Nos pas font venir les rues,
les maisons, les places,
et le monde s’ouvre ainsi
au regard de nos corps géographes.
L’universel, c’est le local moins les murs,
disait, dans les années 1980,
le portugais
Michel Torga ((Michel Torga. L’universel, c’est le local sans les murs. Editions William Blake & Co. 1986.)).
Le local, c’est l’universel,
disait, dans les années 1950,
l’américain
William Carlos William ((William Carlos William. Paterson. 1963.)),
— j’aime mieux ce dire-là.
Le local, c’est l’universel,
l’universel tout court,
avec ses toits, ses murs,
ses portes, ses fenêtres,
ses couloirs, ses escaliers,
ses placards sous les escaliers,
ses cuisines, ses éviers,
ses jardins, ses puits,
ses latrines au fond du jardin…
Quoi, l’universel ?
No ideas, but in things.
Point dans les idées. Dans les choses-mêmes !
A mass of detail
to interrelate on a new ground,
Une masse de détails
qui s’entremêlent sur un sol chaque fois nouveau,
comme un nœud dans le flux universel,
un champ de forces, un foyer de rayons.
Say it! No ideas but in things.
Dis-le ! Point en idées, mais dans les choses.
Un pot de géranium, un ange de pierre riquiqui
derrière la grille d’une fenêtre,
un paillasson de sparterie
qui se délite au pied de la porte,
un corridor plein de chaussures,
un miroir fendu, une chaise cassée,
un vent coulis, une porte qui claque,
une pile de livres qui s’écroule,
une boîte de sardines reconvertie en cendrier,
vestige du règne de l’empereur Titus,
— Le robinet de l’évier goutte encore ! —
une tondeuse à gazon sous l’appentis,
un tas de bois qui pourrit dans la cour,
une bassine en plastique qui sert de piscine
aux enfants,
ou encore de pêche aux canards,
tandis que le chat
— bien sûr, il y a un chat —
qui se rapproche en tapinois
d’un oiseau — turlu, turlu — dans les branches…
The language is missing them
they die also
incommunicado,
le langage manque à l’endroit de telles choses,
elles meurent
incommunicado,
dit encore William Carlos Williams.
What common language to unravel ?
Quelle langue les démêlera ?
— Quelle langue ?
Mais la langue de nos pas
qui font venir les rues,
les maisons, les places,
le monde et ses dédales
au regard de nos corps géographes.
Géographie de nos pas,
géomancie des noeuds terrestres,
géographie, common language,
géomancie de nos destinées.