Ci-dessus : vue de Manses sur la carte L’Huillier, établie en 1720.
Après m’être intéressée à la famille de Portes de Pardailhan, qui donna son nom, de 1747 à 1899, au village de Manses, je tente ici de remonter le temps qui a précédé à Manses la création du marquisat de Portes.
Siège au XIIe siècle d’un modeste prieuré, le village de Manses se trouve compris à partir de 1299 dans le territoire de la baronnie de Lapenne. En 1300, Guy III de Lévis Mirepoix donne cette baronnie à Thibaut I de Lévis, l’un de ses fils, qui, marié à Anglésie de Montégut, Dame de Montbrun, fonde ainsi la branche des Lévis Montbrun.
1. La baronnie de Lapenne, propriété des Lévis Montbrun
En 1309, Thibaut II de Lévis Montbrun († 1387) succède à Thibaut Ier de Lévis à la tête de la baronnie de Lapenne. En 1374, Cécile de Lévis Montbrun, fille et héritière de Thibaut II de Lévis, se laisse enlever par Charles d’Espagne Montespan de Comminges. Elle et ses enfants perdent par suite la propriété de la baronnie de Lapenne.
2. La baronnie de Lapenne, propriété des Lévis Caylus
A partir du XVe siècle, la baronnie de Lapenne devient propriété des Lévis Caylus, dont :
- Philippe Ier de Lévis, frère de Thibaut I de Lévis. Marié à Alix de Caylus, il fonde la branche des Lévis Caylus.
- Eustache de Lévis, fils de Philippe Ier de Lévis. En 1415, il reçoit de son père la baronnie de Lapenne par acte de donation entre vifs. Circa 1427, il épouse Alix de Damas, Dame de Cousan.
- Guy de Lévis Caylus († 1508), fils d’Eustache de Lévis. Marié en 1475 à Marguerite de Cardaillac.
- Guillaume de Lévis Caylus († 1524), fils de Guy de Lévis ; baron de Caylus, baron de Lapenne ; marié à Catherine d »Amboise.
- Antoine de Lévis Caylus († 1586), fils de Guillaume de Lévis Caylus ; baron, puis comte de Caylus, baron de Lapenne ; marié en 1536 à Balthazarde de Lettes de Montpezat.
- Marguerite de Lévis Caylus († 1617), fille d’Antoine de Lévis Caylus, Dame de Lapenne, qui épouse en 1574 Hector de Cardaillac, seigneur de Bieule, ou de Bioule.
3. La baronnie de Lapenne, propriété des seigneurs de Bieule, ou Bioule, dont :
- François de Cardaillac, fils d’Hector de Cardaillac ; baron de La Capelle-Marival et de Villeneuve, sieur de Manses, etc. Il épouse en 1595 Madeleine de Valette.
- Louis de Cardaillac († 1666), fils d’Hector de Cardaillac ; comte de Bieule, marquis de Cardaillac, vicomte de Lautrec, seigneur et baron de Lapenne, etc. Il épouse en 1624 Lucrèce d’Elbène († 1631), puis Marie Isabeau Mitte de Saint-Chamond en 1643.
François de Cardaillac et Louis de Cardaillac jouissent tous deux du droit d’entrée aux assiettes du diocèse pour y représenter le corps de la noblesse et ils participent à ce titre aux Etats du Languedoc en 1658 ((Cf. Les Etats du Languedoc. Délibérations. Personnes.)).
La Revue historique, scientifique et littéraire du département du Tarn fournit au sujet du mariage de Louis de Cardaillac et de Marie Isabeau Mitte de Saint-Chamond les précisions ci-dessous :
« Le contrat de mariage de Louis de Cardaillac et de Marie Isabeau Mitte de Saint-Chamond, reçu par Desnots notaire au Châtelet de Paris et signé le 23 juin dans l’hôtel du seigneur du Saint-Chamond sis rue de Seine, portait, dans ses lignes principales, qu’il était constitué à la future épouse, pour tous droits successifs paternels et maternels, la somme de 150.000 livres tournois, savoir : 120.000 du chef de son père et 30.000 pour ses droits maternels. Cette somme de 150.000 livres était décomposée en : soixante mille livres, payables en deniers comptants la veille de la célébration du mariage, et quatre-vingt-dix mille livres, représentées par la terre et seigneurie de Muret, sise au pays de Comminges, avec ses dépendances et appartenances, que le sieur de Saint-Chamond cédait à sa fille.
Le comte de Bioule, au cas où la future épouse lui survivrait, lui donnait la somme de 30.000 livres, à la charge que, s’il y avait des enfants provenant de leur mariage, elle ne pourrait disposer de cette somme, par testament, qu’en leur faveur ; dans ce même cas, il lui constituait aussi six mille livres de rente viagère de douaire préfix, lui assignant pour son habitation la maison et château de Bioule, meublé selon sa qualité.
Les principaux témoins du contrat furent, pour le comte de Bioule : son frère Monsieur de Manses et le sieur de la Maurie ; pour la part de la future épouse : Henri Mitte, marquis de Saint-Chamond ; messire de Saint-Chamond de Chevrières ; Eminentissime Messire François, cardinal de la Rochefoucauld, abbé de Sainte-Geneviève de Paris ; Messire François de la Rochefoucauld, pair de France, chevalier des Ordres du roi, prieur de Marcillac et dame Gabrielle du Plessis, son épouse ; Messire Louis de la Rochefoucauld, abbé de Saint-Jean-d’Angély, leur fils ; haute et puissante dame Marie Catherine de la Rochefoucauld, gouvernante de la personne du roi, première dame d’honneur de la reine, veuve de Messire Henri de Baufremont, marquis de Senecey ; Messire Gaspard Armand, vicomte de Polignac, chevalier des Ordres du roi, gouverneur du Puy en Velay ; Messire Louis de Polignac, marquis de Chalençon ; Messire Claude de la Guiche, comte de Saint-Géran et de la Palisse, gouverneur et lieutenant-général pour sa Majesté en Bourbonnais et dame Suzanne de Longannay, son épouse, etc. (Archives du château de Bonnéry).
Le testament de Louis de Cardaillac, daté du 16 mars 1666, marquait toutefois que, lors de son décès ou si elle venait à convoler en secondes noces, la dite dame devait rendre et restituer l’hérédité à Jean François Dufaur, sieur de Saint-Jory, fils de feue dame Claude de Cardaillac, soeur du testateur, et à noble de Saint-Projet, fils de Marguerite de Cardaillac, son autre soeur. Ne devaient pourtant pas être comprises dans cette restitution les sommes constituées en douaire, par contrat de mariage, à la dame de Saint-Chamond, les meubles, pierreries, vaisselle d’argent, denrées, argent monnayé, dettes actives, bétail et autres choses mobilières. » ((Revue historique, scientifique et littéraire du département du Tarn. 1897 (A22,VOL14 = SER2,A6). Albi.))
François de Cardaillac et Louis de Cardaillac meurent tous deux sans descendance. En 1666, date de la mort de Louis de Cardaillac, Marie Isabeau Mitte de Saint-Chamond, comtesse de Bieule, demeure usufruitière de la baronnie de Lapenne, et plus spécialement du fief de Manses. Son nom figure en conséquence, au titre des biens relevant de « Madame la comtesse de Bieule », dans la table des matières seulement du compoix de Lapenne – les pages correspondantes, 1 à 4, manquent -, daté de 1680, et aux pages 3 à 5 (vues 16 à 18) et à l’avant-dernière page (vue 180, cahier des biens nobles) du compoix de Manses, daté de 1683.
Archives départementales de l’Ariège. Document 279EDT/CC1. Compoix de Manses (1683). Biens nobles de Madame la comtesse de Bieule. Vue 180.
En 1694, Marie Isabeau Mitte de Saint-Chamond, comtesse de Bieule, cède à Guy Henri de Bourbon Malause, dit Abjure ((Né en 1654, fils de Louis, dit Huguenot, de Bourbon Malause, marquis de Malauze, et d’Henriette de Durfort de Lorges, Guy Henri de Bourbon Malause a solennellement abjuré sa religion première en 1678 sous l’égide de Bossuet.)), marquis de Malauze, veuf de Marie Hyacinthe Mitte de Saint-Chamond († 1691), sa propre soeur, marié en secondes noces à Marie Louise de Bérenger de Monmouton, l’usufruit dont elle jouissait sur la baronnie de Lapenne.
En 1708, après la mort de Marie Isabeau Mitte de Saint-Chamond, comtesse de Bieule, et celle de Guy Henri de Bourbon Malause, survenue en 1706, Tristan du Faur de Saint-Jory, petit-fils de feue dame Claude de Cardaillac, soeur de Louis de Cardaillac, et autres héritiers, enfants ou petits-enfants de Marguerite de Cardaillac, autre soeur de Louis de Cardaillac, vendent la baronnie de Lapenne à Marie Genevieve de Bourbon Malause, fille de Guy Henri de Bourbon Malause.
4. La baronnie de Lapenne, propriété des maisons de Bourbon Malause et de Poitiers
Née en 1691, morte en 1778, Marie Geneviève de Bourbon Malause épouse le 31 janvier 1715 Ferdinand Joseph de Poitiers de Rye d’Anglure, comte de Poitiers et de Neufchâtel, marquis de Coublans, baron et seigneur de Vadans, etc. Celui-ci meurt le 29 octobre 1715, à l’âge d’environ 19 ans, sans avoir connu sa fille posthume, Elisabeth Philippine de Poitiers, née le 23 décembre 1715. Marie Geneviève de Bourbon Malause, comtesse de Poitiers, ne se remariera pas. Elisabeth Philippine de Poitiers, sa fille, épouse le 13 juillet 1728 Guy Michel de Durfort de Lorges. En 1729, Marie Geneviève de Bourbon Malause obtient du roi l’autorisation de créer une forge sur le territoire de la baronnie.
En 1745, Marie Geneviève de Bourbon Malause, comtesse de Poitiers, vend la baronnie de Lapenne à François Joseph de Portes de Pardailhan, président au Parlement de Toulouse ((Cf. Christine Belcikowski. A propos de la famille de Portes de Pardailhan, qui donna son nom, de 1747 à 1899, au village de Manses.)). Celui-ci se voit élevé en 1747 au rang de premier marquis de Portes, et le village de Manses, désormais nommé Portes, au rang de siège du nouveau marquisat de Portes.
Ci-dessus : vue de Portes sur la carte de Cassini. Fin du XVIIIe siècle.
Autre époque, autre gouvernance, qui durera un siècle et demi. On sait qu’en 1899, le village de Portes reprendra définitivement son premier nom de Manses.