Ci-dessus : Grandes gens, ou The Grand monark discovered in a pot de chambre or the royal fugitives turning tail, estampe gravée par Thomas Rowlandson (1756-1827), publiée par S.W. Fores, London, 1791.
PETITES GENS
Embarqué dans un pot de chambre 1Inutile de préciser que le mot « pot de chambre » désigne en la circonstance à la fois l’ustensile bien connu et la voiture de louage ou encore le coche d’eau du même nom, ainsi qualifiés tous deux en raison de leur inconfort. Heine se souvient ici des Contes de Voltaire : L’Ingénu débarque en pot de chambre dans la cour des cuisines [de Versailles]… En 1833, dans Les cochers de Paris, in Paris ou le livre des cent-et-un, tome XI, Nicolas Brazier donne du pot de chambre terrestre la description suivante : Quand vous prenez un pot-de-chambre […], le cocher, qui n’a point de gages, place, à douze sols par tête, quatre personnes, deux sur le devant et deux sur le derrière ; ceux qui sont sur le devant se nomment lapins, et ceux qui sont sur le derrière, singes., et paré comme pour une noce, il descendit le Rhin ; et lorsqu’il arriva à Berg-op-Zoom, il dit : « Charmante demoiselle, veux-tu m’épouser ?
« Je te conduirai, ô ma bien-aimée, dans mon château. Les murs de la chambre nuptiale sont lambrissés de copeaux, et le toit de ma résidence est couvert de paille hachée.
« Là, tout est gentil, mignon et propret ; tu y vivras comme une reine ! Une coquille de noix forme le lit, et les draps sont tissés des plus fines toiles d’araignées.
« Nous mangerons tous les jours des oeufs de fourmi frits dans du beurre, ou bien une mouche bouillie ; c’est une excellente volaille.
« Chaque dimanche, nous mettrons un puceron à la broche ; c’est un gibier qui ne manque pas dans mes domaines.
« Madame ma mère fait la cuisine ; elle a un cordon bleu. A sa mort, elle me lèguera trente-trois de ces pets de nonne, qui ont un goût si délicat.
« J’ai du lard et du fromage ; j’ai dans ma cave six dés pleins de vin du meilleur crû ; puis, dans mon jardin, pousse un oignon gros comme un navet : tu seras vraiment heureuse ! »
Ainsi il s’épuisait en promesses séduisantes et en vives instances. La fiancée se lamentait : « Ah ! mon Dieu ! mon Dieu ! » Elle pleurait, elle était triste à mort, – mais à la fin elle descendit dans le pot.
Sont-ce des chrétiens ou des souris, les héros de cette chanson ? Je ne m’en souviens plus. C’était à une Kirmesse dans le pays de Bevern, que j’entendis beugler ces rimes burlesques par un vieux racleur de violon. Depuis, il s’est écoulé bien plus de trente ans.
Christian Johann Heinrich Heine, ou Henri Heine (1797, Düsseldorf-1856, Paris), Petites gens, in Romancero, Oeuvres complètes, volume 8, Poèmes et légendes, traduction anonyme, pp. 295-296, Edition Michel Lévy Frères, Paris, 1857.
Notes