Il suffit de pousser la porte…

 

Quand l’aestus, l’été brûlant, déploie son règne sur la ville, quand la touffeur s’installe jusque sous l’ombrage des jardins, où aller avec un enfant petit auquel on donne la main, où trouver l’asile de fraîcheur désiré ?

Assise d’abord sous les arbres du Grand Rond, l’enfant a couru vers le bassin au centre duquel fuse la colonne mobile du grand jet d’eau. Hélas, un large parterre de fleurs se trouve planté là tout exprès, au bord du bassin, pour empêcher l’accès à la margelle et à l’eau. Stop ! On n’entre pas là dans le pied de l’arc-en-ciel, non plus que dans la fraîcheur du brouillard de gouttelettes qui danse autour du jet d’eau ! Dommage. Depuis quand le jet d’eau, l’été, dans une ville du Midi, n’a-t-il plus pour fonction de dispenser aux passants sa pétillante fraîcheur ?

Les jets d’eau montent et descendent comme nos pensées. Regardez, dit Berkeley à la fin des Dialogues entre Hylas et Philonoüs, l’eau qui jaillit du jet que voilà. Elle s’élève en colonne jusqu’à une certaine hauteur, où elle se brise ensuite pour retomber dans le bassin d’où elle était d’abord partie ; et son élévation ainsi que sa chute proviennent l’une et l’autre du même principe, ou de la même loi uniforme de la gravitation. C’est ce qui nous est arrivé dans le sujet que nous venons de discuter. Les mêmes principes qui du premier coup d’oeil paraissaient nous conduire au Scepticisme, nous ont ramenés, après que nous les avons eu suivis jusqu’à un certain point, aux notions ordinaires, que suggère le simple bon sens 1Georges Berkeley, Dialogues entre Hylas et Philonoüs, 1713.. La pensée m’est venue, au regard du jet d’eau du Grand Rond, qu’il valait mieux pour nous quêter le refuge des églises. Le havre de fraîcheur espéré, nous l’avons trouvé en effet non loin de là, sous les voûtes de la cathédrale Saint Etienne. D’autres que nous avaient eu la même idée. Assises de loin en loin parmi les rangées de bancs, quelques personnes lisaient ; d’autres se reposaient. D’autres personne encore déambulaient en silence, profitant de l’heure lente pour scruter le grand retable de Gervais Drouet, les grands tableaux suspendus en altitude, les tapisseries, les boiseries, les autels, les marbres, les ors… L’enfant a lâché ma main : attentive à l’écho de son petit pied qu’elle faisait sonner sur les dalles, elle marchait émerveillée dans la couleur des vitraux. J’aime qu’au XXIe siècle toujours, dans la jungle des villes, les églises servent ainsi de refuges aux enfants. De refuges aux enfants petits ou grands. De modernes templa serena.

 

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