Au Musée de Pau – La Baigneuse assise de Germaine Marboutin

 

 

 

Plusieurs fois déshonorée par des tags obscènes, noircie par les gaz d’échappement des voitures, la Baigneuse assise qui accueillait naguère encore les visiteurs sur le perron du Musée des Beaux-Arts de Pau, vient d’être réinstallée à l’intérieur du bâtiment, où elle restera désormais, et, après un long et minutieux nettoyage, rendue à sa blancheur d’origine 1Cf. La République des Pyrénées, 9 octobre 2012 : Pau : taguée, la sculpture de « La Baigneuse assise » va retrouver sa blancheur.. La Baigneuse assise, ainsi réinstallée et restaurée, rayonne de simple beauté. Je ne l’avais jamais vue jusqu’ici que grise, sale, mais l’art du sculpteur déjà m’avait frappée. J’ai appris depuis lors que la Baigneuse a été exposée pour la première fois en 1929 à Paris, dans le cadre du Salon de la Société des artistes français, qu’elle a reçu à Marseille, la même année, le prix de la Compagnie de Navigation Mixte et qu’elle a été acquise aussitôt par le musée des Beaux-Arts de Pau 2Cf. Ministère de la Culture, Base Arcade : Dossier Marboutin (Mlle) !.

Je consacrais en 2010 dans Au Musée de Pau passionnément quelques lignes d’hommage à Germaine Marboutin, auteur cette Baigneuse datée de 1930, par ailleurs d’un buste de Jeune Marocain exposé au musée du quai Branly, pour le reste injustement oubliée de l’histoire de la sculpture.

J’ai cherché derechef à glaner quelque information sur la vie et l’oeuvre de Germaine Marboutin. Je dispose aujourd’hui de deux ou trois renseignements nouveaux.

J’ai appris ainsi dans un numéro de Nord-Sud – Revue Mensuelle Illustrée d’Informations Marocaines daté de 1934 que Germaine Marboutin à cette date vivait à Fès et qu’elle était l’épouse de M. Maslow, inspecteur des Beaux-Arts et Monuments historiques de la ville.

Madame Germaine Marboutin-Maslow, dixit M. Kamm dans Nord-Sud, est avec de Hérain, le seul sculpteur qui ait été attiré par notre cité et en ait étudié les types. Cette artiste de talent est la femme de M. Maslow, le distingué et courageux Inspecteur des Beaux-Arts et Monuments historiques à Fès.

Ancienne élève de l’Ecole des Beaux· Arts de Paris, lauréate de l’Institut, bourse de voyage de l’Etat (voyage classique en Italie) et prix de la Compagnie de Navigation Mixte, elle a été médaillée d’argent au Salon des Artistes Français et au Salon des décorateurs. Elle est Sociétaire des Artistes Français et Sociétaire des Femmes peintres et sculpteurs.

J’en cherché ensuite à en savoir plus sur M. Maslow. Je suis tombée ainsi sur une fiche relative au fonds Maslow, puis sur une courte biographie, une bibliographie plus courte encore, et trois photos de M. Maslow ; le tout, publié sur le site Cité de l’architecture & du patrimoine, dans la série Portraits d’architectes. Je cite :

Fils de M. K. Maslow, « chef architecte de la ville de Petrograd » où il naît en 1893, Boris Maslow est élève de l’École des beaux-arts de Saint-Pétersbourg de 1910 à 1914. Après avoir participé à la guerre, il émigre en 1919 à Tabriz (Iran), où il sera nommé architecte à la Direction du chemin de fer.

Arrivant à Paris en 1924, il est jusqu’en 1927 dessinateur à l’agence Hiriart, Tribout et Beau, tout en faisant la place chez Paul Tournon et Gustave Umbdenstock.

 

Ci-dessus : Boris Maslow au Maroc circa 1930 ; négatif noir et blanc sur plaque de verre.
Copyright Droits réservés. Copyright Fonds Boris Maslow. SIAF/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du XXe siècle. 251 Ifa.

Il entre en 1927 au service des Beaux-Arts et des monuments historiques au Maroc et est nommé, l’année suivante, inspecteur régional à Fès. À ce titre, il assiste au Congrès international de conservation des monuments, à Athènes (1931). Inspecteur d’urbanisme de la région du Centre (Rabat) en 1935, attaché à l’office chérifien du tourisme à Paris de 1938-1939, à l’office du protectorat du Maroc à Paris en 1940, à l’office marocain du tourisme en 1947, il est nommé, en 1944, inspecteur des monuments historiques à Marrakech, fonction qu’il occupera jusqu’à sa mort – à Marrakech – en 1962.

Son principal ouvrage est une étude richement illustrée, Les Mosquées de Fez et du nord du Maroc . Ni le nom ni l’oeuvre de Germaine Marboutin-Maslow, son épouse, ne se trouvent ici mentionnés.

Germaine Née en 1899 à Paris Ve, de Charles Joseph, Fé‚lix Marboutin, professeur d’hydro-chimie à Centrale 3La lecture de la presse d’Afrique du Nord des années 1930 montre que Charles Joseph Félix Marboutin est souvent intervenu comme expert en Algérie, en Tunisie et au Maroc. Cf. par exemple, in L’Africain, 4 avril 1930 : Le soleil et l’urbanisme., et de Marguerite Marthe Chausserie Laprée, Germaine Jeanne Marguerite Marboutin épouse en 1931, toujours à Paris Ve, Boris Maslow. Le couple aura deux enfants, Claire Sophie, Jeannine Maslow et Claude F‚élix Maslow. Germaine Marboutin est morte à Puysserampion, Lot-et-Garonne, en 1999, âgée de 100 ans.

On ne dispose d’aucune photo de Germaine Marboutin. Du coup, elle m’apparaît comme la fée des légendes, tantôt jeune, étudiante aux Beaux-Arts, semblable alors à la Baigneuse du musée de Pau, tantôt plus âgée, proche cette fois de l’Agatha Christie qui a quitté l’Angleterre en 1930 pour suivre en Syrie et en Irak Max Mallowan, son époux, archéologue. J’imagine que, lauréate du prix de la Compagnie de Navigation Mixte en 1929, elle a rencontré Boris Maslow sur l’un des bateaux de cette compagnie qui assurait la liaison France-Maroc, comme Agatha Christie a rencontré Max Mallowan lors d’une croisière au Moyen-Orient. Outre qu’il donne une sorte de corps à l’invisible Germaine Marboutin, épouse de l’inspecteur des Beaux-Arts et des monuments historiques au Maroc, ce rapprochement vaut aussi par son ironie. Quoique un moment parallèles, deux destinées divergent ici grandement. L’oeuvre d’Agatha Christie s’est poursuivie indépendamment des campagnes de fouilles de Max Mallowan, jusqu’à la mort de l’écrivain en 1976. L’oeuvre de Germaine s’est poursuivie au Maroc, au moins un temps – je n’en sais pas plus -, mais l’on n’en a dès lors presque plus, et finalement plus du tout, entendu parler. C’est dommage.

Ci-dessus : Max Mallowan et Agatha Christie en Syrie dans les années 1930.

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