Ci-dessus : aspect du « paysage urbain historique » au quartier de Lilo.
Je viens de lire la Recommandation sur le paysage urbain historique, publiée par l’UNESCO en novembre 2011, dans les Actes de la 36e session de sa Conférence Générale. Le « paysage urbain historique », c’est précisément celui auquel je m’intéresse à Mirepoix. Il fait l’objet d’un préambule fortement définitionnel dans la recommandation unescquienne. J’ai pris soin de relever le texte ce préambule:
Le paysage urbain historique s’entend du territoire urbain conçu comme la résultante d’une stratification historique de valeurs et d’attributs culturels et naturels, dépassant les notions de « centre historique » ou d’« ensemble historique » pour inclure le contexte urbain plus large ainsi que son environnement géographique.
Ce contexte plus large comprend notamment la topographie, la géomorphologie, l’hydrologie et les caractéristiques naturelles du site ; son environnement bâti, tant historique que contemporain ; ses infrastructures de surface et souterraines ; ses espaces verts et ses jardins ; ses plans d’occupation des sols et son organisation de l’espace ; les perceptions et les relations visuelles ; et tous les autres éléments constitutifs de la structure urbaine. Il englobe également les pratiques et valeurs sociales et culturelles, les processus économiques et les dimensions immatérielles du patrimoine en tant que vecteur de diversité et d’identité.
Cependant que je relevais le détail de cette définition – ah, l’art de dire, dans la technolangue de l’administration ! -, je songeais à nostre Mirepoix… celui dans lequel nous marchons tous les jours, celui dans lequel nous avons notre « paysage urbain historique ». Je ne suis pas sûre que le paysage urbain de Mirepoix, certes puissamment historique – mais qu’est-ce qu’historique ? -, puisse sans dommage faire l’objet d’une définition aussi froidement objectivante. Et je crains ici qu’à trop vouloir définir le tout du paysage, même si initialement les intentions sont bonnes, on ne mette les mots à la place des choses, partant, qu’on n’en vienne à sélectionner les choses (à sauvegarder) en fonction du degré de correspondance qu’elles entretiennent avec les mots, choisis d’avance, dont on use pour les dire. J’ai récemment entendu parler ainsi de « bassin versant visuel » à propos du « paysage urbain historique » qu’il convient de préserver à Mirepoix !
Je retiens toutefois que l’UNESCO « recommande également aux États membres et aux autorités locales compétentes de définir, en fonction de leur contexte spécifique, les étapes essentielles de la mise oeuvre de l’approche axée sur le paysage urbain historique, qui pourraient notamment consister à entreprendre des études exhaustives et une cartographie des ressources naturelles, culturelles et humaines des villes historiques ». Je m’applique justement à ce genre d’étude et à cette cartographie, dans le champ historique qui va du compoix de 1766 au nouveau plan urbain mis en oeuvre par la municipalité révolutionnaire. Je ne prétends pas à l’exhaustivité quant à cette période, mais, sachant qu’il s’agit là d’un idéal inatteignable, je m’efforce d’y tendre, comme j’en ai conçu le projet, fou et vague, lorsque je me suis installée à Mirepoix, il y a cinq ans. J’évoquais à l’époque ce projet encore balbutiant dans l’article intitulé Dali ou Perec ? La gare de Perpignan ou le carrefour Mabillon ?
Je crois en effet que l’étude du « paysage urbain historique » et la cartographie du dit paysage sont utiles, dans la mesure où elles aident à la médiation du présent et du passé. Il ne s’agit point toutefois d’assurer ici, à titre d’amusette, une médiation du passé vers le présent, mais à l’inverse, d’assurer au passé la possibilité de questionner notre présent. C’est ainsi du moins, et dans ce but, que j’ai entrepris d’étudier le quartier du Bascou et de Lilo, puis de raconter l’histoire de Guillaume Sibra dit Jean Dabail, de Marion Marty dite Marionnasse, et celle de Quelques autres femmes oubliées autour de la bande à Dabail. Je me suis intéressée par suite à des secteurs du « paysage urbain historique » qui ne font peut-être pas partie du « bassin versant visuel » officiellement défini comme à sauvegarder et valoriser, dans le cadre d’une politique d’image axée sur la marchandisation de la ville. Je poursuis aujourd’hui mon projet, dans l’esprit toujours de Perec et en hommage à ce grand disparu. J’ai profité d’une lecture de hasard pour m’en expliquer ici.