Depuis qu’Hélène
est partie à la nage
et depuis que la terre
a tremblé en Egypte,
il n’y plus d’amour,
il n’y a plus d’aurore,
Memnon ne chante plus.
Baedeker sous le bras,
l’empereur Septime Sévère
est venu en touriste
au pays des hommes noirs,
et il l’a constaté :
Memnon ne chante plus.
Le Baedeker dit qu’au soleil levant,
les yeux de Memnon s’allument,
que sa bouche s’ouvre,
et qu’il en sort un chant
beau à pleurer,
tandis que quelque part,
dans l’intimité de la pierre,
— prêtez l’oreille
à ce petit bruit sec —
son corps craque.
Audi Memnonem,
j’ai entendu Memnon,
disaient déjà Platon
et autres voyageurs illustres
qui ont visité l’Egypte,
Baedeker sous le bras, eux aussi,
et vu, avant qu’il ne s’écroule,
le temple des millions d’années.
Audi Memnonem…
A quoi sert de s’en souvenir
maintenant qu’Hélène
est partie à la nage,
que les gens de Memnon
ont été transformés en oiseaux,
et que le corbeau, jadis blanc,
est devenu un jour noir de suie,
noir de nuit ?