Mirepoix messidor an II – La sacristie de la cathédrale devient magasin à avoine

 

Ci-dessus : plan de la cathédrale de Mirepoix, compoix de 1766.

 

Ci-dessus, de gauche à droite : vue de la cathédrale de Mirepoix, non datée, XIXe siècle ; autre vue datée de 1838.

Le 2 et 3 messidor an II (20 et 21 juin 1794), conformément aux derniers arrêtés promulgués par le comité de salut public pour fournir aux besoins de l’armée révolutionnaire, la municipalité de Mirepoix et l’agent national Lassier ordonnent « la réquisition des bétails pour le transport du salpêtre », « la remise au district du linge provenant des églises », « le versement total des avoines, orges et sons, qui se trouvent chez les divers particuliers », dans le magasin militaire du district, i. e. dans la sacristie de la cathédrale, vouée désormais à cette nouvelle révolutionnaire fonction.

 

Le conseil municipal, considérant qu’il importe au bien public que l’exécution du dit arrêté soit effectuée le plus promptement possible, arrête l’agent national, entendu qu’il sera nommé du dit commissaire pris dans son sein, à l’effet de se transporter dans la sacristie de l’église paroissiale de cette cité, à l’effet de sortir les galons en or et argent des divers ornements qui s’y trouvent et de faire porter tous les dits ornements ainsi que tout le linge qui se trouve renfermé dans le même endroit, à l’administration du district, d’après un état que le commissaire qui sera nommé en aura dressé, comme aussi de faire peser tous les galons qu’il remettra au district, et s’en faire délivrer un récépissé, auquel effet le conseil municipal a nommé pour commissaire les citoyens Bauzil et Rigail officiers municipaux ; et pour l’exécution de sûreté du 28 prairial, le conseil a nommé pour commissaires les citoyens Loze et Clauzel, officiers municipaux, lesquels se transporteront sans délai chez tous les particuliers, ils mettront en réquisition tout l’orge et avoine qui se trouvent être en leur pouvoir, ils en ordonneront le versement dans le magasin militaire de ce district qui leur en paiera le montant au prix du maximum, ils ordonneront à tous les boulangers de verser dans le dit magasin tout le son au fur et à mesure qu’ils fabriqueront. 1Mirepoix, Archives municipales, D201.

Pour la commodité du magasinage, les autorités font ouvrir, côté sud, dans le mur de la cathédrale un accès plus commode à la sacristie. Les pierres, une fois enlevées, demeurent entassées aux abords de la cathédrale.

Le 20 pluviôse an III (8 février 1795), soit huit mois plus tard, la municipalité décide de procéder à la vente des dites pierres.

 

Aujourd’hui 20 pluviôse… sur le rapport fait à la Municipalité que la pierre provenant de la démolition de l’ouverture faite au temple dans sa partie qui a été destinée à servir de magasin pour enfermer la paille requise pour le service des armées était exposée à être enlevée, La Municipalité considérant qu’il est urgent de prévenir l’enlèvement et la soustraction qui pourrait être faite nuitamment…, il a été délibéré que la vente sera faite par adjudication au plus offrant et dernier enchérisseur après avoir préalablement fait avertir publiquement et à son de trompe que la vente en sera faite à la Municipalité… 2Ibidem.

Trois personnes concourent ce jour-là aux enchères, les citoyens François Pons Devèze, Pierre Pons, et la citoyenne Jammy.

La citoyenne Jammy fait l’offre de trente livres, le citoyen Pierre Pons a couvert la dite offre par celle de quarante livres et successivement ayant été fait de plus fortes offres par le citoyen Devèze et la citoyenne Jammy, cette dernière est restée adjudicataire de la dite pierre pour le prix de soixante onze livres, dernière offre qui après plusieurs xxx, n’a été couverte par aucun enchérisseur, laquelle somme a été présentement comptée en notre présence entre les mains du citoyen Autié, garde magasin militaire de cette place, pour être employée par le dit Autié aux dépenses à faire à l’ouverture et fermeture de la porte du temple de la raison servant de magasin militaire de fourrage. 3Ibid.

De magasin à fourrage, son, avoine, la cathédrale de Mirepoix est par la suite redevenue église. L’accès direct à la sacristie se trouve plus tard refermé. L’effraction révolutionnaire aura été finalement moins dommageable à la cathédrale que les délires néo-gothiques du chanoine Barbe, qui initie à la fin du XIXe siècle, la transformation de l’édifice, et la défiguration qui s’en suit, de façon hélas définitive, dans le style de Viollet-Le-Duc. La municipalité révolutionnaire est responsable de la destruction du jubé. Mais le chanoine Barbe est responsable, quant à lui, du déplacement des murs, de la mutilation d’un angle de l’évêché, de la suppression du cloître, de la rectification orthopédique de la façade sud, et finalement de la trahison du plan d’ensemble. Sic transit…

 

Ci-dessus : vue de la cathédrale dans les années 1900.

 

Ci-dessus : vue de la cathédrale dans les années 1920.

 

Ci-dessus, de gauche à droite : vue de la cathédrale dans les années 1950, puis dans les années 1960.

 

Ci-dessus, de gauche à droite : côté sud, vue de la cathédrale aujourd’hui ; vue de la porte Renaissance remontée ici dans les années 1960, installée initialement quelque part à l’intérieur de la cathédrale. On remarque que cette porte Renaissance s’inscrit dans l’orbe d’une porte plus ancienne, ménagée à cet endroit à une date qu’on ignore. Peut-être s’agit-il ici du palimpseste de la porte ouverte en l’an II par la municipalité révolutionnaire afin de faciliter l’accès à la sacristie transformée en magasin à fourrage ?

Notes[+]

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