A l’invitation de Raymond Roger, propriétaire des lieux, nous sommes remontés ce jour au château de Terride. Le temps s’y prêtait : beau temps d’hiver, lumière rasante, qui sculpte les formes. Depuis la terrasse, là-haut, j’ai reconnu la vue de Mirepoix, signée Raynié Aîné, qui figure dans L’Ariège au temps de Napoléon de Pierre Dardenne (1768-1857), ouvrage publié en 1854 dans la collection Guide pittoresque du voyageur en France. Le panorama, pour l’essentiel, n’a pas changé. Les Pyrénées, le clocher de la cathédrale ((Cf. La dormeuse blogue : Une visite au clocher de la cathédrale de Mirepoix ; Autre visite au clocher de la cathédrale de Mirepoix)), le pont sur l’Hers ((Cf. La dormeuse blogue : Arthur Young à Mirepoix ; A Mirepoix, un des ponts les plus élégants de France)), autant de figures de ce qui demeure, dans la fuite du temps, même si les monts se portent mieux que l’oeuvre de l’homme, – mieux que la cathédrale, devenue lépreuse, mieux que que le pont, dont les pierres se disjoignent par endroits.
Jour. Contre-jour. Raymond Roger cicerone nous entraîne dans la direction des anciens remparts afin de nous montrer le résultat des travaux de dégagement.
Naguère avalé par la terre et par la forêt qui peuple les pentes de la colline, ce qui reste du système de fortification du château ressurgit de l’oubli des siècles. Il y a fallu l’intervention de gros engins, et l’aménagement d’un chemin d’accès. C’est celui que nous empruntons aujourd’hui.
Le chemin est recouvert d’un tapis de feuilles de chêne. Restée un peu en arrière, j’entends crisser les feuilles sous les pas de notre cicerone.
Au-dessus de nous, élevée sur d’imposants glacis, rendue plus imposante encore par la vue en contre-plongée, j’aperçois la grande tour, symbole de la puissance militaire des premiers seigneurs de Lévis. En arrière-plan, le beau pont de pierre qui donne accès à l’unique porte du château. Une plaque indique qu’il a été construit en 1652, i. e. à l’époque de Jean de Lomagne ((Cf. La dormeuse blogue : La triste histoire de Jean de Lévis Lomagne)), en remplacement de l’ancien pont-levis, qui était en bois.
Nous cheminons maintenant au pied des anciennes murailles, jusqu’à la première tour d’angle. Largement noyées dans le talus, les pierres que l’on voit sur l’image de gauche, sont grossièrement équarries, sans doute très anciennes, i. e. antérieures au temps des Lévis. Ce qui reste de la tour d’angle, établie sur une base rocheuse naturelle, bénéficie d’un appareillage plus noble, visible dans la partie supérieure. Après ce reste de tour, la muraille se déploie de façon continue sur une assez grande longueur. Elle a conservé ici sa hauteur et la superbe quasi romaine de son appareil de pierres.
Epousant le tournant de la colline, la muraille présente ici une arête vive, qui souligne la belle rigueur de sa tombée.
Voici, plus loin, ce qui reste de la tour suivante. Quelques pierres, un vague tumulus. Celui-ci conserve dans son apparence, par effet de mémoire de forme, quelque chose de la tour disparue.
Et voici, probablement inchangé depuis le Moyen Age, tandis que passent les générations des hommes comme passent les générations des feuilles, voici donc, probablement inchangé, le paysage que l’on voyait jadis depuis le sommet de cette défunte tour.
Plus loin toujours, alors que notre chemin amorce un second tournant avant de remonter dans la direction du château, quelques pierres isolées, visibles sous la ligne de crête au bord de laquelle circule l’ancien chemin de ronde, signalent, semble-t-il, l’emplacement d’une dernière tour. Incrustées de loin en loin dans le talus, d’autres pierres, plus nombreuses, témoignent de la continuité du rempart.
Les pierres manquantes ont probablement servi à la construction du pont de pierre en 1652.
Jour. Contrejour. Vues du pont de pierre au soleil couchant.
Vue de la butée sur laquelle portait, une fois relevé, l’ancien pont-levis.
Regagnant maintenant la cour du château, nous entrons dans la grande tour carrée, bien conservée, celle-là, et nous rendons à l’étage afin d’admirer encore une fois les palmettes de la grande cheminée, dans laquelle, comme veut la tradition, on peut rôtir un boeuf tout entier.
Le soleil, qui jette un dernier jour par la fenêtre à meneaux, projette sur le sol nos ombres complices.
Puis nous retournons à la chapelle, dont j’aime particulièrement la grâce oubliée, et dont j’ai eu la chance de pouvoir contempler, l’an dernier, les peintures, certes très dégradées, visibles encore sous forme de traces dans l’embrasure des fenêtres du premier étage. ((Cf. Les rinceaux de la chapelle castrale de Terride ; Les rinceaux de la chapelle castrale de Terride en octobre 2009))
Nous ne montons pas aujourd’hui à l’étage, d’accès dangereux en hiver. Mais, ô surprise, le rez-de-chaussée, qui a été dégagé, présente quelques éléments de décor, demeurés inaperçus jusqu’ici…
Deux belles clés de voûte, petites, mais délicatement ciselées.
Un reste de peinture, situé, comme au premier étage, dans l’embrasure d’une fenêtre. L’inspiration toutefois semble différente. Les embrasures des fenêtres du premier étage sont ornées de motifs de rinceaux. Ici, c’est autre chose, sans doute une figure animée. Impossible d’en dire plus, vu l’extrême délabrement de la fresque. Il n’empêche, cette découverte m’inspire de l’émotion. Pour une raison que je ne saurais dire, j’aime particulièrement les fresques. Même lorsqu’il n’en reste quasiment plus rien. Le sentiment de la fragilité ajoute mystérieusement à l’imagination des choses.
Le soir, après avoir quitté le château, j’ai tenté de dresser pour moi, afin de fixer le souvenir de cette promenade, un plan approximatif, très approximatif, du chemin que nous avons suivi au pied des anciennes fortifications de Terride.
Il s’agit là d’un plan sans échelle, d’une simple esquisse, faite d’après le souvenir d’une après-midi de soleil, d’après les sensations de la marche dans un beau paysage. Soyez indulgents. Ce plan n’a pour seul mérite que de pouvoir être amélioré.
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