Quand François Melchior Soulié achète une pièce de terre à la famille Rives…

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Source : Archives départementales de l’Ariège. Minutes de Me Jean Antoine Barthélémy Baillé à Mirepoix. Cote : 5E2674. Cliquez sur l’image pour l’agrandir.

« L’an six de la république française une et indivisible et le vingt-quatre brumaire avant midi, dans la commune de Mirepoix, procédant le notaire public soussigné et présents témoins bas nommés furent présents les citoyens Voluzien Rives, officier de santé médecin, et Charles Guillaume Rives son fils, cultivateur, domiciliés dans leur domaine de Chevalier dans la présente commune, lesquels de leur gré solidairement l’un pour l’autre et tous deux ci-étant joints le tout sans division ni discussion ont par le présent vendu et vendent présentement et à perpétuité au citoyen François Melchior Soulié, neveu, domicilié dans cette commune présent et comptant, savoir est le tiers et un quarante [illisible] d’une pièce de terre en auzerda ((Auzerda, en occitan : luzerne. Cf. Dictionnaire étymologique de la langue d’oc. Article Auzerda.)) ou sainfoin dépendante de la succession de feu le citoyen Guillaume Rives, leur frère et oncle, qu’ils jouissent et possèdent par indivis avec les autres cohéritiers dudit feu Guillaume Rives, ladite pièce située dans la promenade publique de cette commune, confrontant du levant en corps le nommé Andrieu, charron ; du midi le citoyen Clauzel pour une pièce de terre en jardin, fossé entre deux ; du couchant et du septentrion la promenade publique… »

Daté du 24 brumaire an VI (14 novembre 1797) à Mirepoix, l’acte partiellement reproduit ci-dessus émane de l’étude de Jean Antoine Barthélémy Baillé, successeur de Géraud Baillé. Cet acte a retenu mon attention, car, outre les deux citoyens Rives, père et fils, il intéresse le citoyen François Melchior Soulié. Deux mois plus tard, le 8 pluviôse an VI (27 janvier 1798), François Melchior Soulié épouse Jeanne Marie Baillé, l’une des soeurs de Jean Antoine Barthélémy Baillé. Ils seront, comme on sait, les parents de l’écrivain Melchior Frédéric Soulié.

Curieusement Jean Antoine Barthélémy Baillé omet de mentionner que François Melchior Soulié est alors directeur des contributions directes de l’Ariège, préférant user à son endroit du seul qualificatif de « neveu ».

Neveu de qui ? Il s’agit du neveu d’un collègue et ami. Natif de Lavelanet, François Melchior choisit en 1791 de tenter sa chance à Mirepoix, où vivent déjà deux de ses oncles paternels, dont l’un, Jean Soulié ((Cf. Christine Belcikowski. Pour une généalogie de Frédéric Soulié ; A Mirepoix, l’ancienne maison de Jean Soulié, l’un des (grands-oncles) de l’écrivain Frédéric Soulié.)), alors avocat et procureur syndic de la commune, est à la fois collègue et ami de Jean Antoine Barthélémy Baillé, lequel, outre ses activités notariales, exerce à cette date la fonction de procureur syndic, lui aussi. C’est donc au titre de cette proximité de longue date, et sans doute aussi au titre du mariage à venir, puisque que François Melchior Soulié va épouser Jeanne Marie Baillé dans deux mois, que Jean Antoine Barthélémy Baillé, en 1797, se plaît à qualifier son futur beau-frère de « neveu » [de son collègue et ami Jean Soulié]. Du charme discret, et rare, de la touche personnelle dans un acte notarié…

Voluzien Rives (?-1801), officier de santé médecin, et Charles Guillaume Rives (1773-1841) son fils, cultivateur, domiciliés dans leur domaine de Chevalier ((Chevalier est une métairie, comprise dans les écarts de la commune de Mirepoix.)), sont en 1797 des propriétaires importants. Les biens de Voluzien Rives lui viennent principalement de Paul Rives, son père, négociant qui a épousé en 1731 Catherine Malroc, fille de Jean Malroc (1668-1702), marchand de fer, et qui est devenu ainsi le beau-frère de Dominique Malroc, également marchand de fer, par ailleurs co-seigneur de Lafage.

En 1797, François Melchior Soulié achète à Voluzien et Charles Guillaune Rives « une pièce de terre en auzerda ou sainfoin, située dans la promenade publique de cette commune, confrontant du levant en corps le nommé Andrieu, charron ; du midi le citoyen Clauzel pour une pièce de terre en jardin fossé entre deux ; du couchant et du septentrion la promenade publique. »

L’administration révolutionnaire n’a pas laissé de plan du nouveau parcellaire de Mirepoix. L’examen du plan du compoix de 1766 montre toutefois que la pièce de terre achetée par François Melchior Soulié deux mois avant son mariage avec Jeanne Marie Baillé ne pouvait se situer, « dans la promenade publique de cette « commune », ailleurs qu’à l’endroit du champ qui appartenait en 1766 à l’évêché ((Plan 20 du compoix de 1766. Moulon du Capitoul, font del Bastié ou Bourdette et partie de la Croix del Bastié et encore partie de Ramondé. Nº 15. Cf. La dormeuse blogue 3 : A Mirepoix – Moulon du Capitoul, font del Bastié ou Bourdette et partie de la Croix del Bastié et encore partie de Ramondé.)), autrement dit à l’angle des actuels cours du Docteur Chabaud et cours du Maréchal de Mirepoix, soit à faible distance de l’ancienne maison de la famille Baillé, et aussi de la maison qui est aujourd’hui encore de la famille Clauzel, jadis très amie de la famille Baillé, maisons dont les jardins donnent eux-mêmes sur le cours du Docteur Chabaud.

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Compoix de Mirepoix. 1766. Volume 2. Cahier des non-valeurs. Monseigneur l’Evêque, l’Evêché, p. 218. Cliquez sur l’image pour l’agrandir.

Il semble bien qu’en novembre 1797, Francois Melchior Soulié achetait cette pièce de terre, située à proximité de la maison familiale de sa future épouse, afin d’y faire bâtir par la suite une maison qui abriterait leur nouveau foyer. On sait que leur mariage, célébré le 8 pluviôse an VI (27 janvier 1798), n’a duré que trois ans. François Melchior Soulié en conséquence, sans avoir fait bâtir, quittera définitivement l’Ariège.

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Ci-dessus : ancienne maison de Melchior Casimir Gorguos, cours du Docteur Chabaud.

En 1869 toutefois, Melchior Casimir Gorguos, petit-fils de François Melchior Soulié, trouvera à corriger la vie, en faisant bâtir sur la pièce de terre achetée jadis par son grand-père « dans la promenade publique de cette commune », une belle maison ((Cf. La dormeuse blogue 3 : A Mirepoix – Moulon du Capitoul, font del Bastié ou Bourdette et partie de la Croix del Bastié et encore partie de Ramondé ; A Mirepoix – Moulon de… la porte d’Aval, rue Courlanel, le Grand Couvert, place Saint Maurice et grande place – n°215 à 231.)), juste en face de la façade sud de l’ancienne maison Baillé. Tours et détours des histoires familiales !