Une histoire dérangeante. Quand un buveur de sang épouse une ci-devant

L’autre jour, lors d’une vente, je suis tombée par hasard sur la photo d’une lettre adressée le 16 août 1806 depuis Edgefield District, South California, USA, à [Guy] Casimir de Lévis, comte de Lévis Mirepoix. La lettre comprend deux pages, chacune d’une écriture différente.

Après avoir assuré « son cher Casimir » de « sa parfaite amitié », le premier rédacteur de la lettre remarque que « M. Kerblay et moi nous plaignions sans cesse de votre silence que j’attribue aux circonstances ». Le second rédacteur de la même lettre prévient le même destinataire, dit ici « Monsieur », « qu’il vient de tirer sur lui en faveur de M. Guillaume Brun d’Anguila à cinq jours de vue une somme de mille cinquante livres tournois que vous diminuerez des fonds de que vous avez en main de Mme Kerblay. Nous n’avons pendant la guerre aucun autre moyen convenable de nous procurer des fonds de France et nous continuerons par conséquent à tirer sur vous quand nous en trouverons l’occasion et autant que vous le permettrez, ayant bien soin de ne jamais excéder la somme que nous avons en vos mains. […]. Agréez, Monsieur, mes voeux sincères pour la continuation de la prospérité dont vous jouissez maintenant et veuillez bien compter sur mon vrai dévouement ».

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La lettre est signé « Lequinio Kerblay ». C’est l’ex-conventionnel tristement célèbre Lequinio [de Kerblay], l’ex-buveur de sang qu’on voyait « le visage hébété d’alcool et la carmagnole souillée » à la table de Mme Tallien, « personnage aussi ignoble que stupide qui faisait journellement manger le bourreau à sa table et qui demandait qu’on fonde tous les monuments de bronze pour en faire de gros sous » ((Louis Sonolet. Madame Tallien, d’après des témoignages contemporains et des documents inédits. Pages 64-65. L’Editeur. Paris 1904.)) !

1. A propos de Joseph Marie Le Quinio

La Biographie universelle ancienne et moderne fournit dans son tome 71 un aperçu circonstancié — clairement à charge, mais les témoignages de tous bords abondent — de la carrière de Joseph Marie Lequinio [ou Le Quinio], dit de Kerblay, du nom d’un écart de Sarzeau, où celui-ci avait hérité d’une petite propriété familiale.

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Ci-dessus : menhir à Kerblay.

« LEQUINIO (JOSEPH-MARIE), conventionnel, fut un des missionnaires les plus féroces du fameux Comité de salut public.

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Ci-dessus : 16 mars 1755. Acte de baptême de Joseph Marie Lequinio, né le 15 mars 1755 rue de la Trinité, fils du Sieur Gildas Nicolas Le Quinio, chirurgien du roi, juré pour les Rapports à Rhuys, et de Demoiselle Julienne Vallée. Parrain Jean François Le Quinio ; marraine Demoiselle Marguerite Fleury, épouse du Sieur [illisible]. Archives départementales du Morbihan. Sarzeau (1752-1759). Baptêmes, mariages, sépultures. Vue 244.

Né à Sarzeau, près de Vannes, vers 1740 (sic), il était un très mince avocat en Bretagne, et s’occupait, faute d’autres affaires, d’écrits et de spéculations agricoles, lorsque la révolution commença. Il en adopta la cause avec beaucoup de chaleur, et réussit à se faire nommer maire de Rennes ((Assertion erronée. Joseph Marie Le Quinio a été en 1789 maire de Sarzeau.)), puis juge au tribunal de Vannes, et enfin député à l’Assemblée législative, en 1791.

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Ci-dessus : F. Bonneville pinxit ; J. B. Compagnie sculpsit. Joseph Marie Lequinio : né le 15 mars 1755 dans l’isle de Rhuis, département du Morbihan, député à la Législative et membre de la Convention nationale, l’an 1er de la République françoise.

On a remarqué que, dans cette assemblée, son premier discours fut un acte de modération et de sagesse ; il parla avec force contre les mesures de rigueur que l’on voulait prendre à l’égard des émigrants. Mais, revenant bientôt à ses pensées habituelles, Lequinio s’exprima avec une grande violence contre les prêtres insermentés, et proposa de ne conserver de traitement qu’aux ecclésiastiques qui se marieraient.

Le 1er janvier 1792, il vota pour la mise en accusation des princes français, et demanda que le séquestre fût apposé sur les biens des émigrés. Dans le mois de février suivant, il publia un pamphlet sur la nécessité du divorce, et, le 6 avril, il prononça un long discours sur l’amélioration des finances. Réélu à la Convention mationale, il y vota la mort de Louis XVI, en regrettant que la sûreté de l’état ne permît pas de le condamner aux galères perpétuelles ; et assurant que « si la peine de la détention obtenait la majorité, ce ne serait qu’au bagne qu’on pourrait l’enfermer ». En avril 1793, Lequinio, envoyé à l’armée du Nord, y fut remplacé par Gossuin. A son retour, il fit décréter que les évêques qui s’opposeraient au mariage des prêtres, seraient déportés ; et, bientôt après, il retourna en mission pour faire exécuter, dans les départements de l’Aisne et de l’Oise, l’incarcération des suspects. Dans le mois de septembre, il fit imprimer un ouvrage, intitulé : Les préjugés détruits, dans lequel il prit le titre de Citoyen du globe.

Il fut ensuite chargé d’aller avec Laignelot régénérer, c’est-à-dire bouleverser le port de Rochefort, mettre en fuite ou envoyer à la mort ce qui pouvait y rester encore des chefs de la marine. Sa correspondance suffit pour donner une idée de ses opérations. Il écrivit « qu’ayant lutté dans l’église avec le curé, il avait terrassé les mystères par les arguments, et que le peuple, après avoir hué son pasteur, venait de nommer l’église le « temple de la Vérité ». Le 17 novembre, il manda encore « qu’il avait eu l’avantage de trouver, à Rochefort, plus de guillotineurs qu’il n’en voulait, et qu’après en avoir choisi un, il l’avait fait manger avec lui et ses collègues, Guezno et Topsent ». Il annonça, quelque temps après, qu’il venait de brûler lui-même la cervelle à deux Vendéens, dans la prison où ils étaient renfermés, et de donner l’ordre d’en fusiller 500… Lequinio étendit ses opérations révolutionnaires à Lorient, Brest, La Rochelle et dans la Vendée. « J’ai dit partout », mandait-il à cette époque à la Convention, « qu’il ne fallait plus faire de prisonniers vendéens, et il faudrait, en effet, ce décret pour finir cette guerre ».

De retour à Paris, il fit, le 7 mai 1794, à la tribune des Jacobins, un pompeux éloge du discours prononcé à la Convention par Robespierre sur l’immortalité de l’âme. Peu de temps auparavant, il avait fait parade de l’athéisme le plus dégoûtant. Robespierre lui-même repoussa ses éloges avec dédain, et le dénonça, quelques jours après, dans la même tribune, comme un adulateur, prouvant qu’il était en contradiction avec lui-même, puisque, dans ses pamphlets, il s’était efforcé de démontrer qu’il n’existait point d’Être Suprême, et que tout finissait pour l’homme avec la vie. Lequinio voulut se disculper ; mais on refusa de l’entendre.

Après la chute de la Montagne, on le vit, le 6 novembre 1794, proposer de décréter qu’aucun législateur ne pourrait être membre d’assemblées populaires ; mais cette proposition, qui causa de grands débats, fut rejetée. Le 30 décembre, il fit la motion, en désignant le fils de Louis XVI, qui restait prisonnier au Temple, de purger le sol de la liberté du dernier rejeton de la race impure du tyran-roi. Dans le courant de mai 1795, il quitta l’Assemblée sous prétexte de mauvaise santé ; mais la Comvention, où on l’accusa de machiner quelques complots de concert avec les débris des terroristes, lui ordonna de revenir à son poste. A son retour, il voulut se justifier, et déclara qu’il abhorrait également les buveurs de sang et les ambitieux, les terroristes et les royalistes ; mais ce langage ne le sauva pas des dénonciations, et enfin, le 8 août, il fut décrété d’accusation pour cruautés et vols commis dans la Vendée, à Rochefort et à La Rochelle ; entre autres, pour avoir mangé habituellement avec les bourreaux, qu’il avait surnommés les vengeurs du peuple ; avoir, du fruit de ses rapines, payé 12,000 livres de dettes, acquis des propriétés, et fait passer des sommes considérables à son frère, ancien moine trinitaire à Vannes ; avoir (ainsi que Guezno et Topsent) fait servir la guillotine de tribune aux harangues ; avoir brûlé lui-même la cervelle à des détenus ; avoir forcé des enfants à tremper leurs pieds dans le sang de leurs parents exécutés, etc., etc. Lequinio fut compris dans l’amnistie, décrétée en août 1796, sur la proposition de Camus ((Armand Gaston Camus (1740-1804). Avocat ; élu député du tiers état aux États généraux de 1789 ; nommé la même année archiviste national, puis président de l’Assemblée constituante ; élu en 1792 député de la Haute-Loire à la Convention ; membre du Comité de salut public ; nommé la même année commissaire de la Convention auprès de l’armée du Nord ; arrêté en 1793 par les Autrichiens ; échangé en décembre 1795 contre Madame Royale, fille de Louis XVI ; élu un peu plus tard au Conseil des Cinq-Cents. Il a fait voter, entre autres, la Constitution civile du clergé, la suppression des titres de noblesse, la mort du roi.)).

Il s’est beaucoup occupé d’agriculture, et a souvent écrit, dans la Feuille du cultivateur, sur les prairies artificielles et autres objets d’économie rurale. Bertrand Moleville, qu’il avait dénoncé à l’Assemblée législative, l’accuse, à son tour, dans son Histoire de la Révolution, d’avoir reçu, en 1786, des États de Bretagne, une somme de 12,000 livres pour des plantations de mûriers, qu’il n’a jamais faites.

Sous le Directoire, Lequinio fut élu député du Nord au Conseil des Cinq-Cents, puis exclu par la loi du 22 floréal (12 mai 1798). Après le 18 brumaire (9 nov. 1799), bien qu’il eût été remarqué dans les rangs de l’opposition, il se présenta plusieurs fois pour demander une préfecture, et peu s’en fallut qu’il ne l’obtînt, protégé comme il l’était par son collègue et son ami Fouché. On lui donna une place d’inspecteur forestier, qu’il occupa peu de temps.

Nommé ensuite sous-commissaire des relations commerciales à Newport, dans les États-Unis, il y resta plusieurs années…

Considéré sous le rapport littéraire, ce révolutionnaire est au-dessous de la médiocrité ; c’était un phraseur, un orateur monotone, qu’on ne pouvait lire ou entendre sans bâiller, même quand il essayait d’être raisonnable. Il a publié, entre autres : L’Élixir du régime féodal, autrement dit, Domaine congéable, 1790 ; L’École des laboureurs, journal imprimé d’abord à Rennes, ensuite à Paris, en 1791 ; Les préjugés détruits, 1792 ; La richesse de la république, 1792 ; Des fêtes nationales, 1794 ; La guerre de la Vendée et des Chouans, 1795 ; Philosophie du peuple, ou Éléments de philosophie politique et morale, à la portée des habitants des campagnes, 1798 ; Voyage pittoresque et physico-économique dans le Jura, 1801 (Lequinio avait d’abord dédié cet ouvrage à Bonaparte ; son hommage n’ayant pas été agréé, il se contenta de changer trois ou quatre mots à la dédicace, et l’adressa « au tonnerre ». » ((Biographie universelle ancienne et moderne. Supplément. Tome 71. Page 353 sqq. Chez L.G. Michaud, Editeur. Paris. 1842.))

2. A propos de Madame Kerblay

Qui était donc cette Madame Kerblay dont les chroniqueurs de la Révolution, au demeurant, ne parlent nulle part, jamais ?

Eh bien ! il s’agit, horresco referens ! de Jeanne Odette de Lévis Mirepoix, fille de Louis François Marie Gaston de Lévis, marquis de Léran et de Mirepoix, et de Catherine Agnès de Lévis ; soeur de Charles Philibert Gaston de Lévis, comte de Lévis Mirepoix, qui sera guillotiné le 8 prairial an II (28 mai 1794) !

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Ci-dessus : sur la place de Neuville-les-Dames, maison des chanoinesses du Chapitre ou ancien château de Chevigney.

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Source : Jules Baux. Nobiliaire du département de l’Ain (XVIIe et XVIIIe siècles). F. Martin-Bottier, Editeur, Bourg-en-Bresse. 1862-1864.

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Source : Siméon Olive et Félix Pasquier. Inventaire historique et généalogique des documents de la branche Lévis-Léran, devenue Lévis-Mirepoix. Page 265. Librairie Edouard Privat. Toulouse. 1903.

Née le 6 octobre 1760, sixième d’une fratrie de neuf enfants, Jeanne Odette de Lévis Mirepoix est en 1779 chanoinesse du Chapitre noble de Neuville-les-Dames, dans l’Ain. Ce Chapitre se trouve placé sous la règle de Saint Benoît. Au titre de son entretien à Neuville, la jeune femme reçoit régulièrement de son père des sommes valant avance d’hoirie.

Après le décret du 13 février 1790 qui prohibe les voeux monastiques, Jeanne Odette de Lévis Mirepoix doit quitter le couvent. Sa mère est morte en 1783 ; son père a émigré à Rome. Elle ne peut compter sur l’aide de ses frères et soeurs. La plupart d’entre ont émigré ou se trouvent sur le point de le faire. Charles Philibert Gaston de Lévis, comte de Lévis Mirepoix, dont l’épouse a émigré elle aussi, tente désespérément de sauver du désastre les biens que son père lui a laissés.

« Le 18 août 1790, obligée de quitter |e couvent à la Révolution, Jeanne Odette de Lévis Mirepoix se maria à M. de Lequinio-Kerblay » ! rapportent Félix Pasquier et Siméon Olive dans l’Inventaire historique et généalogique des documents de la branche Lévis-Léran, devenue Lévis-Mirepoix.

L’homme qui avait un frère trinitaire, qui a voté la suppression de l’autorité paternelle et celle des voeux religieux, a ainsi épousé une religieuse jetée hors de son couvent ! Où, comment se sont-ils rencontrés ? Où l’a-t-il épousée ? Au-delà des raisons économiques ou sociales, on ignore tout des causes plus profondes qui ont pu motiver cette union insolite. On songe aux romans, si noirs, de Frédéric Soulié, spécialement à Confession générale, dans lequel il parle des « embrassements du monstre ».

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On sait en revanche par le témoignage de la famille du peintre Paul César Helleu, petit-neveu de Joseph Marie Lequinio, qu’il y a eu lors de ce mariage contrat notarié, conformément à l’usage habituel. ((Xavier Narbaïts. Paul Helleu. « De la Bretagne à Paris. Des notables provinciaux ». Somogy, éditions d’Art. 2014.))

Comment Jeanne Odette de Lévis Mirepoix, anciennement religieuse, a-t-elle partagé à Paris, rue Richer, section du Faubourg Montmartre ((Cf. Annales de l’enregistrement et des domaines : revue historique, économique, administrative et financière des agents de l’enregistrement et des domaines. Impr. A. Retaux. Abbeville. 1893.)), domicile parisien de Joseph Marie Lequinio, la vie tumultueuse de son Conventionnel de mari ? On n’en sait rien non plus. Et comment a-t-elle pris le séjour dans le Jura, où son mari a exercé pendant quelque temps la fonction d’inspecteur forestier — une sorte d’exil, ou une sorte de retour au calme, dans une contrée voisine de celle de Neuville-les-Dames ?

3. Monsieur et Madame Kerblay aux Etats Unis.

Le 29 novembre 1801, Joseph Marie Lequinio est nommé par Napoléon sous-commissaire des relations commerciales (vice-consul) à Newport, Rhode Island, USA. Son épouse l’accompagne. Le 20 juin 1802/1er messidor an X, depuis Newport où il se fait appeler désormais Lequinio Kerblay, il adresse à Thomas Jefferson la lettre suivante (orthographe originelle) :

« MONSIEUR LE PRÉSIDENT

j’ai l’honneur de vous adresser, Ci-incluses, deux lettres, l’une de mr. de la fayette, l’autre de mr. de liancourt ; j’avais une grande ambition de vous les remettre moimême.—nommé par le premier Consul sous-commissaire des rélations Commerciales de france à Newport, mon projet était de vous aller offrir mon hommage et solliciter moimême Votre agrément. Vos vertus personnelles, Monsieur le président, et votre haute réputation me rendaient le Devoir bien Agréable À remplir ; mais le citoyen pichon notre Commissaire général que j’ai trouvé À philadelphie, m’a dit que Cela n’était point l’uzage, qu’aucun Commissaire, ou sous-Commissaire des rélations Commerciales de france n’était encore allé directement solliciter lui-même son admittatur, qu’il fallait lui adresser ma Commission avec une lettre, qu’il se chargeait de m’obtenir cet admittatur et de me le faire passer, et que d’ailleurs vous étiez, en Ce moment, à votre Campagne à Cent lieues plus loin que Washington-city.

privé, par ces Contretems, de la jouissance Que je m’étais promise, je me suis rendu à mon poste où j’attendrai pour Entrer En éxersice, que Vous Veuilliez bien m’accorder mon admittatur. — je me regarderais bien heureux d’une occasion où je pusse vous aprocher et vous témoigner de vive voix Combien ardement je Desire obtenir votre estime. je vous prie de Croire, Monsieur le président, que je ferai tout pour la mériter et pour vous Convaincre de mon profond respect.

Lequinio Kerblay

I think, sir Président, it should Been much more Convenient to Write my letter in english, but I am yet so little acquainted With this language, that I Can not in it but Write very Badily, and perhaps in such rud a manner as to be not understood ; from another Way taking right Consideration of your extensive skill, I don’t doubt you are learned in french as Well as in english tongue ; Both theze reasons, sir president, have produced my Determination, and I hope you be so good as to pardon it. » ((National Archives. Founders Online. Lequinio.))

Le 15 juillet 1802, le même Lequinio Kerblay adresse au président Jefferson une lettre de remerciements et lui offre son Voyage pittoresque et physico-économique dans le Jura, initialement dédie à Napoléon, puis « au tonnerre », publié en 1801  :

« Monsieur le Président

J’ai reçu l’Exequatur que vous avez bien voulu Donner à ma Commission d’agent des rélations Commerciales de france, et que le citoyen pichon notre Commissaire général m’a fait passer ; je vous prie d’En agréer mes remercimens et d’être persuade que je mettrai tous mes soins à justifier votre approbation. je me Croirais vraiment heureux de mériter et d’obtenir quelques Droits à votre estime.

Voudriez vous permettre, Monsieur le président, Que j’aie l’onneur de vous offrir un exemplaire d’un Ouvrage que j’ai publié, il n’y a qu’un petit nombre d’années, sur un département de la france assez Curieux sous Divers aspects. Cet ouvrage A bien des Defauts, et je ne vous l’offre pas Comme une choze digne de vous, mais Comme une marque du Desir que j’aurais d’être Connu de vous et de vous render Certain de ma haute Considération pour votre personne, ainsi que de mon profond respect

Lequinio Kerblay

Joseph Marie Lequinio Kerblay ne semble pas être resté longtemps sous-commissaire des relations commerciales à Newport, puisqu’on le trouve en 1806 établi avec son épouse dans le district de Edgefield, South Carolina, USA, où il se livre probablement à des travaux d’agriculture.

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Archives dép. du Morbihan. Sarzeau (1814-1814). Décès. Vue 83.

Les historiens français disent qu’il serait finalement rentré à Sarzeau, dans le Morbihan, et qu’il y serait mort le 19 novembre 1814. Mais c’est, comme en attestent les archives du Morbihan, une petite Marie Joseph Quinio de cinq semaines qui est morte à Sarzeau ce jour-là .

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Social Networks and Archival Context. Lequinio.

Concernant la date du décès de Joesph Marie Lequinio Kerblay, les archivistes américains ne sont pas plus clairs.

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Félix Pasquier et Siméon Olive. Inventaire historique et généalogique des documents de la branche Lévis-Léran, devenue Lévis-Mirepoix. Page 585. Librairie Edouard Privat. Toulouse. 1903.

Joseph Marie Lequinio Kerblay est mort à Edgefield à une date qu’on ignore. Jeanne Odette de Lévis Mirepoix, alias Madame Kerblay, est morte elle aussi à Edgefield, le 18 octobre 1822, sans descendance.

Les archives américaines signalent l’existence d’un manuscrit intitulé A chateau on the Loire, and a cabin on Horn’s Creek ! How a French woman of high degree, sacrificed her life for love, moved to America and died disillusioned in Edgefield. « Un château sur la Loire, et une cabane sur Horn’s Creek ! Comment une femme française de haut rang, qui a sacrifié sa vie par amour, a déménagé en Amérique et est morte désabusée dans Edgefield ». Historical sketch re (sic) Joseph Marie Lequinio [Kerblay], originally of France, later a resident of Newport, R.I., Edgefield, S.C., and elsewhere ; and his widow, Jeanne Odette Marie de Levis Mirapoix Kerblay, a wealthy heiress who settled with Lequinio [Kerblay] in Edgefield District, S.C. « Brève histoire de Joseph Marie Lequinio [Kerblay], originaire de France, plus tard résident de Newport, R.I., Edgefield, S.C., et ailleurs ; et de sa veuve, Jeanne Odette Marie de levis Mirepoix Kerblay, une riche héritière qui s’installa avec Lequinio [Kerblay] dans le district de Edgefield, S.C ». Signé Susan B. Hill, le texte date de 1923. Le manuscrit se trouve conservé à la bibliothèque de l’University of South Carolina.

J’aurais bien voulu lire ce « historical sketch« , si américain dans le style du propos ! Comment en obtenir la reproduction ? L’affaire semble bien compliquée. Mais je retiens du titre du manuscrit de Susan B. Hill, le « disillusioned » qu’il prête à Jeanne Odette de Lévis Mirepoix. Comment savoir ? Et qu’est-ce que le bonheur ? Joseph Marie Lequinio a prononcé dans le Temple de la Vérité de Rochefort, le deuxième décadi de brumaire, l’an II de la République (23 octobre 1793), un discours intitulé Du Bonheur, qui sera imprimé pour être distribué dans les départements, à ses frais.

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« Il a toujours craint », dit Lequinio de l’homme heureux en amour, « de n’avoir pas le temps de faire assez de bien à celle qui charmoit sa vie ; il a profité de tous les instans, il a redoublé de soins et d’attentions pour rendre sa compagne heureuse, et, dans ses rêves encore, il sera parfaitement heureux, car il verra cette image toute rayonnante de joie , toute pleine de reconnoissance et portant un visage serein auquel il ne manquera que la parole pour exprimer la satisfaction que sa bouche a l’air de respirer. Au moment de son réveil, il verra l’illusion se dissiper, il est vrai, mais son âme sera tranquille et il conservera longtemps le souvenir enchanteur de la douce agitation qu’il vient d éprouver. » ((Joseph Marie Lequinio. Du bonheur. P. Broquisse, Imprimeur. Angoulême. 1793.))

A lire aussi sur La dormeuse blogue : Le bonheur est une idée neuve…

4 réponses sur “Une histoire dérangeante. Quand un buveur de sang épouse une ci-devant”

  1. The last will and testament of Jeanne Marie Odette deLévis Mirepoix (veuve Lequinio Kerblay) is online at the South Carolina Department of Archives and History. Go to http://www.archivesindex.sc.gov, enter or . She signed the Edgefield County South Carolina will on 24 Apr 1822, recorded 17 Oct 1822. She was buried at Memorial Cemetery, Richmond County, Georgia (city of Augusta).

    Joseph Marie Lequinio de Kerblay, of Edgefield District, South Carolina, died before 16 Dec 1812, when letters of administration were issued on his estate in Richmond County GA. Temporary administrator was James B. Lafitte. The widow was named permanent administratrix on 8 Mar 1821. She had briefly remarried prior to 24 Feb 1813, when she and new husband Isaac Anselm Darnielle sold a portion of the Kerblay land. Per Equity Court records in Edgefield, she stated that he had deceived her, and claimed to be an Episcopal clergyman. He was also a chronic debtor, with suits against him in Virginia and Illinois. The major problem was his wife and children in Virginia, according to testimony from the brother and brother-in-law of his first–and legal–wife, Elizabeth Digges.

  2. Bonjour Monsieur,

    très instructif toute cette histoire sur LEQUINIO, mais au début vous parlez d’une lettre de « …1906″ il me semble que Guy Casimir DE LEVIS MIREPOIX, l’ami apparemment de LEQUINIO (que je viens d’apprendre !) est né en 1770 et mort en 1817, donc avez-vous fait une erreur de frappe et cela serait  » 1806  » ?!? d’ailleurs plus en concordance avec tout ce que vous avez écrit et l’époque de ses 2 personnages,
    bien à vous,
    RODRIGUEZ THIERRY de Bretagne (35).

    1. Oups ! J’ai effectivement commis une erreur de frappe.
      C’est effectivement « 1806 » qu’il faut lire.
      Je corrige donc.
      Merci de m’avoir signalé l’erreur.
      Cordialement,
      Christine Belcikowski

    2. Bonjour Monsieur,
      Oups ! Merci de m’avoir signalé la coquille !
      Cordialement,
      Christine Belcikowski

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