Ci-dessus, de gauche à droite, détails des fresques de Vals : l’archange Pantasaron, sur la voûte de l’abside ; le Christ, sur un mur de la dite abside.
Hier, comme chaque fois dans l’église de Vals, l’archange Pantasaron, inconnu jusqu’ici de la tradition iconographique, me fixait de son long regard byzantin, et ce regard me suivait sous le grand arc triomphal jusque dans cet obscur recoin de la nef supérieure où je me tenais devant le petit autel de plâtre voué par le XIXe siècle à la figure de l’Agneau divin. Ce regard me suivait, long et lourd, cependant ombré d’une sorte de douceur pensive, et comme velouté de bleu dans son noir profond. Ce regard me suivait, et je me souvenais dans sa pente qu’il n’y a pas d’angle mort pour ce regard-là. Profondeur du regard, allégorie de la profondeur du temps. Dieu et les siens – Christ en majesté, évangélistes, archanges intercesseurs, chérubin, séraphin, que l’on voit ici – sont patients, extrêmement patients.
Ils ont été, Dieu et les siens, – leur long regard -, badigeonnés dès le XVIe siècle, m’indiquait hier Serge Alary, président de l’association des Amis de Vals.
J’imagine que l’humanisme renaissant a rêvé de pouvoir se dérober au poids de ce regard qui vous suit, requérant de vous quelque chose dont vous ne savez rien, mais dont vous sentez qu’il imprime sur vous l’appui d’une attente, d’un souci, d’une question qui va sans mots.
Le Minotaure que l’on voit figuré au coeur du labyrinthe sis à la cathédrale de Mirepoix, dans la chapelle privée de Monseigneur de Lévis, noue au rêve renaissant, de façon contradictoirement injonctive lui aussi, une attente, un souci, une question comparables.
Ci-dessus : Niccolo d’Ancona, dit Nicola Bertuzzi (1710-1777), Le festin de Balthazar, détail.
Ce regard de Dieu et des siens continuait en tout cas, malgré qu’on en eût, de s’exercer invisiblement sous le badigeon. Aujourd’hui rendu à sa visibilité d’antan, il pèse d’un poids inchangé sur le visiteur contemporain. Le visiteur qui, faute d’avoir pensé à lever la tête, aurait visité l’église sans y voir les fresques, ne se trouve pas pour autant absous du champ de ce regard zénithal ni exempté du MANE TECEL PHARES 1Mane Thecel Phares : Compté Pesé Divisé. Cf. Ancien Testament, Daniel, 5, 1-29. qu’annonce silencieusement la fixité de ce dernier.
Le Christ, qui se fond, tel un passe-muraille, dans l’une des parois latérales de l’abside, et la Vierge à l’Enfant, qui se tient au-dessus du maître autel, incarnent, quant eux, le fonds d’humanité qui s’entretient dans le regard du divin et qui vaut au visiteur de hasard comme au fidèle venu tout exprès le sentiment d’être touché ici par une aile qui n’est point d’effroi, mais de grâce et de plénitude de l’instant.
L’étrange Pantasaron lui-même, surgeon obscur de la tradition juive 2Cf. La dormeuse : Sous le regard de l’ange Pantasaron., témoigne ici du possible d’une intercession croisée, laissant ainsi augurer que le champ de la Révélation demeure grand ouvert, par là semblablement celui du Salut. Je trouve à cet archange un air de jeunesse et de bienveillance, très humain, qui me semble plutôt rassurant dans la perspective du MANE THECEL PHARES, ou du PESÉ COMPTÉ MESURÉ.
Ci-dessus : l’archange Pantasaron ; photo communiquée par Serge Alary.
Notes