Quand Pierre Justin Ouvrié peint l’arrivée de Christine de Suède dans la cour du château de Fontainebleau…

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Pierre Justin Ouvrié (1806-1879). Arrivée de Christine de Suède en 1656 dans la Cour Ovale du château de Fontainebleau. 1840. Cliquez sur l’image pour l’agrandir.

1. Arrivée de Christine de Suède au château de Fontainebleau. Un tableau de Pierre Justin Ouvrié

Exposé dans le cadre de l’exposition Fenêtres sur cours, à Toulouse, au musée des Augustins, ce tableau de Pierre Justin Ouvrié a requis plus particulièrement mon attention, car, outre qu’il met en scène l’arrivée d’une reine dont je partage lointainement le prénom, il m’a fait ressouvenir de trois oeuvres qui ont marqué l’actualité du mouvement romantique au détour des années 1830. Il s’agit du bas-relief de Félicie de Fauveau intitulé Christine, reine de Suède, refusant de faire grâce à son grand écuyer Monaldeschi, ainsi que des deux pièces de théâtre dédiées à ce drame, dont l’une signée par Frédéric Soulié, et l’autre par Alexandre Dumas.

2. Christine, reine de Suède, refusant de faire grâce à son grand écuyer Monaldeschi. Un bas-relif de Félicie de Fauveau

En 1827, lors d’une visite au Salon du Louvre, Frédéric Soulié et Alexandre Dumas se trouvent tous deux impressionnés par un bas‑relief de Félicie de Fauveau, représentant la mort de Monaldeschi, amant de la reine Christine de Suède, que celle‑ci fit assassiner lors de son séjour à Fontainebleau en 1657.

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Félicie de Fauveau. Christine, reine de Suède, refusant de faire grâce à son grand écuyer Monaldeschi. 1827.

L’Explication des ouvrages de peinture et dessins, sculpture, architecture et gravure des artistes réunis au Salon de 1827 fournit à propos du bas-relief de Félicie de Fauveau les précisions suivantes :

« Le père Le Bel, supérieur du couvent des Mathurins, appelé pour préparer Monaldeschi à sa mort, se jeta aux pieds de Christine et demanda la vie de son pénitent ; mais, inaccessible à ses prières et au repentir de son écuyer, elle refusa sa grâce. Il mourut percé de coups, dans la galerie des cerfs, à Fontainebleau, le 10 novembre 1657. » ((Explication des ouvrages de peinture et dessins, sculpture, architecture et gravure des artistes vivans… Salon des artistes français. Paris. 1827.))

3. Christine à Fontainebleau et Christine, ou Stockholm, Fontainebleau, Rome. Une pièce de Frédéric Soulié et une pièce d’Alexandre Dumas

A la sortie du Salon de 1827, Frédéric Soulié et Alexandre Dumas conçoivent parallèlement le projet d’écrire une pièce de théâtre consacrée à l’histoire de Monaldeschi et de Christine de Suède.

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Frédéric Soulié compose en 1828‑1829 sa Christine à Fontainebleau, drame en cinq actes et en vers. la pièce est représentée pour la première fois au théâtre de l’Odéon le 13 octobre 1829, avec Mademoiselle George dans le rôle de Christine. La représentation déclenche un chahut digne de la future bataille d’Hernani. Conspué par le public, massacré par les critiques, Frédéric doit retirer sa pièce de l’affiche. Il en tirera par la suite un roman, publié en 1844 chez Boulé ((Frédéric Soulié. Christine à Fontainebleau. In Les mille et un romans, 5. Edition Boulé. Paris. 1844.)).

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Ci-dessus : scène du Ve acte de Christine, ou Stockholm, Fontainebleau et Rome, d’Alexandre Dumas. Dessin d’Achille Devéria en 1830. Lithographie de V. Ratier.

Le 30 mars 1830, Alexandre Dumas fait triompher au même théâtre de l’Odéon sa Christine, ou Stockholm, Fontainebleau et Rome, « trilogie dramatique sur la vie de Christine » en cinq actes et en vers, avec Mademoiselle Dorval dans le rôle de Christine.

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Ci-dessus, de gauche à droite : Christine de Suède ; Mademoiselle George ; Mademoiselle Dorval.

4. Christine de Suède

Née en 1626 à Stockholm, Christine de Suède monte sur le trône en 1632. Elle succède à Gustave II Adolphe, son père, en 1632 et accède à la pleine jouissance de son trône à partir de 1644. Après dix bonnes années d’un règne tourmenté, elle abdique en 1654, se convertit au catholicisme, et s’installe à Rome en 1655 où elle jouit de la protection du pape Alexandre VII. En 1656, elle se rend en France afin de négocier avec Mazarin un vague projet d’accès au trône de Naples. Alors qu’elle se trouve reçue au château de Fontainebleau, elle soupçonne son grand écuyer, le marquis de Monaldeschi, peut-être d’avoir manqué aux faveurs qu’elle lui aurait accordées, plus sûrement d’avoir trahi son projet napolitain auprès de la Cour espagnole. Elle le fait mettre à mort par ses gens, dans la galerie des Cerfs, le 10 novembre 1657. « Cette galerie a 74 mètres de longueur sur 7 de largeur. Elle est éclairée par vingt fenêtres en plein cintre et ornée de tableaux représentant les vues à vol d’oiseau de treize maisons royales : Fontainebleau, Compiègne, Blois, Amboise, Chambord, etc. C’est vis-à-vis du château de Saint-Germain que Monaldeschi fut assassiné » ((Alfred Franklin (1830-1917). Christine de Suède et l’assassinat de Monaldeschi au château de Fontainebleau, d’après trois relations contemporaines. Editions Emile Paul. Paris. 1912.)). L’affaire suscite à la cour de Louis XIV le scandale et l’embarras diplomatique qu’on devine. Christine de Suède retourne à Rome en 1658, au grand soulagement du pouvoir français. Relatée par des chroniqueurs du temps, la scène de l’assassinat du marquis de Monaldeschi est d’une noirceur effroyable.

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Ci-dessus : Noël-Marie Paymal (1807-1873) et Lerebours, daguerréotypiste. Le château de Fontainebleau. In Excursions daguerriennes : vues et monuments les plus remarquables du globe. vue 47. Edition H. Bossange. Paris. 1840-1843.

5. Relation par le R.P. Le Bel de l’assassinat du marquis de Montaleschi sur ordre de Christine de Suède

C’est le R.P Le Bel, curé de l’église Saint Pierre d’Avon, ministre du couvent des Trinitaires de Fontainebleau, qui raconte ici :

« Le sixième de novembre mil six cent cinquante-sept, à neuf heures et un quart du matin, la reine de Suède étant à Fontainebleau, logée à la conciergerie du château, m’envoya quérir par un de ses valets de pied : il me dit qu’il avait ordre de Sa Majesté de me mener parler à elle, en cas que je fusse le supérieur du couvent. Je lui répondis que je l’étais, et je lui dis que je m’en allais avec lui savoir la volonté de S. M. Suédoise. Ainsi, sans chercher de compagnon, de crainte de faire attendre cette reine, je suivis ce valet de pied jusqu’à l’antichambre : on m’y fit attendre un moment ; à la fin, le valet de pied étant revenu, il me fit entrer dans la chambre de la reine de Suède.

Je la trouvai seule, et lui ayant rendu mes respects et mes très humbles soumissions, je lui demandai ce que Sa Majesté souhaitait de moi, son très humble serviteur. Elle me dit que pour parler avec plus de liberté, j’eusse à la suivre ; et étant entré dans la galerie des Cerfs, elle me demanda si elle n’avait jamais parlé à moi. Je lui répondis que j’avais eu l’honneur de faire la révérence à Sa Majesté, et l’assurer de mes très humbles obéissances, et qu’elle avait eu la bonté de m’en remercier, et non autre chose. Sur quoi cette reine me dit que je portais un habit qui l’obligeait à se fier en moi, et me fit promettre, sous le sceau de la confession, de garder et de tenir le secret qu’elle me voulait découvrir. Je fis réponse à Sa Majesté, qu’en matière de secret, j’étais naturellement aveugle et muet, et que l’étant à l’égard de toutes sortes de personnes, à plus forte raison je devais l’être pour une princesse comme elle ; et j’ajoutai que l’Ecriture dit : Qu’il est bon de tenir caché le secret du roi, Sacramentum regis abscondere bonum est.

Après cette réponse, elle me chargea d’un paquet de papiers, cacheté en trois endroits, sans aucune inscription, et me commanda de le lui rendre en présence de qui elle me le demanderait : ce que je promis à Sa Majesté Suédoise. Elle me demanda ensuite de bien observer le temps, le jour, l’heure et le lieu qu’elle me donnait ce paquet ; et sans autre entretien je me retirai avec ce paquet, et laissai cette reine dans la galerie.

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Ci-dessus : vue d’ensemble de la galerie des Cerfs. Photo : Georges Fessy.

Le samedi dixième jour du même mois de novembre, à une heure après midi, la reine de Suède m’envoya quérir par un de ses valets de chambre, lequel m’ayant mené par la porte du donjon, me fit entrer dans la galerie des Cerfs, et aussitôt que nous fûmes entrés, il ferma la porte avec tant d’empressement, que j’en fus un peu étonné. Ayant aperçu vers le milieu de la galerie la reine qui parlait à un de sa suite, qu’on appelait le marquis (j’ai su depuis que c’était le marquis de Monaldeschi), je m’approchai de cette princesse, après lui avoir fait la révérence : elle me demanda d’un ton de voix assez haut, en la présence de ce marquis et de trois autres hommes qui y étaient, le paquet qu’elle m’avait confié. Deux des trois étaient éloignés de la reine de quatre pas, et le troisième assez près de Sa Majesté.

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Ci-dessus : Jean Monaldeschi, Grand Ecuyer de la Reine de Suède. Source : Sandro Bassetti. Monte Rubiaglio portale.

Elle me parla en ces termes : Mon père, rendez-moi le paquet que je vous ai donné. Je m’approchai et le lui présentai. Sa Majesté l’ayant pris et considéré quelque temps, l’ouvrit et prit les lettres, et les écrits qui étaient dedans ; elle les fit voir et lire à ce marquis ; d’une voix grave et d’un port assuré lui demanda s’il les connaissait bien : ce marquis les dénia, mais en pâlissant. Ne voulez-vous pas reconnaître ces lettres et ces écrits, lui dit-elle, n’étant à la vérité que des copies que la reine elle-même avait transcrites. Sa Majesté Suédoise, ayant laissé songer quelques temps ledit marquis sur ces copies, elle tira de dessous elle les originaux, et les lui montrant, l’appela traître, et lui fit avouer son écriture et son signe ; elle l’interrogea plusieurs fois ; à quoi, ce marquis s’excusant, répondait du mieux qu’il pouvait, remettant la faute sur diverses personnes. Enfin, il se jeta aux pieds de cette reine, lui demandant pardon ; et, en même temps, les trois hommes qui étaient là présent, tirèrent leurs épées hors du fourreau, et ne les remirent qu’après avoir exécuté le marquis (ils ne le frappèrent point encore).

Il se releva, et tira cette reine à un coin de la galerie, et tantôt à un autre, la suppliant toujours de l’entendre, et de le recevoir dans ses excuses ; Sa Majesté ne lui dénia jamais rien, mais l’écouta avec une grande patience, sans que jamais elle témoignât la moindre importunité ni aucun signe de colère. Aussitôt se tournant vers moi, lorsque le marquis la pressait le plus de l’écouter et de l’entendre : Mon père, me dit-elle, voyez, soyez témoin… S’approchant du marquis, appuyé sur un petit bâton d’ébène à poignée ronde, que je donne à ce traître et à ce perfide tout le temps qu’il veut, et plus qu’il n’en saurait désirer d’une personne offensée pour se justifier, s’il le peut.

Le marquis, pressé par cette reine, lui donna des papiers et deux ou trois petites clefs liées ensemble qu’il tira de sa poche, de laquelle il tomba deux ou trois petites pièces d’argent ; et après une heure et plus de conférence, ce marquis ne contentant pas cette reine par ses réponses, Sa Majesté s’approcha un peu de moi, et me dit d’une voix assez élevée, mais grave et modérée : Mon père, je me retire et vous laisse cet homme, disposez-le à mourir, et ayez soin de son âme.

Quand cet arrêt eût été prononcé contre moi, je n’aurais pas eu plus de frayeur ; et à ces mots ce marquis se jetant à ses pieds, et moi de même en lui demandant pardon pour ce pauvre marquis, elle me dit qu’elle ne le pouvait pas, et que ce traître était plus coupable et criminel que ceux qui sont condamnés à la roue ; qu’il savait bien qu’elle lui avait communiqué, comme à un fidèle sujet, ses affaires les plus importantes et ses plus secrètes pensées, outre qu’elle ne voulait point reprocher les biens qu’elle lui avait faits qui excédaient ceux qu’elle eût pu faire à un frère, l’ayant toujours regardé comme tel, et que sa conscience seule lui devait servir de bourreau.

Après ces mots, Sa Majesté se retirant, me laissa avec ces trois qui avaient leurs épées nues, dans le dessein d’assurer cette exécution. Après que cette reine fut sortie, le marquis se jeta à mes pieds, et me conjura avec instance d’aller après Sa Majesté pour obtenir son pardon. Ces trois hommes le pressaient de se confesser avec l’épée contre les reins, sans pourtant le toucher ; et moi avec les larmes à l’oeil, je l’exhortais de demander pardon à Dieu. Le chef des trois [Madame de Motteville dit « que c’était Sentinelli, capitaine de ses gardes, et frère d’un Sentinelli favori de cette princesse, que Monaldeschi avait accusé faussement, et par jalousie, de beaucoup de crimes, ce que personne ne sait sûrement. Elle ajoute que cette reine se moqua du criminel, de ce qu’il avoit peur de la mort, et l’appela poltron ; et qu’elle ordonna à cet homme de l’obliger de se confesser en le blessant. » ((Mémoires de Mme de Motteville sur Anne d’Autriche et sa cour. Volume 4, p. 99 sqq.)) ] partit pour aller vers Sa Majesté pour lui demander pardon, et implorer sa miséricorde pour le pauvre marquis ; mais revenant triste de ce que sa maîtresse lui avait commandé de le dépêcher, lui dit en pleurant : Marquis, songez à Dieu et à votre âme, il faut mourir. A ces paroles, comme hors de lui, le marquis se jeta une seconde fois à mes pieds, me conjurant de retourner encore une fois vers la reine, pour tenter la voie du pardon et de la grâce : ce que je fis.

Ayant trouvé seule Sa Majesté dans la chambre avec un visage serein et sans émotion, je m’approchai d’elle, me laissant tomber à ses pieds, les larmes aux yeux et les sanglots au coeur ; je la suppliai par les douleurs et les plaies de Jésus-Christ, de faire miséricorde et grâce à ce marquis. Cette reine me témoigna être fâchée de ne me pouvoir accorder ma demande après la perfidie et la cruauté que ce malheureux lui avait voulu faire endurer en sa personne, après quoi il ne devait jamais espérer de rémission ni de grâce, et me dit que l’on en avait envoyé plusieurs sur la roue, qui ne l’avaient pas tant mérité que ce traître [« On a toujours cru que le grand crime de cet écuyer venait de quelques infidélités dans le commerce de galanterie que l’on croyait très réel entre cette reine et lui ; mais ne pourrait-on pas reprendre les choses de plus loin, et conclure, des expressions de cette reine, que peut-être Monaldeschi avait eu part aux chagrins qui la déterminèrent à abdiquer la couronne, et qui continuèrent depuis, et qu’elle n’en avait été avertie que par la communication de ces lettres, ou peut-être qu’il entretenait des liaisons avec les ennemis de cette reine, et se servait de la familiarité qu’il avait avec elle pour la rendre plus odieuse, et tramer sa perte ? » ((Mémoires de Mme de Motteville sur Anne d’Autriche et sa cour. Volume 4, p. 99 sqq.))].

Voyant que je ne pouvais rien gagner par mes prières sur l’esprit de cette reine, je pris la liberté de lui représenter qu’elle était dans la maison du roi de France, et qu’elle prît bien garde à ce qu’elle allait faire exécuter, et si le roi le trouverait bon. Sur quoi Sa Majesté me fit réponse qu’elle avait cette justice en présence de l’autel, et qu’elle prenait Dieu à témoin si elle en voulait à la personne de ce marquis, et si elle n’avait pas déposé toute haine, ne s’en prenant qu’à son crime et à sa trahison qui n’aurait jamais de pareille, et qui touchait tout le monde ; outre que le roi de France ne la logeait pas dans sa maison comme une captive réfugiée, qu’elle était maîtresse de ses volontés, pour rendre et faire justice à ses domestiques en tout lieu et en tout temps, et qu’elle ne devait répondre de ses actions qu’à Dieu seul, ajoutant que ce qu’elle faisait n’était pas sans exemple.

Je répartis à cette reine qu’il y avait quelque différence : que si les rois avaient fait quelque chose de semblable, ç’avait été chez eux et non ailleurs. Mais je n’eus pas plutôt dit ces paroles que je m’en repentis, craignant d’avoir trop pressé cette reine. Partant je lui dis encore : Madame, dans l’honneur et l’estime que vous vous êtes acquis en France, et dans l’espérance que tous les bons Français ont de votre négociation, je supplie très humblement Votre Majesté d’éviter que cette action, quoiqu’à l’égard de Votre Majesté, Madame, elle soit de justice, ne passe néanmoins dans l’esprit des hommes pour violente et précipitée ; faites encore plutôt un acte généreux et de miséricorde envers ce pauvre marquis, ou du moins mettez-le entre les mains de la justice du roi, et faites-lui son procès dans les formes, vous en aurez toute la satisfaction, et vous conserverez, Madame, par ce moyen, le titre d’admirable que vous portez en toutes vos actions parmi tous les hommes. — Quoi ! mon père, me dit cette reine, moi en qui doit résider la justice absolue et souveraine sur mes sujets, me voir réduite à solliciter contre un traître domestique, dont les preuves de son crime et de sa perfidie sont en ma puissance, écrits et signés de sa propre main ! — Il est vrai, Madame, lui dis-je, mais Votre Majesté est partie intéressée. Cette reine m’interrompit et me dit : Non, non, mon père, je le vais faire savoir au roi ; retournez et ayez soin de son âme ; je ne puis en conscience accorder ce que vous me demandez ; et ainsi me renvoya.

Mais je connus à ce changement de voix en ces dernières paroles, que si cette reine eût pu différer l’action et changer de lieu, qu’elle l’aurait fait indubitablement ; mais l’affaire était trop avancée pour prendre une autre résolution, sans se mettre en danger de laisser échapper ce marquis, et mettre sa propre vie au hasard. Dans ces extrémités, je ne savais que faire ni à quoi me résoudre : de sortir je ne pouvais, et quand je l’aurais pu, je me voyais engagé par un devoir de charité et de conscience à secourir ce marquis, pour le disposer à bien mourir. Je rentrai donc dans la galerie, et embrassant ce pauvre malheureux qui se baignait en larmes, je l’exhortai dans les meilleurs termes et les plus pressants qu’il me fût possible, et qu’il plût à Dieu de m’inspirer, de se résoudre à la mort, et de songer à sa conscience, puisqu’il n’y avait plus dans ce monde d’espérance de vie pour lui, et qu’offrant et souffrant sa mort pour la justice, il devait en Dieu seul jeter ses espérances pour l’éternité, où il trouvera ses consolations.

A cette triste nouvelle, après avoir poussé deux ou trois grands cris, il se mit à genoux à mes pieds, et m’étant assis sur un des bancs de la galerie, il commença sa confession ; mais l’ayant bien avancée, il se leva deux fois et s’écriait. Au même instant je lui fis faire des actes de foi, renonçant à toutes pensées contraires. Il acheva sa confession en latin, français et italien , ainsi qu’il le pouvait mieux expliquer dans le trouble où il était. L’aumônier de cette reine arriva comme je l’interrogeais en l’éclaircissement d’un doute, et ce marquis l’ayant aperçu, sans attendre l’absolution, alla à lui, espérant grâce de sa faveur. Ils parlèrent bas assez longtemps ensemble, se tenant les mains et retirés en un coin ; et après leur conférence finie, l’aumônier sortant emmena avec lui le chef des trois commis pour cette exécution ; et peu après l’aumônier étant demeuré dehors, l’autre revint seul et lui dit : Marquis, demande pardon à Dieu ; car sans plus attendre il faut mourir : es-tu confessé ?

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Et lui disant ces paroles, le pressa contre la muraille du bout de la galerie où est la peinture de Saint-Germain-en-Laye, et je ne pus si bien me détourner que je ne vis qu’il lui porta un coup dans l’estomac, du côté droit ; et ce marquis le voulant parer, prit l’épée de la main droite, dont l’autre en la retirant lui coupa trois doigts, et l’épée demeura faussée ; et pour lors il dit à un autre qu’il était armé dessous, comme en effet il avait une cotte de maille qui pesait neuf à dix livres, et le même à l’instant redoubla le coup dans le visage, après lequel ce marquis cria : Mon père, mon père ! Je m’approchai de lui, et les autres se retirèrent un peu à quartier, et un genou en terre, demanda pardon à Dieu, et me dit encore quelques choses où je lui donnai l’absolution, avec la pénitence de souffrir la mort pour ses péchés, pardonnant à tous ceux qui le faisaient mourir, laquelle reçue, il se jeta sur le carreau, et en tombant, un autre lui donna un coup sur le haut de la tête, qui lui emporta des os, et étant étendu sur le ventre, faisait signe et marquait qu’on lui coupât le col, et le même lui donna deux ou trois coups sur le col sans lui faire grand mal, parce que la cotte de maille qui était montée avec le collet du pourpoint para et empêcha l’excès du coup.

Cependant je l’exhortais de se souvenir de Dieu, et d’endurer avec patience, et autres choses semblables. En ce temps-là le chef me vint demander s’il ne le ferait pas achever ? Je le rembarrai rudement, et lui dit que je n’avais point de conseil à lui donner là-dessus ; que je demandais sa vie et non pas sa mort. Sur quoi il me demanda pardon, et confessa avoir eu tort de m’avoir fait une telle demande.

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Ci-dessus : « C’est vis-à-vis du château de Saint-Germain que Monaldeschi fut assassiné » ((Alfred Franklin (1830-1917). Christine de Suède et l’assassinat de Monaldeschi au château de Fontainebleau, d’après trois relations contemporaines. Editions Emile Paul. Paris. 1912.)). Dans la galerie des Cerfs, carte murale du château de Saint-Germain. Etat de 1969. Photo : RMN-Petit Palais.

Sur ce discours le pauvre marquis qui n’attendait qu’un dernier coup [« Toute la cour, dit madame de Motteville, se moqua du pauvre mort, qui avait bien su prendre la précaution inutile de se garnir d’une cotte de maille, et n’avait pas eu assez de courage pour se défendre ou se sauver. II fallait en effet que cette reine le connût bien. » ((Mémoires de Mme de Motteville sur Anne d’Autriche et sa cour. Volume 4, p. 99 sqq.))], entendit ouvrir la porte de la galerie, reprenant courage, se retourna, et ayant vu que c’était l’aumônier qui entrait, se traîna du mieux qu’il put, s’appuyant contre le lambris de la galerie, demanda à parler à lui. L’aumônier passa à la main gauche de ce marquis, moi étant à la droite, et le marquis se tournant vers l’aumônier, et joignant les mains, lui dit quelques choses comme se confessant, et après l’aumônier lui dit de demander pardon à Dieu, et après m’avoir demandé permission, il lui donna l’absolution, ensuite se retira, me disant de demeurer auprès du marquis, et qu’il s’en allait voir la reine de Suède.

En même temps celui qui avait frappé sur le col dudit marquis, et qui était avec l’aumônier à sa gauche, lui perça la gorge d’une épée assez longue et étroite, duquel coup, le marquis tomba sur le côté droit, et ne parla plus, mais demeura plus d’un quart d’heure à respirer, durant lequel je lui criais et l’exhortais du mieux qu’il m’était possible. Et ainsi ce marquis ayant perdu son sang, finit sa vie à trois heures trois quarts après midi. Je lui dit le De profundis avec l’oraison ; et après, le chef des trois lui remua une jambe et un bras, déboutonna son haut-de-chausse et son caleçon, fouilla dans son gousset, et ne trouva rien, sinon en sa poche un petit livre d’heures de la Vierge et un petit couteau. Ils s’en allèrent tous trois et moi après, pour recevoir les ordres de Sa Majesté.

Cette reine, assurée de la mort dudit marquis, témoigna du regret d’avoir été obligée de faire faire cette exécution en la personne de ce marquis ; mais qu’il était de la justice de le faire pour son crime et sa trahison, et qu’elle priait Dieu de lui pardonner. Elle me commanda d’avoir soin de le faire enlever de là, et de l’enterrer, et me dit qu’elle voulait faire dire plusieurs messes pour le repos de son âme. Je fis faire une bière, et le fis mettre dans un tombereau à cause de la brune, de la pesanteur et du mauvais chemin, et le fis conduire à la paroisse d’Avon par mon vicaire et chapelain, assisté de trois hommes, avec ordre de l’enterrer dans l’église, près du bénitier : ce qui fut fait et exécuté à cinq heures trois quarts du soir.

[« Toute la cour, dit encore madame de Motteville, eut horreur d’une telle vengeance. Ceux qui avaient estimé cette reine, furent honteux de lui donner des louanges, et on la laissa longtemps à Fontainebleau pour lui montrer le mépris qu’on avait pour elle. Cependant des particuliers qui avaient vu cette reine à Fontainebleau, ont assuré que le roi Louis XIV y était venu peu de jours après, incognito ; qu’il avait parlé à cette reine, et qu’elle était partie presque aussitôt pour Rome ; ce qui fit croire que c’était la vraie cause de sa sortie du royaume » ((Mémoires de Mme de Motteville sur Anne d’Autriche et sa cour. Volume 4, p. 99 sqq.))].

Le lundi, douzième jour de novembre, cette reine envoya cent livres, par deux de ses valets de chambre, au couvent, pour prier Dieu pour le repos de l’âme dudit marquis ; duquel mardi, treizième dudit mois, on publia le service par le son des cloches, qui fut célébré le mercredi quatorzième, avec toute la solennité et la dévotion, dans l’église paroissiale d’Avon, où ce marquis est enterré, et continuâmes un credo, et les messes que cette reine avait donné ordre de dire, pour supplier la bonté divine qu’il lui plaise de mettre l’âme de ce pauvre défunt dans son paradis. » ((Relation du R.P. Le Bel. In Alfred Franklin (1830-1917). Christine de Suède et l’assassinat de Monaldeschi au château de Fontainebleau, d’après trois relations contemporaines, page 187 sqq. Editions Emile Paul. Paris. 1912.))

6. A propos de la Christine à Fontainebleau de Frédéric Soulié et de la Christine, ou Stockholm, Fontainebleau, Rome d’Alexandre Dumas

Frédéric Soulié et Alexandre Dumas tirent du souvenir de l’assassinat de Monaldeschi à Fontainebleau deux pièces de théâtre semblablement écrites en cinq actes et en vers, mais assez différentes quant au fond.

6.1. A propos de la Christine à Fontainebleau de Frédéric Soulié

Comme indiqué par le titre de sa pièce, Frédéric Soulié limite le drame au seul temps qui est celui du séjour de la reine Christine à Fontainebleau. Il y a loin cependant des libertés que prend ici le drame romantique aux règles de la tragédie classique, telles qu’énoncées en 1674 par Boileau : Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli / Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli » ((Boileau, L’Art poétique, Chant III.)). Comme Marianne, fille de l’intendant de Christine, aime l’ambitieux Monaldeschi, qui, après l’avoir enlevée, la délaisse pour faire une cour intéressée à Christine et, puisque l’occasion fait le larron, pour lui voler ses diamants ; comme Christine, tout en se laissant courtiser par Monaldeschi, aime secrètement le jeune comte Suénon de la Gardie ; comme Sentinelli jalouse la faveur dont jouit Monaldeschi auprès de Marianne et de Christine et tente de la détourner à son avantage ; comme Landini, chimiste de Christine, travaille sur des cadavres volés et peut ainsi faire passer pour l’un d’entre eux ladite Marianne, surprise par Christine chez Monaldeschi ; etc. ; les lieux et les intrigues se multiplient jusqu’à l’invocation du diable dans une grotte et au déclenchement du tonnerre et de la foudre lorsque paraît dans cette grotte le père Le Bel. Le drame emprunte ici au roman frénétique.

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Ci-dessus : Frédéric Soulié. Christine à Fontainebleau. Acte IV, scène III. Illustration d’une édition bon marché, imprimée en 1839 à Paris chez la Veuve Dondey-Dupré.

Le personnage de Monaldeschi version Frédéric Soulié, même s’il peut à la fin faire pitié, n’a, en tant que héros, rien d’attachant. Celui de la reine Christine, non plus. Lorsqu’elle apprend que Suénon de la Gardie vient d’être assassiné, lequel en réalité, si l’on peut dire, n’est pas mort, elle fait tuer Manaldeschi, qu’elle croit, à tort, parce qu’inspirée là par Sentinelli, tenir en lui l’assassin de son amour. L’excès de sa violence demeure énigmatique. C’est là sans doute, concernant les deux personnages principaux, ce qui explique l’échec de la pièce.

Quelques beaux vers ouvrent cependant in fine sur le thème d’un remords dont on ne saura rien de plus, sinon qu’il empêchera Christine d’épouser Suénon de la Gardie, lequel au demeurant ne veut plus d’elle désormais, bien que Monaldeschi, dans un sursaut d’ironie macabre, lui désigne « son épouse et sa couche royale » en la personne de la reine criminelle :

CHRISTINE, MONALDESCHI mourant.
CHRISTINE.
Ah ! je n’aurais pas cru que l’on pût tant souffrir
Sans succomber… le lâche ! il tremblait de mourir.
Mourir c’est un instant de supplice… mais vivre,
C’est subir le remords armé pour nous poursuivre,
Armé de sang, de cris, de silence et de nuit,
Armé de peur enfin… tel… tel qu’il me poursuit.

(Elle marche en disant ces vers et touche le corps de Monaldeschi ; elle recule épouvantée…) » ((Frédéric Soulié. Christine à Fontainebleau. Acte V, scène 11.))

6.2. A propos de la Christine, ou Stockholm, Fontainebleau, Rome d’Alexandre Dumas

Alexandre Dumas compose, quant à lui, ce qu’il appelle une « trilogie dramatique sur la vie de Christine », élargissant ainsi lieu, temps et action dramatiques aux trois grandes périodes de l’histoire de Christine de Suède.

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Ci-dessus : Pierre Louis Dumesnil (1698-1781). Descartes à la cour de la reine Christine de Suède. De gauche à droite, autour de la table recouverte de velours cramoisi, Christine de Suède, le marquis de Monaldeschi, une belle inconnue, René Descartes.

Dans la pièce d’Alexandre Dumas, à Stockholm, en 1850, Paula aime Monaldeschi, qui est le favori de Christine et qui a pour rival Sentinelli auprès de celle-ci. Christine, au vrai, s’intéresse surtout à Descartes, avec qui elle entretient un commerce intellectuel soutenu. Quelque temps après, abandonnant le trône à son cousin Charles Gustave, elle décide de partir en voyage, entraînant à sa suite Monaldeschi et les autres.

A Fontainebleau, de 1654 à 1657, Christine entretient un nouveau commerce intellectuel avec Corneille, et autres écrivains ou savants. Regrettant toutefois son ancien trône, elle complote de le reprendre à Charles Gustave. Monaldeschi la trahit auprès de Charles Gustave. Sentinelli le dénonce à Christine. Paula sauve provisoirement Monaldeschi auprès de Christine. Mais Monaldeschi derechef trahit Paula. Informée de cette ultime trahison, Christine fait exécuter Monaldeschi par Sentinelli.

A Rome, le 20 avril 1689, Christine, malade, sent venir sa fin dans une chambre du palais de son ami, le cardinal Azzolino. Cependant qu’elle dédie à Dieu une lettre de confession, « dernier adieu au monde qui bientôt va devenir son juge » ((Alexandre Dumas. Christine, ou Stockholm, Fontainebleau, Rome. A Rome. Scène 1.)), on lui apprend que Charles Gustave est mourant et que la Suède réclame sa reine Christine. Les messagers du peuple suédois sont déjà là, portant le manteau royal, la couronne et le sceptre ((Scène 2.)). Christine réclame une heure de réflexion. Pendant ce temps, elle fait venir un vieillard dont les prières, depuis vingt ans, dit-on, « aux marches des autels ont usé les genoux. « Jamais ceint du cordon, revêtu de la haire, / Pénitent plus pieux, au pied du sanctuaire, / N’a, priant, incliné pour ses frères tremblans, / Touché le saint pavé de cheveux aussi blancs ! » ((Ibidem. Scène 3.))

« Est-il donc un forfait que Dieu dans sa colère / Exclut de son pardon ?… », demande Christine au vieillard. « Il en est un ! », lui répond le vieillard. « L’homicide ! » Christine tombant à genoux. « Pardon !… »

LE VIEILLARD.
A cette voix malgré moi j’ai pâli…
( Prenant la lampe et la regardant.)
Ah !… vous êtes Christine…
(Il laisse tomber la lampe. Obscurité.)
CHRISTINE.
Et vous ?
LE VIEILLARD.
Sentinelli !
Christine se dressant.
Arrière,… meurtrier !…
SENTINELLI.
Moi , meurtrier ! madame ?
Oh ! si vous descendiez dans le fond de votre âme,
Là vous entendriez la voix qui doit crier,
Qui de nous deux , ô reine ! est le vrai meurtrier.

Puis Sentinelli raconte à Christine comment, avoir fui en Italie, il est revenu en France. « Nul ne m’y reconnut, tant deux ans de souffrance / M’avaient changé…

J’allai droit à Fontainebleau
Et me dis étranger, voulant voir le château…
Mon guide froidement me raconta le crime,
Le nom de l’assassin ,… celui de la victime ;…
Je vis la galerie aux Cerfs,… le corridor,
Et le parquet, de sang humide et rouge encor.

« Et vous avez osé, sans craindre que ses voûtes… / Reconnaissant vos pas, ne s’écroulassent toutes / Sur vous… ? et d’un oeil sec vous avez pu souffrir< / Cet aspect ?", demande Christine. "J’espérais en mourir", répond Sentinelli. Et d'observer qu'il a fléchi sous le poids du remords, que les macérations n'y font rien, et qu'il a peur, la nuit. "C'est comme moi, murmure Christine, se rapprochant". Et de craindre tous deux que l'Autre vienne - "s'il vivait, il serait de notre âge" -, "que son ombre levant la pierre des tombeaux..." ((Ibid. Scène 4.))

Paula, qu’on croyait morte, paraît alors. Entrée en noviciat, elle vient assister Christine dans ses derniers moments et prier pour que « Dieu la reçoive ». « Peut-être… », souffle Christine, moribonde. Sur quoi, les messagers suédois entrent avec la cour de Rome. L’un met à Christine la couronne sur la tête et le sceptre dans sa main, l’autre jette sur elle le manteau royal, et un huissier crie au peuple : « Christine Alessandra, reine de Suède, est morte. » ((Ibid. Scène 6.))

Cet épilogue romain suscite en 1830 des critiques telles qu’Alexandre Dumas le retranchera de sa pièce par la suite. Il témoigne cependant d’une question qui hantera Alexandre Dumas jusque dans Vingt ans après (1845) ou Le Comte de Monte-Christo (1846), et, de façon plus générale, d’abord toute la génération romantique, puis toute la littérature du XIXe siècle. L’homicide, au regard de Dieu et des hommes, est-il un crime inexpiable ? Faut-il espérer pour lui quelque rédemption ?

7. Retour au tableau de Pierre Justin Ouvrié et à l’arrivée de la reine Christine en 1656 dans la Cour Ovale du château de Fontainebleau

J’en reviens maintenant au tableau de Pierre Justin Ouvrié représentant l’arrivée de Christine de Suède, en 1656, dans la Cour Ovale du château de Fontainebleau.

« De sinistres pensers je ne suis pas le maître », disait le Descartes d’Alexandre Dumas, arrivant à Stockholm auprès de la reine Christine ((Alexandre Dumas. Christine, ou Stockholm, Fontainebleau, Rome. Prologue. A Stockholm. Scène 1.)).

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Au musée des Augustins, le tableau de Pierre Justin Ouvrié, qui date de 1840, se trouve assorti d’un cartel sur lequel on peut lire le commentaire suivant : « Le séjour à Fontainebleau de la reine Christine après son abdication du trône de Suède est marqué par l’assassinat sur son ordre de son écuyer Monaldeschi. C’est pourquoi la vue architecturale et la représentation anecdotique de petites figures dans le vaste espace de la Cour Ovale étonnent en comparaison avec la légende noire de Christine transmise par la littérature et le cinéma. »

Se gardant des « sinistres pensées » invoquées par le Descartes d’Alexandre Dumas, Pierre Justin Ouvrié a choisi de remonter dans son tableau au temps, innocent encore, qui précède l’assassinat de Monaldeschi. Jouant là de l’effet d’ellipse, il laisse au spectateur du tableau le soin de ménager sur le mode de la prolepse solitaire le souvenir du crime qui s’est commis dans la galerie des Cerfs le 10 novembre 1657. Tel est en tout cas l’exercice auquel je me suis livrée ici. De la puissance de la peinture comme cosa mentale.