Ci-dessus : groupe d’écoliers questionnant les « post-photos » de Nicolas Baudouin.
L’association Mille Tiroirs, qui vient d’être reconnue d’utilité publique, propose actuellement à Pamiers, salle Espalioux, une exposition intitulée Métamorphoses de la photographie. L’exposition donne à voir quelques unes des métamorphoses que connaît aujourd’hui la photographie, en vertu du métissage que celle-ci développe avec d’autres images et d’autres techniques, infographie, vidéo, en l’occurrence celles du numérique. L’exposition présente à cette fin un choix de travaux empruntés respectivement à Nicolas Baudoin, Matthieu Fappani, et Karine Labrunie.
La photo ou plutôt la « post-photo » reproduite ci-dessus est signée Nicolas Baudoin. Je parle ici de « post-photo », parce que l’artiste, qui n’use en l’occurrence d’aucun appareil photo, se réclame de la « post-photographie », ou de la photographie a posteriori. Semblablement au photographe du XIXe siècle, Nicolas Baudouin s’applique à sélectionner et à cadrer dans l’indifférente diversité du monde quelque chose qu’il désigne ainsi à notre attention. A ce titre, il est, lui aussi, photographe. Mais, tandis que dans un monde encore jamais photographié, les premiers photographes se préoccupaient exclusivement d’images à faire, Nicolas Baudoin, dans un monde hyper- ou sur-photographié, se propose de questionner, de façon poétique et politique à la fois, l’insignifiance menaçante des images déjà faites, plus particulièrement des images « googelisées ». Prolongeant ainsi la démarche d’Andy Warhol et du Pop Art, il assigne à la sélection et à la confrontation de telles images dont la prolifération aujourd’hui nous accable au point que notre regard glisse généralement sur elles sans les voir, fonction de reconduire les dites images à leur pouvoir de signal. De façon à la fois iconoclaste et iconodule, il renouvelle en l’appliquant aux images numériques l’esthétique plus ancienne du remploi.
N.B. : La flèche et le signe cunéiforme n’appartiennent pas à la photo. Elles lui sont ajoutés par l’éclairage de la salle. J’aime ce métissage-là aussi.
Ci-dessus : strip signé Nicolas Baudouin.
Ci-dessus : autre strip signé Nicolas Baudouin.
Ci-dessus : à gauche, strip signé Nicolas Baudouin ; à droite, portraits signés Matthieu Fappani.
Ci-dessus : portrait signé Matthieu Fappani.
Matthieu Fappani, qui s’attache à revisiter les maîtres du portrait, use des outils du numérique à fin de déconstruction. Empruntant à l’histoire de l’art des portraits de facture classique, il impose à ces portraits, par toutes sortes de traitements violents sous Photoshop, – froissements, torsions, fragmentations, collages, fusions, etc. -, de grotesques ou d’inquiétantes transformations, faisant ainsi paraître le possible du monstre sous le vernis du personnage bien policé. On songe, dans l’ordre de la peinture pure, à l’oeuvre de Francis Bacon. Matthieu Fappani dit de son oeuvre propre qu’elle tend à installer « une sorte d’égalité entre le regardant et le regardé tout en privilégiant l’effet miroir du portrait » 1Matthieu Fappani/Textes. Outre Francis Bacon, il invoque dans ses « filiations imaginaires » Salvador Dali pour « l’effervescence » et Maurits Cornelis Escher pour « la déformation, la géométrie du dessin, les images improbables » 2Ibidem..
Ci-dessus : portrait signé Matthieu Fappani.
Ci-dessus : portrait signé Matthieu Fappani.
Ci-dessus : portrait signé Matthieu Fappani.
Ci-dessus : portrait signé Matthieu Fappani.
Ci-dessus : portrait signé Matthieu Fappani.
Ci-dessus : vidéo-portrait signé Matthieu Fappani.
Conçue par Karine Labrunie, l’installation photographiée ci-dessus donne à voir trois séries de photos qui défilent en parallèle sur leur écran respectif, mais de façon non synchrone. Ce dispositif, au fur et à mesure que les photos s’affichent, donne à voir par effet de rapprochement aléatoire des correspondances subtiles entre les différents clichés. Il s’agit de vieilles photos de famille héritées de l’enfance libanaise de Karine Labrunie.
Egalement conçue par Karine Labrunie, cette autre installation donne à voir des images en noir et blanc qui apparaissent dans des cadres vides lorsque l’on foule du pied un carré de pavés blancs qui tranche sur la moquette brune de la salle. Ces images ensuite se colorent, puis s’animent, enfin parlent et se racontent, sur un fond de bruits, difficiles à identifier, qui confèrent au message un caractère par instant brouillé. Il s’agit encore une fois d’images qui reconduisent à la mémoire libanaise de l’artiste. L’effet de magie lumineuse, à la Méliès, prime d’abord. Puis le sentiment de la profondeur du temps et celui de la perte d’un bonheur qui ne reviendra plus l’emportent sur la curiosité technique de l’installation.
Karine Labrunie expose enfin un ensemble de photos prises par ses soins et présentées en tant que telles, sans le support d’aucune installation, « à l’ancienne ». Ces photos rayonnent d’amour et de nostalgie.
Le commentaire ici n’est pas de saison. Amour et nostalgie, ainsi rendus, se passent de mots.
L’exposition Métamorphoses de la photographie dure jusqu’au 6 avril.
A voir à Pamiers, salle Espalioux, rue Jules Amouroux.
Mardi, mercredi vendredi, de 14h à 18h ; samedi, de 10h30 à 13h. Entrée libre.
Pour en savoir plus :
Nicolas Baudoin
Matthieu Fappani
Karine Labrunie
Association Mille Tiroirs
La Dépêche : Pamiers. L’image se métamorphose salle Espalioux
Ariegenews : Exposition Mille Tiroirs à Pamiers : les métamorphoses de la photographie
Notes