A propos de Maurice de Guérin et d’Antoine Fontanilhes

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Ci-dessus : portrait de Maurice de Guérin.

« Nous vivons trop peu en dedans, nous n’y vivons presque pas. Qu’est devenu cet oeil intérieur… ? » ((Le Cahier vert. Journal intime de Maurice de Guérin. page 17. Edition Georges Crès et Cie. Les Variétés littéraires. Paris. 1921.))

« Qu’est devenu cet oeil intérieur… ? » L’oeuvre de Maurice de Guérin suit toute entière d’une telle question. Celle-ci ne va pas chez lui, on s’en doute, sans difficulté d’exister. Comme nombre d’écrivains de la mouvance romantique, spécialement les romantiques allemands, Maurice de Guérin tient que le vrai chemin va vers l’intérieur. « C’est vers l’intérieur que va le chemin mystérieux », dit Novalis en 1798 déjà. « En nous, ou nulle part, sont l’éternité et ses mondes, l’avenir et le passé. Le monde extérieur est l’univers des ombres, qui projette ses ombres dans le royaume de la lumière. Si tout ce qui nous est intérieur nous apparaît aujourd’hui tellement obscur, solitaire et informe, combien en sera-t-il autrement quand cet obscurcissement sera derrière nous, et rejeté ce corps d’ombre ! Nous serons satisfaits de jouissances comme jamais, car notre esprit a souffert privation » ((Georg Philipp Friedrich von Hardenberg (1722-1801), dit Novalis. Grains de pollen (1798). Fragment 16.)).

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Ci-dessus : le château du Cayla dans les années 1900.

« Qu’est devenu cet oeil intérieur… ? » Hanté par cette question primordiale, Maurice de Guérin peinera durant tout le temps de sa courte vie à trouver et, plus encore, à se faire une place en ce monde.

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Ci-dessus : 4 août 1810. Andillac. Naissance de Georges Pierre Maurice de Guérin.

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Ci-dessus : 2 avril 1819. Gaillac. Décès de Victoire Jeanne Gertrude Fontanilhes, épouse de Jean Guillaume Joseph de Guérin, mère de Maurice de Guérin.

Né de Jean Guillaume Joseph de Guérin et de Victoire Jeanne Gertrude Fontanilhes le 4 août 1810 au château du Cayla (commune d’Andillac, près de Gaillac), dans le Tarn, Maurice de Guérin perd sa mère le 2 avril 1819. Eugénie de Guérin, sa très pieuse soeur aînée, lui servira de mère de substitution. D’abord attiré par la prêtrise, il rompt ensuite avec cette première vocation pour tenter de faire carrière dans le journalisme à Paris. Un moment compagnon de route de Lamennais, il rompt là encore avec ce dernier. Il se lie alors avec Barbey d’Aurevilly et s’essaie provisoirement à une vie plus joyeuse. Il écrit alors ses poèmes en prose, Le Centaure, La Bacchante, Glaucus. Déjà gravement malade d’une tuberculose ancienne, il épouse Caroline de Gervain le 15 novembre 1838 à Paris, et il meurt au Cayla le 19 juillet 1839. C’est George Sand qui initiera en 1840 la publication de ses poèmes en prose dans la Revue des deux mondes. Suivront plus tard, par le soin d’autres amis de ses années parisiennes, la publication du Cahier vert, son journal intime, puis celle de la correspondance croisée qu’il a entretenue avec sa soeur Eugénie, écrivain dans l’âme elle aussi, restée plus longtemps encore méconnue. Journal, lettres et poèmes de Maurice de Guérin sont accessibles sur Gallica. Les très belles lettres d’Eugénie de Guérin à son frère bien-aimé sont également accessibles ici.

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Ci-dessus : portrait et lettre d’Eugénie de Guérin. En fond, le château du Cayla.

Madame de Guérin, mère de Maurice et d’Eugénie de Guérin, s’appelait, de son nom de naissance, Victoire Jeanne Gertrude Fontanilhes. Ce nom de Fontanilhes parle à l’oreille de l’historiographe ariégeois, car nous savons par diverses archives que le grand négociant Antoine Fontanilhes a vécu à partir de 1786 aux Pujols ; que Charles Fontanilhes, son fils aîné, y a écrit son beau Manuel d’agriculture et de ménagerie ((Cf. Christine Belcikowski. Aux Pujols, Charles Fontanilhes, auteur d’un Manuel d’agriculture et de ménagerie en l’an II.)) avant d’être fusillé à l’âge de 26 ans, le 10 floréal an VI (29 avril 1798), pour activités contre-révolutionnaires ((Cf. Christine Belcikowski. Sur les chemins de Jean Dabail, d’autres « bandits royaux » – 2. Charles Fontanilhes.)) ; que Jean Marie Tarsac Fontanilhes, son fils cadet, a vécu lui aussi aux Pujols et que ses nombreux enfants y sont nés, dont Antoine Fontanilhes, Louise Fontanilhes et Alexis Fontanilhes, survivants.

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Ci-dessus : portail de l’ancienne maison Fontanilhes aux Pujols.

Antoine Fontanilhes, Fontanilhe, ou Fontanille, est un grand négociant, né le 4 novembre 1739 à Toulouse, lointainement descendant de Jean Fontanilhes dit Ditzac, notaire dans les années 1640 à Itzac dans le Tarn ; petit-fils d’Antoine Fontanilhes le vieux (1671-1749), né et mort à Campagnac dans le Tarn, juge de Campagnac et notaire d’Itzac ; fils de Jean Baptiste Fontanilhes, commissionnaire, né en 1714 à Campagnac, marié en 1739 à Toulouse, mort avant 1767 à Toulouse. Après avoir oeuvré à Toulouse et à Bordeaux ((Cf. Christine Belcikowski. Antoine Fontanilhes à la Bourse toulousaine des marchands.)), Antoine Fontanilhes le jeune se retire aux Pujols et y meurt le le 15 novembre 1820. ((Cf. Christine Belcikowski. L’ancienne maison de la famille Fontanilhes aux Pujols.))

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Victoire Jeanne Gertrude Fontanilhes, épouse de Jean Guillaume Joseph de Guérin, mère de Maurice et d’Eugénie de Guérin, est arrière-petite-fille d’Antoine Fontanilhes le vieux ((1671-1749), juge de Campagnac et notaire d’Itzac ; petite-fille de Jean Pierre Fontanilhes (1709-1744), avocat en parlement ; fille de Jean Antoine Fontanilhes (1738-?), bourgeois ; d’où cousine du Jean Marie Tarsac Fontanilhes des Pujols au troisième degré. Il s’en suit qu’Eugénie et Maurice de Guérin, ses enfants, sont, si l’on peut-dire, petite-nièce et petit-neveu au quatrième degré de notre Antoine Fontanilhes des Pujols !

Quand la facilité de plume propre à la famille Fontanilhes s’allie à la sensibilité exquise de la famille de Guérin, naissent en la personne de Maurice et d’Eugénie de Guérin deux écrivains magnifiques.

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Ci-dessus : le château du Cayla aujourd’hui. Celui-ci a été transformé en musée. Une exposition permanente s’y trouve dédiée à Maurice et à Eugénie de Guérin.