome X, p. 158. Garnier frères, Paris, 1873.

C’est donc, putative ou prétendue, la longueur d’une telle noblesse que Frédéric Soulié, porteur de « ce nom très roturier que t’a transmis ton père », aurait pu vouloir soumettre, sous l’espèce du nom d’Ennevers, au sel de son ironie. D’Ennevers, de Nevers… l’effet de paronymie fera ici souvenir aux Mirapiciens férus d’histoire locale qu’au XIXe siècle, après avoir racheté au XIXe siècle l’ancien palais épiscopal, la famille de Lévis Mirepoix a souhaité et obtenu que s’y installent les Sœurs de la Charité de Nevers, ou Sœurs de la Charité et de l’Instruction chrétienne de Nevers, afin qu’elles y pourvoient à l’éducation des jeunes filles pauvres.

D’Ennevers, d’envers… Suggéré par le correcteur orthographique, cet autre effet de paronymie donne à penser, de façon plus large, que, venu au monde trop tard dans un monde qui se renverse, M. d’Ennevers, comme d’autres de son espèce, incarne face au monde nouveau, le pas qui rétrograde, ou, depuis le rivage de l’ancien monde, le regard d’envers, autrement dit le regard du passé sur le présent qui ne va pas dans le sens attendu.

Cette hypothèse se fonde sur le verre de lunette dont use M. d’Ennevers, « enchâssé pour ainsi dire dans son pouce et son index repliés en cercle », façon Tiepolo dans Il mondo nuovo, pour examiner ce qui vient :

« Indépendamment de ce que j’ai raconté de lui, M. d’Ennevers avait un trait assez particulier pour que je ne l’oublie point. Bien que l’âge eût affaibli sa vue au point qu’il distinguait à peine les cartes qu’il tenait, il avait la prétention de ne pas se servir de lunettes. Ce n’était point manie de jeune homme, mais aristocratie. M. d’Ennevers disait que rien n’était plus dégradant que des lunettes et qu’il n’en avait jamais vu avant la révolution que sur le nez des écrivains publics et des usuriers.

Pendant que je le regardais, M. d’Ennevers était venu se placer près de moi. Je le vis tirer de sa poche un verre de lunette qu’il enchâssa pour ainsi dire dans son pouce et son index repliés en cercle, et il se prit à examiner… » 10Frédéric Soulié, La Chambrière, p. 25.

On relira à cette occasion la lettre que, le 4 novembre 1789, de Rome, où il a fui, Louis François Marie Gaston de Lévis adresse à Gaston Dufresne, son intendant, resté à Mirepoix :

« Je suis arrivé en cette ancienne capitale du monde le 29 octobre à très bon port et en très bonne santé. Je vous en aurais plus tôt instruit, mais le courrier de Rome pour la France ne part qu’une fois par semaine, le mercredi. La plus grande paix, la plus grande tranquillité règnent ici. J’y suis d’autant plus sensible que j’ai quitté un séjour qui n’offrait pas les mêmes douceurs à beaucoup près.

Donnez-moi des nouvelles de mes terres de Mirepoix et de Léran. Ne s’est-il pas passé quelques nouvelles insurrections ? » 11Christine Belcikowski. La dormeuse blogue. Louis François Marie Gaston de Lévis, marquis de Léran et de Mirepoix, ou la lettre de Rome.

Après avoir conversé avec M. d’Ennevers, le narrateur, alias Frédéric Soulié encore jeune homme, s’avance auprès de M. Dival, autre membre de la partie de boston prévue par M. Brisard :

« M. Dival, de son état était négociant, c’est à dire marchand de drap en gros et d’argent en détail, volant sur l’aunage et prêtant à la petite semaine. Il passait pour le plus riche du pays, et il représentait assez bien de sa personne l’idée qu’on se fait dans sa jeunesse d’un millionnaire. Il était d’une si vaste corpulence, que sa face, large comme la lune à l’horizon, semblait encore étroite à côté de l’immense circonférence de son abdomen ; il avait en outre des gilets de piqué blanc, un habit bleu à boutons de métal, et c’était le seul homme qui eût un chapeau gris en été et qui ne mit jamais de casquette. Sa femme, madame Dival, était d’un volume égal à celui de son mari ; elle avait pour signe particulier une petite paire de moustaches rousses qui reflétaient en or les rayons du soleil couchant, et s’habillait constamment de rose. » 12Frédéric Soulié, La Chambrière, pp. 7-8.

Le lecteur mirapicien du roman de Frédéric Soulié s’inquiétera, là encore, de savoir quel pouvait bien être dans la réalité le ou les personnage(s) dont l’écrivain s’est souvenu pour composer le personnage de M. Dival. Ne dirait-on pas que Frédéric Soulié s’est plu à représenter ici… Vidal…Lavid… le type même de l’Avide ?

Frédéric Soulié situe l’action ce roman en 1820, mais, comme indiqué plus haut, il narre sous le couvert de 1820 des événements qui remontent aux années 1800. Le Rapport du jury sur les produits de l’industrie française, présenté en 1806 à S. E. M. de Champagny, ministre de l’intérieur indique les noms des marchands drapiers qui œuvraient avec succès à Mirepoix dans les années 1800 :

« Une des principales branches de l’industrie du département de l’Arriége consiste dans la fabrication des lainages communs, de grande et petite largeur. On en a présenté divers échantillons : ceux de drap proviennent des fabriques de MM. Clauzel et Villeneuve frères, Denat jeune, Bertrand et Lambe, Boudouresques frères, de Mirepoix ; ceux de ras et cadis, doubles, croisés de la manufacture de MM. Jean Baptiste Cussol et Seigneurie frères, de Foix ; et ceux de ras simple et de droguet, des ateliers de M. Lasmartres, de Sainte-Croix, arrondissement de Saint Girons. »

Le lecteur, s’il est originaire de Mirepoix et familier de l’histoire locale, jugera seul du degré de ressemblance que le personnage de M. Dival, au-delà de la caricature, peut présenter avec l’un ou l’autre des marchands de draps répertoriés ci-dessus, sachant que, parmi ces derniers, M. Clauzel demeure probablement hors concours, puisque, ami et protégé de la famille Clauzel, Frédéric Soulié ne se fût certes pas permis de dauber sur aucun des membres de cette dernière.

Quittant provisoirement M. Dival, le narrateur s’intéresse enfin à M. Canotte, prévu lui aussi pour la partie de boston :

« L’autre personnage de la partie était M. Canotte. C’était un homme un peu moins âgé que M. d’Ennevers, mais auquel une figure d’une pâleur presque livide et une démarche lente et sournoise donnaient un air de beaucoup plus vieux. Il entra accompagné de madame Canotte ; je l’avais déjà vue une fois, mais ce soir-là je remarquai mieux que je ne l’avais fait la sécheresse de son visage, la maigreur raide et pincée de son corps, et la contrition hypocrite de son regard et de ses lèvres pâles et minces. Elle était suivie de M. Dominique Canotte son fils, un grand jeune homme de dix-huit ans destiné à grandir encore, posé sur de larges pieds plats et laissant pendre le long de son corps de grandes mains rouges cachées dans des gants de coton qui passaient par-dessus les revers des manches de son habit chocolat. Le reste de sa toilette consistait en un pantalon vert bouteille laissant à découvert des chevilles aiguës et saillantes. Il avait des bas de coton blanc et des escarpins couronnés de rosettes faites avec de vieux rubans de satin noir, dépouille de quelque chapeau maternel. L’accueil qu’on lui fit de tous côtés fut très empressé, car M. Canotte passait pour avoir quarante mille livres de rente, et le jeune dadais à habit chocolat était l’héritier présomptif de toute cette fortune. » 13Frédéric Soulié, La Chambrière, pp. 23-24.

« Je me rappelai, dit le narrateur à propos de M. Canotte père, qu’il était marguillier de la paroisse, chef de la fabrique. » 14Ibidem, p. 26.

Le narrateur brosse à l’évidence de M. Canotte un portrait peu flatté. La suite du récit montrera qu’il s’agit d’un portrait mérité : M. Canotte est un méchant homme, son épouse est une méchante femme aussi, et ensemble, par esprit de lucre, ils se sont appliqués à faire le mal autour d’eux. M. d’Ennevers se charge dans le roman de raconter au jeune narrateur le fin mot de l’histoire.

La charge revêt ici un caractère topique. Frédéric Soulié, dans l’esprit de La Bruyère, se plaît à épingler le caractère d’un faux dévot. Mais la hargne qu’il y met dans la suite du récit donne à penser qu’il se souvient d’une personne bien réelle et qu’il en veut à cette dernière pour une raison personnelle qu’on ne sait pas. On peut toutefois tirer une hypothèse du chapitre III de La Chambrière. C’est M. d’Ennevers, là encore, qui raconte. Frédéric Soulié situe l’action à Paris, mais on sait que, dans ses romans, l’écrivain prend soin de déplacer ailleurs les affaires inspirées de passions mirapiciennes trop brûlantes.

« J’habitais alors Paris, dit M. d’Ennevers, j’étais jeune, admis dans l’intimité d’une très honorable famille, et, comme je vous le disais, en ce temps-là nous batifolions avec les chambrières de ces dames.

Or, voici quelles étaient ces dames. C’était madame de Chamby et la comtesse de Fresnaie ; elles étaient sœurs et s’étaient mariées à la même époque. Mais l’un de ces mariages avait été un mariage d’amour, et l’autre un mariage de rage. En l783 mesdemoiselles de Hautefeuille étaient encore deux filles à marier ; seulement mademoiselle Agnès de Hautefeuille avait trente-deux ans, et mademoiselle Julie de Hautefeuille n’en avait que seize. Ses parents la tenaient au couvent, ne voulant pas donner à leur fille aînée une rivale si redoutable. Comme vous le pensez bien, Julie s’ennuyait fort du célibat de sa sœur qui la tenait loin du monde, et sans autre désir que celui d’être affranchie de la grille, elle suppliait son père et sa mère de marier Agnès. Mais malgré la dot considérable promise à l’aînée de la famille des Hautefeuille, si les prétendants étaient nombreux, les épouseurs étaient rares… » 15Ibid, pp. 31-32.

C’est le prénom Agnès, dans le récit de M. d’Ennevers, qui éveille l’attention de façon toute particulière. On se souvient que des quatre filles vivantes de Maître Géraud Baillé, notaire royal, consul de Mirepoix, et de Dorothée Cairol, fille d’Antoine Cairol, docteur en médecine, deux d’entre elles sont restées célibataires : Anne Thérèse Adélaïde Baillé, née en 1749, et Agnès Pétronille Germaine Baillé, née en 1760 ; et deux d’entre elles se sont mariées : Marie Marguerite Elizabeth Baillé, née en 1753, qui épouse en 1785 Antoine Etienne Jalabert, docteur en médecine ; et Jeanne Marie Baillé, qui épouse le 8 pluviôse an VI (samedi 27 janvier 1798), François Melchior Soulié. On sait comment ce mariage-ci a tourné. Il s’agit là d’un obscur drame bourgeois, source probable des romans que Frédéric Soulié rassemble dans son œuvre sous le titre générique des Drames inconnus. L’écrivain reprend sans doute dans La Chambrière quelque chose de ce drame obscur. Mais il transporte l’action à Paris et substitue au drame bourgeois le drame noble. L’intrigue par suite relève de la pure fiction. Il se peut ici toutefois que la fiction éclaire mutatis mutandis un peu du lourd secret dont souffre l’écrivain.

Concernant le drame en question, voici, résumé ci-dessous, l’essentiel de ce nous intéresse dans La Chambrière.

Agnès de Hautefeuille, plus âgée et moins belle que Julie, sa soeur, refuse obstinément tous les prétendants qu’on lui soumet : « C’était une côte inabordable, toute hérissée de glaces aiguës et tranchantes » 16Frédéric Soulié, La Chambrière, p. 32.. Julie brûle quant à elle d’aimer et de se marier tout de suite. Mais elle doit attendre qu’Agnès se marie d’abord. Arrive un jour un « charmant petit jeune homme », autrement dit le loup dans la bergerie… Le drame se noue alors.

« Tout le monde s’étonnait de voir la résistance de mademoiselle Agnès aux prétentions de M. de Fresnaie, homme de cinquante ans, et vieux marin. […]. Cela tenait tout naïvement à un charmant petit jeune homme, au petit vicomte de Chamby. Or, imaginez-vous un bel enfant de vingt ans, d’une tournure délicieuse, la taille bien prise, la jambe Âne 17« Jambe Ane » : jambe fine, bien tournée. Au lieu de « jambe Ane », on lit « jambe fine » dans certaines éditions de La Chambrière. Autre exemple, Jean François Alfred Bayard (1796-1853), Théâtre, tome 10 : « Quand il y avait quelques pas gracieux, quelque jolie danseuse à la jambe âne, à la taille légère… », le pied cambré, la main potelée, avec un joli visage poupard rose et blanc, la mine la plus hypocrite et le regard le plus effronté que je sache. C’était le neveu de madame de Hautefeuille, qui était une demoiselle de Chamby, et il avait un assez maigre patrimoine… » 18Frédéric Soulié, La Chambrière, p. 32.

La suite de l’intrigue est, comme indiqué plus haut, de pure fiction. Mais l’entrée en scène du charmant petit jeune homme sans patrimoine suffit à indiquer à quelle sorte de dispute vont se livrer secrètement les deux sœurs. Suite aux manigances de la chambrière, la dispute, au moins en apparence, finit bien : Agnès de Hautefeuille épouse M. de Fresnaie, le « vieux marin », et Julie de Hautefeuille, M. de Chamby, le « bel enfant de vingt ans ». Mais Agnès se vengera de Julie, et c’est là que, complices de ladite vengeance, M. Canotte et la chambrière, dont M. Canotte fera plus tard sa femme, déploient la plus noire malfaisance.

« Je me demandais, dit le narrateur de La Chambrière, témoin du récit de M. d’Ennevers, en quoi tout ce que je venais d’entendre pouvait regarder M. Canotte, madame Canotte… » 19Ibidem, p. 43.

Bientôt trompée par M. de Chamby, encouragée par la chambrière à nourrir ailleurs d’autres amours, Julie de Hautefeuille entretient un peu plus tard une correspondance compromettante avec M. de Blanzay. « Petit cadet du Limousin, pays assez pauvre en bonne noblesse, celui-ci avait une compagnie dans le régiment que Chamby avait acheté quelque temps après son mariage. Ce fut le vicomte qui l’amena chez lui » 20Frédéric Soulié. La Chambrière, p. 53.. M. Canotte et la chambrière, qui est devenue entre-temps la créature de ce dernier, dérobent la correspondance des amants. Forts de ladite correspondance, ils provoqueront la fin de ce couple et détourneront l’héritage de Julie, dépouillant ainsi le fils de cette dernière, qui devra pour vivre se faire joueur de serpent, et qui joue justement sous le regard du narrateur, le soir du bal donné par M. Brisard.

L’histoire d’Agnès Pétronille Germaine Baillé et de Jeanne Marie Baillé n’est certes pas celle d’Agnès et de Julie de Hautefeuille. Mais elle emprunte possiblement au même ressort, qui est, vieux comme le monde, celui de deux femmes pour un homme, lequel se trouve de surcroît, largement plus jeune qu’elles deux. Peut-être Agnès Baillé n’a-t-elle jamais songé à se marier ; mais il n’est pas impossible qu’elle ait souhaité que sa soeur ne se mariât pas non plus, et qu’elle lui en ait voulu de trahir leur longue habitude commune en épousant François Melchior Soulié.

De l’histoire familiale au roman, Frédéric aurait alors, pour les besoins du récit, enjolivé les données du drame. Agnés Baillé et Jeanne Marie Baillé n’ont pas seize ans de différence comme les soeurs d’Hautefeuille, mais un an seulement. François Melchior Soulié n’est en 1794 ni aussi jeune ni aussi joli garçon que le comte de Chamby en son temps ; il a « bouche grande, nez relevé, menton aplati », mais il est âgé de vingt-sept ans seulement, et inspecteur des contributions directes du département de l’Ariège, lorsqu’il épouse Jeanne Marie Baillé en 1798. Agnès Baillé, possiblement dévote comme Agnès de Hautefeuille, a pu désapprouver le mariage de sa sœur avec cet homme sans religion, puis faire payer à sadite sœur, lorsque celle-ci revient à Mirepoix, ce mariage improbable, tenu par la vieille fille comme une trahison et un abandon. Il semble au demeurant que par la suite Agnès Baillé ait pris le dessus sur sa sœur, laissée « infirme » par la naissance du petit Melchior Frédéric Soulié. C’est elle qui, à partir de 1804, signe tous les actes administratifs relatifs à la maison Baillé, dont elle partage la propriété avec sa Jeanne Marie. Il semble également qu’elle ne soit guère préoccupée du sort du petit Melchior Frédéric Soulié ; et elle ne reçoit pas Frédéric Soulié en 1831, lorsque, devenu écrivain célèbre, celui-ci entreprend de séjourner une dernière fois à Mirepoix.

Qui serait maintenant, s’il a existé, l’homme désigné dans La Chambrière sous le nom de M. Canotte ?

Il peut s’agir de celui qui a l’oreille d’Agnès, la vieille fille, qui l’engage à œuvrer pour l’Église en péril, et qui la soutient, au nom du parti des dévots, dans sa juste réprobation du mariage de sa sœur Jeanne Marie avec ce mécréant de François Melchior Soulié. Frédéric Soulié, quant à lui, impute au M. Canotte de La Chambrière le crime, autrement grave, de captation ou de détournement de biens. Il se trouve que dans la réalité, après que les fils Baillé ont quitté la maison de la rue Courlanel pour faire ailleurs leur vie propre, les sœurs Baillé ont fini ruinées.

Le narrateur de La Chambrière dit de M. Canotte qu’il était, dans les années 1820 ou dans les années 1800, on ne sait, « marguillier de la paroisse, chef de la fabrique ». Il se peut qu’il ait songé à l’un ou l’autre des membres de la famille Vidalat, plus tard renommée Vidalat-Tornier. L’abbé François Ferran note dans son étude sur le Chapitre cathédral de Mirepoix que « les Vidalat ont été, pendant plus de deux cents ans, notaires royaux et apostoliques et secrétaires du Chapitre 21Cf. Index des notaires de l’Aude, de l’Ariège et de la Haute-Garonne. A Mirepoix : Guillaume Vidalat 1636-1665 ; Jean Vidalat 1666-1705 ; Jean Antoine Vidalat 1706-1729 ; Jean Vidalat 1741-1786. ; en même temps, et presque sans interruption, deux ou trois ecclésiastiques issus de cette famille étaient bénéficiers du Chapitre. On peut toutefois en dire autant des Amat, des Manent, des Montfaucon et des Desguilhots ». François Ferran rapporte aussi, d’après le chanoine Barbier, archiviste du chapitre cathédral de Saint Antonin de Pamiers, qu’un Vidalat était en 1782 receveur des décimes. Ce receveur des décimes doit être, comme indiqué ci-dessus, le Jean Vidalat qui a exercé à Mirepoix sa charge de notaire de 1741 à 1786. 22François Ferran, « Le chapitre cathédral de Mirepoix », 1318-1790, in Société ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts, huitième volume, 1901-1902, Foix, Typographie Gadrat Aîné, 1902.

Il se peut au demeurant aussi que Frédéric Soulié ait superposé aux diverses figures de bons chrétiens mentionnées ci-dessus celle de Bernard Espert, dit l’Américain, nanti d’une fortune acquise aux Antilles, devenu propriétaire du château de Tréziers , en 1794, et dont le mariage avec Paule Estrade, sa servante, a fait grand bruit à Mirepoix pendant quelque temps. 23Le 22 thermidor an V (9 août 1797), Bernard Espert déclare la naissance de son fils naturel Pierre Maillenc. Le 13 floréal an XII (3 mai 1804), il épouse Paule Estrade, veuve de Jean Maillenc, mère de l’enfant. Archives dép. de l’Ariège. Mirepoix. Mariages (An XI-1818). Document 1NUM/4E2355. Vue 56. Le 5 février 1812, il adopte Pierre Maillenc, qui devient alors Pierre Maillenc-Espert.

Quel que soit le prototype dont il est inspiré, le personnage de M. Canotte porte en tout cas un nom admirablement fait pour lui. On y entend sonner malignement le mot cagnotte 24Gustav Grüber, dans Beihefte sur Zeitschrift für romanische Philologie, indique que le mot canotte dérive du latin canis, chien. « Le chien », observe-t-il, « qui, sous le rapport de l’intelligence, vient immédiatement après l’homme, n’a fourni à la langue que des idées de méchanceté et d’abjection. Par dérivation, observe-t-il encore, le canis latin a donné en botanique des « plantes généralement garnies d’épines, dont la canotte ou la caignotte, la bardane, qui s’accroche à la laine des moutons. ». De quoi éclairer l’intention qui a été celle de Frédéric Soulié lorsqu’il choisit de dénommer son vilain personnage, M. Canotte !

Quant au personnage de la chambrière, si, dans la vraie vie, la famille Baillé, quant à elle, a bien eu des servantes, Catherine Allié, fille de service, dix-huit ans en 1804, puis Jeanne Montaud, servante, trente-et-un ans en 1811, on ne sache pas que celles-ci aient jamais fait parler d’elles. Tout au plus ont-elles pu alimenter par des récits de cuisine les fantasmes que le petit Melchior Frédéric Soulié a commencé de nourrir très tôt concernant la maison d’en face, celle de Rose de Champflour et de Jean Clément de Rouvairollis, et plus encore les exploits de Jean Dabail.

Emprunté, dirait-on, au théâtre ou aux romans du XVIIIe siècle, le personnage de la chambrière ressemble au furet de la chanson, qui est passé par ici et qui repassera par-là : véhicule du malheur qui attend son heure, elle assure la circulation des énergies nocifiantes entre le prédateur si serviable et sa victime désignée. Frédéric Soulié a voulu qu’à la fin du roman seulement, M. d’Ennevers dise le nom de la chambrière. Celle-ci s’appelait Geneviève Brulart, la bien nommée : après que le furet est passé, déjà le château brûle. Une « diabolique » avant la lettre, façon Barbey d’Aurevilly. « Que les hommes fuient, s’ils veulent, s’ils ne sont plus capables de se battre. Nous les femmes, nous prierons Dieu tant et tant qu’Il entendra nos supplications », dit la tradition de Sainte Geneviève. « Et là, Attila épargne Paris ». Ici, grâce à Geneviève Brulart, les choses sont allées à rebours. Point de quartier pour les châteaux. Le personnage annonce la Révolution.

Avant d’aller s’asseoir à la table de boston, le narrateur de La Chambrière considère un instant l’orchestre de trois musiciens, un violon, une clarinette et un serpent, qui a été recruté pour le bal. « Le violon était un commis de la préfecture, la clarinette avait jadis couru les foires en accompagnant une orgue de barbarie, et le serpent était celui de la paroisse. Aucune langue ne peut exprimer l’horrible cacophonie que faisaient ces trois instruments lorsqu’ils jouaient à la fois ». Mais le narrateur remarque que lorsque le violon et la clarinette s’embrouillent au point de devoir s’interrompre, le serpent, qui continue à jouer seul, sait manifestement la musique et tient sans faiblir sa partie. Le narrateur se trouve frappé alors par le visage du joueur de serpent :  » c’était un beau visage de jeune homme, d’une beauté souffrante et résignée ; des regards ardents s’échappaient de ses grands yeux noirs et se promenaient avec une véritable expression de désespoir sur ce flot de danseurs qui clapotait à ses pieds ».

M. d’Ennevers, qui a rejoint le narrateur, considère à son tour le joueur de serpent, à l’aune de son verre de lunette.

 » Il demeura ainsi immobile pendant quelques minutes, et se laissa aller à murmurer entre ses dents : Pauvre enfant !

A cette exclamation sourde, succéda un vif mouvement d’indignation. Je [le narrateur] regardai, et je vis figurer M. Dominique Canotte qui gesticulait des jambes sous prétexte de danse. A ce moment, le serpent s’arrêta tout court, et M. Dominique ayant continué sa gigue solitaire, il partit de toutes parts un immense éclat de rire. Madame Canotte se leva de son siège et jeta sur le malencontreux musicien un de ces regards sinistres qui peuvent faire croire à la puissance du mauvais œil. Le malheureux reprit sa basse ; M. Dominique, devenu rouge marbré comme une betterave mal cuite, continua son exercice, et M. d’Ennevers qui m’avait vu enfin près de lui me dit tout bas : Le pauvre garçon, cela lui coûtera cher. […]. J’entendis M. Canotte dire tout bas à sa femme : Laissez-moi faire, ma bonne amie, il me le paiera. » 25Frédéric Soulié, La Chambrière, p. 26.

On remarque que parmi les beaux Messieurs qui se rendent au bal ce soir-là, seul M. Canotte fils se trouve crédité d’un prénom. Frédéric Soulié a choisi de mentionner ce prénom à deux reprises, une première fois au début du roman, quand on ne sait rien encore des faits rapportés, une seconde fois à la fin du roman, quand on sait. MM. Brisard, Dival, d’Ennevers, jusqu’à la fin du roman, demeurent quant à eux des Messieurs sans prénom. M. Canotte fils jouit ici d’un privilège plus que douteux. L’écrivain lui assigne ce prénom comme on décoche une flèche. Dominique est en l’occurrence le prénom d’un saint affligé d’une légende noire, car tenu en Languedoc pour le  » terrible fondateur de l’inquisition  » et honni à ce titre. On devine, lorsque, pour la seconde fois, l’écrivain décoche le prénom Dominique, quel genre d’homme sera bientôt, malgré les apparences, M. Canotte fils, digne successeur de M. Canotte père, marguillier de l’église paroissiale, chef de la fabrique.

M. d’Ennevers se charge, quant à lui, de flécher Madame Canotte, mère du Dominique en question :

« Le vieux gentilhomme s’approcha de madame Canotte, et lui dit d’un ton bien froid : Si vous tourmentez Lucien, nous ne serons pas bons amis.

— Nous ne l’avons jamais été, je suppose, M. le comte, dit madame Canotte en lui jetant un regard de dédain. – Il y a si longtemps, que vous l’avez peut-être oublié, lui dit-il d’un air colère, mais je m’en souviens, moi. – Et dans quel temps, s’il vous plait ?

Le comte prit un air vainqueur, et regardant madame Canotte d’en haut, il lui dit avec une impertinence admirable : En ce temps-là, nous batifolions avec les chambrières.

Madame Canotte ne répondit que par un regard ; mais il y avait plus de haine dans ce coup d’œil que dans toutes les malédictions que sa bouche eût pu prononcer. Ce ne fut qu’un éclair, car presqu’aussitôt elle baissa les yeux et répondit d’un ton humble : — Dieu m’éprouve, M. le comte, mais je persévérerai. M. d’Ennevers s’éloigna, et nous gagnâmes la table de boston. » 26Ibidem, p. 27.

Le narrateur apprendra un peu plus tard de la bouche de M. d’Ennevers que Lucien, le joueur de serpent au beau visage, est le fils de Julie de Hautefeuille, victime, après sa mère, de la sombre malfaisance du couple Canotte. Frédéric Soulié a voulu que, porteur d’un prénom augural, Lucien incarne ici par sa seule présence la lumière de la vérité. M. d’Ennevers, qui révèle ladite vérité, répond, noblesse oblige, à cette injonction lumineuse.

Puis la partie de boston s’engage.

Créé en 1780, cousin du whist, le boston se distingue de ce dernier par son système d’enchères. Avant de jouer le coup, au vu des cartes dont ils disposent, les quatre joueurs annoncent le nombre de levées qu’ils entendent faire. Il s’agit, comme au whist, d’un jeu par équipes, sachant que celles-ci demeurent provisoires, d’où susceptibles de varier au cours de la soirée. M. Brisard, qui entend bien semer la zizanie entre M. d’Ennevers, M. Dival et M. Canotte, leur propose à cette fin le jeu qui va bien. La zizanie va venir en effet, mais autrement que M. Brisard l’entendait. M. d’Ennevers, encore une fois, est celui qui, regardant les choses d’envers, dit le dessous des cartes.

« La partie fut peu animée, et si elle amena les résultats qu’en attendait M. Brisard, ce fut par d’autres raisons que celles sur lesquelles il avait compté. M. Dival, en gros richard qu’il était, croyait humilier ses adversaires en leur enlevant le jeu à tout coup, quelles que fussent ses cartes. Il semblait leur faire l’aumône de ses pertes. M. d’Ennevers le lui dit assez durement dès le second tour. M. Dival lui répliqua qu’il était le maître de perdre son argent comme il l’entendait, tandis que M. Canotte ramassait son gain avec une avidité qui attira sur lui l’indignation de M. d’Ennevers, qui répondit d’un air tout particulier : Il vous a cependant coûté quelque peine à amasser cet argent. — Beaucoup, Monsieur, car il a été loyalement gagné. — Ce n’est pas l’histoire de la fortune de tout le monde, dit M. d’Ennevers en regardant M.Canotte. » 27Frédéric Soulié, La Chambrière, pp. 27-28.

Après cette première escarmouche, le ton monte et le propos des trois hommes trahit la vérité des relations qu’ils entretiennent.

« Le jeu continua, M. Dival jouant à tort et à travers, M. Canotte ne demandant six levées que lorsqu’il était sûr d’en faire dix, et M. d’Ennevers saisissant chaque carte au passage pour lancer ou une épigramme à M. Dival, ou une apostrophe qui me semblait une mortelle injure, à M. Canotte ; cela devint si violent, que M. Dival se crut obligé, en sa qualité de libéral, de soutenir l’opprimé, bien qu’il détestât également le noble et le dévot, et il dit à M. d’Ennevers : Voyons, M. le comte, laissez un peu M. Canotte gagner mes écus, sans les lui reprocher.

M. Canotte, qui écoutait dans une profonde humilité les propos de M. d’Ennevers, se redressa comme un aspic à ce propos de M. Dival, et le regardant en face, il lui dit : Si je gagne, c’est que je m’expose à perdre, et mon argent vaut le vôtre, Monsieur !

— C’est ce que je n’admets pas, dit M. d’Ennevers.

M. Canotte ne répondit pas, et continua en s’adressant à M. Dival : Du moins, si je gagne, cet argent sera bon à quelque chose ; car j’ai fait vœu de ne me livrer à ce coupable amusement qu’à la condition de donner aux pauvres tout l’argent qui me vient du jeu. — Eh bien ! dit M. d’Ennevers, il y en a un que je vous recommande : c’est le pauvre Lucien qui s’exténue là-bas à jouer du serpent. — M. le comte, dit le dévot humblement, Lucien ne manque de rien. — Et probablement aussi tous les pauvres de la paroisse sont comme Lucien, dit M. Dival. — Que voulez-vous dire, s’écria M. Canotte en reprenant son ton acrimonieux pour répondre au bourgeois. — Qu’il est inutile de donner à ceux qui ne manquent de rien. – Il est vrai que je ne donne pas à tous ceux qui mendient, reprit M. Canotte, que ce soit un sou ou cinquante mille francs qu’ils me demandent.

Ceci avait trait à un emprunt que M. Dival avait voulu faire autrefois à M. Canotte pour une opération de commerce, et que celui-ci avait refusé.

— Que voulez-vous dire à votre tour ? dit M. Dival ; qui sont ces gens qui mendient ? — Ceux qui empruntent sans savoir s’ils pourront rendre.

M. Dival passa du pourpre au blanc ; mais il fut interrompu dans la réplique furibonde qu’il préparait par un mot de M. d’Ennevers. C’est que dans son emportement M. Canotte avait oublié que le vieux gentilhomme lui devait aussi quelque argent ; et quoique M. d’Ennevers fût assuré que les paroles du dévot ne s’adressaient point à lui, il en prit sa part pour pouvoir s’en prendre à M. Canotte.

— Ceci est une insolence, Monsieur, contre ceux à qui vous avez prêté de l’argent. — Non, M. le comte, répliqua M. Canotte en reprenant son air soumis ; car leur prêter, c’est leur montrer que je compte sur leur honneur. — Que pensez-vous donc de ceux à qui vous ne prêtez pas ? dit M. Dival. — Je vous crois assez d’esprit pour le comprendre, Monsieur.

On le voit, la scène était montée à un point tel, qu’il ne s’en fallait guère qu’on ne se jetât les cartes au visage, et peut être en eût-il été ainsi, si un incident n’eut séparé les joueurs et suspendu la partie. Il ne s’agissait rien moins que d’aller entendre la chanson du sous-préfet. M. Canotte se hâta de dire qu’il en était fort curieux, et demanda la liquidation. M. Dival, qui perdait seul, se contenta de jeter sur la table le double à peu près de ce qu’il avait perdu, en disant à M. Canotte : Je n’ai que cela sur moi, je vous devrai le reste.

Il faut l’avoir vu pour oser l’affirmer, mais M. Canotte ramassa tout l’argent et s’éloigna.

Je ne puis rendre l’expression de dégoût et de colère qui se peignit dans les yeux de M. d’Ennevers.

— Oh ! s’écria-t-il, le misérable ! le misérable ! » 28Frédéric Soulié, La Chambrière, pp. 28-30.

« Mais quel est donc ce M. Canotte pour qui l’on m’avait donné une lettre de recommandation ? » s’interroge alors le narrateur.

Sachant qu’après avoir encouragé les coupables amours de Julie de Hautefeuille et de M. Blazy, M. d’Ennevers doit, malgré qu’il en ait, quelque argent à M. Canotte, le narrateur questionne le vieux gentilhomme sur sa morale, ou plutôt son absence de morale. Celui-ci dédaigne les pusillanimités du jeune homme :

« — Pardieu ! s’écria M. d’Ennevers, outré de mon intrépide rigidité, vous m’obligeriez bien de me dire où est cette Madame la morale qui eût triomphé ? Est-elle riche ou pauvre, blanche ou noire, loge-t-elle à l’entresol ou au cinquième ? et si elle eût triomphé eût-elle dîné plus grassement ou fait maigre comme un vendredi saint ? La morale, la morale ! répéta-t-il avec une vraie colère ; toujours des mots et jamais des choses ! Tenez, Monsieur, reprit-il, s’il y a une morale respectable en ce monde, je vais vous la dire : lorsque vous êtes près de faire une action, ne demandez pas si elle est conforme à tel apophtegme écrit, mais si elle ne portera pas préjudice à quelqu’un, à Monsieur un tel ou à Madame une telle, à des êtres qui existent en chair et en os, et non pas à des idées impertinentes ; calculez en le résultat en bien ou en mal ; et selon que vous aurez choisi le bien ou le mal, je vous trouverai un honnête ou un méchant homme, sans m’occuper si la morale a triomphé ou non. […].

Vous jugez la vie humaine comme une règle arithmétique qui a une règle invariable. Ôtez-lui ses faiblesses, ses passions, ses erreurs, et tout ira le mieux du monde ; mais elles existent, Monsieur, et une fois qu’elles ont dérangé la manivelle, si vous voulez n’en tenir compte, vous achevez de tout abîmer. Si une pierre tombe sous la meule d’un moulin, arrêtez-le, ôtez la pierre, nettoyez le blé, et vous pourrez marcher ensuite ; mais si vous laissez la vanne ouverte et que vous forciez la roue à tourner comme si de rien n’était, le moulin pourrait bien briser la pierre, mais la farine sera mauvaise ou bien la meule et le moulin se briseront, et vous serez ruiné. » 29Frédéric Soulié. La Chambrière, pp 82-83.

C’est là très certainement aussi le point de vue du Frédéric Soulié bientôt quarantenaire qui publie en 1839 La Chambrière. Ce n’est point en revanche celui du narrateur, i.e. celui du Melchior Frédéric Soulié de vingt ans, dont l’auteur se souvient ici. Mais le jeune homme, qui ne se sait pas encore romancier en puissance, nourrit déjà, moins le goût de moraliser, que la passion des histoires :

« L’éloquence de M. d’Ennevers ne me parut pas concluante ; mais comme j’aimais mieux l’histoire qu’il me racontait que les considérations qu’il en tirait, je ne répliquai point à cette tirade. »

Or passant alors de la colère à la sainte colère, M. d’Ennevers dit soudain pourquoi, selon lui, il n’y a pas de morale qui tienne dans la vie, non plus que dans l’histoire rapportée ici par ses soins :

« Mais dites-moi, Monsieur, s’il est vrai que les gens qui sont dans l’autre monde ont la conscience de ce qui se passe dans celui-ci ? Croyez-vous que si Julie [de Hautefeuille] peut voir ces trois infâmes Canotte, riches, considérés, se pavanant dans ce salon, tandis que son pauvre enfant souffle comme un damné dans un ignoble instrument ? Croyez-vous, dis-je, que cette âme puisse être assez dégagée de toute passion terrestre pour ne pas prier Dieu de tordre le cou à ces ignobles spéculateurs, et pour ne pas espérer que, malgré leurs momeries de dévots, ils seront rôtis parmi les plus infâmes assassins qui ont déshonoré la nature humaine ? 30Ibidem, pp. 100-101.

L’excipit de la partie de boston, qui est aussi celui du roman, prolonge sur le mode froid le propos du vieux gentilhomme :

« En achevant ainsi, M. d’Ennevers me quitta en voyant sa fille qui venait le chercher ; et moi, je retournai dans le salon pour voir et écouter le serpent qui continuait impassiblement à donner ses deux notes. Le bal était fini, et je le vis tranquillement prendre son instrument sous le bras. Au moment où il passait près de moi, M. Brisard l’aborda et lui dit tout haut : Si vous voulez aller à la cuisine, on vous donnera à souper.

Ce mot me fendit le cœur. Le pauvre jeune homme rougit ; mais après un moment d’hésitation, il y alla. Il avait faim ! » 31Ibid.

Qui pouvait bien être ce Lucien, s’il a existé son pareil à Mirepoix ? Inutile de chercher bien loin. C’est, de façon métaphorique, le jeune Melchior Frédéric Soulié, non le fringant étudiant parisien, habitué du salon de Delphine Gay, représenté dans le roman par le tout aussi fringant narrateur, mais l’enfant de Mirepoix trop tôt privé de mère, puis le jeune homme pauvre, le déraciné, le déclassé, obligé de travailler pour survivre dans un atelier de scierie mécanique, bref l’autre Melchior Frédéric Soulié, du moins celui dont l’écrivain quarantenaire se souvient dans ses heures noires et qu’il réinvente ici pour les besoins du roman.

L’invention toutefois n’obère pas la part initiale du Vrai. L’écrivain, seul, connaît cette dernière. Il en fait d’autant plus librement — croit-il — matière à récit. Mais il ne laisse pas de mobiliser un nombre fini d’invariants, empruntés chaque fois à son propre drame, celui de l’homme sans mère et celui de l’artiste galérien de son art, ou, pis encore, comme dira Antonin Artaud, celui du « suicidé de la société ». Le personnage de Lucien constitue dans La Chambrière une figure possible de ce drame. Frédéric Soulié a versé ici comme ailleurs volens nolens dans le pathétique, car, sous les dehors de la réussite de l’écrivain, cette figure à pleurer qu’incarne le pauvre joueur de serpent, c’est la sienne. La prétendue liberté du romancier ne peut rien contre la force de la vérité.

La partie de boston du Frédéric Soulié de La Chambrière précède de plus de trente ans la partie de whist du Jules Barbey d’Aurevilly des Diaboliques, aujourd’hui plus connu, plus lu et plus commenté. Les deux parties sont de même force, le dessous des cartes de même noirceur, même si la nature de ces dessous diffère assez largement d’une œuvre à l’autre. Le roman de Frédéric Soulié mérite tout autant d’être lu et admiré que la nouvelle de Jules Barbey d’Aurevilly. Il présente au demeurant une qualité plus rare : dans la partie de boston de La Chambrière, Frédéric Soulié explore, sans le dire, le dessous de ses propres cartes, le dessous de ses cartes ariégeoises.

References

References
1 Cf. En 1820. Deuxième retour de Frédéric Soulié en Ariège.
2 Frédéric Soulié, La Chambrière, p. 16. A. Jamar, Libraire-Editeur, Bruxelles, 1839.
3 Ibidem, p. 12.
4 Ibid., pp. 12-13.
5 Frédéric Soulié, La Chambrière, pp. 16-17.
6 Frédéric Soulié, La Chambrière, pp. 15-16.
7 F. Galabert et E. Pélissier,  » Simple erreur (Moulins de Besset et de Mirepoix) « , pp. 201 202, in Bulletin de la Société ariégeoise des sciences, lettres et arts, 1909 (vol12)-1911.
8 Cf. Georges Martin, Histoire et généalogie de la maison de Lévis, p. 103, La Ricamarie, 2007.
9 Renée Caroline de Froulay (1714-1803), marquise de Créquy, Souvenirs de la marquise de Créquy de 1710 à 1803, tome X, p. 158. Garnier frères, Paris, 1873.
10 Frédéric Soulié, La Chambrière, p. 25.
11 Christine Belcikowski. La dormeuse blogue. Louis François Marie Gaston de Lévis, marquis de Léran et de Mirepoix, ou la lettre de Rome.
12 Frédéric Soulié, La Chambrière, pp. 7-8.
13 Frédéric Soulié, La Chambrière, pp. 23-24.
14 Ibidem, p. 26.
15 Ibid, pp. 31-32.
16, 18 Frédéric Soulié, La Chambrière, p. 32.
17 « Jambe Ane » : jambe fine, bien tournée. Au lieu de « jambe Ane », on lit « jambe fine » dans certaines éditions de La Chambrière. Autre exemple, Jean François Alfred Bayard (1796-1853), Théâtre, tome 10 : « Quand il y avait quelques pas gracieux, quelque jolie danseuse à la jambe âne, à la taille légère… »
19 Ibidem, p. 43.
20 Frédéric Soulié. La Chambrière, p. 53.
21 Cf. Index des notaires de l’Aude, de l’Ariège et de la Haute-Garonne. A Mirepoix : Guillaume Vidalat 1636-1665 ; Jean Vidalat 1666-1705 ; Jean Antoine Vidalat 1706-1729 ; Jean Vidalat 1741-1786.
22 François Ferran, « Le chapitre cathédral de Mirepoix », 1318-1790, in Société ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts, huitième volume, 1901-1902, Foix, Typographie Gadrat Aîné, 1902.
23 Le 22 thermidor an V (9 août 1797), Bernard Espert déclare la naissance de son fils naturel Pierre Maillenc. Le 13 floréal an XII (3 mai 1804), il épouse Paule Estrade, veuve de Jean Maillenc, mère de l’enfant. Archives dép. de l’Ariège. Mirepoix. Mariages (An XI-1818). Document 1NUM/4E2355. Vue 56. Le 5 février 1812, il adopte Pierre Maillenc, qui devient alors Pierre Maillenc-Espert.
24 Gustav Grüber, dans Beihefte sur Zeitschrift für romanische Philologie, indique que le mot canotte dérive du latin canis, chien. « Le chien », observe-t-il, « qui, sous le rapport de l’intelligence, vient immédiatement après l’homme, n’a fourni à la langue que des idées de méchanceté et d’abjection. Par dérivation, observe-t-il encore, le canis latin a donné en botanique des « plantes généralement garnies d’épines, dont la canotte ou la caignotte, la bardane, qui s’accroche à la laine des moutons. »
25 Frédéric Soulié, La Chambrière, p. 26.
26 Ibidem, p. 27.
27 Frédéric Soulié, La Chambrière, pp. 27-28.
28 Frédéric Soulié, La Chambrière, pp. 28-30.
29 Frédéric Soulié. La Chambrière, pp 82-83.
30 Ibidem, pp. 100-101.
31 Ibid.