Structures administratives du Languedoc et de la généralité de Toulouse en 1789

 

Partie de la carte intitulée La France divisée en ses généralités ou intendances et pays d’Etats avec les chefs-lieux des élections, bailliages, territoires, prévôtés, subdélégations etc. Pour être insérée dans la lettre du roi pour la convocation des Etats généraux, du 24 janvier 1789.

Les structures administratives de la France de l’Ancien Régime sont d’une complexité étonnante. Elles s’empilent, se chevauchent au fil des siècles, et forment une sorte de millefeuille difficile à lire. Voici la compilation des renseignements que j’ai pu trouver concernant la province du Languedoc en 1789, et, dans le cadre de cette dernière, la généralité de Toulouse.

 

Elie Pélaquier, Ancien ressort du parlement de Toulouse, six généralités et régions actuelles ; source : Centre de Recherches Interdisciplinaires en Sciences humaines et sociales de Montpellier, ou C.R.I.S.E.S. ; Université Paul Valéry Montpellier III.

Créée en 1229 suite à la victoire des armées de Simon de Montfort dans la guerre contre les Albigeois, la province du Languedoc comprend sous l’ancien Régime les généralités de Toulouse et de Montpellier. La généralité de Montpellier est siège de L’intendance générale ; celle de Toulouse, siège du Parlement. 1Cf. Pour plus de détails : Atlas historique de la province de Languedoc, sous la direction d’Élie Pélaquier, C.N.R.S., C.R.I.S.E.S., Centre de Recherches Interdisciplinaires en Sciences humaines et Sociales, Université Paul Valéry, Montpellier III.

1. Administration fiscale

La généralité de Toulouse constitue l’une des deux circonscriptions administratives du Languedoc. Le mot généralité désigne ici proprement l’entité fiscale. La généralité de Toulouse est le siège d’une recette principale, régie par un trésorier général. L’intendant général du Languedoc, au XVIIIe siècle, jouit toutefois de prérogatives supérieures à celles du trésorier général ; il exerce de fait l’essentiel des fonctions initialement dévolues à ce dernier. Il exerce également des pouvoirs de justice et de police.

L’intendant général est choisi et nommé par le ministre des finances. Il contrôle la répartition des impôts royaux directs ; le paiement des droits relatifs aux domaines royaux et la mise à jour des terriers correspondants ; la gestion des communautés d’habitants et celle des communautés religieuses, scolaires, etc. ; l’ensemble des activités des officiers de finances ; les grands travaux de voirie ; le développement de l’agriculture ; les manufactures royales ; les poudres et les salpêtres ; les messageries, la poste ; l’aide sociale (ateliers de charité, dépôts de mendicité, ravitaillement de la population dans les périodes de disette) ; etc. Hors des matières de finance, il est également intendant de justice et intendant de police.

Deux des intendants généraux qui se sont succédé en Languedoc au XVIIIe siècle sont morts à la tâche. Optant pour la collaboration familiale, deux d’entre eux également ont choisi de faire oeuvre commune avec leur propre fils.

Intendants généraux du Languedoc au XVIIIe siècle

• 13 août 1685 – mai 1718 : Nicolas de Lamoignon de Basville
• mai 1718-11 février 1725 : Louis de Bernage
• septembre 1724-1743 : Louis Basile de Bernage de Saint-Maurice (fils du précédent, d’abord associé à son père)
• 1743-28 décembre 1750 : Jean Le Nain, baron d’Asfeld (mort en fonction)
• janvier 1751-1785 : Jean Emmanuel de Guignard, vicomte de Saint-Priest (mort en fonction)
• 1764-1786 : Marie Joseph Emmanuel de Guignard de Saint-Priest (fils du précédent, d’abord associé à son père ; responsable, pour la petite histoire, de l’enquête (1764-1767) sur la bête du Gévaudan)
• 1786-avril 1790 : Charles Bernard de Ballainvilliers.

Ci-contre : portrait de Nicolas de Lamoignon de Basville par Jean Ranc.

La généralité de Toulouse comprend douze diocèses civils (modèle du futur district révolutionnaire) et dix sub-délégations. Les diocèses civils correspondent grosso modo aux diocèses religieux. Dans le cas des diocèses plus peuplés, l’intendant peut créer des sub-délégations, i. e. des zones d’imposition plus étroitement circonscrites, sises en général au chef-lieu des diocèses, dans lesquelles il confie à un sub-délégué de son choix le soin de veiller à la récolte locale de l’impôt.

Diocèses civils du Languedoc a XVIIIe siècle

• Diocèse civil d’Albi
Subdélégation d’Albi
• Diocèse civil d’Alet
Subdélégation d’Alet et Limoux, siège à Caudiès
• Diocèse civil de Bas-Montauban
Subdélégation de Bas-Montauban, siège à Montauban
• Diocèse civil de Carcassonne
Subdélégation de Carcassonne
• Diocèse civil de Castres
Subdélégation de Castres
• Diocèse civil de Lavaur
Subdélégation de Lavaur
• Diocèse civil de Limoux
• Diocèse civil de Mirepoix
Subdélégation de Mirepoix
• Diocèse civil de Petit-Comminges
• Diocèse civil de Rieux-Volvestre
Subdélégation de Rieux-Volvestre et Petit-Comminges, siège à Rieux-Volvestre
• Diocèse civil de Saint-Papoul
Subdélégation de Saint-Papoul, siège à Castelnaudary
• Diocèse civil de Toulouse
Subdélégation de Toulouse.

La province du Languedoc est dite « pays d’états », parce qu’elle demeure le siège d’états provinciaux. Ainsi dénommée parce qu’elle rassemble des représentants des trois ordres, l’assemblée des états, dite « assiette », négocie avec l’intendant le montant de l’impôt royal direct, i. e. la taille (impôt foncier, calculé à partir du compoix) ; la capitation (impôt établi par famille et par classe de population) ; le « don gratuit » (contribution volontaire du clergé) ; le vingtième (impôt relatif aux revenus de l’industrie et du commerce). Elle se charge de répartir ce montant par diocèse et par paroisse ; elle contrôle la collecte ; elle affecte une partie des fonds ainsi récoltés au développement du réseau routier. Elle se charge également de collecter une partie des aides, impôt indirect levé sur la viande, le poisson et le vin.

 

La convocation des Etats reste à l’initiative du roi. Les Etats du Languedoc rassemblent, sous la présidence « née » de l’archevêque de Narbonne, l’intendant, basé à Montpellier ; le trésorier général, ou trésorier de la bourse ; les 3 syndics généraux (Toulouse, Carcassonne et Beaucaire-Nîmes), officiers mixtes, nommés à la fois par les Etats et par le Roi, d’où à la fois procureurs royaux et représentants des intérêts de la province 2Cf. Marie-Laure Legay, Les syndics généraux des États provinciaux, officiers mixtes de l’État moderne (France, XVIe-XVIIIe siècles), in Histoire, économie et société, année 2004, volume 23, n°23-24, pp. 489-501. ; les 23 évêques et archevêques de la province ; les 26 seigneurs, ou « barons des états », de la dite province ; les députés du Tiers désignés par les villes, soit deux députés pour chacune des capitales des diocèses, et un député à tour de rôle pour l’ensemble des autres communes de chacun des diocèses.

Arthur Richard Dillon ‘1721-1806), dernier évêque de Narbonne, dernier président « né » des Etats du Languedoc.

Entre les réunions des Etats, la continuité de l’administration fiscale se trouve assurée par les bureaux des syndics généraux. Les doléances émanant des réunions des dits Etats sont quant à elles présentées au roi par des « députés en cour ».

La Ferme générale se charge de récolter, dans le cas des impôts indirects, les droits de Traite, i. e. pour l’essentiel l’impôt sur le sel (gabelle), l’impôt sur le tabac, les octrois, les droits de douane. Le Roi, via son ministre des finances, délègue la tâche à des fermiers dits « traitants » qui, après avoir chèrement payé leur droit au bail, se rémunèrent sur les excédents de la recette stipulée sur ce bail. Les abus de la Ferme peuvent être dénoncés auprès de la cour des aides.

2. Administration judiciaire

La généralité de Toulouse constitue également une entité judiciaire. Elle abrite depuis 1444 un parlement, installé dans une salle du château narbonnais, ainsi qu’un présidial et une sénéchaussée, – les autres sénéchaussées du Languedoc étant celles d’Annonay, de Béziers, de Carcassonne, de Castelnaudary, de Castres, de Limoux, Mende, Montpellier, de Nîmes, du Puy-en-Velay, et de Villeneuve-de-Berg. L’ensemble de ces sénéchaussées fournira en 1789 la base des circonscriptions électorales représentées aux Etats Généraux. Cf. au bas de cet article, la liste des députés envoyés aux Etats Généraux de 1789 par les sénéchaussées de Toulouse, Carcassonne, Castelnaudary, Limoux, sachant que Mirepoix se trouve dans le ressort de Limoux et de Carcassonne.

 

Ci-dessus, de gauche à droite : Gaspard de Fieubet ; Joseph Gaspard de Maniban ; Jean Louis Emmanuel Augustin de Cambon.

Le Parlement traite des affaires civiles, criminelles et ecclésiastiques, et, plus généralement, des affaires de prime importance, qui intéressent les états provinciaux. Sous la présidence de Gaspard de Fieubet, il a ainsi à connaître de l’affaire des « marchands portugais », qui aboutit à la condamnation au bûcher des dits marchands, le 14 avril 1685 ; et sous la présidence de Joseph Gaspard de Maniban, de l’affaire Calas, qui aboutit à l’étranglement de Jean Calas, le 9 mars 1762.

Les parlementaires sont propriétaires de leur charge, qu’ils peuvent transmettre à leurs héritiers moyennant une redevance annuelle. Ils accèdent à cette charge après validation de leur compétence par les magistrats en exercice. Le président doit être toutefois nommé par le roi. Nommé en 1787, le dernier président du parlement de Toulouse est Jean Louis Emmanuel Augustin de Cambon, époux de Dorothée Etiennette de Riquet de Bonrepos (petite-fille du grand Riquet) ; neveu de François Tristan de Cambon, conseiller d’honneur au Parlement de Toulouse, dernier évêque de Mirepoix.

 

Elie Pélaquier, Les sénéchaussées dans le ressort du parlement de Toulouse à la fin du XVIIIe siècle ; source : Centre de Recherches Interdisciplinaires en Sciences humaines et sociales de Montpellier, ou C.R.I.S.E.S. ; Université Paul Valéry Montpellier III.

Présidées par un sénéchal, ou lieutenant général, nommé par le roi, généralement choisi dans la sphère aristocratique, les sénéchaussées jugent en première instance les affaires criminelles dans lesquelles des membres de la noblesse sont en cause, et en appel les sentences des juridictions inférieures. Leurs décisions peuvent faire l’objet d’un appel devant le parlement.

Conformément à l’édit de 1551, la généralité de Toulouse comporte un présidial par sénéchaussée. Le présidial statue sur les affaires civiles de moindre importance, i. e. sur les affaires dont l’objet est inférieur à 250 livres tournois en capital ou 10 livres tournois de rente, ainsi que sur les affaires d’appel dont l’objet est compris entre 250 et 500 livres tournois en capital ou entre 10 et 20 livres tournois de rente. Il occupe une nuée d’officiers judiciaires, qui achètent leur office auprès de l’administration royale : président (office honorifique, supprimé en 1764) ; lieutenant-général (substitut du président) ; lieutenant criminel (juge des affaires criminelles) ; lieutenant particulier assesseur criminel ; chancelier (chargé de la rédaction et de l’authentification des actes) ; conseillers (9 juges ou plus, dont l’un, chargé de la garde du sceau) ; conseiller clerc (juge chargé de veiller sur les droits de la juridiction ecclésiastique) ; 2 commissaires enquêteurs examinateurs ; secrétaires (chargés d’assister les conseillers) ; contrôleurs (chargés d’assister les conseillers) ; chevaliers d’honneur (office honorifique). L’administration royale use de la multiplication de tels offices à la fois pour le bénéfice que ceux-ci rapportent, et par souci de limitation du pouvoir des parlements provinciaux.

Les bureaux des finances traitent de la juridiction contentieuse des sénéchaussées concernant le domaine et la voirie. Ils disposent d’un procureur et d’avocats royaux, créés à cet effet. Ils traitent des affaires de moins de 250 livres de capital et de 10 livres de rente. La juridiction d’appel est le parlement. Jean Baptiste Durand de Lasserre d’Haumont est en 1789 premier président du bureau des finances de Toulouse.

Ci-dessus : place du Salin à Toulouse, vue de l’ancienne trésorerie, qui abritait les bureaux des finances. La trésorerie a été détruite en 1905.

Installée à Montpellier, la cour des comptes, des aides et des finances est comme le parlement de Toulouse une cour souveraine. Elle juge en appel des contentieux consécutifs aux décisions des tribunaux de premier ressort spécialisés dans les affaires relatives à la fiscalité indirecte. Elle traite également de la répression de la contrebande, de la vérification des comptes de tous les officiers royaux, et plus spécialement de la répression des abus commis par les officiers de la Ferme, dont ceux de la gabelle. Elle s’occupe enfin d’enregistrer les privilèges. Elle dispose d’un droit de remontrance auprès du parlement.

 

Ci-dessus : Michel Antoine, Les remontrances des cours supérieures de justice sous Louis XIV (1673-1715), in Bibliothèque de l’Ecole des Chartes, tome 151, p. 107, Librairie Droz, Paris-Genève, 1993.

La cour rassemble, outre les membres « nés » que sont le gouverneur de la province – i. e. le commandant militaire (Louis Antoine de Gontaut (1700-1788), duc de Biron, puis Gabriel Marie de Talleyrand, comte de Périgord, furent les derniers gouverneurs du Languedoc), les lieutenants généraux, le gouverneur de Montpellier, un premier président et 12 présidents, 65 conseillers, 17 correcteurs, 23 auditeurs, 2 avocats généraux et un procureur général, sans compter le personnel subalterne.

Le premier président et le procureur général sont nommés par le roi. Les autres membres de la cour sont propriétaires de leur charge, qu’ils s’appliquent généralement à rendre héréditaire, moyennant finances.

Institution déclinante au XVIIIe siècle, connue pour mettre une dizaine d’années à rendre ses arrêts, la cour des comptes conserve toutefois le pouvoir de pas enregistrer les arrêts prononcés par le parlement en matière de finances, d’où celui de contrôler et de limiter l’exercice du pouvoir provincial. Il s’en suit qu’elle entretient en Languedoc comme en d’autres provinces des rapports souvent conflictuels avec le parlement et avec les états .

François Xavier Bon de Saint Hilaire, puis Pierre Maurice Hilaire de Claris, en survivance, ont été les derniers premiers présidents de la cour des comptes, aides et finances du Languedoc.

3. Administration religieuse

 

La France divisée en Archeveschés, eveschés, abbaies / par les Srs de S.M. pour Servir au Livre deGallia Christiana ; Matheus sculp. Auteur : Matheus (16..-17.. ; graveur). Graveur Éditeur : Pierre Mariette (Paris), 1656.

La province du Languedoc abrite sur son territoire 3 archidiocèses : Albi, Narbonne, Toulouse. L’archevêque, ou métropolitain, exerce son autorité sur l’ensemble des évêchés compris dans sa province ecclésiastique, laquelle coïncide peu ou prou avec la généralité dans laquelle il réside. L’archevêque de Narbonne, en vertu d’une tradition ancienne, est quant à lui « président-né » des États de Languedoc.

 

Elie Pélaquier, Les diocèses ecclésiastiques du Midi, du Moyen Age à l’époque moderne ; source : Centre de Recherches Interdisciplinaires en Sciences humaines et sociales de Montpellier, ou C.R.I.S.E.S. ; Université Paul Valéry Montpellier III.

Initialement suffragant de l’archidiocèse de Narbonne, rendu indépendant de ce dernier en 1318, l’archidiocèse de Toulouse comprend à la veille de la Révolution 7 diocèses :

Diocèses relevant de l’archidiocèse de Toulouse au XVIIIe siècle

• Diocèse de Lavaur
• Diocèse de Lombez
• Diocèse de Montauban
• Diocèse de Mirepoix
• Diocèse de Pamiers
• Diocèse de Rieux-Volvestre
• Diocèse de Saint-Papoul.

 

Les deux derniers archevêques de Toulouse sous l’Ancien Régime sont de 1763 à 1788 Étienne Charles de Loménie de Brienne, puis en 1788 François de Fontanges.

La découpe des diocèses, d’après les historiens, correspond aux deux tiers d’un département actuel 3Cf. Jacques Dubois, La carte des diocèses de France avant la Révolution, in Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 20e année, n°4, 1965, pp. 680-691.. D’après Jules de Lahondès, qui tire ses informations des mémoires d’Henri d’Aguesseau, intendant général du Languedoc de 1673 à 1685, et de Nicolas de Lamoignon de Bascille, intendant général du Languedoc de 1685 à 1718, le diocèse de Mirepoix couvre au XVIIIe siècle le territoire suivant :

Le diocèse de Mirepoix formait une sorte de parallélogramme allongé, dirigé du sud au nord, s’inclinant légèrement vers le nord-ouest. Il commençait à la croix divisoire des trois diocèses de Pamiers, de Mirepoix et d’Alet, érigée sur le sommet de la montagne de la Frau (1) ; la limite traversait la forêt de. Bélesta, se dirigeait jusqu’au delà de Puyvert, descendait vers le nord-est en suivant une ligne qui embrassait les vallées des deux rivières de l’Hers et qui laissait à l’intérieur Saint-Benoit, Gueytes, Lignerolles, Fanjeaux, Laurac-le-Grand, Saint-Michel-de-Lanès, enfin la commanderie de Renneville.

Ensuite la ligne de séparation courait à l’ouest jusqu’à Cintegabelle, pour.remonter au sud, en longeant d’abord l’Ariège; puis, après avoir laissé Montaut au pays de Foix , elle décrivait un tracé sinueux jusqu’au sommet du pic Saint-Barthélémy, d’où elle rejoignait la croix divisoire, sans s’être éloignée du Comté de Foix de plus d’une lieue.

La juridiction spirituelle de l’évêque de Pamiers pénétrait profondément, dans le diocèse administratif de Mirepoix, toute la vallée du Douctouyre… 4Jules de Lahondès, Les diocèses de Mirepoix et de Rieux sous Louis XIV d’après des documents inédits, in Bulletin périodique de la Société ariégeoise des sciences, lettres et arts, 1886-1888, volume 2.

Les évêques exercent dans le cadre de leur diocèse, et plus généralement dans celui de la province, une fonction éminente, qui intéresse à la fois le domaine religieux et le domaine civil.

Dans le domaine du religieux, par exemple, Monseigneur de La Brouë fonde en 1697 le grand séminaire de Mazères, puis les petits séminaires de Fanjeaux et de Belpech. Il installe à Mirepoix la confrérie de la Miséricorde et il se dépense sans compter sur le terrain de la charité. Monseigneur Boyer, qui est également précepteur du Dauphin, s’illustre dans la lutte contre le jansénisme et contre l’anticléricalisme de Voltaire et des siens. Monseigneur de Champflour entreprend d’améliorer le recrutement, les moeurs et les pratiques du clergé qui oeuvre dans son diocèse.

Ci-dessus : Avant-derniers évêques en exercice dans le diocèse de Mirepoix, Pierre de La Brouë (1679-1720) ; Jean-François Boyer (1730-1736) ; Jean-Baptiste de Champflour (1737-1768).

Parallèlement à leur activité proprement pastorale, les évêques exercent dans leur diocèse, avec l’aide du chapitre cathédral, la double fonction d’administrateurs religieux et d’administrateurs civils.

Essentiellement attaché au service de la cathédrale, le chapitre, ou assemblée des chanoines, se charge d’assurer l’ensemble des célébrations et l’entretien, fort coûteux, du bâtiment. Il s’occupe également de récolter dans les communautés de son ressort, les décimes qui alimentent à l’échelle de la province le « don gratuit » dû au roi par le clergé, impôt dont le montant se trouve négocié par les évêques lors des états généraux. En ville, il veille sur l’activité des confréries, supervise l’instruction de la jeunesse, nomme à cette fin le régent principal des écoles, et dispense l’aumône par l’intermédiaire des consuls. Il tire l’essentiel de ses ressources de l’exploitation de ses nombreuses propriétés foncières, acquises au fil du temps grâce aux dons et offrandes des fidèles, ou encore à la manne des obits.

Gestion et utilisation des revenus tirés de ces biens ecclésiastiques peuvent faire l’objet de violents conflits avec l’évêque, lorsque celui-ci n’obtient pas la collaboration du chapitre sur certains projets. La partie de bras de fer qui se joue alors entre l’évêque et le chapitre, s’apparente à celle qui oppose régulièrement l’intendant général aux états provinciaux.

L’évêque, qui nomme seul les trois dignitaires du chapitre – l’archidiacre 5L’archidiacre représente le chapitre dans les affaires qui relèvent du temporel., le sacristain 6Le sacristain est le curé de l’église épiscopale ; il dirige l’équipe des prêtres chargés des différents services liturgiques. et le précenteur 7Le précenteur, ou capiscol, règle les offices du choeur et enseigne le chant et le protocole des cérémonies aux nouveaux membres du chapitre -, supervise les activités du dit chapitre et assume la responsabilité de ces dernières, dont l’engagement sur le front de l’éducation et la mise en oeuvre de la politique d’assistance définie par les états provinciaux. Il contrôle également l’activité des curés, qui, parallèlement à leur fonction proprement pastorale, ont à renseigner les registres des naissances, mariages, décès, et se trouvent ainsi rendus comptables de la tenue de l’état-civil ; et qui ont aussi à diffuser les différents monitoires épiscopaux invitant les paroissiens à contribuer aux enquêtes menées par l’autorité judiciaire.

Les évêques siègent en tant que représentants de la communauté ecclésiastique qu’ils gouvernent, au conseil d’administration des hôpitaux ; à la sénéchaussée de leur diocèse, dont ils relaient ensuite les arrêts par leurs monitoires ; aux états généraux, où ils négocient le montant du « don gratuit » et co-décident de l’utilisation de ce dernier dans le cadre des grands travaux d’aménagement du territoire et dans celui de l’assistance publique. Monseigneur de Fontanges, archevêque de Toulouse, siège ainsi à la sénéchaussée de Toulouse en 1788. Monseigneur de Cambon, évêque de Mirepoix, co-décide et co-finance à la même date la construction du pont sur l’Hers à Mirepoix.

 

Ci-dessus : à Mirepoix, rue Monseigneur de Cambon, plaque apposée dans le vestibule de l’ancien hôpital, aujourd’hui transformé en maison de retraite.

Etroitement associés à l’administration civile de la province, les évêques exercent à ce titre un rôle pleinement politique. Ils entretiennent des rapports privilégiés avec l’intendant général et avec les différents corps provinciaux. Ils peuvent être et sont souvent, dans ce contexte de pouvoir partagé, des interlocuteurs vigoureusement critiques.

 

Ci-dessus : Marie-Laure Legay, Les États provinciaux dans la construction de l’État moderne aux XVIIe et XVIIIe siècles, p. 341.
Jean Baptiste de Machault d’Arnouville, contrôleur des finances, propose en 1749 d’abolir le dixième, qui ne touche ni le clergé ni la plus grande partie de la noblesse, et de créer un nouvel impôt, le vingtième, qui s’appliquerait à toutes les catégories sociales. Mais ce projet soulève la fronde du clergé et des provinces ; le clergé obtient une exemption ; le projet est abandonné en décembre 1751. Relancé par Jean de Boullongne, contrôleur général des finances en 1756, il s’impose aux provinces à partir de la même année.

Voici, d’après le chanoine Barbier, archiviste du Chapitre cathédral de Saint Antonin de Pamiers en 1897, l’état du diocèse de Mirepoix en 1782 8Publiée en octobre 1897 par le chanoine Barbier dans la Semaine Catholique de Pamiers, cette note se trouve reproduite dans Le chapitre cathédrale de Mirepoix (1318-1790) – Sa constitution, ses revenus et ses charges, ses divers statuts et règlements, d’après les registres des délibérations capitulaires, article publié par l’abbé Eugène Ferran in Bulletin périodique de la Société ariégeoise des sciences, lettres et arts, 1901, volume 8, n°1, Imprimerie Gadrat Aîné, Foix. :

Ce diocèse comptait 82 paroisses et 35 annexes. Né en 1716, sacré le 10 juillet 1768, l’Evêque, François Tristan de Cambon, avait pour vicaires généraux MM. de Pointis, Leclerc, Mailhol. Le Secrétaire de l’Evêché était Labeur. L’Officialité était ainsi composée : Ruffat, officier ; Fau, promoteur ; Combes, greffier.

Les dignitaires du Chapitre placé sous l’invocation de Saint Maurice étaient : de Pointis, prévôt ; de l’Herm, archidiacre ; Mailhol, sacristain et théologal ; Bonnery, précenteur . Les autres chanoines se nommaient : Dalbis, Leclerc, Rougeat, Cairol, Rouvairollis, Mondin, Gomma, Baillé. Il y avait 4 hebdomadiers, 24 prébendés, 2 diacres, 2 sous-diacres, 4 clercs.

Les trois Dignités [prévôt ; archidiacre ; sacristain et théologal] et le Précenteur étaient à la collation de l’Evêque. Les autres bénéfices étaient donnés alternativement par l’Evêque et le Chanoine tournaire [désigné à cette fonction à son tour de rôle]. Le Bureau diocésain, ressortissant à la Chambre supérieure de Toulouse, se composait d’un chanoine député et de trois curés.

Etaient : Syndic du diocèse, de Pointis ; Syndic du bureau, Labeur ; Receveur des décimes, Vidalat.

D’après les registres des délibérations capitulaires, sept confréries étaient établies dans la cathédrale de Mirepoix, au commencement du XVIIIe siècle : La confrérie du Rosaire, chapelle du Rosaire ; la confrérie des cordonniers, chapelle de l’Annonciation ; la confrérie de Saint-Gaudéric, chapelle de Saint-Gaudéric ; la confrérie de Notre-Dame des agonisants, chapelle de Saint-Paul ; la confrérie des menuisiers et charpentiers, chapelle de Saint-Joseph ; la confrérie des scapulaires de Notre-Dame du Mont-Carmel, chapelle de Notre-Dame du Mont-Carmel ; la confrérie des orfèvres, serruriers et maréchaux-ferrants, chapelle de Saint-Eloi. La confrérie des Pénitents Bleus et celle des Pénitents Blancs avaient leurs chapelles spéciales en ville.

Il y avait, à Mirepoix, une Maison d’éducation pour les demoiselles ; une autre, pour les garçons, tenue par les Frères des Ecoles Chrétiennes. Il y avait encore une Maison de trente Demoiselles Régentes allant, deux à deux, depuis la Toussaint jusqu’à la Saint-Jean, dans les gros bourgs du Diocèse pour y enseigner le catéchisme et faire gratuitement l’école aux filles.

Les derniers chanoines furent : de Pointis, prévôt ; De l’Herm, archidiacre ; Mailhol, sacristain et théologal ; Bonnery, précenteur ; d’Albis, de Simorre, Leclerc, Rougeat, Cairol, de Rouvairollis, Gomma et Baillé.

Ci-dessus : portrait de François Tristan de Cambon, dernier évêque de Mirepoix.

 

Ci-dessus, de gauche à droite : vues de l’ancienne cathédrale par Médéric Mieusement avant 1883, puis par Emmanuel Louis Mas en 1937.

Toutes les administrations d’Ancien Régime sont supprimées en 1791. La Révolution se hâte d’inventer les siennes. La découpe des diocèses inspire toutefois celle des départements, districts, cantons, d’où la géographie fiscale et électorale que nous connaissons de nos jours encore.

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Liste des députés envoyés aux Etats Généraux de 1789 par les sénéchaussées de Toulouse, Carcassonne, Castelnaudary, Limoux

Sénéchaussée de Toulouse

Clergé
• François de Fontaines, archevêque de Toulouse
• Louis Etienne-Marie Chabanettes, curé de Saint-Michel de Toulouse
• Jean Joachim Gausserand, curé de Rivière
• Paul Augustin Pons, curé de Mazamet, au diocèse de Lavaur.
 
Noblesse
• Dominique François de Brunet de Castel-Pers, marquis de Panat
• Jean des Innocens de Maurens, seigneur baron de Maurens, président à mortier au parlement de Toulouse
• Jean Paul Marie, marquis d’Avessens de Saint-Rome
• Louis Gaston François de Monstrou-Sauton, marquis d’ Escouloubre, ancien colonel du régiment de Bresse-infanterie
 
Tiers état
• Jean Arnaud Pascal Raby de Saint-Médard, demeurant à Castel-Sarrazin
• Pierre Devoisins, avocat, demeurant à Lavaur
• Jean Jacques Monssinat aîné, avocat en parlement à Toulouse, député de la communauté de Noé
• Jean François Campmas, docteur en médecine à Monestier, diocèse d’Albi
• Jean Antoine Édouard Fos de Laborde, médecin du roi et des hôpitaux militaires de Saint-Domingue, premier consul, maire de Gaillac
• André de Lartigue, lieutenant général en la sénéchaussée et siège présidial de Toulouse
• Pierre Roussillou, négociant à Toulouse
• Jean-Baptiste Viguier, avocat au parlement de Toulouse, membre de la municipalité
 
Suppléants
 
Clergé
• Pierre Laparre, curé de Dieupentale et de Bessens
 
Noblesse
• Dominique-Louis de Rouany Emard de Palaminy, ancien capitaine au régiment Dauphin-dragons, lieutenant des maréchaux de France au département de Rieux
Tiers état
• Dominique Hebrard, avocat en parlement, député de la paroisse de Grisolles, demeurant à Toulouse
• F. Marchand, négociant, ancien prieur de la Bourse et administrateur actuel de la ville de Toulouse.

Sénéchaussée de Carcassonne

Clergé
• François de Pierre de Bernis, archevêque de Damas, coadjuteur de l’archevêque d’Albi
• Philippe Samary, curé de Saint-Nazaire de Carcassonne
 
Noblesse
• Louis Pierre Marie Gilbert, comte de Montcalm-Gozon, maréchal de camp, chevalier de Saint-Louis
• Gabriel-Marie, marquis d’Ubac de Badens, ancien officier au régiment d’infanterie du roi
 
Tiers état
• Dominique Vincent Ramel Nogaret, avocat du roi en la sénéchaussée et siège présidial de Carcassonne, son procureur en la maréchaussée et juridiction prévôtale de ladite ville, son capitaine-viguier, juge royal de Montoulieu
• Joseph Dupré, négociant fabricant, demeurant à Carcassonne
• François Antoine Morin, avocat en parlement, député de la communauté de Saint-Nazaire
• Clément François Benazet, bourgeois de Saissac
 
Suppléants
 
Noblesse
• Henri de Paschal de Rochegude, capitaine des vaisseaux du roi, demeurant à Albi.

Sénéchaussée de Castelnaudary

Clergé
• Claude Guyon (Claude), curé dé Baziège.
 
Noblesse
• Louis-Philippe de Rigaud, marquis de Vaudreuil, seigneur d’Issel, lieutenant général des armées navales, grand-croix de Saint-Louis, inspecteur général des classes maritimes du royaume.
 
Tiers état
• Joseph Martin-Dauch (Joseph), licencié en droit, demeurant à Castelnaudary
• Jean-François-César de Guilhermy, lieutenant général criminel et procureur du roi au présidial de Castelnaudary
 
Suppléants
 
Clergé
• François Raymond Roches, curé de Montgaillard.

Sénéchaussée de Limoux

Clergé
• Pierre Dominique Cauneille (Pierre-Dominique), curé de Belvis au diocèse d’Alet
 
Noblesse
• Adrien, baron de Luillier-Rouvenac, ancien lieutenant du régiment de Septimanie-dragons, seigneur de Rouvenac, y demeurant
 
Tiers état
• Pierre-François-Dominique Bonnet, avocat à Limoux
• Etienne La Rade, syndic du diocèse d’Alet
 
Suppléants
 
Clergé
• … Taverne, curé de Lavelanet
 
Noblesse
• Jean-Hercule-Joseph-François-Xavier de Latreille, comte de Fozière-Gleon, demeurant à Narbonne.

Notes[+]

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