Christine Belcikowski

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Microhistoire et histoire globale

Rédigé par Belcikowski Christine Aucun commentaire

Extrait de « La microhistoire globale : affaire(s) à suivre » de Romain Bertrand et Guillaume Calafat. 2019.

« Depuis près d'une décennie, l'expression « global microhistory » connaît chez les historiennes et les historiens, en particulier les modernistes anglophones, une fortune certaine. Riche de promesses, elle allie l'intérêt historiographique suscité par la microhistoire dans le courant des années 1980 au paradigme de l'histoire globale qui s'est imposé à compter des années 1990. S'agit-il, par ce mariage annoncé, d'octroyer une seconde jeunesse à la microhistoire en lui faisant accomplir un « tournant global » qu'elle aurait négligé ? Ou bien est-il question de donner un second souffle épistémologique à une histoire globale qui peine à clarifier ses frontières, ses objectifs et ses méthodes ? »

« Si la référence à la microhistoire reste parfois instrumentale, voire cosmétique, centrée sur quelques grands noms plus ou moins judicieusement associés à cette approche, l'expression « microhistoire globale » peut en revanche contribuer de manière positive à une relecture plus attentive des travaux microhistoriques, loin des caricatures paresseuses qui les conçoivent comme de simples monographies ou des études de cas biographiques.

Partant, il est progressivement admis que la microhistoire correspond moins à un ensemble de thématiques qu'à une affinité de méthodes tournées vers l'expérimentation, qu'il s'agisse du détourage de l'objet observé à la loupe, de la remise en question des grands paradigmes explicatifs, d'un dialogue étroit noué avec les sciences sociales, d'inventivité narrative, d'attention à la production des catégories et des contextes sociaux, ou encore de réflexivité quant aux focales de l'analyse.

Le « global » accolé à la microhistoire semble ouvrir une entreprise de clarification, non seulement des fondements intellectuels de l'entreprise micro-historienne, mais aussi de ses multiples réceptions. Le fait mérite d'être apprécié à sa juste valeur en un temps où certains, faisant étalage d'une hostilité de principe à l'encontre de tout ce qui leur paraît n'être que monographies de clocher et spécialisations étroites, ne jurent plus que par le veau d’or des big data.

À s'en tenir à la rhétorique de la taille des objets ou des enjeux, à vouloir à toute force et contre toute évidence réduire la démarche microhistorienne à une science ancillaire des détails ou des recoins, on trahit l'esprit d'un projet historiographique qui s'est pourtant beaucoup expliqué sur ses intentions et qui a largement fait la preuve de ses potentialités macrosociologiques autant que de sa capacité à nourrir le questionnaire anthropologique.

On se prive également de la possibilité de donner à l'histoire globale une armature épistémologique (tournée vers les science sociales) et une cohérence thématique (concernant les décalages sociaux du processus de « globalisation ») — et ce à l'heure où elle s'interroge elle-même, avec retard mais lucidité, sur le type de descriptions parfois iréniques et désincarnées qu'elle a pu engendrer.

Le caractère expérimental de la microhistoire a ceci de précieux qu'il permet justement d'éviter les linéarités et les téléologies, de pointer des détours et des discontinuités, de restituer des tâtonnements et des atermoiements. L'attention aux sources et la lecture lente des documentations permettent de faire droit, dans le récit, aux incertitudes des acteurs aussi bien qu'aux malentendus — souvent opératoires — qui résultent du caractère non pas aléatoire mais itératif de leurs interactions.

On devine tout le profit que peut tirer de cette position de méthode une histoire d'échanges au long cours dans lesquels interviennent quantité d'êtres et d'entités se modifiant à proportion des rapports qu'ils nouent. [...]. Le danger guette toujours d'une division du travail historien entre, d'un côté, les chercheurs spécialisés documentant de manière fouillée (et plus ou moins esseulée) des aspects du passé et, de l'autre, les architectes de grandes synthèses. »

Classé dans : Histoire Mots clés : aucun

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