Compoix de 1766, plan 6 : moulon du grand chemin du pont, pont de Raillette, rue du bord de l’eau jusqu’au moulin. A partir du pont de Raillette, le moulon se trouve délimité, au sud par le canal du moulin (aujourd’hui le Béal) jusqu’au moulin ; à l’ouest par la propriété de Dominique Malroc, qui confronte « à la rue du bord de l’eau et proche du moulin, le pré de Guillaume Sabatier, vitrier » 1Cf. Plan 5, n°1 ; au nord par la rivière de l’Hers ; à l’est par le grand chemin du pont (aujourd’hui avenue du Pont).
La plus grande partie du moulon est verte, constituée de prés et de jardins qui se déploient en pente douce depuis la rue du Bord de l’eau (aujourd’hui rue du Béal) jusqu’à la rivière de l’Hers. La part du bâti demeure faible, réduite en 1766 aux parages de la rue du Bord de l’eau.
Après avoir potassé le plan 6 du compoix de 1766 et relevé les numéros des parcelles correspondantes, que vous trouverez ci-dessous, j’ai entrepris, comme chaque fois, d’aller sur le terrain afin de voir à quoi ressemble aujourd’hui le moulon considéré, et, pourquoi pas, de marcher, au moins en imagination, dans le paysage du passé.
Mon parcours débute ici sur le pont de l’Hers, d’où l’on peut admirer, en contrebas, le front vert du moulon. Depuis le parapet du pont, on ne distingue aucune maison, mais seulement, à perte de vue, un vaste moutonnement végétal.
Si, empruntant le sentier qui s’ouvre à l’aile du pont, l’on gagne plus bas la rive de l’Hers, on trouve là, au bord de l’eau et des breils attenants, une suite de champs derrière lesquels, au loin, se profilent les toits de la rue du Béal, et, par-dessus les toits, comme partout dans Mirepoix, le clocher de la cathédrale.
Jadis laissé libre, puisque propriété de la communauté, le bord du grand chemin du Pont (aujourd’hui avenue du Pont) abrite de nos jours, au ras de la chaussée ou dans une sorte de combe située en contrebas de cette dernière, quelques maisons plus récentes. Il m’est arrivé de photographier ici le blanc d’une lessive, vu parmi les arbres, en passant 2Cf. Carte postale des bords de l’Hers..
1. La communauté, l’hôtel de ville : champ, pré, gravier à Raillette et au pont de la rivière de l’Hers
2. Julienne Labadie, veuve de Jean Tadieu : jardin à la rue du Coin de Paraulettes
3. Pierre Barrau, brassier : jardin et pré à Raillette
4. François Marie, charron : jardin et pré à Raillette
5. François Dassier, bourgeois, faisant pour demoiselle Marie Rose Fontainer, son épouse : décharge et champ en auzerda ; duquel demoiselle Julienne Labadie a la sortie et le passage.
Ci-dessus : à l’angle de l’avenue du Pont et de la rue du Béal, vue des maisons qui furent anciennement celles d’Etienne Dassier, marchand facturier, de Julienne Labadie, veuve de Jean Tadieu, et de François Dassier, bourgeois.
6. Sieur Etienne Dassier, marchand facturier : maison au pont de Raillette avec le dessus du derrière de la maison de demoiselle Julienne Labadie
7. Julienne Labadie, veuve de Jean Tadieu : maison au pont de Raillette
8. François Dassier, bourgeois : maison au pont de Raillette
Depuis le pont sur l’Hers, lorsqu’on marche en direction de la ville, on arrive bientôt à la hauteur du pont de Raillette, avec, à gauche, de l’autre côté de l’avenue, le chêne vert, réputé vieux de huit cents ans, et le « moulon du pont de Raillette jusqu’au ruisseau de Countirou et la rivière de l’Hers ; à droite la rue du Béal (autrefois rue du bord de l’eau), qui court le long du canal jusqu’à l’emplacement des anciens moulins, remplacés au XIXe siècle par un moulin plus moderne, aujourd’hui désaffecté.
Ourlée d’une suite de maisons riveraines, cette rue (n°15) constitue au sein du moulon la seule voie de circulation publique. Hormis quelques rares exceptions, les maisons que l’on voit aujourd’hui rue du Béal existaient déjà en 1766. Avec leurs façades étroites, et ça et là leurs colombages, encorbellements, corbeaux et autres réminiscences médiévales, elles demeurent les témoins du bâti le plus communément pratiqué à Mirepoix jusqu’à la fin de l’Ancien Régime.
9. Guillaume Esquirol, boucher : maison à la rue du bord de l’eau
10. Jean Senier, tisserand : maison et patu à la rue du bord de l’eau
11. Pierre Barrau, brassier : maison et la moitié du passage au pont de Raillette dont le bas de la maison est par indivis entre lui-même et les frères de Jean Barrau avec l’usage de l’escalier qui est dans le passage
12. Pierre Barrau, cardeur, et Anne Barrau, femme de Nicolas Darain : maison et moitié du passage commun et l’usage de l’escalier avec Pierre Barrau au pont de Raillette
13. Pierre Barrau, brassier : fenière au pont de Raillette
14. François Simorre et Marie Barrau maison au pont de Raillette et à la rue du bord de l’eau
15. Non documenté. C’est la rue.
16. François Simorre et Marie Barrau maison au pont de Raillette et rue du bord de l’eau
17. Guillaume Gorguos, maréchal à forge : maison et jardin à la rue du bord de l’eau
18. François Sabatier, négociant à La Roque : maison et jardin à la rue du bord de l’eau
19. François Simorre et Marie Barrau : jardin et pré à Raillette
20. Guillaume Esquirol, boucher : maison et jardin à la rue du bord de l’eau
21. Jean Douce, teinturier : maison et jardin à la rue du bord de l’eau
22. Catherine Barrau, veuve de Guillaume Lateulère : maison et jardin joignant à la rue du bord de l’eau
23. Guillaume Jean, dit Natet, brassier : maison et jardin à la rue du bord de l’eau
23 bis. Guillaume Jean, dit Natet, brassier : patu à la rue du bord de l’eau
24. Jean Gatimel, dit Moustafa, brassier : maison et jardin à la rue du bord de l’eau
25. Etienne Senier, restant pour valet de chez M. de Simorre : maison et jardin à la rue du bord de l’eau
26. Jean Mesplié, marchand : maison et jardin à la rue du bord de l’eau
27. François Sabatier, négociant à La Roque : maison et jardin à la rue du bord de l’eau
27 bis. François Sabatier, négociant à La Roque : patu à la rue du bord de l’eau.
Aujourd’hui occupée par un sculpteur, la maison à colombages qui s’élève à l’entrée de la rue, du côté gauche, est probablement l’une des plus anciennes de la ville. Elle fait corps avec une suite de maisons plus petites qui s’étendent jusqu’au petit parking aménagé au bord du canal, avant la première passerelle.
Partagé de façon curieusement longitudinale, ce pâté de maisons, en 1776, appartient, côté rue, à François Simorre et Marie Barrau, sa femme (n°14) ; côté canal à Pierre Barrau (n°11, 13), brassier, et, de façon indivise, à Pierre Barrau (n°12), cardeur, et à Anne Barrau, femme de Nicolas Darain. Le plan indique que l’accès aux parcelles n°11, 12, 13, se fait alors sur l’arrière, via un étroit passage ménagé au bord du canal.
On peine à imaginer au vu de ce pâté de maisons, de largeur et de hauteur inégales, à quoi ressemblait en 1766 la distribution globale de l’ensemble. François, qui est avec Marie Barrau, sa femme, propriétaire de la moitié de cet ensemble côté rue (n°14), exerce le métier de tisserand. Le Pierre Barrau, qui est avec Anne Barrau, femme de Nicolas Darain, propriétaire de la parcelle n°12, exerce quant à lui le métier de cardeur. Les deux familles propriétaires sont par ailleurs parentes et alliées. Elles tiennent là probablement un atelier, dans lequel elles travaillent ensemble. Les deux Pierre Barrau ne disposent pas, semble-t-il, d’un logement ailleurs. François Simorre et Anne Barrau, son épouse, habitent quant à eux la maison assortie d’un jardin (n°16), qu’ils possèdent en face, dans la même rue. A cette maison viennent s’ajouter, toujours dans la dite rue, un autre jardin et un pré (n°19). Catherine Barrau, veuve de Guillaume Lateulère, tante des Barrau mentionnés plus haut, habite elle aussi à proximité (n°22).
Ci-dessus, au centre : derrière le portail, terrain vague et ruines correspondant à l’ancienne demeure de Guillaume Gorguos, maréchal à forge.
Outre Pierre Barrau, cardeur, et François Simorre, tisserand, le moulon compte encore parmi les artisans qu’il accueille, Jean Senier (n°10), autre tisserand , et Jean Douce (n°21), teinturier. L’artisanat du textile a besoin d’eau. Il trouve ici ici des conditions favorables. Tandis qu’en amont du pont de Raillette, le quartier de l’Isle s’est spécialisé dans le tannage des cuirs, lui aussi gros consommateur d’eau, le quartier de la rue du Bord de l’eau, situé en aval du pont de Raillette, s’est spécialisé, lui, dans la production textile. Cette spécialisation se trouve confirmée par la proximité du foulon, dont les ruines subsistent à l’autre bout de la rue, côté cours du Maréchal de Mirepoix.
Avec Guillaume Gorguos (n°17), maréchal à forge, et François Marie (n°29), charron, le moulon compte également, au bord de l’eau, deux professionnels du bois et du fer. Il accueille par ailleurs des brassiers, qui trouvent à s’employer, non loin de là, au Bascou, où une intense activité s’entretient autour du foirail et de l’abattoir. Guillaume Esquirol (n°20), boucher, tient ainsi rue du Bord de l’eau une maison proche du lieu de son exercice professionnel. Etienne Senier (n°25) loge ici, quant à lui, quasiment au pied de la maison qu’il sert, puisqu’il est valet chez Noble Jean de Simorre, dont la haute maison s’élève à l’orée du moulon de la Trinité, sur l’autre rive du canal, juste derrière la vieille maison à colombages qui abrite l’activité professionnelle de Pierre Barrau, cardeur, et de François Simorre, tisserand.
Ci-dessus, de gauche à droite : de part et d’autre du canal, maison des Simorre-Barrau et maison de Noble Jean de Simorre ; avenue du Pont, au bord du pont de Raillette, façade principale de la maison de Jean de Simorre.
28. Dominique Malroc, bourgeois : maison et autre couvert, jardin, pré, breil, à la rue du bord de l’eau et proche le moulin.
Après la longue suite de maisons que je viens de décrire, la rue continue à courir au bord d’un long mur, derrière lequel s’étend un vaste paysage de jardins, prés, champs, breils, paysage à l’horizon duquel, derrière les arbres, on devine l’Hers. C’était là, en 1766, le domaine de Dominique Malroc, marchand, propriétaire de l’hôtel éponyme, rue Courlanel, l’une des plus belles demeures du Mirepoix d’antan. Guillaume Malroc, fils de Dominique Malroc, sera maire de Mirepoix de 1791 à 1792.
29. François Marie, charron : maison à la rue du bord de l’eau
30. Pierre Gautier, marchand : décharge à la rue du bord de l’eau et au derrière de la maison de François Marie, charron
31. François Marie, charron : jardin à la rue du bord de l’eau.
Peu avant d’aboutir au « moulon où sont les moulins », i. e. peu avant d’arriver à la hauteur de l’ancienne propriété de Guillaume Sabatier, vitrier, la rue du Bord de l’eau se trouvait, en 1766, bordée par un dernier ilôt bâti, correspondant à la maison-atelier de François Marie, charron, et à la décharge de Pierre Gautier, marchand. Il ne reste rien de l’ilôt en question. A sa place s’élèvent des constructions modernes.
Ma promenade ici n’est pas finie. La rue continue à courir au bord du canal. Mais je me trouve maintenant aux parages du « moulon où sont les moulins ». Rendez-vous donc dans le prochain article, dédié à ce moulon des moulins et au plan 5 du compoix.
A lire aussi :
Moulons de Mirepoix 1
Moulons de Mirepoix 2
Notes