A Mirepoix – Moulon du pont de Raillette jusqu’au ruisseau de Countirou et la rivière de l’Hers

 

Ci-dessus : dressée en 1766, carte du « moulon du pont de Raillette jusqu’au ruisseau de Contirou et à la rivière de l’Hers jusqu’au grand pont sur la dite rivière ».

Le moulon figuré ci-dessus jouxte celui de L’Isle 1Cf. La dormeuse blogue 2 : A Mirepoix – Le quartier de Lilo – L’Isle et le Bascou. et celui du Saint-Sacrement 2Cf. La dormeuse blogue 2 : A Mirepoix – Le moulin du Saint-Sacrement., sur le flanc nord de ces derniers. Il se trouve délimité sur ce flanc-là par l’ancien chemin de Countirou (aujourd’hui rue Jacques Miquel) et par le canal du moulin (aujourd’hui le Béal).

Les autres limites du moulon considéré sont à l’est le bord du Countirou, à l’ouest le grand chemin du pont à Mirepoix (aujourd’hui avenue du Pont), et au nord le bord de l’Hers.

On remarque que depuis 1766 l’embouchure du Countirou s’est déplacée. Elle se situe amont à plus grande distance du pont sur l’Hers.

Le cartographe dessine en 1766 un pont de bois. Le pont de pierre date de 1789 3Cf. La dormeuse blogue : Arthur Young à Mirepoix.. Issu du prolongement de l’ancienne promenade du Rumat, le cours du Jeu du Mail crée dans le moulon une trouée qui n’existait pas en 1766. Il longe le site qui fut jadis celui de la ladrerie (n°11). Initialement dédiée aux lépreux, d’où située hors les murs de la ville, la ladrerie accueillait de façon plus large les malades, les pauvres et les pèlerins de Saint Jacques. Au XVIIe siècle, elle a sans doute bénéficié de l’activité charitable de la Compagnie du Saint-Sacrement, qui avait investi, entre la promenade du Rumat et la rue du grand faubourg Saint Jammes, dans la boucle du canal du moulin, le moulon immédiatement voisin 4Cf. La dormeuse blogue 2 : A Mirepoix – Le moulin du Saint-Sacrement.. La dite ladrerie perd ensuite son affectation ancienne, puisque, comme signalé dans le compoix, François Dassier, bourgeois, est en 1766 propriétaire de « la maison, autrefois la ladrerie », ainsi que l’autre couvert et du ferratjat 5Cf. Louis Alibert, Dictionnaire Occitan-Français, Institut d’Estudis Occitans, 1966, p. 397 : ferratjat, champ de fourrage. attenants.

 

Vue de la façade principale de la résidence installée sur le site de l’ancienne ladrerie.

 

Vue de la façade latérale de la même résidence, depuis le cours du Jeu du Mail.

Prolongée par la suite sur son flanc est, la bâtisse qualifiée de simple « couvert » en 1766 a fait récemment l’objet d’une vaste opération immobilière. Rénovée et lotie, elle prétend aujourd’hui au statut de résidence, après distribution de son profil de longère, au bord du cours du Jeu du Mail, en une suite d’appartements et de jardins mitoyens.

 

La »maison, autrefois la ladrerie » demeure visible, quant à elle, dans la cour de la résidence. On l’entrevoit également, en arrière-plan, depuis le pont de Raillette 6Cf. Infra., lorsqu’on se place sous le chêne vert, réputé vieux de huit cents ans, comme on sait.

 

Voici la liste des propriétaires des parcelles enregistrées sur le compoix de 1766 :

1. Jacques Rivel, marchand tanneur : maison servant d’adoubairie à tanner des cuirs 7Adoubairie, ou adouvairie : atelier de tanneur/corroyeur. Cf. La dormeuse blogue 2 : A Mirepoix – Le quartier de Lilo – L’Isle et le Bascou. avec un patu 8Patu : à Mirepoix, cour ouverte. ou boulmières 9Boulmières : mot inconnu des dictionnaires ; il pourrait donc s’agir d’un mot forgé, propre au parler de Mirepoix, issu peut-être de la corruption de “holmières”, ou “olmières”, i. e. ormaie, terrain planté d’ormeaux., jardin et breil à Countirou
2. Demoiselle Anne Amat : maison et jardin, pré, breil et gravier à Countirou
3. Communauté
4. Jacques Rivel, teinturier dit le Romain : pré au pont
5. Jean Pierre Rivel marchand : pré au pont
6. Jacques Rivel, teinturier dit le Romain : vigne à Raillette
7. Alexandre et François Sutra frères, marchands tanneurs : vigne à Raillette
8. Jean Pierre Rivel marchand : vigne à Raillette
9. Maître Guillaume Letu, notaire royal et tabellion du marquisat de Mirepoix : champ à Raillette
10. François Dassier, bourgeois : pré à auzerda 10Cf. Louis Alibert, Dictionnaire Occitan-Français, Institut d’Estudis Occitans, 1966, p. 132 : auzerda, ou ausèrda, luzerne. à Raillette
11. François Dassier, bourgeois : maison, autrefois la ladrerie, et autre couvert, ferratjat à Raillette
12. M. le Marquis de Mirepoix : herm 11Frédéric Godefroy, Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du 9e au 15e siècle, 1881-1902, version numérisée : herm, ou herme, terrain vague, terre inculte. au pont de Raillette.

 

Je vous invite à faire le tour de ce moulon resté champêtre malgré le flot de voitures et de camions qui le traversent quotidiennement, via la trouée naguère ouverte en son milieu par le prolongement de l’ancienne promenade du Jeu du Mail.

 

Je me trouve ici au pont de Raillette 12Faute d’autres renseignements sur le nom « Raillette », je renvoie ici aux articles « Raille », « Roile » ou « Roille », et « Reille » du Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du 9e au 15e siècle (1881-1902) de Frédéric Godefroy. « Reille » : « ais, bardeau, poutrelle » ; « barre pour fermer une porte » ; « sillon, ornière ». Le nom « Raillette » pourrait donc évoquer la façon d’un pont de bois, ou bien la barrière sise au passage du dit pont, ou encore l’aspect de ravin que présente ici le cours du Béal., sous lequel le Béal (autrefois le canal du moulin) continue son chemin vers le foulon et « moulin d’embas » 13Cf. La dormeuse : Le canal du moulin – 1. Du Countirou au pont de Raillette ; Le canal du moulin – 2. Du pont de Raillette au moulin.. Le moulon s’étend jusque »à l’Hers et au Countirou, à partir du Béal. On entrevoit sous le vieux chêne la façade sud de « la maison, autrefois la ladrerie » (n°11). Au bord du Béal, le jardin dans lequel s’élève une balançoire, c’est l’ancien herm du marquis de Mirepoix (n°12).

 

Longeant l’entrée de la résidence installée sur le site de l’ancienne ladrerie, je me dirige maintenant vers le pont sur l’Hers. Invisible en contrebas de l’avenue, derrière la haie de thuyas, sur ma droite, les anciens champ de Maître Guillaume Letu, notaire royal et tabellion du marquisat de Mirepoix (n°9), et pré à auzerda de François Dassier, bourgeois (n°10).

 

Juste avant le pont, j’emprunte à droite, derrière le banc, le chemin qui s’enfonce au coeur du moulon. Je m’engage ici sur un terrain qui avait en 1766 le statut de communal (n°3), de telle sorte que la population de Mirepoix y avait librement accès à l’eau et au bois.

 

Derrière moi, les arches du pont.

 

Sur ma droite, côté Countirou, les anciens « pré, breil et gravier » de Demoiselle Anne Amat (n°2) ; côté cours du Jeu du Mail, l’ancien « pré au pont » de Jean Pierre Rivel, marchand (n°5), et, sur fond de ciel, au loin, la flèche de l’ancienne cathédrale Saint-Maurice.

 

Je descends maintenant vers les bords humides de l’Hers. Le sentier débouche à proximité immédiate des piles du pont.

 

 

Quittant la rive de l’Hers, je remonte sur le chemin qui circule à l’intérieur du moulons, entre prés et jardins. Ici, au pied d’un tas de gravats, une belle pierre, dont le profil muet pourrait être celui d’une idole primitive, en tout cas celui d’une sorte de génie du lieu.

 

Le cabanat au toit lesté de pierres, marque le début du territoire qui fut jadis, au bord du Countirou, celui de Demoiselle Anne Amat (n°2). A droite du chemin, sur l’image, là où s’ouvre une longue perspective de jardins, s’étendait en 1766 le « pré au pont » de Jacques Rivel, teinturier dit le Romain (n°5).

 

Vues de l’ancienne propriété de Demoiselle Anne Amat (n°2). La ligne d’arbres au fond ourle la rive du Countirou.

 

Au-delà de l’ancien champ de Maître Guillaume Letu, notaire royal et tabellion du marquisat de Mirepoix (n°9), vues de la résidence installée sur le site de l’ancienne ladrerie (n°11). Et, par-dessus le toit de la résidence, le clocher de l’ancienne cathédrale Saint Maurice.

 

Sous l’avenue du Pont, vues des anciens champ de Maître Guillaume Letu, notaire royal et tabellion du marquisat de Mirepoix (n°9), et pré à auzerda de François Dassier, bourgeois (n°10). Au dessus de l’ancien « pré à auzerda« , l’avenue du Pont.

 

Avant de quitter le vieux chemin que je viens de parcourir, un dernier regard sur le paysage que je laisse derrière moi. Au bout du chemin, sur la colline, on aperçoit le château de Terride. Encore debout au bord du chemin, un pan du mur qui fermait jadis la propriété de Demoiselle Anne Amat (n°2). En face de moi, de l’autre côté du cours du Jeu du Mail, là où s’étendent un vaste jardin et une serre, il faut imaginer les vignes de Jacques Rivel, teinturier dit le Romain (n°6), d’Alexandre et François Sutra frères, marchands tanneurs (n°7), et de Jean Pierre Rivel marchand (n°8).

 

Remontant le cours du Jeu du Mail en direction du Rumat, je longe ici l’ancienne propriété de Demoiselle Anne Amat (n°2). Je vois apparaître progressivement la façade arrière de la maison.

 

Je double ici le portail qui donne sur l’arrière de la maison.

 

Construite sur un terrain qui descendait jadis en pente douce depuis le pont de Raillette jusqu’au Countirou, la maison hélas se retrouve aujourd’hui surbaissée et comme abîmée en contrebas du cours du Jeu du Mail, dont le prolongement vient crever ici l’unité de l’ancien moulon.

 

Vues de la façade principale de l’acienne maison de Demoiselle Anne Amat.

 

Continuant de cheminer cours du Jeu du Mail en direction du Rumat, j’aperçois, à proximité de l’entrée de la rue Jacques Miquel, la façade arrière de l’ancienne « maison servant d’adoubairie à tanner des cuirs avec un patu ou boulmières, jardin et breil à Countirou » (n°1), de Jacques Rivel, marchand tanneur.

 

Vues de l’ancienne « maison servant d’adoubairie » depuis l’entrée de la rue Jacques Miquel, et à partir de la passerelle sur le Countirou.

 

Vue du site de l’ancienne adoubairie depuis la passerelle sur le Countirou.

 

Le terme de ma promenade aujourd’hui est au Countirou. Je vous quitte sur la passerelle. L’eau concentre sous les saules un reflet bleu. L’étiage est bas. L’été s’avance…

A bientôt.

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