Ci-dessus : carte extraite de l’Atlas illustré de la France et de ses colonies par M. Vuillemin, ingénieur géographe ; J. Migeon libraire-editeur, Paris, 1883.
Il y a un R qui s’est perdu, entre le début et la fin du XIXe siècle dans l’orthographe du nom ARRIEGE vs ARIEGE ! Diaple ! comme on dit ici (vs « diable »). Je me suis inquiétée de cette diablerie.
Ci-dessus : Frédéric Soulié, Le département de l’Arriège, in Musée des Familles, 1835.
Habituée à la graphie ARRIEGE, qui est de rigueur dans l’oeuvre de Frédéric Soulié, je me suis demandé un jour d’où venait ce RR, aujourd’hui disparu. A côté d’étymologies fantasques ou secondes, de forme aurigera, qui rattachent le nom Ariège, ou Oriège, à l’or des rivières 1Cf. Site Orpailleur.com : « Ce département est l’un des plus célèbres de France pour l’or. Il tire d’ailleurs son nom de la rivière Ariège qui le traverse, et dont l’étymologie aurigéra ne fait pas de doute »., ou de forme ariega, qui renverraient à l’étymon gaulois *argia, fondé sur un radical argo- « blanc, brillant » 2Cf. Site Wiktionnary.org : « Sur la base de la mention médiévale Aregia (968) Xavier Delamarre propose, dans son Dictionnaire de la langue gauloise — (Errance, 2008), un étymon gaulois *Argia » fondée sur un radical argo- « blanc, brillant » → voir argent et Oriège »., j’ai repéré dans le Dictionnaire des langues d’oc 3Cf. Etymologie occitane – Dictionnaire des langues d’oc, article Hérault. colligé par Robert Geuljans que comme le nom du fleuve Hérault, celui de la rivière Ariège « se rattacherait à la grande famille des rivières en Ar- comme l’Aar suisse ou encore l’ancien nom de la Saône, Arar ». Le RIEGE qui suit le préfixe AR-, rivière, y ajouterait, à partir du latin REGARE, le sens de « rivière maîtresse », la rivière qui irrigue et qui ainsi règle la vie » 4Cf. Site Pedagogie.ac-toulouse.fr : Etymologie du mon Ariège : déformation de la Riège, même racine que le mot latin regare, « irriguer ». A donné son nom au département l’Ariège (09).. L’ARRIEGE serait ainsi l’AR qui RIEGE. La valence aurifère, de type « aurigera », aurifère, ou « ariega », blanc brillant, argentifère, se serait ensuite mêlée à à la signification première par effet de surdétermination sémantique, résultant de la tradition minière.
Bref, le douple (comme on dit ici) RR du nom ARRIEGE se serait perdu au cours du XIXe siècle, lorsque, suite à l’épuisement de l’or des rivières et de l’argent des mines, la nostalgie de l’âge des métaux commence de l’emporter dans l’esprit des Ariégeois sur le souci de l’irrigation. C’est là le signe que le département a cessé de compter sur son AR-, sa rivière, partant, sur son agriculture, comme source principale de son développement.
Ci-dessus : l’Ariège près d’Ax-les-Thermes.
De la graphie ARRIEGE à la graphie ARIEGE, on passe, dans la représentation que le nom véhicule, de la rivière au département, et, par effet de conversion, de l’agriculture au tourisme, ainsi qu’au légendaire dont le tourisme a besoin pour stimuler la demande. Diaple ! « Ce département est l’un des plus célèbres de France pour l’or. Il tire d’ailleurs son nom de la rivière Ariège qui le traverse, et dont l’étymologie aurigéra ne fait pas de doute », dixit aujourd’hui le site sus-mentionné Orpailleur.com.
Notes